Différences entre les versions de « En ur »

De Arbres
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* ''en eur<sup>[[1]]</sup> '''z'''enti'', 'en obéissant'
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:::::::: [[Trépos (2001)|Trépos (2001]]:§86)
=== diachronie et formes ''en ur, en ul, en un'' ===
L'alternance de la consonne finale est attestée en breton classique. En 1839, ''[[BS.|Buhé er Sænt]]'' montre une alternance ''én un, én ur, én ul''.
On trouve en 1851 la forme ''en eul'' (''en eul lavaroud'', [[TNAS.]]).




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: - Ces structures n'existent tout d'abord pas avec la variante définie de l'[[article]] (*''en '''ar''' lenn'' pour 'en lisant').  
: - Ces structures n'existent tout d'abord pas avec la variante définie de l'[[article]] (*''en '''ar''' lenn'' pour 'en lisant').  
: - La [[lénition]] que provoque le composé affecte moins de consonnes que la lénition opérée par un [[les articles|article]] indéfini le ferait sur un nom. Ceci suggère que l'article dans le composé n'est plus syntaxiquement un article, même de façon abstraite (voir le [[1|tableau des lénitions]]).
: - La [[lénition]] que provoque le composé affecte moins de consonnes que la lénition opérée par un [[les articles|article]] indéfini le ferait sur un nom. Ceci suggère que l'article dans le composé n'est plus syntaxiquement un article, même de façon abstraite (voir le [[1|tableau des lénitions]]).
: - L'[[les articles|article]] indéfini dans le [[syntagme nominal]] existe sous les différentes formes ''un, ul, ur'', dépendant de la consonne initiale du nom qui le suit. Dans le composé ''en ur'', il n'existe pas de telle variantes (*''en un'', en ul'').
: - L'[[les articles|article]] indéfini dans le [[syntagme nominal]] existe en breton moderne sous les différentes formes ''un, ul, ur'', dépendant de la consonne initiale du nom qui le suit. Dans le composé ''en ur'' en langue moderne, il n'existe pas de telle variantes (*''en un'', en ul'').


En synchronie tout du moins, il est donc évident que la particule ''en ur'' n'est plus décomposable.
En synchronie tout du moins, il est donc évident que la particule ''en ur'' n'est pas, ou plus décomposable.





Version du 19 octobre 2016 à 14:09

L'équivalent du gérondif français est réalisé en breton par un infinitif verbal introduit par la particule en ur (ou nur, nir, nonn, sar, ser, cherr...).


(1) Gout' ouie en ur sevel, da betra e vefe kinniget an devezh.
savoir R savait en lever à quoi R serait employé le journée
'Elle savait (bien), en se levant, à quoi serait employée la journée.'
Standard, Ar Barzhig (1976:29)


Morphologie

mutation

Le composé invariable en ur est une particule qui provoque une lénition sur le verbe infinitif qui le suit immédiatement. Ce déclencheur de lénition est représenté ici par le chiffre 1 en exposant:


  • en eur1 vond hag en eur1 zont, 'en allant et en venant'
  • en eur1 zenti, 'en obéissant'
Trépos (2001:§86)


diachronie et formes en ur, en ul, en un

L'alternance de la consonne finale est attestée en breton classique. En 1839, Buhé er Sænt montre une alternance én un, én ur, én ul. On trouve en 1851 la forme en eul (en eul lavaroud, TNAS.).


en ur, non-décomposable

Le composé est parfois présenté comme un composé comprenant la préposition e(n), 'dans', suivie de l'article indéfini ur (Trépos 2001:§350). A l'appui de cette hypothèse, on pourrait citer des structures comme en (2), où au lieu d'un syntagme nominal comme pennad tizh, on aurait la possibilité de sélectionner un verbe.


(2) Ha diskenn a ra, en ur pennad tizh, gant an diri.
et descend R fait en un coup vitesse avec le escalier
'Et il descend, en coup de vent, les escaliers.' Standard, Drezen (1990:29)


L'usage de la préposition spatiale en, marque de la coïncidence entre la figure et le fond, n'aurait non plus rien d'étonnant dans un usage de calcul temporel de coïncidence entre deux actions. On peut construire un parallèle parlant avec d'autres prépositions qui marquent la coïncidence entre la figure et le fond: war et ouzh, 'sur', qui sont utilisées pour former le mode progressif.

Cependant, plusieurs arguments montrent que le ur dans le composé n'est pas morphosyntaxiquement identique avec ur l'article indéfini.

