Sujet prénégation
En breton standard, et dans la plupart des dialectes, le verbe montre un accord riche avec un sujet placé devant la négation, ce qui est remarquable car cela va, à première vue, contre l'effet de complémentarité du système d'accord breton. Ce sujet devant la négation peut porter une lecture de focus, ou une lecture neutre.
(1) | Ma z' | eus | gwall | amzer | ar bagoù | ne | c'hellint | ket | mont | er-meas. | |||||||||
si+C | est | mauvais | temps | le bateau.x | ne1 | pourront | pas | aller | dehors | ||||||||||
'Si le temps est mauvais, les bateaux ne pourront pas sortir.' | |||||||||||||||||||
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2016) |
Syntaxe de l'accord
accord avec un sujet prénégation
Le sujet devant la négation, sujet lexical ou pronom, déclenche l'accord riche sur le verbe, ce qui est une exception dans le système d'accord. Cette exception au système d'accord de la langue est largement documentée, et de longue date De Rostrenen (1738:178), Vallée (1926:39ff), Hardie (1948:162f), Kervella (1947:168), Le Roux (1957:Ch.II), Denez (1972:112), Hemon (1975a:273f, 1975b:63), Urien & Denez (1979/1980), Stephens (1982:218), Stump (1984, 1989), Schafer (1995), Schapansky (1996), Jouitteau (2005/2010), Jouitteau et Rezac (2006), Hewitt (2010b)...
(2) | [ Ɉi | nø laburaɲ tʃǝt | / | nø laburaɲ tʃǝt | anehɛ ] | ||||||||||||
gi | ne labourint ket | ne labourint ket | anezhe | ||||||||||||||
eux | ne1 travaillent pas | ne1 travaillent pas | P.eux | ||||||||||||||
'Eux, ils ne travaillent pas.' | |||||||||||||||||
Vannetais, Nicolas (2005:33) |
Le paradigme ne change pas lorsque la négation est sémantiquement invisible comme en (3), où 'les chiens aboient et ne font que cela' (négation explétive).
(3) | Ar | chas-ze | ne | reont | nemet | harzal | pe | yudal ! | |||||||||
le | chiens-là | ne1 | font | seulement | aboyer | ou | hurler | ||||||||||
'Ces chiens-là ne font qu'aboyer ou hurler.' | |||||||||||||||||
Standard, Le Bozec (1933:48) |
variation dialectale de l'accord
Il existe des variétés de breton dans lesquelles un sujet prénégation ne force pas l'accord. Les limites dialectales géographiques entre ces deux variétés ne sont pas actuellement systématiquement documentées, mais on trouve des exemples dans tous les dialectes de Bretagne sud (et en Trégor).
Stump (1984:293, n.2) note qu'il en existe des traces dans la grammaire du cornouaillais Trépos. Dans un corpus oral de Douarnenez, Denez (1984), on trouve (2), un exemple irrégulier où l'accord se comporte comme en phrases positives.
(2) | Ha | merc'hed Treboull | noe | ket tre | ar memes | taol dorn | da | lakaat | o | c'hoef. | ||||||||||||
et | femme.s Tréboul | avait | pas tt.à.fait | le même | coup main | pour1 | mettre | leur2 | coiffe | |||||||||||||
'Et les filles de Tréboul n'avaient pas la même façon de mettre leur coiffe'. | ||||||||||||||||||||||
Cornouaillais (Douarnenez), Melle Griffon, Denez (1984:73) |
Cet exemple peut paraître d'autant plus frappant qu'il s'agit du verbe kaout 'avoir' qui est bloqué à l'accord riche en breton standard mais ce verbe est régularisé dans le dialecte douarneniste. L'exemple en (3) est d'une source différente, toujours à Douarnenez, et montre qu'au positif, l'effet de complémentarité est présent sur le verbe kaout, alors qu'il n'est pas respecté dans la matrice.
(3) | Nann, | ar re-se | pa | nie | diskarget | o | sardin | en | hañv | a | yeent | gant | o | bag | da | vouilhiñ (...) | |||||||
non | le ceux-là | quand1 | avait | dé.charg.é | leur2 | sardines | e.le | été | R | allaient | avec | leur2 | bateau | pour1 | mouiller | ||||||||
'Non, ceux-là, quand ils avaient déchargé leurs sardines, en été, allaient au mouillage (...)' | |||||||||||||||||||||||
Cornouaillais (Douarnenez), G. Nouy | |||||||||||||||||||||||
cité dans Denez (1984:23). |
Le sujet prénégation peut se comporter de façon irrégulière jusqu'en cornouaillais de l'est maritime à Riec. Benoît Allaire collecte à Riantec : Poézañtèd ne géll ķed hadign nitra, litt. ...peizanted ne c'hell ket hadañ netra., '(Les) paysans ne peuvent rien semer' (dico parlants 2018).
