Différences entre les versions de « Tutoiement et vouvoiement »

De Arbres
(Annulation des modifications 80624 de Mjouitteau (discussion))
Ligne 13 : Ligne 13 :




== Dialectes de système dual tutoiement/vousvoiement ==
== Dialectes de système dual tutoiement/vouvoiement ==


Dans tous les dialectes où le contraste morphologique singulier/pluriel sur la seconde personne existe, il est possible de s'adresser à une seule personne en utilisant la forme plurielle, comme donc une forme de politesse et de référence. Comme en français pour ''vous'' ou ''votre'', l'usage du pronom pluriel est systématiquement celui qui est attaché à un usage formel alors que l'usage singulier est attaché à un usage familier.  
Dans tous les dialectes où le contraste morphologique singulier/pluriel sur la seconde personne existe, il est possible de s'adresser à une seule personne en utilisant la forme plurielle, comme donc une forme de politesse et de référence. Comme en français pour ''vous'' ou ''votre'', l'usage du pronom pluriel est systématiquement celui qui est attaché à un usage formel alors que l'usage singulier est attaché à un usage familier.  

Version du 26 mars 2019 à 21:42

En breton comme en français, la marque du vouvoiement est de deuxième personne du pluriel (2PL, comme 'vous'). Cependant, il existe une grande variation dialectale dans les usages des pronoms d'adresse, et la différence tutoiement/vouvoiement du français ne peut pas être importée telle quelle dans un système dialectal breton donné. En (1), La forme pronominale utilisée est 2PL mais la traduction exacte en français serait avec un tutoiement.


(1) Hui 'ra tammou dudoñ.
vous (R) fait morceaux de.lui
'Tu en fais des morceaux.' Scaër, Cheveau & Kersulec (2012-évolutif:Scaër,'dioutañ')

Les cartes de l'ALBB fournissent des informations précieuses sur les formes morphologiques disponibles à travers les dialectes. Deux numéros de Gwalarn en 1942 publient des synthèses témoignages de lecteurs sur cette question. Les monographies locales renseignent aussi sur les usages à un point donné.


Dialectes de système dual tutoiement/vouvoiement

Dans tous les dialectes où le contraste morphologique singulier/pluriel sur la seconde personne existe, il est possible de s'adresser à une seule personne en utilisant la forme plurielle, comme donc une forme de politesse et de référence. Comme en français pour vous ou votre, l'usage du pronom pluriel est systématiquement celui qui est attaché à un usage formel alors que l'usage singulier est attaché à un usage familier.


Léon

île de Sein

Le système à Sein est dual, avec une association du tutoiement à la familiarité, mais aussi à l'agressivité. La tendrese est associée au vouvoiement. L'usage est de vouvoiement des enfants aux parents, mais aussi entre époux et dans la fratrie, entre familiers et pairs.

 L.D. (Gwalarn 1942:422)
 Chwi : Etre an tad hag ar vamm. Etre ar gerent (tad ha mamm) hag ar vugale. Etre breudeur ha c'hoarezed. Etre ur c'hrouadur hag un den kosoc'h. Etre tud deut war an oad. Etre gwazed ha merc'hed.
 Te : Etre bugale ha paotred yaouank eus an hevelep oad. An tad pe ar vamm da unan eus o bugale a zo bet disent, evit diskouez o displijadur. Etre bugale eus an hevelep tiegez pe tud pa vezont broc'het.
 En ur ger herr : Peurliesañ ez eus gant te ur ster-gwasaat. Tener ha seven eo c'hwi war un dro.


