Différences entre les versions de « Résomption du sujet 'à la cornouaillaise' »

De Arbres
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Les [[résomptivité|pronoms résomptifs]] du sujet ne sont pas des arguments du verbe ([[Timm (1995)|Timm 1995]]).
Les [[résomptivité|pronoms résomptifs]] du sujet ne sont pas des arguments du verbe ([[Timm (1995)|Timm 1995]]).


Ils ont une fonction "pléonastique" (Le Gléau 1973:17, Stump 1984:44). Ils sont sans effet particulier de discours (ni [[contrastif]], ni [[focus|emphatique]]).
Ils ont une fonction "pléonastique" (Le Gléau 1973:17, [[Stump (1984)|Stump 1984]]:44). Ils sont sans effet particulier de discours (ni [[contrastif]], ni [[focus|emphatique]]).


La préposition ''[[a]]'' dans laquelle le [[résomptivité|pronom résomptif]] est incorporé est sémantiquement nulle. C'est une préposition-outil qui semble uniquement servir de support morphologique à cette incorporation.
La préposition ''[[a]]'' dans laquelle le [[résomptivité|pronom résomptif]] est incorporé est sémantiquement nulle. C'est une préposition-outil qui semble uniquement servir de support morphologique à cette incorporation.


== Distribution ==
== Distribution ==

Version du 1 juillet 2017 à 11:51

La résomption du sujet dite 'à la Cornouaillaise' montre un sujet dans son emplacement canonique, doublé par un pronom incorporé dans une préposition support, c.a.d. sémantiquement nulle.

Ci-dessous en (1), le sujet masculin singulier qui déclenche l'accord sur le verbe n'est pas exprimé, c'est un pronom vide. Il est repris anaphoriquement par le pronom masculin singulier -añ incorporé dans la préposition support a.


(1) Ne glev netra anezañ.
ne1 entend rien P.lui
'Il n’entend rien.' Cornouaillais, Trépos (2001:444)


La résomption du sujet est restreinte à la personne 3 et est souvent associée à présence de la négation syntaxique et aux verbes intransitifs.


Interprétation

Les pronoms résomptifs du sujet ne sont pas des arguments du verbe (Timm 1995).

Ils ont une fonction "pléonastique" (Le Gléau 1973:17, Stump 1984:44). Ils sont sans effet particulier de discours (ni contrastif, ni emphatique).

La préposition a dans laquelle le pronom résomptif est incorporé est sémantiquement nulle. C'est une préposition-outil qui semble uniquement servir de support morphologique à cette incorporation.

Distribution

Les structures de résomption du sujet, dans les variétés de breton où elles sont productives, sont soumises à deux restrictions:

- la restriction à la personne 3
- l'association avec la négation ou avec, plus généralement, les contextes monotones décroissants.

La résomption du sujet est surreprésentée avec les verbes intransitifs mais existe aussi avec des verbes transitifs.


restriction à la personne 3

Kervella (1947:§424) note une utilisation du pronom à la personne 3, qu'il lie à la difficulté d'utiliser un pronom direct (de forme donc , hi ou int), "surtout aux temps composés".

N'eo ket deuet anezhi c'hoazh.
An ti ne oa ket echu mat anezhañ c'hoazh pa 'z ejont di da chom.
N'int ket en em gavet anezho kennebeut.


Il existe cependant de tels résomptifs hors des temps composés.


(3) Ne rafent ket an dra-se anezo, koulskoude!
ne feraient pas le chose- P.eux cependant!
'Ils ne feraient tout de même pas cela!' Cornouaillais, Trépos (1968:§444)


Selon Trépos (1968:§444), dans une formulation qui induit l'optionalité, "A la forme négative, la troisième personne peut-être renforcée par la préposition conjuguée anezañ: 'lui', anezi: 'elle', anezo: 'eux, elles'." Au singulier, le résomptif peut servir à une désambiguïsation de genre.