(4) | Ma zud-kozh | ne | ouie | poz | galleg | ebet. | |||||||||||
mon2 parents-vieux | ne1 | savait | parole | français | aucun | ||||||||||||
'Mes grands-parents ne parlaient pas un mot de français.' | |||||||||||||||||
Cornouaillais (Riec), Mona Bouzeg (p.c.) |
(5) | 'lapous'd bi'n | vê | ké | dineiz't | nè . | ||||||||||||
Al lapoused bihan ne | vezont | ket | dineizhet | anezhe. | Équivalent standardisé | ||||||||||||
le oiseaux petit (ne1) | est | pas | dé.nich.é | P.eux | |||||||||||||
'On ne déniche pas les petits oiseaux.' | |||||||||||||||||
Cornouaillais de l'est maritime, Bouzec & al. (2017:294) |
Finalement, on trouve aussi des exemples irréguliers en vannetais, où Cheveau parle de "variation libre".
Cheveau (2007:214): "en Breton Lorientais nous avons observé de nombreux cas où même à la forme négative, le verbe ne s'accordait pas avec son sujet, surtout à la 3e pers. du pl. La forme accordée et non accordée semblent être en variation libre dans le cas des phrases négatives avec sujet antéposé. çɛ ʁɛ cǝ nitʁa, 'elles ne faisaient rien' (Qv2) tun dyd alɛ cǝ kaud oʁ velo wah, 'tout le monde ne pou[v]ait pas encore avoir un vélo (Qv1) çɛ go:ʒa cǝ tʁenhɛ, 'ils ne se parlent pas' (Gu2) tun dyd ʁɛ cǝt, 'tout le monde ne le faisait pas' (Gu2) ǝʁ viɟa:lǝ zɛ:bɛ cǝt, 'les enfants n'en mangeaient pas' (Cd2) o tyd wɛ cǝ peiz˜ɑ nɛhɛ ?, 'vos parents n'étaient pas des paysans ?' (Pm1)"
Selon Ternes (1970:284), la négation a un impact sur l'accord à Groix uniquement avec les sujets pronominaux ("Quand le sujet de la proposition est exprimé par un nom, le verbe négatif se met à la 3SG, que le sujet soit un nom au singulier ou au pluriel").
Ternes (1970:284) précise que "la détermination de la personne est obligatoire quand le sujet n'est pas exprimé par un nom". Cependant, il n'explique pas sur quelles données repose ce constat, or les pronoms de troisième personne provoquent tous à Groix la même morphologie verbale.
(6) | /jã | we:ru | čet / | ||||||||||||||
il | saura | pas | |||||||||||||||
'Il ne saura pas.' | |||||||||||||||||
Vannetais (Groix), Ternes (1970:285) |
(7) | /xa | we:ru | čet / | ||||||||||||||
elles | saura | pas | |||||||||||||||
'Elles ne sauront pas.' | |||||||||||||||||
Vannetais (Groix), Ternes (1970:285) |
Plus au sud, à Guérande, l'ALBB relevait:
- carte 206, pour la traduction de 'Je ne peux pas (courir)'; Mé gèl kèt (équivalent en orthographie standard Me c'hell ket).
- carte 235, pour la traduction de 'Je ne sais pas'; Me wèr kèit (équivalent en orthographie standard Me oar ket).
- carte 242, pour la traduction de 'Je ne savais pas (cela)'; Me werè kèit (équivalent en orthographie standard Me ouie ket).
Finalement, on en trouve trace en Trégor.
(7) | An dud | n'eo | ket | bras. | ||||||||||||||
le 1gens | ne1 est | pas | grand | |||||||||||||||
'Les gens ne sont pas grands.' | ||||||||||||||||||
Trégorrois (Planiel), M-N. Kadour-Le Gonidec, kontañ kaoz (12/2017) |
diachronie
Le sujet devant la négation déclenche normalement l'accord riche en moyen breton (Widmer 2017:232). On trouve cependant des exemples de non-accord d'un sujet prénégation dès le moyen breton.
