Grimault (2023)

De Arbres
  • Grimault, Gildas. 2023. 'Est-il préférable d’apprendre les langues minoritaires à l’âge adulte ? L’exemple du breton', Pour la revitalisation des langues indigènes et minorées, texte.


comparaison sociologique des potentiels d'usages de la langue chez les enfants bilingues devenus adultes et les apprenants adultes.


lecture critique

L'auteur se concentre sur l'étude des pratiques du breton à l'âge adulte en comparant des groupes qui ont des modes d'entrée dans la langue différents: apprentissage adulte vs. acquisition précoce. Il présente l'hypothèse que les apprenants adultes redistribuent plus efficacement la langue que les enfants bilingues devenus adultes, et qu'en conséquence cet apprentissage tardif devrait être favorisé par les politiques publiques.

L'étude présente un biais en ce que les apprenants des stages de six mois sont sélectionnés pour le financement de leur formation selon la consistance de leur projet professionnel en breton. Il n'est donc pas étonnant qu'on les retrouve plus que les adultes ayant été scolarisés en breton dans des milieux professionnels brittophones. Mais même cela ne reflète pas la présence du breton dans les milieux professionnels car les adultes ayant été scolarisés en breton peuvent pratiquer par exemple dans le monde agricole sans apparaître nulle part dans les comptabilisations officielles.

La portée proprement linguistique de l'étude est très limitée par le fait que l'auteur ignore les différences qualitatives et cognitives des processus d'"acquisition" et d'"apprentissage", termes qu'il utilise d'ailleurs comme synonymes. Dans l'article, ces différences sont toutes entières contenues dans une note de bas de page.

note de bas de page 12:
 "On pourrait toutefois s’interroger : est-il équivalent d’obtenir un niveau B2 au Cadre européen commun de référence pour les langues après 15 ans de scolarité en breton et après 6 mois de formation intensive au breton ? L’acquisition d’une langue est sans doute plus complexe qu’un simple niveau de diplôme."

Indépendamment de ce qui constitue la "complexité" du mode d'entrée dans la langue, la qualité de la production langagière et les efforts cognitifs que l'usage langagier représente est différente dans ces deux groupes. Les zones de diglossies et les économies cognitives s'installent effectivement différemment chez les bilingues précoces et tardifs.

L'étude pourrait être mise en perspective en prenant en compte la bibliographie existante des études universitaires de sciences du langage d'acquisition du breton. En l'état, seule Kennard (2018a) est citée, et incorrectement. Cette étude linguistique formelle des productions langagières de groupes sociologiques différents est réduite à une dimension sociologique (sociologie des langues) qui n'est pas la sienne. Elle n'a pas été saisie dans sa dimension d'étude de résultats de processus cognitifs différenciés.