Réduplication

De Arbres

Il existe en breton différents phénomènes de reduplication morphologique (br. doubladur).

restent à intégrer dans cette fiche les tournures:

"mui-ouzh-mui", "keñver-ouzh-keñver", "tamm-pe-damm", "mui-pe-vui"
"a den da zen", "renk-ouzh-renk", "daou-ha-daou"
"koshoc'h-koshañ", "gwelloc'h-gwellañ", "bravoc'h-bravañ"


Les intensificateurs

Dans le cas des intensificateurs, une forme adjectivale est entièrement redupliquée: tomm-tomm, /chaud-chaud/ signifie très chaud.

Gros (1984:61-2) donne: berr-berr ('très court'), bihan-bihan (très petit), braz-braz (très grand), brao-brao (très belle), hir-hir (très long), moan-moan (très mince), pell-pell (très loin), teo-teo (très grosse).


Pour former un adverbe, la marque de coordination ha apparait entre les deux formes adjectivales redupliquées.

Gros (1984:62) donne: berr-ha-berr (/court et court/= brièvement), buan-ha-buan (/vite et vite/ = très rapidement), prim-ha-prim (/prompt et prompt/ = en vitesse), sioul-ha-sioul (/tranquille et tranquille/= 'en grand secret')

Les quantifieurs

Il nous manque une étude fine des quantifieurs et même des indéfinis en breton ( br. raganv damresisaat). La reduplication est un processus morphologique productif pour obtenir un indéfini: un nom nu est redupliqué autour de la préposition pe ('ou'). Cette préposition provoque une mutation consonnantique (lénition) sur l'élément redupliqué: e ti-pe-di: /dans maison-ou-maison/ signifie 'dans une maison quelconque'.

X pe X

Cette reduplication nominale autour de pe, 'ou' résulte en un indéfini. Den pe zen, littéralement [homme ou homme], désigne réfère à n'importe quelle entité répondant à la qualification de 'homme'. La tournure implique une attitude indifférente du locuteur vis-à-vis de l'identification de cette entité.

Gros (1984:70) donne, entre autres:

devezh-pe-zevezh (/jour ou jour/ = 'un jour ou un autre, un jour quelconque à ton choix'),
hini-pe-hini (/N-ou-N/ 'l'un ou l'autre'),
e prenestr-pe-brenestr (/P fenêtre-ou-fenêtre/ = à une fenêtre ou à une autre),
mad d'ober sort pe sort (/ bon à faire sorte-ou-sorte/ = 'bon pour faire une chose ou une autre'),
tamm-pe-damm (/morceau ou morceau/ = 'un morceau ou un autre'),
tu-pe-du (/coté-ou-coté/ = d'un 'coté ou de l'autre')...


Det X-mañ X

Cette formation est très étrange. Elle implique un nom dont le déterminant peut être présent, suivi du déictique locatif adverbial -mañ et, immédiatement, de la reduplication nominale. Le résultat sémantique est un terme désignant une entité indifférenciée des autres entités avec lesquelles elle forme classe (dico An Here:-mañ, II br. ).


l'expression démonstrative

Le déictique locatif adverbial clitique -mañ crée des démonstratifs en s'accolant au nom. Ce mécanisme de création des démonstratifs à partir d'un déterminant défini et d'un déictique spatial est commun à travers les langues (par exemple en créole Haitien). Ce qui est étonnant en breton est que la reduplication du nom puisse produire un indéfini.


(1) a. racine nominale reduplication b. DP reduplication
plac'h > plac'h-mañ plac'h an ti > an ti-mañ ti
fille fille-là fille DET maison DET maison-là maison
fille 'telle ou telle fille' 'la maison' 'telle ou telle maison'


Les démonstratifs pronominaux (type celui-ci, celle-là) sont synthétiques, c'est à dire qu'ils sont réalisés en un seul morphème. Ces démonstratifs aussi peuvent entrer dans la construction reduplicative. Il est intéressant de noter qu'au pronom qui est déjà démonstratif s'adjoint encore le déictique spatial -mañ.


(2)a. démonstratif pronominal reduplication
Hen (hennezh) > hen-mañ hen Cornouaillais, Trépos (2001:177)
celui.ci [celui.ci]-là celui.ci
'celui-ci' 'untel ou untel'

l'élement redupliqué

L'élément redupliqué est la plupart du temps un nom nu. Cependant, pour Kervella (1995:§509), l'opération de reduplication concerne aussi le déterminant défini précédant le nom. Le déictique spacial -mañ, lui, n'est jamais redupliqué.


(x). DP reduplication b. DP reduplication c. DP reduplication
an den-mañ > an den-mañ-'n den ar c'hi-mañ > an den-mañ-'r c'hi el lec'h-mañ > el lec'h-mañ-'l lec'h
DET homme-là DET homme-là-l'homme DET chien-là DET chien-là DET chien P.DET lieu-là P.DET lieu-là-DET lieu
'cet homme' 'tel ou tel homme' 'ce chien' 'tel ou tel chien' 'dans ce lieu' 'dans tel ou tel lieu' Kervella (1995:§509)


Lorsque le déterminant induit une mutation consonnantique sur le nom, le nom redupliqué peut porter la même mutation (ici, en (3) la lénition T>D notée "L"). Celà n'est pas automatique (4).