Ernault (1888b:247,8): "le moyen breton met parfois l'impersonnel [cf. accord pauvre avec la négation, après le sujet: an re nen care 'ceux qui ne l'aimaient pas', Gr. Myst. de Jésus, 84; a te na cret 'ne crois-tu pas', ibid., 74 b; a te na goar 'ne sais-tu pas', Sainte Barbe, 614; huy na guel, Gr. Myst. de J., 147 b (mais a huy na guelet, S. B., 479). On lit encore ha c'hui na vel 'ne voyez-vous pas', dans Introduction d'ar vuez devot, p. 158, 276; et dans l'ouvrage de Le Bris intitulé Instruction var. ar Rosera (Quimper, chez Perier), 2e partie, p. 79; à c'huy na oar 'ne savez-vous pas', Quiquer, 1690, p. 59; c'houi na ielo ket 'vous n'irez pas', Barz. Br., 1867, p. 428, col. 1; c'houi na iei ket, 290; ar re na gomzo ket 'ceux qui ne parleront pas', Almanach de Léon et de Cornouaille, Brest, 1877, p. 53."
Le Gléau (1973:48) remarque ce fait d'accord anormal dans des données du début du XXe et note "cette simplification semble pour le moment abusive".
(1) | Al | loened | gouez | ne | reas | droug | erbet | dezhañ. | |||||||||
le | animal.s | sauvage | ne1 | fit | mal | aucun | à.lui | ||||||||||
'Les animaux sauvages ne lui firent aucun mal.' | |||||||||||||||||
HISA. (1900:72) | |||||||||||||||||
cité dans Le Gléau (1973:48) |
Structure informationnelle : impact sur le sujet
les sujets focalisés sont devant la négation
Dans tous les dialectes, un sujet qui reçoit une lecture de focus apparaît obligatoirement devant la négation. Cela est vérifié que les sujets soient lexicaux ou pronominaux.
(1) | Ar | vistri-skol | o-unan | ne | boulzent | ket | ar vugale | da | jom | war | ar mêz. | ||||||
le | 1maître.s-école | leur-un | ne1 | poussaient | pas | le 1enfant.s | à1 | rester | sur | le campagne | |||||||
'Les instituteurs eux-mêmes ne poussaient pas les enfants à rester à la campagne.' | |||||||||||||||||
Léonard (Cléder), Seite (1985:42) |
(2) | Ni | avad, | ar re | vihanna, | ne | oam | ket | sujed | d'al | lezenn-se ! | ||||||||||
nous | cependant | le ceux1 | petit.le.plus | ne1 | étions | pas | sujet | à1 le | loi-là | |||||||||||
'Mais nous, les plus petits, n'étions pas assujettis à cette règle !' | ||||||||||||||||||||
Léonard (Cléder), Seite (1985:43) |
Il semble y avoir une variation quant à la possibilité de sujets préverbaux devant la négation sans cette lecture de focus contrastif.
variation dialectale du placement des sujets non-focalisés
En standard, la règle normative est qu'un sujet devant une négation ne peut avoir de lecture neutre (Jouitteau 2010:418). On trouve parfois des suggestions que c'est une idéalisation des faits:
Corbel (1981:8) : "Le tentation de mettre le sujet en tête d'une négation correspond à une pratique courante : on devra l'éviter au départ de crainte d'une généralisation abusive."
Dans le corpus léonard Seite (1985), les seuls pronoms sujets devant une négation sont en co-occurrence avec des conjonctions d'opposition comme met 'mais' et avat 'cependant', des adverbes contrastifs comme kennebeut ou encore dans des contextes où ils suivent un ensemble avec lequel ils sont clairement contrastés. Dans le corpus de Timm (1989:364) à Carhaix, le sujet devant la négation est rapporté "marqué par l'emphase".
On trouve aussi en breton traditionnel des sujets lexicaux devant la négation qui ne sont pas focalisés, comme pointé par Varin (1979) et Kennard (2013:311). Kennard (2013:96) relève chez des locuteurs traditionnels, des jeunes adultes et des jeunes scolarisés dans un système immersif autour de Quimper un fort pourcentage de phrases négatives avec un sujet à l'initiale. Le matériel d'élicitation utilisé, à partir de cartes-mots et d'images à commenter, pourrait induire un plus grand nombre de sujets initiaux qu'en corpus spontané, mais le protocole écarte en tout cas efficacement les sujets focalisés à l'initiale.