- Ces structures n'existent tout d'abord pas avec la variante définie de l'article (*en ar lenn pour 'en lisant').
- La lénition que provoque le composé affecte moins de consonnes que la lénition opérée par un article indéfini le ferait sur un nom. Ceci suggère que l'article dans le composé n'est plus syntaxiquement un article, même de façon abstraite (voir le tableau des lénitions).
- L'article indéfini dans le syntagme nominal existe en breton moderne sous les différentes formes un, ul, ur, dépendant de la consonne initiale du nom qui le suit. Dans le composé en ur en langue moderne, il n'existe pas de telle variantes (*en un, en ul).

En synchronie tout du moins, il est donc évident que la particule en ur n'est pas, ou plus décomposable.


variation dialectale

nir, neur, nonn

La forme /nur/ est rapportée à Groix. La forme /nir/ est signalée en pays bigouden (Goyat 2012:274). A Tréguier (Plougrescant), Le Dû (2012a:72) relève la forme /nõnn/.


(1) /xagãza nur ze:biɲ /
eux.parle en1 manger
'Ils parlent tout en mangeant.' Groix, Ternes (1970:252)


(2) [nir zõn 'ãmã]
en eur zond amañ
en1 venir ici
'en venant ici' Plozévet, Goyat (2012:136)


(3) Lênn ré nõnn gèrzed Tréguier (Plougrescant), Le Dû (2012a:72)
Lenn a rae en ur gerzhed.
lire R faisait en1 marcher
'Il lisait en marchant.'

sar, ser, cherr

Les formes /sɛʁ, saʁ/ sont reportées à Loqueffret (Solliec 2015). On trouve aussi /saʁ/ en bas-vannetais, /sɛʁ/ en vannetais et /sɛʁ, saʁ, ʃɛʁ/ en Haute-cornouaille. Ces formes ne provoquent pas de mutation.


(1) [ saʁ [VP mɔ̃n tǝ ɥǝl ǝʁ moh ] ] .
sar mont da welet ar moc'h
aller pour voir le cochon
'Tout en allant voir les cochons[, on boit un verre].' Bas-vannetais, Cheveau (2007:212)


(2) Chaokiñ a ran ur begad bara ha kig, ser atersiñ an dud-mañ diàr o bro.

'Je mâche une bouchée de pain et viande, en questionnant ces gens sur leur pays.'
Vannetais, Herrieu (1994:304)


(3) 'ser geipal Doue (cf. Standard 'galoupat')
courir Dieu
'en courant à toutes jambes.' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:27)


(4) Petra 'gan 'ser mont d'an traoñ?
quoi R chante aller à le bas
'Qu'est-ce qui chante en descendant?' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:36)


(5) Diwallit euz ho penn ' ser mond tre.
attention.faites à votre tête ptc aller dedans
'Attention à votre tête en entrant.' Haute-Cornouaille, Derrien (1980:21)


(6) Cherr labourad ra an nen traou-all.
en travailler fait IMP choses-autre
'Tout en travaillant on fait autre chose.', Haute-Cornouaille (Berrien) Lozac'h (2012-:§'cherr/serr')


Les différentes formes peuvent co-exister. On trouve aussi des formes en ur dans cette région de la vallée du Scorff.


(4) En ur zonet d'ar gêr, n'eus ket graet met taoler.
en venir à'le maison ne'a pas fait mais jeter
'Venant à la maison, il n'a fait que vomir.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:69)


(5) Gwelet meus un dèn (e)n-ur vond

'J'ai vu un homme en allant', Haut-Cornouaillais (Berrien), Lozac'h (2012-:'gwel(ed)')

Syntaxe

site d'apparition

La particule en ur précède toujours directement un verbe infinitif, ou ses proclitiques potentiels.


(1) Me, atao, a huñvree en eur en em lakaad e stad ar baotred faro ...
moi toujours R1 rêvait en ur reflex mettre dans état le 1gars fier
'Moi, toujours, je rêvais en me mettant à la place des gars fiers...'
Uhelgoat, Skragn (2002:96)

composition du constitant

La particule en ur sélectionne un syntagme verbal (VP) comme argument interne. Le sujet de ce VP est toujours co-référent avec celui de la proposition principale.

Trépos (2001:§350) considère que en eur forme un gérondif qui équivaut à une subordonnée circonstancielle (temps, cause, condition, moyen...).

Selon Fave, au contraire, (1998:133,br.), une propriété distinctive des structures dont la tête est en ur est qu'elles ne sont jamais subordonnées. Il ne justifie pas cette remarque.


