Am-, amb-

De Arbres

Le préfixe am-, amb- est un morphème grammaticalisé qui a perdu son sens premier. Il marque la proximité (Kervella 1947:§875).


(1) … muioc'h disfizius, muioc'h amgredig oant eget paotred Gwipavaz.
plus .confi.ant plus pfx1.croy.ant étaient que gars Guipavas
'… ils étaient plus méfiants, plus sceptiques que les gars de Guipavas.'
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1985:114)


Le Roux (1915:90) relève chez Le Gonidec amdrouch 'circoncision'.

Kervella (1947:§875) donne: amdroc'h, amezeg (am+nesk+ek), amprevan (am+preñv+an), ampellañ, amboaz, amzor…

Martin (1929) a, en cornouaillais de l'est intérieur, amliouaj 'de différentes couleurs'.


Morphologie

allomorphe

La forme amb- apparaît lorsque la racine commence par /r/ (ambren 'délire, divagation', Kervella 1947:§875).


mutations

Le préfixe am- provoque une lénition sur la racine, à l'exception des initiales en /p/ et /b/ (Kervella 1947:§875). Pour Chalm (2008:w-217) cependant, am- provoque toujours une lénition.


Les racines débutant normalement par /n/ apparaissent en /m/ (Kervella 1947:§875).


répartition dialectale

Favereau (1997:§230) considère que am- est rare et d'une usage plutôt littéraire, "parfois revivifié par Vallée notamment". Il cite amlavar 'peu disert'. On trouve cependant ce préfixe dans différentes sources orales qui ne sont pas spécifiquement littéraires. Il est aussi possible que sa productivité soit inégale selon les dialectes.

Martin (1929:177) donne à Scaër, Guiscriff, Gourin: amliouaj 'de différentes couleurs'.

Goyat (2012:333) trouve à Plozevet /ãm'blø:di/ ambleudi 'fouler le blé noir, pour briser l'enveloppe des grains' et /ãm'zi:od/ 'imbécile'.


Sémantique

Le préfixe am-, amb- dénote la proximité (Kervella 1947:§875) comme en (1), mais aussi l'approximation, ou même une négation atténuée (amgredig 'sceptique').


(2) amzor
pfx1.porte
'entourage de porte'
Standard, Merser (2009)


Cornillet (2020) donne uniquement le sens négatif non-, peu, et illustre par amzereat 'peu convenable'.


am- vs. ar-

Le préfixe ar-, al- implique lui aussi l'idée de proximité (arzorn, 'poignet'), mais le contraste arsellout 'observer' amsellout 'scruter, être avare', montre que la proximité est plus lâche et approximale avec ce préfixe ar-.

Diachronie et horizons comparatifs

Matasovic (2009) propose pour le moyen breton am, em une racine protoindo-européenne en *h2embhi-, 'autour, à propos (de)', et proto-celtique prépositionnel en *ambi-, 'autour', ayant donné le vieil irlandais imb, imm [Aspirante + ACC], le vieux gallois im, le moyen gallois am, le gaulois ambi- et le celtibère ampi-.

Les mots apparentés sont le sanskrit abhí, le grec amphí et le latin ambi-.

Selon Even (1978:35), le breton am- descendait du gaulois ambi-, correspondant au vieil irlandais imb (<*embi), 'autour, de tous côtés'.


À ne pas confondre

Selon Deshayes (2003:36), am- "exprime une restriction, une privation partielle, que l'on peut rendre par le français 'peu'". Il ne s'agit pas du même préfixe.

La forme /am/ est en effet un des allomorphes du préfixe an-, am-, préfixe de négation ou d'opposition, comme plausiblement dans le cas de amsent '(gens) indisciplinés' (Gros 2014), ou dans le cas de gouloù 'lumière' > amc'houloù 'pénombre'. C'est sans doute ce préfixe privatif an-, am- que l'on trouve dans amloar 'exposé au Nord' (cornouaillais de l'est intérieur, Martin 1929).


(3) Em siliñ a ra dre ar c'hostez, en ur glask an amc'houloù.
se faufiler R fait par le 5côté en1 chercher le sans1.lumière
'Elle se faufile par le côté, en recherchant la pénombre.'
Vannetais, Ar Meliner (2009:62)


L'initiale de forme /am/ apparaît aussi dans certains mots empruntés au français : amprestañ, amprouiñ, ampoent (Kervella 1947:§875)