Il existe indépendamment différents arguments syntaxiques que les sujets lexicaux devant la négation ne sont pas restreints à une lecture de focus.
impersonnel devant la négation
Les impersonnels sont, par définition, incompatibles avec la saillance informationnelle. Dans l'axe central des dialectes, où on trouve un impersonnel sujet devant la négation, ce sujet est en arrière-plan dans la structure informationnelle.
(1) | An nen | ne | glaska | ket. | ||||||||||||||
on | ne1 | cherche | pas | |||||||||||||||
'On ne cherche pas.' (la complication) | ||||||||||||||||||
Trégorrois (Bégard), locuteur né en 1915 | ||||||||||||||||||
Yekel & al. (2015-2017:'on') |
(2) | An nen | 'neus | ket | bet | klasket. | ||||||||||||||
on | ne1 a | pas | été | cherch.é | |||||||||||||||
'On n'a pas cherché.' | |||||||||||||||||||
Trégorrois (Bégard), locuteur né en 1920 | |||||||||||||||||||
Yekel & al. (2015-2017:'on') |
(3) | An nen | ne | oar | ket | bepred. | ||||||||||||||
on | ne1 | sait | pas | toujours | |||||||||||||||
'On ne sait pas toujours.' | |||||||||||||||||||
Cornouaillais (Riec), Mona Bouzeg, c.p. (01/2009) |
(4) | 'n nen | 'ouia | ket. | |||||||||||||||
on | R sait | pas | ||||||||||||||||
'On ne sait pas.' | ||||||||||||||||||
Haute-Cornouaille Favereau (1997:§316) |
une exception comme en Frison ?
En Frison de l'ouest, dans les phrases matrices, men ([mən]) peut être accentué. Sa dénotation est vaguement similaire à 'des gens comme nous', avec une tendance forte à glisser vers la lecture de la première personne du singulier. C'est une différence profonde avec le pronom on du français qui, s'il tolère une lecture 1SG (On a sa fierté !), ne supporte aucune mise en avant dans la structure informationnelle, et surtout pas un focus contrastif comme en (2).
(1) | MEN | moat | altyd | de | smoarge | putsjes | dwaan ! | ||||||||||||
on | doit | toujours | DET | sale | boulot | faire | |||||||||||||
'Je dois toujours me taper le sale boulot !' | |||||||||||||||||||
Frison de l'ouest, | Hoekstra (2010) |
(2) | In | oar | hat it | dien | en MEN | kriget | de skuld ! | ||||||||||||
DET | autre | a 3SGM | fait | et on | reçoit | DET blâme | |||||||||||||
'Quelqu'un d'autre l'a fait et JE suis blâmé.e !' | |||||||||||||||||||
Frison de l'ouest, | Hoekstra (2010) |
avec un focus postverbal
Le sujet ne reçoit visiblement pas le focus de phrase lorsque celui-ci est marqué de manière postverbale, comme en (1) où il est sur ker sot an eil gant egile.
(1) | An dud | ne | oant | ket | ker sot | an eil | gant | egile. | ||||||||||
le 1gens | ne1 | étaient | pas | tant sot | le second | avec | autre | |||||||||||
'Les gens n'étaient pas aussi sots les uns avec les autres.' | ||||||||||||||||||
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:11) |
On remarque le même type de focus postverbal avec une focalisation en nemet, ou en ebet.
