Diglossie
La diglossie est une forme particulière de bilinguisme où deux langues pratiquées par un locuteur seront attachées à des environnements sociaux et émotionnels différents.
Par exemple, dans les environnements sociolinguistiques où une des langues pratiquées n'est pas reconnue officiellement, comme c'est le cas pour les bilingues breton/français, le bilinguisme est forcément diglosse, car les espaces sociaux juridiques et administratifs ne peuvent pas se vivre dans cette langue.
La diglossie peut être le signe d'une aisance plus grande dans une des deux langues, mais pas obligatoirement. Un locuteur peut être parfaitement bilingue dans l'une et l'autre langue et choisir celle qui est adaptée à différents contextes. Les signes minimaux sont alors une attrition lexicale ciblée pour les contextes absents d'une langue (par exemple, un natif du breton sans rupture de pratique qui aurait des lacunes en breton du droit international).
En contexte diglosse, la langue native activée ou semi-activée est appelée la langue d'héritage, et l'autre la langue dominante. Dans le contexte breton, la langue dominante est sans ambiguïté le français.
Diglossie et visibilité d'une langue
Les locuteurs choisissent leur langue de message suivant leur propre perception de ce qui est attendu, profitable ou acceptable. Ce sont leurs représentations qui sont le facteur clef des espaces diglosses, et non pas la réalité elle-même.
- Tous les locuteurs du breton sont bilingues et choisissent pour chaque interaction quelle langue leur semble la plus appropriée. Il est donc possible d'interagir avec des brittophones sans leur porter cette qualité, voire entre brittophones.
- Le nombre de locuteurs d'une langue ne reflète pas forcément sa présence perçue dans les espaces publics.
minoration par les locuteurs de leurs propres facultés linguistiques
Il existe différentes estimations du nombre de locuteurs du breton en Bretagne, comme le sondage TMO régions de Fañch Broudig ou les chiffres de l'INSEE. Ces sondages sont déclaratifs, c'est-à-dire que sont comptés comme brittophones les personnes déclarant l'être. Rybková (2012) considère cependant que l'auto-déclaration mène à une sous-estimation du nombre de locuteurs. Dans les résultats de sa petite étude de terrain, les personnes déclarant ne parler qu'un peu sont en fait capables de traductions simples.
Rybková (2012:40) : …"le taux de locuteurs dépend des personnes que l'on considère comme bretonnantes. Si nous prenons pour bretonnants uniquement ceux qui affirment parler breton couramment, nous obtenons effectivement le même chiffre que l'INSEE : 15 % de locuteurs. Néanmoins, nous pensons qu'il vaut mieux considérer comme bretonnants également ceux qui affirment parler breton un peu, parce que plus de 90 % d'entre eux étaient capables de traduire tous les mots indiqués ainsi que les phrases entières et écrire des mots et expressions bretonnes dans les questions ouvertes. Les phrases à traduire […] étaient : - Ha pelec'h emañ ar mor ? Et où se trouve la [mer] ? - Klouar eo an amzer henozh, ha digoumoul an oabl. Il fait doux ce soir et le ciel est sans nuages. - N'eo ket gwir. Ce n'est pas vrai. - Gant plijadur. Avec plaisir."
L'effet de sous-estimation accentue la diglossie.
Diachronie
Au fil de l'histoire de Bretagne, des pans entiers de pratique linguistique passent du breton au français. C'est à chaque fois un réseau de sens lexical lié à des pratiques qui basculent dans une langue nouvelle, et c'est aussi à chaque fois une rupture générationnelle dans les pratiques culturelles.
religion
Hemon (1930) estime à 1 million le nombre de locuteurs brittophones au quotidien. Sur 1 409 119 habitants en Basse-Bretagne, cela dessine une pratique majoritaire. Entre les deux guerres, Hemon compte 777 239 habitants de communes où il est prêché uniquement en breton, 381 243 dans des communes aux prêches alternativement en breton ou français, et 250 637 dans des communes aux prêches uniquement en français.
Cependant, son étude montre qu'en 1928, des enfants reçoivent le catéchisme en français dans nombre de paroisses où des prêches sont donnés en breton pour les adultes. Il compte par exemple 49/635 paroisses où les prêches sont monolingues français, mais le double, 103, où le catéchisme est aussi exclusivement en français. Dans 54 paroisses, des adultes ont donc une pratique religieuse que leurs enfants ne peuvent partager dans la même langue.
Bibliographie
breton
- Rybková, Hana. 2012. Le breton et son influence sur le français local. Situation linguistique dans le Finistère, mémoire de licence de l'université de Brno. texte.
- Pichon, Denis. 2016. Normalisation d'une langue régionale dans la sphère économique : de l'utopie à la réalité : le cas de la langue bretonne, thèse, Université Rennes 2. texte.
horizons comparatifs
- Massot & Rowlett (éds.) 2013. 'L'hypothèse d'une diglossie en France', Journal of French Language Studies 23 :1, Cambridge University Press.