Différences entre les versions de « Egile, eben »

De Arbres
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|||colspan="15" | 'Les trois sœurs ont reçu autant l'une que l'autre.'
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Version du 27 janvier 2023 à 01:01

Les pronoms indéfinis eil, egile, eben correspondent au couple de pronoms 'un(e)/autre' en français ('l'une et l'autre', 'les uns pour les autres', 'l'une pour l'autre', etc.).


(1) An eil nebeud a font en egile.
le second peu R fond en autre.M
litt. 'Chaque petit peu se fond dans l'autre.'
'Les petits ruisseaux font les grandes rivières.'
Trégorrois, Gros (1984:262)


(2) Mé am euz gwéled ann eil hag ébén.
moi R ai v.u le second et autre.F
'J'ai vu l'une et l'autre.'
Trégorrois, (Hingant 1868:§72).


Morphologie

La carte 178 de l'ALBB documente la variation dialectale de egile, pour la traduction de 'L'un rit, l'autre pleure'. La carte 179 de l'ALBB documente la variation dialectale de eben, pour la traduction de 'L'une rit, l'autre pleure'.

Globalement, egile est utilisé au masculin, eben au féminin, et une stratégie non-genrée est répandue en vannetais (an arall).


genre

L'alternance egile / eben est genrée:

au masculin an eil … egile (litt. 'le second … l'un') et
au féminin an eil … eben (litt. 'le second … l'une')


(3) … ur pennadig kentoc'h, e oa bet sammet eben gant ar mor.
un temps.DIM avant.plus R était été charg.é autre.♀ avec le mer
'...un moment plus tôt, l'autre avait pris la mer.' (ar vagig, nom féminin)
Pleyben, Ar Gow (2005:21)


variation dialectale

La carte 179 de l'ALBB, confirmée par Favereau (1997:137), montre en vannetais une perte de la distinction genrée au profit de la forme du masculin egile, ou an arall.

accentuation

Eben est accentué sur la dernière syllabe.

(4) /i'be:n/ , Plozévet, Goyat (2012:124)


nombre

(5) maouezed peuzziwiskoc'h an eil re eget ar re all.
femme.s presque.dés.habillé.plus le second ceux que le ceux autre
'des femmes presque plus dénudées les unes que les autres.'
Standard, Drezen (1990:12)


Syntaxe

en usage isolé

Les pronoms indéfinis eil, egile, eben peuvent être utilisés seuls. Ils peuvent être modifiés par l'adjectif indéfini all, 'autre'.

 Trépos (2001:§317) cite:
 an eil: 'l'un, l'une' (à l'origine 'l'autre' comme an all)
 egile, egile all: 'l'autre (masc.) 
 eben, eben all: 'l'autre (fém.)


tournures réciproques

Eil, egile, eben sont utilisés en duo dans les tournures réciproques, d'une façon similaire à 'l'un l'autre', 'l'une à l'autre' en français.


Ils apparaissent aussi en duo autour des conjonctions comme ha(g), 'et'; na… na, 'ni… ni', et pe:

 Trépos (2001:§317) cite:
 an eil hag egile: 'l'un et l'autre'; an eil hag eben: 'l'une et l'autre'
 an eil hag ar re all: 'les uns (les unes) et les autres'
 nag an eil nag egile: 'ni l'un ni l'autre'
 an eil pe egile, an eil pe eben: 'l'un (l'une) ou l'autre', etc.


Dans les structures de comparaison, le groupe an eil hag egile peut apparaître de façon redondante.


(6) ['kɛjd ɛ ãn 'dow ˌen ãn 'ɛil aɡ i'ɡi:le ]
Keid eo an daou hent an eil hag egile.
autant.long est le deux route le second et autre.M
'Les deux routes ont la même longueur.'
Plozévet, Goyat (2012:196)


(7) [ 'kemɛn nøz ˌbed ãn tɛ'jɛr xwar ãn ˌɛjl aɡ i'be:n ]
Kement 'neus bet an teir c'hoar an eil hag eben.
autant a eu le trois sœur le second et autre.F
'Les trois sœurs ont reçu autant l'une que l'autre.'
Plozévet, Goyat (2012:197)

hemañ, egile 'le premier, l'autre'

Dans le contexte de (8), le locuteur vient de dire Reun Kergomar hag an Tremblai a zo erru, ce qui a installé deux référents humains animés hommes assez haut dans la structure informationnelle, comme topiques. Dans la phrase qui suit immédiatement, le pronom hemañ réfère au premier homme cité et egile réfère au second.


(8) Mar deo hemañ treut e vrezhoneg, egile a zo deus ar vro...
si est celui-ci maigre son1 breton autre.M R est de le 1pays
'Si le premier ne comprend pas bien le breton, l'autre est du pays… '
Léonard, Abeozen (1942:365)

Diachronie

egile

Il s'agit au masculin d'une grammaticalisation de e gile, littéralement 'son compagnon' (Favereau 1997:137).

Matasovic (2009) propose une racine proto-celtique en *kēlyo-, kilio- 'compagnon', ayant donné le vieil irlandais céile [io m], le moyen gallois cilit, kilid 'compagnon, autre', le moyen breton e-gile, le cornique y-gyla, e-gele.

En moyen breton du XV°, le Catholicon donne anneil heguile, traduit par le moyen français lung et l'aultre et le latin alter uter.


eben

Matasovic (2009) propose pour le moyen breton e-ben, 'autre', litt. 'sa femme' une racine protoindo-européenne en *gwenh2, 'femme', et proto-celtique en *benā, bena, 'femme', ayant donné le vieil irlandais [n], ben [f], mná [Gén s], le vieux gallois ben [f], le gaulois bnanom [Gén pl]. En breton moderne, on reconnaît benel, adj., 'féminin'.

Les mots apparentés sont le sanskrit jáni, gnā́, le grec gynḗ, le vieil anglais cwen, O.Pr genno, Tocharien B śana, slave ancien žena.


structure réciproque

La structure réciproque semble attestée assez tôt. Fleuriot (1997:39-41) discute de la traduction de l'expression mab i kiled, map eguile, "filius alterius", "fils de son compagnon, fils de l'autre", dans le Cartulaire de Quimperlé daté entre 1081 et 1114.


Bibliographie

  • Fleuriot, L. 1997. 'Notes lexicographiques et philologiques (langues celtiques), rééd. d'articles parus dans les Études Celtiques avec un index général établi par Gwennole Le Menn', Skol:39-41.