(3) ... ma ran an Ldra-man-Ldra.
... si fais.1SG DET chose-là-chose
'... si je fais telle ou telle chose.' léonard Kerrien (2000:8)
(4) ar Lwezenn-mañ-gwezenn.
DET arbre-là-arbre standard dico An Here 2001

Distribution

- relevés en situation -


(x) M'ho pez ezhomm ac'hanon da c'houzout tra pe dra, da gavout ar sal-mañ sal, sonit ar c'hloc'h [].
Si 2PL avez besoin P.1SG pour savoir chose ou chose, pour trouver DET salle-là salle, sonnez la cloche
'Si vous avez besoin de moi pour savoir quoi que ce soit, pour trouver une salle (quelconque), sonnez la cloche.' standard, Dupuy (2007:40)


(2) Ya, ya, e-giz ma leverez, an devezh-mañ devezh e vezo graet memestra
Oui, oui, comme C dis.2SG le jour-là jour R sera fait quand.même
'Oui, comme tu dis, tel ou tel jour ce sera fait quand même.' standard, Blaz an douar, p.18


diachronie

La formation de l'indéfini par reduplication date au moins du moyen breton. Hemon (2000:§77 et §108, n.5) en relève quelques exemples. Il se pourrait que dans les structures qu'il note, certaines soient des reduplications autour non pas d'un déictique spacial, mais de l'élément de coordination a (hen-a-hen).

Le type X di-X

rôle sémantique de di- hors reduplication

di- est un préfixe qui force la lecture 'degré zéro' des noms et des verbes. Les exemples du tableau ci-dessous sont tirés du dictionnaire de Favereau.


(x) A - C'hoarzhiñ a ra ! B - Dic'hoarzhiñ a ray!
rire fait pfx-rire fera
'A - Il rit! .... B - Ca lui passera!!'


(y) Dont d'ar gêr divragoù ha divotoù
aller à.DET maison pfx-pantalons et pfx-chaussures
'Rentrer chez soi sans pantalon et sans chaussures.'


Cette structure est productive avec les adjectifs:

didrouz, difazi, diboell, didud (dico An Here I)


Elle peut s'utiliser pour exprimer des contraires. Il ne s'agit alors pas de reduplication.

Pa vêr klañv, gwas pe diwas, an dra-se 'zo heñvel! (Poullaouenn, dico Favereau)
glav pe dic'law (Are, dico Favereau)


Dans les structures reduplicatives cependant, l'effet sémantique est la récurrence de l'action. Pour penser cette structure en terme de dégré zéro, il faut appliquer ce degré zéro sur la borne de fin de l'action exprimée par le verbe.

Construction reduplicative

Verbe-di-Verbe

La construction reduplicative [V-di.V] du verbe est productive avec différents verbes. Elle existe aussi bien avec un verbe tensé (y), participe (x) ou infinitif.

(x) Brallet-divrallet e oa war azezenn a-dreñv karr e dud
branler-di.branler R était.3SG sur siège arrière voiture POSS.3SGM parents
'Il était secoué de tous côtés sur le siège arrière de la voiture de ses parents.' standard, Dupuy (2007:26)


(y) ... ken e koeñve-digoeñve toennoù al lestr mein.
tant.que R enflait-di.enflait toits DET vaisseau pierre
'tant que les toits du vaisseau de pierre respiraient (se mettaient à s'enfler et se désenfler).' standard, Dupuy (2007:25)


(z) hejañ-dihejañ, bountañ-divountañ(Dico Favereau)

chetañ-dichetañ: trimbaler, chetet ha dichetet (Poher, dico Favereau)
toullañ-didoullañ, (dico An Here I)

Adjectif-di-Adjectif

kemm-digemm: "interchangeable, très changeant" (dico Favereau)
klañv-diglañv (dico An Here I)

rôle sémantique de di- dans la construction x (ha) di-X

 Dico An Here I: 
 "Troiennoù a vez geriet ganto un ober pe ur stad a c'hoarvez en-dro a bennadoù stank." 


 Gros (1984:374): "ce préfixe [di-] sert à former des locutions à deux termes: 
 le positif et son contraire, exprimant la répétition ou la continuation d'une action ou d'un état: 
 
 ruillet ha diruillet, /roulé et déroulé/, 'balloté'
 trei ha distrei, 'continuer à tourner et à virer'... "
 
treiñ ha distreiñ (dico An Here I)
taoler ha distaoler: "taolet ha distaolet d'an eil soñj d'egile"


L'adjectif peut être un déverbal, il peut ne pas muter et recevoir un modificateur perfectif ("-tout"):


(x) Goude e vezont bloñset ha dibloñset tout evel-just.
après R sont tapé et /di-tapé/ tout comme-juste
'Après, ils sont meurtris bien sûr.'
Leon, Blaz an douar, p.152.