(1) Ne hello ket sevel ken anezi.
ne1 pourra pas lever plus P.elle
'Elle ne pourra plus se lever.' Cornouaillais, Trépos (2001:444)


(2) Paneve se, me lar dezhi, nie ket gallet kaout boued anezho ivez.
quand.ce.n'est ça moi dit à.elle auraient pas pu avoir nourriture P.eux aussi
'Sans ça, je lui dis, ils n'auraient pas pu avoir à manger non plus.'
Douarneniste (Tréboul), Troadec, Hor Yezh (1983:72)


Urien & Denez (1979) et Timm (1995:18) relèvent la restriction à la personne 3.


association avec la négation

Cette structure de résomption du sujet est nettement associée à la négation: elle semble n'apparaître que dans les contextes négatifs.

Il existe une variation dialectale dans les contextes qui autorisent la résomption du sujet. En dialecte Douarneniste, la résomption du sujet est associée plus largement à certains contextes monotones décroissants.

Ainsi, un adverbe comme a-raok, 'avant', est connu pour son affinité avec la négation puisqu'il peut autoriser des items de polarité négative. Ci-dessous en (4), le sujet exprimé féminin singulier honnezh est repris anaphoriquement par le pronom féminin singulier -i incorporé dans la préposition a, comme le montre leur coïndexation par l'indice x. Il est probable que ce qui autorise cette construction est ici l'adverbe a-raok. En (4), on voit que cet adverbe araok en breton autorise la résomption du sujet pour un locuteur de Douarnenez reporté par Timm (1995:21). Dans la traduction française, cet adverbe est associé avec le ne de la négation explétive. Cette phrase est agrammaticale pour Mona Bouzeg (de Riec), qui par ailleurs utilise cette structure avec la négation morphologique ((ne) ... ket).


(4) araok teuio honnezhx d'ar gêr anezhix.
avant R4 viendra celle.là à'le maison P.elle
'Avant qu'elle (ne) retourne à la maison.' Cornouaille, (Douarnenez), Timm (1995:21)


Le focalisateur restrictif ken, seulement', a le même effet d'autorisateur dans ce même dialecte de Douarnenez.


(4) Setu e-giz-se ouiex ken an dra-se anezhix.
voila comme-ça savait seulement le chose- P.elle
'Voilà comme ça, elle ne savait que ça.' Le Juch, Hor Yezh (1983:21)


pas de restriction aux intransitifs

Les exemples en corpus montrent que la résomption du sujet est plus répandue avec les verbes intransitifs (Urien & Denez 1979). Cependant, on trouve des contre-exemples en breton douarneniste ou en vannetais. Timm (1995:20, 21) fournit des exemples de résomption du sujet avec les verbe prenañ 'acheter', deskiñ 'apprendre' et gwerzhañ 'vendre'. On trouve aussi sous leur forme transitive les verbes prenañ 'acheter', debriñ, 'manger', lâret, 'dire', gwelout ou kuzhat, 'cacher'.


(5) Brene ket gwall alies onenn anezh.
(ne) achetait pas très souvent frêne P.lui
'Il n'achetait pas de frêne très souvent.' Cornouaille, (Douarnenez), Hor Yezh (1983:17)


(6) /(in) 'ɥɛl -ən cə 'mi nin'tʁa: / Névez, Desseigne (2015:40)
Int 'wel -int ket mui netra anezhe.
eux 1voit -eux pas plus rien P.eux
'Ils ne voient plus rien.'


(7) 'noa ket lâret 'nezhi ma oa 'ba' he soñj mont d'ar fest-noz pe d'ar sinema.
avait pas dit P.elle si était dans son pensée aller à le fest-noz ou à le sinema
'Elle n'avait pas dit (elle), si elle pensait aller au fest-noz ou au cinéma .' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:31)


(8) Setu hi neus ket bet amzer da zebriñ tout ar moneiz anezhi...

