Différences entre les versions de « Pronoms post-verbaux de désambiguïsation genrée »

De Arbres
Ligne 124 : Ligne 124 :


{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(3)||<font color=green>[kemn al ||<font color=green> ˈbʁɐo || <font color=green>va'''j''' ||<font color=green> fiʃət...|| <font color=green> giʃ peˈhɑ᷉ n|| <font color=green> vwa'''j''' || <font color=green>hɔ᷉ n || <font color=green>do ||<font color=green> '''ˈfʁiko''']  
|(3)||<font color=green>[kemn al ||<font color=green> ˈbʁɐo || <font color=green>va'''j''' ||<font color=green> fiʃət...|| <font color=green> giʃ peˈhɑ᷉ n|| <font color=green> vwa'''j''' || <font color=green>hɔ᷉ n || <font color=green>do ||<font color=green> ˈfʁiko]  
|-  
|-  
||| Kement-all || brao|| oa '''he''' || fichet...|| giz perann ||oa '''he''' ||o vont ||d'ur || friko.
||| Kement-all || brao|| oa '''he''' || fichet...|| giz perann ||oa '''he''' ||o vont ||d'ur || friko.

Version du 11 septembre 2021 à 09:16

Les pronoms post-verbaux de désambiguïsation genrée apparaissent uniquement à la troisième personne sur les verbes dans les parlers de l'Ouest: Basse-cornouaille et Léon (1).


(1) Gwelet a rit, eme ar paotr, ema-hi o tont.
voir R faites dit le gars est.3SG-F à4 venir
'Vous voyez, dit l'homme, qu'elle vient.' Saint Pol de Léon, Milin (1922:400)


Morphologie

Les pronoms de désambiguïsation genrée sont restreints à la personne 3 au singulier. Il est difficile de distinguer leur morphologie des pronoms écho d'une part, et des pronoms forts indépendants d'autre part.


grammaticalisation en morphème d'accord 3SGM

Favereau (1997:§416) et Deshayes (2003:'ema') proposent de dériver la forme nasalisée du paradigme emañ en ema-eñv (est-3SGM). Le pronom post-verbal de désambiguïsation genrée masculin aurait grammaticalisé en marque d'accord 3SG (ou accord pauvre en cas d'expression du sujet postverbal).

Cette hypothèse est plausible pour les parlers de l'Ouest où le verbe 3SG est ema (ema Mari), mais avec des pronoms post-verbaux de désambiguïsation genrée: emañ pour un sujet (vide) masculin et emei pour un sujet (vide) féminin (Merser 2011:93,fn2).

La langue standard aurait donc pris pour norme neutre la forme emañ qui est spécifiée masculine pour les parlers de l'Ouest. La forme emañ n'est par ailleurs pas (plus?) genrée en Trégor ou en Haute-cornouaille (Merser 2011:93,fn2).

On ne note pas de telle grammaticalisation sur les autres verbes, ce qui s'explique par le fait que seul le verbe ema requiert que son sujet le suive directement. Les possibilités d'insertion d'adverbes ou autres avec les autres verbes empêchent la réanalyse en morphème d'accord. En (2), le pronom désambiguisateur genré masculin est séparé du verbe tensé par la particule bet.


(2) Bet ê bét yoñ ' lhabour' ba didan 'n amz'r. Cornouaillais de l'Est (Riec)
Bet eo bet o labourat dindan an amzer. Équivalent standardisé
été est été lui à4 travailler dans sous le temps
'Il a travaillé sous les intempéries.' Bouzec & al. (2017:47)


pronom fort indépendant à Saint-Yvi?

A Saint-Yvi, le pronom 3SG de désambiguïsation genrée pourrait être un cas de pronom fort indépendant post-verbal, puisqu'il il y en a indépendamment un au pluriel, qui n'est pas marqué pour le genre. Ce pronom déclenche l'accord pauvre sur le verbe comme un groupe nominal le ferait.


(3) Ken buan vé bet maro haoñ.
si vite serait été mort il
'Aussi vite, il serait mort. (à peu de chose près)' Cornouaille (Saint-Yvi), German (2007:174)


(4) Benn eo maro .
quand est mort ils/elles
'Quand ils/elles sont morts.' Cornouaille (Saint-Yvi), German (2007:174)


Dans les autres dialectes, qui n'ont pas de pronom post-verbal fort indépendant, ce n'est pas une possibilité.


Syntaxe

pronom météorologique

Le pronom postverbal de désambiguïsation genrée peut être un pronom météorologique, dont le genre est donc explétif.


(1) [ ma hi v'õn d o':ba ɛX ] La Forêt-Fouesnant, Costaouec (1998a:422-3), cité dans Avezard-Roger (2004a:204)
Ema hi o vont d'ober erc'h.
est elle (à)4 aller pour1 faire neige
'Il va neiger.'


concurrence avec les pronoms écho

Les pronoms post-verbaux de désambiguïsation genrée s'installent dans les paradigmes défectifs des pronoms écho dans les parlers de l'Ouest, c'est-à-dire à la personne 3.

Les pronoms écho ont effectivement un comportement d'évitement de la personne 3 spécifiquement dans les parlers de l'Ouest. Cet évitement concerne, outre les verbes fléchis, les objets des prépositions et les possessifs, où on ne relève pas de pronom de désambiguïsation genrée. Ceci dessine un contraste entre les deux paradigmes de pronoms: les pronoms de désambiguïsation genrée apparaissent là où il y a ambiguïté possible, c'est-à-dire dans les paradigmes d'accord, et non dans les paradigmes d'incorporation pronominale puisque le genre n'y est pas ambigu (gant, ganti).

Dans les parlers de l'Ouest, les pronoms écho devraient se distinguer des pronoms de désambiguïsation genrée en ce que les premiers ne sont pas restreints aux verbes tensés.

En trégorrois, en cornouaillais de l'Est et en vannetais, il ne devrait pas y avoir de différence formelle entre un pronom écho et un pronom de désambiguïsation genrée, si ce n'est peut-être une différence de structure informationnelle.


(1) Atav 'vez-heñv é rekinal.
toujours est-lui à4 rechigner
'Il fait le grincheux en permanence.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:57)


En cornouaillais de l'Est en (2), résultat d'une demande de traduction du français où le sujet 3SGM n'est pas focalisé, il est plausible qu'il s'agisse d'un pronom de désambiguïsation genrée.


(2) [ mɛ møs Xwãn la tju hã ]
Me meus c'hoant la teuio .
moi ai envie que (R)4 viendra lui
'J'ai envie qu'il vienne.'
La Forêt Fouesnant, Avezard-Roger (2004a:258)


En (3), on voit nettement que le second pronom de désambiguisation genrée ne porte pas de l'information nouvelle puisqu'il coréfère avec le premier.


(3) [kemn al ˈbʁɐo vaj fiʃət... giʃ peˈhɑ᷉ n vwaj hɔ᷉ n do ˈfʁiko]
Kement-all brao oa he fichet... giz perann oa he o vont d'ur friko.
tellement beau était.elle parée comme.si (R) était.elle à4 aler à1 un noce
'Elle portait des vêtements si chics, comme si elle allait à un (repas de) mariage.'
Cornouaille (Briec), Noyer (2019:323)