Brignogan, Bro-Bagan, Santec

Le système dual de politesse est documenté en Léon sur le continent, à Brignogan, en pays Pagan et à Santec au milieu du XX°. Les parents tutoient leurs enfants, et en général les gens plus jeunes. Le vouvoiement des enfants aux parents, mais aussi entre époux, existe à Brignogan comme à Santec, mais est archaïsant.


 abbé F. Guivarc'h (Gwalarn 1942:421)
 Santeg

1. Ar vugale a gomz atav dre c'hwi ouz o zad hag o mamm, tud-koz, eontred ha moerebed, hag an holl dud oadet. An dud deut a gomz dre c'hwi ouz an dud a zo kalz kosoc'h egeto, pe o deus da welout warno, evel mistri, beleion... hag ivez ouz an estrañjourion ha tud digenvez. Anaout am eus bet graet priedoù, e-touez ar re goz, hag a yae dre c'hwi an eil d'egile. Rouez-kenañ int. 2. An dud er mêmes oad, hag eus ar mêmes renk, p'en em anavezont mat, a gomz atav dre te etrezo. Ar gerent a ya atav dre te d'o bugale, hag ar re goz d'ar re yaouank. En ur ger : c'hwi eo ger an doujañs ha te ger ar c'hendere pe an trec'h.


Un témoignage d'une native de Brignogan en 1877 (qui a donc 65 ans en 1942) montre que le tutoiement entre époux était fin XIX° un signe de grande dispute.

 Madame Pont:
 "C'hwi a veze implijet em bugaleaj etre ar priedoù. Komz dre te d'ar gwaz pe d'ar wreg a oa zoken ur seurt kunujenn. Ur wech, pa oan c'hoaz bugel, va mamm a c'houlennas diganin mont da gerc'hat un dra bennak e ti un amezegez. Dor he zi a oa digor hag he gwaz a oa e-barz. Ma ! en ur glevout an daou-se o komz dre te etrezo, intentet em eus e oa tabut bras en ti-se, ha me en-dro d'ar gêr diouztu".


En Pays Pagan, c'est plutôt le pronom te qui serait utilisé pour s'adresser à des étrangers. Cet usage pour s'adresser à des non-familiers trahit la conscience qu'un système unitaire sur le singulier est utilisé ailleurs. Il ne s'agit pas d'une attitude vis-à-vis des étrangers en général - le vous leur serait donné en français.


 P. K. (Gwalarn 1942:418):
 Brignogan ha Bro-Bagan
 "Te ha c'hwi a vez implijet dre aman kenkoulz hag out hag oc'h. C'hwi a ziskouez an doujañs. Komzet e vez dre c'hwi d'ar veleion, d'ar mezeg, h.a. Ar stumm-se a reer ganti ivez pa gomzer d'ar re goz. Te evelato a vez implijet alies pa stager da gomz gant un estrañjour bennak, ha pa vefe hemañ un « aotrou » pe un den diwar ar maez (nemet ur beleg e vefe), tra ma vefe graet emichañs '« vous » e galleg en ur gomz gant an hevelep re.
 Ar re goz a lavar e komze ar vugale dre c'hwi d'o c'herent en « o amzer » . Bez' e talc'her d'ar c'hustumse e tiegeziou a zo, war am eus klevet. Hogen te a zo a dra sur kalz implijetoc'h eget c'hwi hiziv an deiz."


Trégor

Ar Barzhig témoigne en 1942 d'un usage régulier du vouvoiement dans tout le Trégor. Un autre lecteur de Gwalarn en 1942 ajoute que la forme c'hwi est utilisée le plus souvent par les enfants à leurs parents en grandissant. De vieux amis se tutoient, et l'adresse en te à un inconnu est une marque de confiance.


dialectes où le vouvoiement est genré

La règle de politesse a une dimension genrée dans les dialectes centraux, et en descendant vers la cornouaille de l'est maritime (mais pas jusqu'au littoral).

Dans ces dialectes, l'adresse peut être différente selon qu'on s'adresse à une femme ou un homme. Hemon (2000:§51,n1) considère d'ailleurs que le vouvoiement est genré dans tous ces dialectes où il existe: les hommes se parlent au singulier entre eux et s'adressent aux femmes avec des formes plurielles. Les auteurs qui rapportent une asymétrie genrée oublient souvent d'évoquer l'usage entre femmes (Hemon 2000:§51,n1, Bouzeg 1986:31, Wmffre 1998:25).


