Différences entre les versions de « Trugarez »
Ligne 59 : | Ligne 59 : | ||
== Diachronie et horizons comparatifs == | == Diachronie et horizons comparatifs == | ||
La forme /- | La forme ''trugarez'' est un dérivé nominal qui est devenu opaque en breton moderne (''tru''+''gar'' /pitié-aime/, 'miséricorde'). La racine du verbe ''[[karout]]'' 'aimer' a subi une [[lénition]]. L'objet patient de ce verbe le précède, mais sous une forme qui n'existe plus en breton moderne où la forme simple ''tru'' a disparu, au profit de ''[[truez]]'' 'pitié'. | ||
[[Deshayes (2003)|Deshayes (2003]]:'tru') propose un celtique commun ''[[*]] tro(u)go-'', donnant le gaulois ''trougo-'' 'malheureux' le vieil irlandais ''trùag'' 'malheureux', le gallois ''tru'' 'misérable, malheureux, pitoyable', le cornique ''tru'' 'hélas' et ''truan'' 'misérable, pauvre, malheureux'. En [[vieux breton]], [[Evans & Fleuriot (1985)]] relèvent ''tru'' et ''trued'', qu'ils traduisent par 'pitié, humanité'. [[Deshayes (2003)]] donne la forme de [[vieux breton]] ''truu'' (v.1050). [[Deshayes (2003)]] relève au début du XVI° ''tru'', réalisant le nom 'hère' et l'adjectif 'misérable'. | Cette forme ''tru'' est largement attestée depuis le [[vieux breton]]. [[Deshayes (2003)|Deshayes (2003]]:'tru') propose un celtique commun ''[[*]] tro(u)go-'', donnant le gaulois ''trougo-'' 'malheureux' le vieil irlandais ''trùag'' 'malheureux', le gallois ''tru'' 'misérable, malheureux, pitoyable', le cornique ''tru'' 'hélas' et ''truan'' 'misérable, pauvre, malheureux'. En [[vieux breton]], [[Evans & Fleuriot (1985)]] relèvent ''tru'' et ''trued'', qu'ils traduisent par 'pitié, humanité'. [[Deshayes (2003)]] donne la forme de [[vieux breton]] ''truu'' (v.1050). [[Deshayes (2003)]] relève au début du XVI° ''tru'', réalisant le nom 'hère' et l'adjectif 'misérable'. | ||
Le nom dérivé ''trugar, [[trugarez]]'' est attesté depuis le ''[[Catholicon]]'' de 1499. Il a des correspondants dans les autres langues celtiques: le cornique ''tregereth'' 'compassion, pitié, sympathie', le gallois ''trugaredd'' 'merci' et l'irlandais ''tròcaire'' 'merci, clémence, compassion' ([[Deshayes (2003)|Deshayes 2003]]:'trugar'). | |||
Version du 7 janvier 2021 à 13:29
Trugarez a un usage d'interjection proche du français merci, parole performative du remerciement. C'est aussi un nom qui dénote la 'pitié' (comme en français archaïsant dans demander merci).
(1) | N'am euz | foeltr tamm | ezom dimeuz | e drugarez. | ||||||||
ne1'1SG a | foutre morceau | besoin de | son1 merci | |||||||||
'Je n'ai pas le moindre besoin de sa pitié.' | ||||||||||||
Haute-Cornouaille | (Kergrist-Moëlou), | Le Garrec (1901:57) |
Morphologie
composition
On retrouve trugarez dans la préposition complexe a-drugarez 'grâce à'.
(2) | Diwar hiziv | e vo peoc’h, | en ti-mañ | pelloc’h, | a drugarez Doue. | |||||
à.partir.de aujourd'hui | R4 sera paix | dans.le maison-ci | finalement | de1 merci Dieu | ||||||
'A partir d'aujourd'hui, grâce à Dieu, cette maison vivra finalement en paix.' | ||||||||||
Perrot (1943:48) |
dérivation
Kervella (1947:§880) donne les adjectifs trugarezus et son opposé didrugar 'sans pitié'.
Le verbe 'remercier' se forme avec le suffixe -aat, avec un K épenthétique.
(3) | ...èl a pa vennahe | ma zrugarekaat | e'it ar pezh | am eus graet eviti [...]. | ||||||
...comme C C1 voulait | me2 re.merci.er | pour le ce.que | R.1SG a fait pour.elle | |||||||
'...comme si elle voulait me remercier de ce que j'ai fait pour elle [...].' | ||||||||||
Vannetais, Herrieu (1994:56) |
accentuation
Dans les dialectes KLT, l'accentuation est sur l'avant-dernière syllabe, /tryGAre/.
Une syllabe accentuée est normalement préservée de l'érosion morphologique. Une abréviation est pourtant apparue fin XX° chez de jeunes bilingues, Trug' !, qui ne garde que la première syllabe. Il s'agit du résultat d'une apocope; une opération de troncage des finales à la française, comme dans ciné pour cinéma(tographe) ou amphi pour amphithéâtre.
Diachronie et horizons comparatifs
La forme trugarez est un dérivé nominal qui est devenu opaque en breton moderne (tru+gar /pitié-aime/, 'miséricorde'). La racine du verbe karout 'aimer' a subi une lénition. L'objet patient de ce verbe le précède, mais sous une forme qui n'existe plus en breton moderne où la forme simple tru a disparu, au profit de truez 'pitié'.
Cette forme tru est largement attestée depuis le vieux breton. Deshayes (2003:'tru') propose un celtique commun * tro(u)go-, donnant le gaulois trougo- 'malheureux' le vieil irlandais trùag 'malheureux', le gallois tru 'misérable, malheureux, pitoyable', le cornique tru 'hélas' et truan 'misérable, pauvre, malheureux'. En vieux breton, Evans & Fleuriot (1985) relèvent tru et trued, qu'ils traduisent par 'pitié, humanité'. Deshayes (2003) donne la forme de vieux breton truu (v.1050). Deshayes (2003) relève au début du XVI° tru, réalisant le nom 'hère' et l'adjectif 'misérable'.
Le nom dérivé trugar, trugarez est attesté depuis le Catholicon de 1499. Il a des correspondants dans les autres langues celtiques: le cornique tregereth 'compassion, pitié, sympathie', le gallois trugaredd 'merci' et l'irlandais tròcaire 'merci, clémence, compassion' (Deshayes 2003:'trugar').