Différences entre les versions de « Morphème zéro »

De Arbres
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|(1)|| Ranket || am eus || ober || ur '''sav''' || a-espres || en noz-mañ || da lakat || ar c'hi || da devel.  
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||| colspan="15" | 'J'ai du me lever exprès cette nuit pour faire taire le chien.'
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Version du 27 avril 2024 à 22:06

Un morphème zéro, ou morphème vide, ou morphème nul, est un morphème qui a une existence syntaxique (et la plupart du temps sémantique) sans avoir de réalisation phonétique, phonologique ou morphologique.

On peut déceler son existence dans la structure, mais il n'est pas prononcé.


Inventaire en breton

morphème zéro agentif des nominalisations de participes

La morphologie du breton rend disponibles des suffixes d'agent qui sont phonologiquement réalisés qui obtiennent un nom d'agent à partir d'une racine verbale, comme le suffixe -ad / -iad qui forme son pluriel en -idi.

Il existe aussi un suffixe agentif qui n'est pas prononcé. La nominalisation du participe passé an daonet 'le damné' obtient sémantiquement un nom d'agent sans dérivation en -ad / -iad. Ce morphème est morphologiquement vide uniquement au singulier. Au pluriel, c'est le suffixe -idi qui apparaît (an daonidi 'les damnés' Vallée 1980:XX), ce qui révèle une dérivation morphologique commune.

morphème zéro suffixe verbal de l'infinitif

Il existe un autre morphème zéro qui est un suffixe verbal de l'infinitif. Il obtient des verbes infinitifs sans désinence réalisée. La disponibilité de ce morphème zéro est sujet à variation dialectale.

C'est le cas dans kousk 'dormir', que l'on trouve aussi sous la forme kousket, ou dans lavar 'dire' que l'on trouve aussi sous les formes infinitives lavarout ou lavaret.


les noms déverbaux

morphème zéro des nominalisations sur infinitif

Il existe un morphème zéro exocentrique qui obtient un nom à partir de l'infinitif d'un verbe. C'est clairement l'infinitif du verbe et non sa base qui apparaît. Le verbe infinitif sevel 'monter' a une base en sav-. On obtient ar sevel listri 'les chantiers navals', ar sevel-loened 'l'élevage', ar sevel heol 'le levant'.


En (2), on voit la forme ober et non gra-. Le morphème zéro est ici en compétition avec un morphème réalisé, le morphème nominalisant -iañs:


(2)a. Ar gloaneier a zo ker, hag an oberïans anezo a zo ive.
le laine.s R1 est cher et le faç.on P.eux R1 est aussi
'Les laines sont chères, et leur façon l'est aussi.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'ober-20')


(2)b. Ar gloaneier a zo ker, hag an ober anezo a zo ive.
le laine.s R1 est cher et le façon P.eux R1 est aussi
'Les laines sont chères, et leur façon l'est aussi.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'ober-20')

morphème zéro des nominalisations sur radical verbal

Un autre morphème zéro exocentrique qui obtient un nom à partir de l'infinitif d'un verbe. C'est clairement la base du verbe et non son infinitif qui apparaît. Le verbe infinitif sevel 'monter' de base en sav- obtient ar sav heol 'le levant'.


(1) Ranket am eus ober ur sav a-espres en noz-mañ da lakat ar c'hi da devel.
d.û 1SG.a faire un lev.ø exprès en nuit.ci pour1 mettre le 5chien à1 taire
'J'ai du me lever exprès cette nuit pour faire taire le chien.'
Trégorrois (Perros-Guirec), Konan (2017:27)


L'unicité de ce suffixe zéro est cependant mise en cause par le fait que le genre des noms déverbaux à suffixe vide n'est pas stable.

  • Certains sont des noms féminins. On a ainsi sur le radical de treiñ 'tourner' tro 'tour', un dro 'un tour', ou bien sur le radical de kargañ 'charger' karg, ur garg 'une charge', ou encore sur le radical de kaozeal, kaoz, ar gaoz 'une causerie'.
  • Certains noms déverbaux sur radical sont masculins. Menard & Bihan (2016-) annoncent dle 'dette' (daou zle), had 'graine', sell 'regard' (ur sell teñval 'un regard sombre') comme masculins.


Tous les noms homophones avec le radical du verbe ne sont pas des noms dérivés. Le nom labour n'est par exemple pas un nom déverbal du verbe labourat. Au contraire, c'est le verbe labourat 'travailler' qui est dérivé par suffixation du verbe léger -at 'faire' sur le nom labour.

problèmes pour l'analyse

Certains verbes ont un radical de l'infinitif et une base identiques. La variation dialectale doit aussi être prise en compte.

Prenons le verbe infinitif lavarout 'dire'. Il peut subir une dérivation morphologique qui transforme le verbe en nom sur sa racine lavar-. Dans les dialectes où la forme infinitive n'est pas lavarout ou lavaret mais simplement lavar, le résultat de cette dérivation est la forme nominale lavar 'langue, langage'. Il n'est alors pas évident que la base de la dérivation soit la racine verbale putot que son infinitif.

les adjectifs déverbaux

On décèle un suffixe silencieux noté -ø (Adj.) qui obtient un adjectif à partir d'un radical de verbe (toullañ 'trouer' > toull 'troué, qui comporte un trou').

Horizons théoriques

modularité

A partir des données du néerlandais, Cavirani & van Oostendorp (2019) enquêtent sur la différence entre les morphèmes sans réalisation phonétique et les morphèmes qui en plus n'ont pas de matrice phonologique.

Bibliographie

horizons comparatifs

  • Cavirani, E. and van Oostendorp, M., 2019. 'Empty morphemes in Dutch dialect atlases: Reducing morphosyntactic variation by refining emptiness typology', Glossa: a journal of general linguistics 4(1), p.88. DOI: http://doi.org/10.5334/gjgl.689.