La Feuillée, Brennilis

A la Feuillée, un lecteur de Gwalarn en 1942 mentionne que les enfants commencent à vouvoyer leur mère vers l'âge de 6 ou 7 ans, en continuant de tutoyer leur père. Les fils vouvoient leur père plus tard. A La Feuillée, une mère tutoie ses enfants, mais à 4km de là à Brennilis, le vouvoiement est utilisé même pour des petits enfants.

 R. (Gwalarn 1942:419):
 Ar Fouilhez
 "Bep gwech ma fell da unan bennak diskouez doujañs e-keñver den pe zen, e komz dre c'hwi. Te a vez graet gantañ e troioù all. Da skouer, ez implijer c'hwi pa gomzer d'ar person, d'ar mezeg, d'ar skolaer. An dud yaouank etrezo a ra gant te.
 Diwar an amzer ma stag da varvailhat, ne implij ur c'hrouadur nemet te. Da c'hwec'h pe seiz vloaz, avat (da lavarout eo, pa zeu d'an oad a skiant) e krog da gomz dre c'hwi d'e vamm. Nemet e kendalc'h da gomz dre te d'e dad. Hogen, da hemañ ivez, ur mab a gomz dre c'hwi pa'z eo deut war an oad. Ur vamm a lavar te d'he bugale. E Brenniliz, avat, ur pevar c'hilometr diouz ar Fouilhez, e lavar c'hwi dezo, zoken pa'z int yaouank-flamm."


breton central

Selon Wmffre (1998:25), le tutoiement en breton central est utilisé dans les rapports familiers entre hommes, mais pas lorsque ceux-ci s'adressent à une femme. Il n'est pas précisé comment les femmes s'adressent à d'autres femmes.


Trégor; Quimper-Guézennec et le canton de Pontrieux

A Quimper-Guézennec et dans le canton de Pontrieux, l'abbé L. Ar Floc'h rapporte dans Gwalarn que les jeunes hommes se tutoient, vouvoient le femmes même souvent leurs soeurs, ainsi que leurs deux parents.


cornouaillais de l'est maritime

En cornouaillais de l'est maritime, "dans le secteur de Quimperlé, on ne tutoie que dans les communes littorales" (Bouzec & al. 2017:501). Cette règle d'adresse est genrée à Riec.

 Bouzeg (1986:31):
 "Le pronom personnel te est utilisé dans la frange côtière de la région (Tregon, Nizon, Pont-Aven, Rieg, Moelan, Nevez, Kloar). Réservé aux proches en général, il est soumis à une règle dans la commune de Riec: le te s'adresse aux garçons et aux hommes des quartiers maritimes, le vouvoiement étant de rigueur envers les filles et les femmes."

Puisque l'auteur est elle-même une femme, il est probable que cette règle s'applique aux locuteurs de tous sexes (c'est-à-dire formes plurielles entre femmes et formes singulières entre hommes).


Pont l'Abbé

Selon Youenn Drezen, à Pont l'Abbé, une femme s'adresse en te à tout homme ou garçon, et les hommes s'adressent en c'hwi à toutes les femmes ou petites filles, épouse et souers incluses. Dans la ville même de Pont l'abbé, Drzen postule que c'est sou l'influence du français que quelques femmes s'adressent en c'whi à des hommes, mais l'inverse semble tout à fait inenvisageable.


A 20 km au nord-ouest, à Plozévet, la distinction entre tutoiement et vouvoiement est cependant perdue, avec des marquages erratiques.


Dialectes où l'adresse au singulier a disparu

Dans ces dialectes, l'équivalent du vouvoiement est impossible à réaliser car le paradigme ne fournit pas de contraste possible.