Sémantique

Comme le gérondif en français, le composé en ur est utilisé pour la coïncidence temporelle ou, sans doute par extension, le moyen.


coïncidence temporelle

(1) Setu, en ur1 [VP zont d'ar gêr ] e choment a-sav eno neuze.
voici, aller à le maison R restaient P-debout y alors
'Donc, en rentrant à la maison, ils s'arrêtaient là.' Léon, Mellouet & Pennec (2004:79).


(2) [xagãza nur ze:biɲ]
Int a gomza en ur1 [VP zebriñ ].
3PL R parle manger
'Ils parlent tout en mangeant.' Groix, Ternes (1970:252).


(3) gout' ouie en ur sevel, da betra e vefe kinniget an devezh.
savoir R savait.3SG ptc lever à quoi R serait employé le journée
'Elle savait (bien), en se levant, à quoi serait employée la journée.', Standard, Ar Barzhig (1976:29)


(4) Disoñj 'ya nen 'ser dont kozh.
oublieux va on ptc venir vieux
'On perd la mémoire en vieillissant.' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:30)


moyen

(2) Nemet unan bennak a en em gave da gaout en ur1 [VP chipal ].
seulement 1 quelconque R se trouvait à avoir chiper
'Mais quelques-uns arrivaient à en avoir en chipant.' Léon, Mellouet & Pennec (2004:77)


Trépos (2001:§350) donne:

 En eur1 gemer a-gleiz e oen faziet.
   'C'est en tournant à gauche que je me trompai.'
 Pinvidig eo deuet en eur1 laerez ar re all.
   'Il est devenu riche en volant les autres.'
 Dond a ri a-benn, en eur1 lakaad da nerz.
   'Tu réussiras, si tu mets toute ta force, (en y mettant toute ta force).'


cause

(3) Diwall da baka eur horvad en eur jom dindan ar glô. L'Hôpital-Camfrout, Le Gall (1957:'horvad')
attention.ne.pas à1 attraper un corps.ée en1 rester sous le pluie
'Fais attention de ne pas attraper un gros rhume en restant sous la pluie.'


A ne pas confondre

en ur vs. en em (trégorrois)

En trégorrois de Tréguier, cette particule en ur du standard est prononcée de la même façon que le réfléchi en em.

(5) nõnn gɑ̃nnɑ̃, 'se battre', Tréguier (Plougrescant), Le Dû (2012a:38)


(6) Lênn ré nõnn gèrzed Tréguier (Plougrescant), Le Dû (2012a:72)
Lenn a rae en ur gerzhed.
lire R faisait 1marcher
'Il lisait en marchant.'


en ur vs. o

L'équivalent du gérondif français en ur, puisqu'il peut marquer le moyen, a une sémantique partiellement coïncidente avec celle de la particule o. Comme noté par de nombreux auteurs (et surtout ceux qui se soucient de corriger les fautes des apprenants francophones), les particules en ur et o ne sont pas équivalentes (par exemple, Fave 1998:133,br.).

Trépos (2001:§350) note justement qu'en (10), les deux particules sont grammaticales mais que l'usage de la particule o permet d'avoir la lecture J'ai vu votre mère qui allait à Quimper. La particule o sélectionne effectivement un domaine non-tensé plus large qui comprend un pronom vide (PRO) qui peut être lié par, dans l'exemple ci-dessous, l'objet de la principale.


(10) Ho mamm am-eus gwelet en eur1/o4 vont da1 Gemper.
votre mère R.1SG-a vu ptc aller à Quimper
'J'ai vu votre mère en allant à Quimper.', Trépos (2001:§350)


en ur vs. gant

Une infinitive circonstancielle de moyen peut aussi s'exprimer par la préposition gant.


(11) gant [SC dont duman ] , am gwelfet.
avec PROx venir chez.moi R.me verrezx
‘Vous me verrez, pourvu que vous veniez chez moi.’ Tréguier, Leclerc (1986:212)


en ur vs. e-skeud

La coïncidence temporelle peut aussi être indiquée par e-skeud.


Terminologie

KAG (2016) utilise pour 'gérondif' le terme stumm-ambroug.

Bibliographie

  • Yann Gerven. 2014. ' oc'h ober? en ur ober? traoù all? ', Yezhadur!, Alioù fur evit ar vrezhonegerien diasur, Keit Vimp Bev, 113-114.
  • Stephens, J. 1983b. 'Talvoudegezh “o” hag “en ur”', Hor Yezh, 152:23-31.

horizons comparatifs

  • Arnavielle, Teddy. 2010. 'Le gérondif français: nouvelle définition d’un objet étrange', Cahiers de l'Afls 16:1.