Différences entre les versions de « De-, di-, dis- »
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Version du 2 septembre 2019 à 10:39
Le morphème de-, di- ou dis- préfixe les noms, les adjectifs ou les verbes et marque un rapprochement ou, de façon plus vague, un mouvement. Ce morphème semble aussi se trouver dans des composés sans notion de mouvement aucune.
Ce morphème de- ou di- est à différencier du morphème privatif ou d'opposition di-, dis-, dont la sémantique est plus facile à cerner.
(1) | /e-dijaro:k | t-ənti / | ||||
e-diaraok | d'an ti | |||||
à-pfx.avant | de-le.maison | |||||
'devant la maison.' | Groix, Ternes (1970:319) |
Chalm (2008:w-217) donne: deredek 'accourir', degas 'apporter', degouezhout 'arriver', denesaat 'approcher', dezougen 'rapprocher en transportant'.
Morphologie
accentuation
Kervella (1947:§880) note que le préfixe de- ou di- n'est pas accentué. Il reconnaît donc ce préfixe dans les bisyllabiques du KLT accentués sur la seconde syllabe.
allomorphes
Sémantiquement, c'est ce même morphème que l'on trouve en initiale de distreiñ 'revenir' sur treiñ 'tourner'.
variation dialectale
La variation entre allomorphes est aussi dialectale. Le morphème de- est prononcé di- en dehors du vannetais en breton moderne (Kervella 1947:§880, Gros 1984:374), et dans certains mots comme:
(1) diabarzh, diavaez, diaraog, diadreñv, diabell, diamen, diagent, diadraoñv, diwarlerc'h, dindan
Selon le trégorrois Gros (1984:374), l'allomorphe de- marque la langue littéraire dans les mots degas (digas), degemenn (digemenn), degouezoud (digouezoud), deredeg (diredeg), etc…
mutations
Chalm (2008:w-217) signale que de- provoque une lénition sur sa racine. On trouve cependant des exceptions.
(1) | Goude e vezont | bloñset | ha | dibloñset tout | evel-just. | |||||
après R sont | tapé | et | dé-tapé tout | bien.sur | ||||||
'Après, ils sont meurtris bien sûr.' | Léon, Mellouet & Pennec (2004:152). |
composition interne
Selon Kervella (1947:§880), le morphème de- est un composé dans les préfixes:
Syntaxe
base nominale
Kervella (1947:§880) donne aussi, devant un nom penn, dibenn et lost, dilost.
base adjectivale
(1) | /ar vi'ɡa:le ma | zo n ˌdivɛr 'bye/ | |||||
Ar vugale-mañ | zo eun diverr buhez. | ||||||
le 1enfants-ci | est un pfx1.court vie | ||||||
'Ces enfants sont « tuants ».' (Ils vous abrègent la vie) | Plozévet, Goyat (2012:278) |
base verbale
sélection de l'auxiliaire
Les verbes de mouvement prennent normalement l'auxiliaire kaout, 'avoir', cependant, les dérivés de verbes de mouvements par préfixe, comme deredek, dilammat, dinijal sélectionnent l'auxiliaire bezañ, 'être' Kervella (1995:§213).
(1) | adal m’en deus | klevet | ar c’heloù, | ez eo deredet. | Cornillet (2008:237) | |
depuis que4'3SGM a | entendu | le 5nouvelles | R+C,4 est encourru | |||
'Il s'est enfuit dès qu'il a entendu la nouvelle.' |
Sémantique
avec la notion de mouvement
Selon Gros (1984:374), di- marque un "mouvement vers, un rapprochement". Helias (1986:14) donne la paire minimale degas 'apporter' sur kas 'envoyer'. Le morphème de- devant un verbe marque un mouvement de rapprochement. Effectivement, on ne peut pas forcer la lecture d'accompagnement avec le verbe kas 'envoyer' (1).
(1) | Degaset meus | ma gasketenn | ganin. | |||
* | Kaset meus | ma gasketenn | ganin. | |||
envoyé/amené ai | est2 casquette | avec.moi | ||||
'J'ai emmené ma casquette.' | Plogoneg, kontañ kaoz (12/2017) |
(2) | kas, degas | / | dougen, dezougen | |||
kemer, degemer | / | tarzhañ, dedarzhañ | ||||
gorren, diorren | / | berañ, deverañ | ||||
tostaat, dedostaat | / | nesaat, denesaat | ||||
ren, deren | / | tennañ, dedennañ | ||||
sevel, desevel | / | kemenn, degemenn | ||||
azezañ, diazezañ | / | redek, deredek | Standard, Kervella (1947:§880) |
Selon Kervella (1947:§880), c'est vers le locuteur que le rapprochement exprimé est orienté. Cependant, dans Dedennet eo gant an destenn 'Elle est attirée par le texte', le rapprochement n'est pas en référence à la position du locuteur, mais à celle du sujet du verbe.
sans notion de mouvement
La composante de mouvement dans le préfixe est à peser: quand la racine verbale ne dénote pas de mouvement, on voit que le préfixe de-, di- n'apporte pas seul ce sens, ni celui de rapprochement vers le référent du sujet.
(3) | bremañ, avat, | edo bras-disec'het... | ||||
maintenant cependant | était grand-pfx.séché | |||||
'... elle était cependant maintenant complètement desséchée.' | Standard, Kervella (1933:58) |
(4) | an defotadou | beb sizun: | sukr, holen, kafe… | Léon (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:13) | |
le pfx.faut.N.PL | chaque semaine | sucre, sel, café | |||
'les produits de nécessité hebdomadaires : sucre, sel, café…' |
(5) | Gav ket | nen aes | boût dikriet. | |||||
1trouve pas | on facile | être pfx.crié | ||||||
'On n'aime pas être critiqué.' | Cornouaillais de l'Est (Riec), Bouzeg (1986:30) |
(6) | Dibonjour, | plac'hik | Penn-al-lenn ! | ||||
pfx.bonjour | fille.DIM | tête-le-lac | |||||
'Bonjour, fillette de Penn-al-lenn' | Chanson Pérennès (1938:248-9) |
Diachronie
Kervella (1947:§880) donne une ancienne racine de forme te-. Il la postule dans les noms de saints et de lieux: S.Tegoneg, Tevenneg, Tenenan.
Deshayes (2003:36) propose, lui, que le préfixe de-, prononcé localement di, vient du vieux breton do-, 'à, vers'. Il correspondrait au gallois dy-.
A ne pas confondre
Le morphème de-, di-, dis- ne doit pas être confondu avec le morphème di-, dis- qui est sémantiquement plus facile à cerner car privatif.
Un autre morphème di-/(deiz-) apparaît devant les jours de la semaine comme dilun, dimeurzh...
Enfin, il existe un morphème div- du duel, comme dans divarr 'houe à deux dents'.
Horizons comparatifs
Press (1986:224) considère que le préfixe de- correspond au préfixe allemand her-. Selon Gros (1984:374), di- marque un "mouvement vers, un rapprochement, comme zu- en allemand dans zutun, zubringen, zuführen".
En gallo, Auffray (2007:intro) donne le préfixe d(e)- comme intensificateur, comme dans degouter'.