Lorsqu'il a été demandé à des brittophones de traduire des formes françaises de tutoiement 2SG pour l'ALBB, les réponses avec des pluriels ont afflué (voir, par exemple, la carte 502, 'attaché à toi/vous', et carte 107, 'à toi, à vous'). Tous les dialectes n'ont en effet pas le matériel morphologique pour marquer un contraste singulier/pluriel.

Certains dialectes n'ont qu'un seul nombre pour la seconde personne, qui emprunte la morphologie 2PL. Dans d'autres, les deux paradigmes peuvent co-exister dans la même phrase (2), et ne sont donc pas en opposition.


(1) Lak’ ‘neoñ beke ‘moc’h sell’ !
mets P.lui puisque êtes (à4) regarder
'Mets-la [ceinture de sécurité], puisque tu es en train de regarder!' Loqueffret, Solliec (2015)


Basse-Cornouaille

Il semble qu'à Plozévet, le nombre ait entièrement disparu des pronoms (pronoms incorporés, pronoms forts indépendants, déterminants possessifs). Des formes anciennement opposées en nombre peuvent maintenant co-référer.


(2) /'ɡɥɛz pez a 'ɡa:roh /
Grez ar pez a garoh.
fais le que R1 aimez
'Fais ce que tu voudras.', ou bien
'Faites ce que vous voudrez.' Plozévet, Goyat (2012:306)


Trépos note que dans la partie de Cornouaille qui a perdu la distinction entre tutoiement et vouvoiement, le pronom écho apparaît avec une combinaison de singulier et de pluriel.


(3) ho puoc'h -t -hu
votre3 vache ('te' = 2SG) 2PL Cornouaillais, (Trépos 1980:94)


Goyat ne relève à Plozévet effectivement cette forme qu'en pronom écho.


 Goyat (2012:244-5):
 "Le pronom personnel te n’est pas en usage à Plozévet. [...] aucune forme de la deuxième personne du singulier appartenant au  groupe nominal, à l’exception de l’enclitique /tu/ -t-hu [...] n’est usitée.
 
 Ce pronom personnel /tu/ -t-hu (2ème personne neutre) appelle une explication : le premier composant, /-t-/, provient vraisemblablement du pronom personnel indépendant de la deuxième personne du singulier te et le second, /u/, du pronom indépendant de la deuxième personne du pluriel c’hwi. Il réunit donc des marques des deuxièmes personnes du singulier et du pluriel dans le même morphème. [...] Pour notre part, nous ne l’avons entendue employée qu’à Plozévet. Elle ne s’utilise que de manière suffixale, ou enclitique, comme pronom dépendant, pour renforcer la personne.
 Exemples :
 . /'pe:a ˌres tu/ petra a rez-t-hu?, 'que fais-tu / que faites-vous' ?
 . /nu 'ti tu/, en ho ti-t-hu, 'chez toi / chez vous'"


Le passage cité de Bouzeg (1986:31) semble confirmer, par un effet de contraste avec le cornouaillais de l'est maritime, que le tutoiement est absent des communes de l'intérieur du cornouaillais de l'est: Sant Turian, Banaleg, An Treou, Lokunole, Gellegouarc'h et Tremeven. Ceci est confirmé dans Bouzec & al. (2017:491): "on ne tutoie pas à Bannalec".

Naoned (1952:61) note que seule la forme plurielle c'hwi est connue à Scaër et Guiscriff, ce qui confirme le témoignage de deux lecteurs différents de Gwalarn dix ans plus tôt. Barzhig ajoute Mael-Carhaix. Falc'hun (1951a) confirme à Carhaix une disparition ancienne du tutoiement. Un autre lecteur de Gwalarn qui a vécu à Carhaix-Plouger raconte qu'une domestique avant la guerre ne comprenait pas même les paysans qui la tutoyaient, ce qui montre que la forme te avait entièrement disparu de son paradigme morphologique.

A Loqueffret, Solliec (2015) a documenté un système où les deux marques peuvent co-exister dans la même adresse, et ne constituent pas de forme de politesse. A 9km au nord, à La Feuillée, le vouvoiement était vivant en 1942.