(2) | Betec | ar blaves | 1834, | an traou | n'ho devoa | gréat | német | prospéri | étré | ho | daouarn | mes | allas... | |||||
jusqu'à | le ann.ée | 1834 | le choses | ne1 3PL avait | fa.it | que | prospérer | entre | leur2 | deux.main | mais | hélas ! | ||||||
'Jusqu'en 1834, tout avait prospéré entre leurs mains, mais hélas...' | ||||||||||||||||||
Léonard pré-moderne (Plouider, 1905), Burel (2012:188) |
Seite (1985:30): "A-wechou, pa veze kuzet mad an neiziou ha pa ne zeuem ket a-benn d'o havoud, or-beze an eston da weled eun deiz, eun torrad yér-bihan o tifoupa ha ne ouiem ket euz a beleh, gand ar yar goz ouz o heul. Med an dra-ze ne hoarveze nemed ral a wech." Seite (1985:42): "Ar hemm etre eul leanez hag a veze evidom eur wir vamm, a gomze brezoneg eveldon, hag eur mestr yaouank divrezoneg, o tond euz kêr-Vrest, m'am-eus soñj mad, a oa evidon eur hemm re vraz. Lakaet e oen, evel just, er hlas izella, anvet ganeom ar hlas bihan. Ar skolaer ennañ, evel m'am-eus lavaret, ne ouie gér brezoneg e-béd, ha me ken dizesk all war ar galleg !" Seite (1985:75): "Ar patatez d'ober had ne vezent tennet nemed pa veze kroget mad d'ar streo da veleni." "Euz ar Feunteun-Veur eo e teue dezo ar muia dour. Feunteun Sant-Ke, aliez, ne ree nemed bera : disterig an dour a zeue anezi."
La présence d'une focalisation postverbale ne rend pas obligatoire un sujet lexical postverbal non plus (tant qu'un autre élément est devant le verbe tensé).
Seite (1985:64): "Eiz deveziad baroiou o-deveze da lamed. D'ar mare-ze ne veze lamet ar baro nemed eur wech ar zizun."
information nouvelle sur toute la phrase
Ci-dessous, le sujet prénégation va zud introduit de l'information nouvelle, comme le fait tout le reste de la phrase, induisant un focus sur tout l'ensemble, donc sans emphase particulière sur le sujet.
Seite (1985:22): "Evel-se e tremene or buhez merket gand goueliou braz an Iliz : Nedeleg, Pask, ar Pantekost, Goueliou ar Zakramant, gouel an Oll-Zent... Va zud ne oant ket pinvidig." Seite (1985:39): "Tenn-kenañ e veze dezo mond en-dro, goude beza tañvet buhez c'hwék ar gêr, rag hini ne veze sur euz e vuhez. Ar mortuajou ne baouezent ket da zond." Seite (1985:59), début de paragraphe: "Yaouankizou an amzer hirio (komz a ran er bloaz 1984) ne hellint morse tañva na kompren petra 'oa or beilladegou gwechall. Seite (1985:60): "Moueziou groz ar wazed en em veske brao-kenañ, gand moueziou sklintin ar merhed ha moueziou tener ar vugale. An Anaon ne vezent ket ankounac'heet. Eur plas frank zokén a veze greet dezo, evel ma vijent c'hoaz euz an ti." Seite (1985:140): "E relijion a oa eün ha didroidell. N'ez ee ket da glask pemp troad d'ar maout. Ar mennoziou uhel ne drabasent ket e spered."
On le constate en matrice comme en enchâssée.
Seite (1985:30): "Bez' ez oa eun devez dreist ar re all evid ar hezeg : koursiou kezeg aot ar Hernig e Ploueskad. An devez braz-se a veze gortozet ganeom pell a-raog ma'h errue, rag va zad ne vanke morse da vond di." Seite (1985:70): "Me 'lavar deoh n'eo ket buhez eo a vanke neuze en ti nag en-dro d'an ti. Med réd e vije kabalad, rag ar gousperou ne hortozent ket, ha war ar poent-se, ar person koz a oa striz."
information donnée, ou partiellement donnée
Le sujet peut ne pas porter d'information nouvelle, mais de l'information entièrement donnée par le contexte, comme ici où il réfère à la phrase précédente.
Seite (1985:33): "Evel just, ar paour-kêz loen a wihe evel ma vijed bet ouz he laza. An dra-ze ne bade ket pell, a-drugarez Doue." Seite (1985:71): "“Eüruz an hini a zo hir e fri ! Hag eürusoh c'hoaz an hi' garo Soaz.“ An dra-ze 'vad ne oa ket siriuz." Seite (1985:88): "Ar wech kenta m'am-eus gwelet kement-se, e oan bet kén skoet ma'z eo chomet an daolenn-ze garanet em spered, evel ma vijem bet o tigemer an Aotrou Doue diskennet war an douar. Seurt taolenn ne hell ket beza komprenet gand bugale an deiz a hirio."
Le sujet peut aussi être partiellement introduit dans le discours, par association partie/tout, comme ici les roues après l'introduction du référent "voiture".
