Salutations et prises de contact

De Arbres

Les salutations et prises de contact en breton sont essentielles pour décider de si la conversation qui va suivre se fera entre les locuteurs en breton, ou si elle passera au français. Le breton standard a une certaine souplesse et quelques termes de salutations reconnus comme Boñjour ou Demat utilisables globalement comme en français. Les dialectes traditionnels utilisent aussi souvent des systèmes divergents sans interjection ritualisée. La variation est grande, d'autant plus que les règles de tutoiement et vouvoiement, rarement évitables en salutations initiales, sont sujettes à une grande variation dialectale.


Interjections ritualisées

L'interjection Demat ! 'Bonjour !' est formée de façon transparente du nom deiz 'jour' suivi de l'adjectif mat 'bon'. La forme boñjour, empruntée au français, est aussi adoptée de longue date, ainsi que ses dérivés debonjour, dibonjour, ou le verbe boñjouriñ. On trouve aussi communément la forme Salut !, Salut deoc'h ! ou le verbe saludiñ (Ho saludiñ a ran 'Je vous salue').

Fave (1998:121) rapporte que dans son village d'origine, Cléder en Léon, la salutation commune n'était pas Demat ! ni Salut ! mais A deoc'h !, ce qu'il n'a pas ensuite entendu ailleurs mais a retrouvé dans le breton pré-moderne de Santez Tryphina hag ar roue Arzur. Il choisit spécifiquement la graphie A ! et non pas Ha !, mais ce n'est pas pour refléter une prononciation. Il veut juste différencier cette particule du marqueur de coordination ha(g).

Dans le manuscrit de Santez Tryphina hag ar roue Arzur édité par Luzel, cette salutation Ha deoc'h sert aussi lors du départ.

  • Ha d'ehoc'h eta, itron, ken a vezo neuze !
'Au revoir, madame, jusqu'à notre retour !'
Luzel (1863:276)
  • Ha d'ehoc'h, ma breur Arzur, ar zalud a zougan...
'À vous, mon frère Arthur, je porte le salut...'
Luzel (1863:12)
  • Ha d'ehoc'h ! Arzur a Vreiz [...] me a zoug deoh ar zalud, a-berz Abacarus.
'Salut à vous, Arthur de Bretagne, [...] je vous salue au nom d'Abaracus.'
Luzel (1863:74)
  • Ha d'ehoc'h, matez iaouank setu me digasset, Gant ar gouarner d'ho kaout...
'Salut, jeune servante, je suis envoyé vers vous par le gouverneur...'
Luzel (1863:250)
  • Ha d'ehoc'h ! Arzur, ma breur, roue a Vreïz-Vihan.
'Salut à vous, mon frère Arthur, roi de la Petite-Bretagne.'
Luzel (1863:318)
  • Ha d'ehoc'h, den a enor, unan ma mignoned
'Salut à vous, homme d'honneur, mon ami'
Luzel (1863:320)


Comme souligné par Fave, on trouve aussi dans ce corpus d'autres salutations en compétition (Deuet mad ra viot p. 72, Deiz mad deoh p. 18, 334, 342, Salud deoh p. 246, 332) .

Sans interjection ritualisée

Les interjections ritualisées, si elles peuvent être connues, ne sont pas toujours utilisées par les locuteurs des dialectes traditionnels qui peuvent recourir à d'autres stratégies de salutations.

À noter qu'au téléphone, certains locuteurs de dialectes traditionnels n'ont pas d'accroche initiale de type allo, ni aucun équivalent (A-M. Louboutin (10/2021)).


décrire l'évidence

Les salutations commencent souvent en breton avec des descriptions d'une situation partagée (O vont ? /en train d'aller/, Brav an amzer... /beau le temps/...).

Cette habitude peut dérouter car elle enfreint aux règles conversationnelles, ailleurs respectées, qu'une question ne peut pas interroger sur une évidence partagée (O vale neuze ? 'On se promène ?').


demander des nouvelles

Demander directement des nouvelles est aussi une stratégie traditionnelle répandue.


(1) Ahanta, Kaou ! Mond a ra mad ganéz ?
interjection Kaou aller R1 fait bien avec.toi
'Eh, Kaou, ça va ?'
Léon, Seite & Stéphan (1957:71)


(2) Penaos emañ ar bed ganeoc'h ?
comment est le monde avec.vous
'Comment allez-vous ?'


(3) A : Penaoz ema ho yehed breman ?
comment est votre3 santé maintenant
'Comment allez-vous ces jours-ci ?'
B : Er mod-se hag e giz-se hag e giz-se hag er mod-se.
en.le mode- et en.le guise- et en.le guise- et en.le mode-
'Comme ci, comme ça.' (vraiment pas trop bien)
L'Hôpital-Camfrout, Le Gall (1958)