Wmffre (1998:25) situe la ligne dialectale entre le sud de Plounévézel, où le tutoiement a disparu, et Poullaouen, à 10km au Nord-Ouest, où le tutoiement est répandu.


breton central

Selon les locuteurs de Humphreys (1985:317), "te s'emploie couramment dans les communes de Magoar et de Kérien (à 5 km) au nord-ouest, et de Saint-Connan (à 10 km) au nord-est, et sporadiquement dans la commune de Kerpert". Ar Barzhig en 1942 considère qu'il existe un système dual à Callac et Carnoëd.

Humphreys (1985:317) ne mentionne pour Bothoa qu'une forme de pronom fort indépendant de seconde personne, c'hwi, mais deux procédés de désambiguisation utilisent des formes pronominales d'autres paradigmes. Le premier pluralise l'objet. Le second ajoute une adresse plurielle au sujet.

  • Debet ho para, 'mange ton pain' ou 'mangez votre pain' / Debet ho parajoù, 'mangez votre pain' (litt. 'vos pains')
  • ar re-mañ ac'hanoc'h, littéralement 'vous autres' pour un sujet pluriel

Il existe donc un système de vouvoiement, mais il ne passe pas par les pronoms ou l'inflexion verbale.


vannetais

Il se pourrait que la perte des formes au singulier soit plus étendue en vannetais que ce qui est signalé dans l'ALBB. Hemon (2000:§51,n1) considère que la forme d'adresse au singulier est perdue dans l'aire Ouest du vannetais, ce qui correspond au témoignage de Loeiz Herrieu en 1942 pour Hennebont. Le témoignage de R. Kadig pour Pontivy, est assez révélateur. Les villes semblent utiliser le système français, et le français local en 1942 peut être atteint de cette réduction, avec des marquages tu/vous erratiques. L'implication qu'il est plus étonnant de tutoyer une femme qu'un homme en français montre que ce témoin vient, lui, d'un dialecte où le vouvoiement est genré.

 R. Kadig, (Gwalarn 1942:423)
 "E kanton Fondivi e vez graet gant c'hwi hepken. Te a zo dianav-krenn. Meur a wech em eus klevet-me tud a ziwar ar maez, — mitizion dreist-holl degouezet nevez zo' e kêr, desket ganto un nebeut frazennou gallek, o treuzlec'hiañ e galleg an doare komz ma raent gantañ e brezoneg. Implijout a raent ur furm hepken, toi pe vous, ken na veze iskis meur a wech o c'hlevout o komz galleg. Unan a lavare tu d'an holl, zoken d'an itron : "toi, Madame, tu..." endra ma rae dalc'hmat unan all gant vous hepken, zoken ouz bugale vihan eus he ziegez hag anevaled."


Au XXI° siècle, on a toujours à l'Ouest du vannetais un système unique sur le pronom c'hwi, comme on le voit dans les notes de Cheveau (2011:30) et dans le corpus de Ar Borgn (2011) au Scorff. En (1), des enfants de moins de 4 ans à Pluvignier se chamaillent en c'hwi.


(1) Nann c’hwi n’oc’h ket fur! production enfantine (3 ans 8 mois), Pluvigner, Mermet (2006:137)
non vous ne'êtes pas sage
'Non toi tu n'es pas sage!' (dispute avec un autre élève à propos d'une chaise)


Le code-switching enfantin montre clairement l'usage de la personne plurielle du breton en usage équivalent au tutoiement français.