Seite (1985:23): "Pa glevem eun oto o tond, ni a skampe beteg ar hleuz, a gabale da bignad warnañ da weled ar harr-dre-dan o tond. Daou blas a veze ennañ peurvuia, digor d'ar pevar-avel. Ar rojou ne grevent morse, rag kaoutchou toud e oant."
reprise de topique
Le sujet devant la négation peut être un topique déjà installé dans le discours.
Miossec (1981:51): "... e sav hag e ya d'ar red beteg ar poliser. Digand hemañ e houlenn gervel dioustu eur medisin ha lakaad digas eur hravaz. Ar Poliser ne respont netra, evel ma vije bouzar."
indéfini
Le sujet devant la négation peut être un indéfini.
Seite (1985:62): "Gand arhant eo e c'hoariem : eur gwenneg toull an taol, hag atao war zaouhanter. Ne veze rivinet dén. Eur gwenneg toull ne dalveze ket kalz a dra."
quantifieurs
Parmi les sujets partiellement introduits, certains peuvent être quantifiés en ebet, ce qui n'est pas normalement disponible pour les topiques.
Seite (1985:35): "Ar vugale, evel just, a gemere perz er gouel-ze hag o-deveze droad da jom er gêr euz ar skol en deiz-se. Skolaer e-béd ne helle mired ouz kement-se." Seite (1985:56): "Va mamm a oa mestrez, rouanez an ti. An arhant a oa etre he daouarn ha dispign e-béd ne helle beza greet heb he asant." Seite (1985:41): "« Echu ar brezel ! echu ivez ar skol evid hirio ! Kit laouen d'ar gêr ! » Kit laouen !... An oll koulskoude ne oant ket laouen." Seite (1985:43): "Darn euz va hamaraded, paotred dizuj anezo, a bake “punisionou“ digand ar mestr. Neuze e veze rust an traou ha nikun ne vije eet da glemm er gêr euz eur roustad bet digand ar mestr-skol..."
topique dans le restricteur
Les restricteurs des noms nus den ou hini sont, eux, des topiques dont le référent est introduit par le contexte.
Seite (1985:50): "Ar punisionou a gouezas, diouz an druill, war or hein, med hini e-béd euz ar vistri ne zeuas a-benn da houzoud netra, nag ar gerent kennebeud, ar pez a oa souezuz a-walh, rag ar paotrezed n'edont ket heb gouzoud." Seite (1985:49): "An traou a badas evel-se e-pad ar goañv penn-da-benn, beteg an nevez-amzer, en eur vond atao war wasaad. Hini ahanom, a-vad, ne grede mond da zevel klemm na d'e gerent na d'ar Skolaer." Seite (1985:48): "Peurvuia, en or hontre, e vezem paotred fur a-walh, ha dén n'e-neveze tro da zevel klemm a-eneb deom..."
Le restricteur du nom nu sujet peut être à l'initiale, en position de topique, et laisser le nom nu en zone postverbale.
Seite (1985:144): "Evel m'am-eus lavaret dija, euz an diou japel he-doa e Kleder, houmañ, ha chapel Lomaria, ne jom mui hini e-béd."
construction du faux sujet et négation
Les sujets devant la négation semblent donc pouvoir avoir toutes les lectures qu'ils ont dans la construction du faux sujet. À noter que cette dernière est effectivement aussi compatible avec la négation.
Seite (1985:118): "Jañ-Mar ne oa fin e-béd dezañ da êsa e voul." 'Jean-Marie n'en finissait pas de viser avec sa boule.' Seite (1985:141): "Ar paour ne vez morse taolet evez outañ." 'On ne prête jamais attention aux pauvres.'
Avec le verbe emañ
La structure est différente lorsque le verbe emañ est utilisé, comme dans le cas des phrases progressives. Ce verbe est en effet licite seul à l'initiale de phrase, et semble immune à la règle V2 touchant les autres verbes.
