Perak
Perak est un mot interrogatif de cause ('pourquoi').
(1) | [pe'raɡ | ox | ˌʃomɛt | kɛjd 'al ] | ||||||||
Perag | oh | chomet | keid-all ? | |||||||||
pourquoi | êtes | resté | si.long-autre | |||||||||
'Pourquoi es-tu /êtes-vous resté(s) si longtemps ?' | ||||||||||||
Plozévet, Goyat (2012:196) |
Phonologie
accentuation
En breton standard et généralement, l'interrogatif perak en isolation est accentué sur sa dernière syllabe (Hemon (1975c:§273). C'est le cas de tous les composés en pe- (Kervella 1995:§70).
(2) /pe'ra:ɡ/ , Plozévet, Goyat (2012:125)
Morphologie
composition
Perak est constitué du préfixe interrogatif pe- suivi de la conjonction rak, 'car'.
répartition dialectale
La carte 521 de l'ALBB documente la variation dialectale de la traduction de pourquoi? en breton pré-moderne.
Daouphars (2004:32) note que perak n'est jamais employé à Gourin. Renée Ribeyre (c.p. 12/2017) considère qu'à Plogonnec, perak n'est jamais utilisé, au profit de abalamour da1 betra prononcé drambèr ou blambèr. Selon Favereau (1984:358), perak n'est pas connu en Poher, au profit de 'b'lam(our) petra.
A Groix, la forme de penaos de l'interrogatif de manière ('comment') se trouve aussi dans le sens de l'interrogatif de cause ('pourquoi').
(3) | /pənošt | ə | leiẃes / | ||||||||||
pourquoi | R4 | pleures | |||||||||||
'Pourquoi pleures-tu?' | |||||||||||||
Groix, Ternes (1970:228) |
dérivation
nominalisation
Perak, précédé d'un article ou d'un autre déterminant, est nominalisé.
(4) | gouzoud | ar penaoz | hag | ar perag | ||||||||
savoir | le comment | et | le pourquoi | |||||||||
'connaitre le comment et le pourquoi.' | ||||||||||||
Ar Merser (2009:343) |
Il prend alors une marque de pluriel, -où, prototypique des noms.
(5) | Ur gwir | voreb | ar peragoù | hag | ar penaozioù | anezhi. | ||||||
un vrai | 1tante | le pourquoi.s | et | le comments | P.elle | |||||||
'C'était une vraie miss comment pourquoi.' | ||||||||||||
Menard & Kadored (2001:§'penaos') |
verbalisation
L'interrogatif perak, une fois nominalisé en contexte, peut ensuite même être verbalisé. Dans Riou (1941), les deux phrases ci-dessous se suivent et les locuteurs se répondent.
(6) | Hennez | a vez | atao | gant | e | beragou. | ||||||
celui-ci | R1 est | toujours | avec | son1 | pourquoi.s | |||||||
'Celui-ci et ses pourquois!' | ||||||||||||
Standard, Riou (1941:23) |
(7) | Peoc'h | en traoñ | pe | me | ho | perago | bremaik. | |||||
paix | en.le bas | ou | moi | vous3 | pourquoiterai | sous.peu | ||||||
'Taisez-vous en bas, ou je vais vous en donner, des pourquois!' | ||||||||||||
Standard, Riou (1941:23) |
Syntaxe
négation 'pourquoi pas?'
La forme Perak pas? est souvent relevée comme étrangère à des dialectes traditionnels et suspectée d'être une invention récente sous influence française (cf. pourquoi pas). Kerrain (2001) préconise, à côté de perak pas ou perak nann qu'il ne rejette pas ouvertement comme faux, l'usage de petra 'virfe ('qu’est-ce qui empêcherait?'), ou encore de perak suivi d'un verbe au conditionnel.
(1) | Perak | ne vefe ket | ur vaouez ? | ||||||||
pourquoi | ne1 serait pas | un 1femme | |||||||||
'Pourquoi pas une femme?' | Kerrain (2001) |
La forme perak pas est répandue en breton standard moderne, et a été en tout cas documentée chez des natifs à Guémené-sur-Scorff ([pérek pas], perek pas, McKenna 1978:172).
(2) | gant | unan eus | hon | div yezh, | ha | perak pas | gant | an div. | ||||
avec | un de | notre | deux.F langue | et | pourquoi pas | avec | le deux.F | |||||
'avec l'une de nos deux langues, et pourquoi pas avec les deux?' | ||||||||||||
Standard, site Région Bretagne [03/2017] |
Horizons comparatifs
L'interrogatif de cause est assez haut dans la structure dans les langues romanes.
C'est aussi le cas en cimbre, une langue germanique parlée dans le Nord de l'Italie. Le verbe en cimbre remonte haut dans la structure uniquement avec un complémenteur lui-même haut dans la structure comme en (1). Dans ces cas, le verbe apparaît au-dessus de la négation.
(1) | I | pin | gerift | pa | zaiten | umbrómm | i | hån | nèt | vorlórt | di | korìara. |
je | suis | arrivé | en | temps | car | je | ai | pas | raté | le | bus | |
'Je suis arrivé à temps car je n'ai pas raté le bus.' | ||||||||||||
Cimbre, Bidese, Padovan & Tomaselli (2014:496) |
Bibliographie
- Bidese, Ermenegildo Andrea Padovan & Alessandra Tomaselli. 2014. 'The syntax of subordination in Cimbrian and the rationale behind language contact', Language Typology and Universals 67:4, 489–510.