(2) Nann! tu laoskit Production enfantine (3 ans 10 mois), Pluvigner, Mermet (2006:annexe B)
non tu laissez
'Non tu laisses (ça)!' (dispute avec un autre élève à propos d'un feutre)


Lorient

 Cheveau (2011:30):
 "La première chose qui surprend est la présence de nombreuses formes de tutoiement dans l'ALBB pour Ploemeur. En effet, sur le terrain on s'aperçoit vite que dans la zone bas-vannetaise (à l'exception de l'île de Groix), les locuteurs n'utilisent jamais le tutoiement, ni spontanément, ni quand on leur demande de traduire de petites phrases en breton, et ne reconnaissent pas les formes de tutoiement quand on les utilise devant eux.
 [...]
 Dans mon corpus, je n'ai relevé aucune forme de tutoiement à Ploemeur (ni d'ailleurs dans les autres communes étudiées dans ma thèse: Guidel, Caudan et Quéven). [...] Pourtant, mes informateurs étaient enfants à l'époque où les enquêtes de l'ALBB ont été faites (1911) ou sont nés quelques années après, et devraient donc au moins se souvenir de ces formes s'ils les avaient entendues dans leur commune."


Val de Scorff

En val de Scorff, Ar Borgn collecte des formes plurielles en niveau de langue très familier.


(1) Kouchet mat oc'h.
coïncidé bien es.2PL
'Tu tombes pile-poil.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:25)


(2) Don 'peus lakaet ho piz en hoc'h lagad.
profond avez mis votre3 doigt dans votre3 oeil
'Tu t'es mis profond le doigt dans l’œil.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:36)


guérandais

Le pronom d'adresse familier documenté pour le guérandais était le pronom de la 2PL.


(3) Hi gleuf! Hi ouel houat! Hi zo klef. Guérandais fin XIX°
C'hwi 'glev C'hwi 'wel ervat! C'hwi zo klañv. Equivalent KLT
vous (R)1 entend vous (R)1 voit bien vous (R)1 est malade
'Tu entends.', 'Tu vois bien.', 'Tu es malade.' Mathelier (2017:35)


Moréac

Châtelier (2016:43) collecte en 2013 des formes de tutoiement en te à Moréac chez une locutrice née en 1924. Séveno, au début du siècle (ENVD.), ne produisait que des formes d'adresse plurielles. Il est possible qu'il s'agisse chez la locutrice d'une évolution due au français en contact, ou chez Séveno au vouvoiement obligatoire d'un texte religieux.


(3) / me we:l /
Me te wel.
moi toi 1 voit
'Je te vois' Haut-vannetais (Moréac), Le Tohic 2013, rapporté dans Châtelier (2016:43)


Perte du c'hwi?

En Léon pour Plougerneau, M-L. B. (04/2016) précise que des enfants de sa génération ont eu vouvoyé leurs parents, mais que ce n'était pas son propre cas. Elle montre par ailleurs elle-même un paradigme de vouvoiement incomplet sur les verbes.

Les locuteurs qui ne parlent plus le breton qu'en intimité avec des personnes qu'elles tutoient, et parlent plûtot avec une seule personne à la fois, peuvent perdre complètement les environnements discursifs qui mobilisent la production de ces pans de paradigmes verbaux.


Horizons comparatifs

En ancien français au XII°, on trouve des exemples de tutoiements/vouvoiements instables. D'un domaine propositionnel à l'autre, le locuteur peut passer du tutoiement au vouvoiement.


(1) Pren la corone, si seras coronez; O se ce non, filz, laissiez la ester : Je vos defent que vos n'i adesez.

'Prends la couronne, tu seras couronné. Sinon, fils, laisse-là: je te défends d'y toucher. '
Le couronnement de Louis, pdf


En allemand ou en espagnol, la troisième personne est la personne d'adresse de politesse. Ces usages en sont pas relevés à travrs les dialectes du breton.


Bibliographie

  • Goyat, Gilles. 2004. 'La deuxième personne dans le parler breton de Plozévet', Dialectologie et Géolinguistique, La Bretagne Linguistique 13, 129-138.
  • Kendalc'h Gwalarn (éd.). 1942. 'Te pe c'hwi?', Gwalarn 148-149, p.??, 150-151, 418-424.
  • Le Monze, S. 1998. 'Tutoiement, vouvoiement et autres formes d’adresse en français de Bretagne', La Bretagne Linguistique 11, CRBC.