Winterton (2011) compare les productions de trois générations de locuteurs, sur la même localité des environs de Quimper et avec la même méthodologie que Kennard (2013): une image est présentée aux locuteurs barrée d'une croix rouge pour obtenir une négation. Les phrases obtenues sont progressives négatives, très plausiblement avec une structure informationnelle plate. Winterton compte chez trois locuteurs seniors interviewés 88% de sujet lexicaux postverbaux, et seulement 10% de phrases avec un sujet à l'initiale (une occurrence isolée par ailleurs inexpliquée). Un contraste émerge nettement: les jeunes adultes et les enfants en classes immersives, hors cas d'attrition particulier, ont des productions similaires à leurs aînés alors que les enfants des classes bilingues montrent un usage massif de sujets à l'initiale dans ces structures.
analyse
Jouitteau (2005) propose que le verbe emañ est plus haut dans la structure que les autres verbes, prédisant ainsi que seuls des sujets focalisés peuvent le précéder. Dans ces cas, l'obligation de focalisation du sujet initial vient de la distribution particulière de ce verbe, et non de la négation en elle-même. On ne peut pas vérifier si l'effet persiste lorsque la négation est absente, car le verbe emañ est indépendamment (?) illicite avec un sujet initial, qui déclenche la forme zo de la copule.
Rezac (c.p.) relève cependant des exemples en Léon et Cornouaille où le sujet prénégation avec emañ ne porte pas de l'information nouvelle en contexte.
Léonard, Fave (1989): A-zav adarre... eur post-polis. Tostaad a reom ouz harzou Bro-Volivia hag e vez beillet aketuz war ar re a zeu hag a ya. Ar habiten n'ema ket er post, ne vez lezet dén da baseal. et après la mention en contexte du lieu Passe-Reine: Passe-Reine n'ema ket pell diouz Gonaïves.
Cornouaillais, Helias (1957): Chanorig: N'emaon ket o klask bara. Pinvidig n'on ket, med bara am-eus da zebri. O klask va gwaz emaon. Fañch: Ho kwaz n'ema ket amañ. N'eus nemedon hag a zoug bragou en ti-mañ. Cornouaillais, Helias (1958): Eur wech divontet ar voutaill, c'hwi oar mad, ar jistr n'ema ket pell o vond du ha treñk.
Analyse théorique
mouvement du sujet
Rezac (c.p.) remarque qu'il est possible de montrer que le sujet devant la négation résulte d'une opération de mouvement syntaxique car le sujet prénégation a une portée sémantique sous cette négation. En (1), la lecture sur le sujet est existentielle, c'est-à-dire qu'il existe des gens malades qui ne sont pas à l'hôpital ('Ce n'est pas le cas que tous les gens malades sont à l'hôpital'), et non pas 'C'est le cas que tous les gens malades ne sont pas à l'hôpital'. Le sujet devant la négation est donc interprété sous cette négation, là où se trouve la trace du mouvement.
(1) | An oll | dud | klañv | n'emaint | ket | _ | en | ospital. | ||||||||||
le tous1 | gens | malade | ne1 sont | pas | en.le | hôpital | ||||||||||||
'Tous les gens malades ne sont pas à l'hôpital.' | ||||||||||||||||||
Helias, Brasa pareour er bed, pdf |
mouvement de focus et that-trace effect
Jouitteau (2005:411) propose de dériver les cas de lecture focale avec accord riche par l'hypothèse que la partie préverbale ne de la négation est un complémenteur, une tête C déclenchant une résomptivité obligatoire lorsqu'un sujet le dépasse ("That-trace effect").
Un sujet dépassant une tête de négation déclenche donc un double pronominal qui lui, déclenche l'accord riche en s'incorporant.
Cette hypothèse ne rend pas compte des ordres de mots où le sujet ne serait pas dérivé par mouvement.
remise en cause du statut de sujet
Dans son abrégé grammatical du breton de Plougrescant, Le Dû (2012:104) propose de considérer que le sujet devant une négation n'est en fait pas le sujet de la phrase, mais une apposition. Le sujet réel de la phrase est alors le pronom déclenchant l'accord riche sur le verbe, ce qui expliquerait le double occurrence des marques du sujet.
Cette hypothèse n'est possible que dans une définition de l'apposition qui ne requerrait pas l'adjacence des termes. En effet, les deux formes co-référentes au sujet de la phrase ne sont jamais juxtaposées dans une phrase négative.
une construction du faux sujet... accidentellement sur le sujet
L'intuition de Le Dû (2012:104) pourrait être travaillée en pensant qu'il s'agit fondamentalement, dans les structures informationnelles plates, d'une construction du faux sujet. Selon l'analyse de Jouitteau (2005), un groupe nominal est généré en position SpecTop dans la périphérie gauche, et lie un résomptif plus bas dans la structure IP.
Cette hypothèse n'explique cependant pas pourquoi cette structure n'est pas disponible dans les phrases positives.
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