Bas-Cornouaillais (Tréboul), Hor Yezh (1983:73)


incompatibilité avec un sujet lexical postverbal

La compatibilité avec un sujet lexical est avérée.


(1) Ma eontr 'oa ket kontant ' naoñ. Breton de Saint-Yvi, German (2007:176)
mon oncle était pas content P.lui
'Mon oncle n'était pas content.'


Desseigne (2015) note cependant que le pronom anaphorique du sujet à Trégunc n'est pas autorisé lorsque ce groupe nominal sujet est postverbal.


(2) /n- 'ɛ(e) cə n-'dyd də 'gusəd 'ʁe zy'ɥæ:t (* ) /
Ne zae ket an dud da gousket re ziwezhat (* anezho). équivalent écriture standard
ne1 allait pas le1 gens pour1 dormir trop1 tard P.eux
'Les gens n'allaient pas se coucher trop tard.' Tregunc, Desseigne (2015:40)


On peut par ailleurs vérifier que le résomptif ne devient pas un vrai pronom sujet, car il est compatible dans le champ postverbal avec des traits d'accord.


(3) Ah ben peogwir ne ouient ket mat anezho da lakaat pesked e boestoù.
ah ben parce que ne1 savaient pas bien P.eux pour1 mettre poissons dans boîtes
'Eh bien parce qu'ils ne savaient pas bien mettre les poissons en boîte.'
Anna Colin [01/1984] Cornouaille (Plouhinec), Ouest en mémoire

site d'apparition du pronom anaphorique

Les formes transitives à objet réalisé permettent de voir que le résomptif du sujet apparaît à droite, mais aussi dans l'emplacement canonique d'un sujet réalisé, à gauche de l'objet. En (1), l'ordre des mots est VSO: le verbe précède le sujet qui précède l'objet. Si le pronom résomptif du sujet était apparu en périphérie droite, il serait apparu à droite de l'objet ar si-se he deus.


(1) Ne guz ket anezhi ar si-se he deus.
ne1 cache pas P.elle le vice- 3SGF a
'Elle ne cache pas son vice [ce vice qu'elle a].' Vannetais, Ar Meliner (2009:94)


(2) Papa gave ket aes anezhañ ar matelaouioù. Le Juch, Hor Yezh (1983:25)
Papa (ne1) trouvait pas facile P.lui le matelas
'Papa ne trouvait pas les matelas pratiques.'


(3) /nwače naj kals unit / Groix, Ternes (1970:292)
N'o doa ket anezho kalz gounit. équivalent écriture standard
ne avait pas P.eux beaucoup gain
'Ils n'avaient pas beaucoup de gain.'


Borsley & Stephens (1989:414) notent que l'anaphore ne peut pas être à l'initiale, en contraste avec une préposition sémantiquement pleine. Ils en concluent qu'il s'agit d'un pronom lexical, mais les pronoms lexicaux peuvent être antéposés.


(4) (* Anezho ) N'int ket bras (anezho). Douarneniste, Borsley & Stephens (1989:414), adaptant Denez (1977)
P.eux ne'sont pas grand P.eux
'Ils ne sont pas grands.'

Répartition dialectale

Cornouaille

La construction est typique du Cornouaillais et s'y maintient. A Plozévet, les multiples exemples de Trépos se retrouvent dans Goyat (2012).


(1) /ma ked divar 'zu:r ˌnɛ /
N’ema ket diwar zour anez.
ne1'est pas de1 eau P.lui
'Il n’a pas bu que de l’eau.', litt. 'Il n'est pas à l'eau (de).lui.' Plozévet, Goyat (2012:264)


(2) E choujal 'don va binoklou 'dint ket ganeoñ aneu.
à4 penser suis mon binocles sont pas avec.moi P.eux
'Je suis en train de penser: j'ai pas mes binocles.' Sein, Kersulec (2016:27)


Cette construction est aussi largement reportée par Bouzeg (1986) pour le haut-cornouaillais de Riec.


(3) Ne vez ket alies divew anezh.
ne1 est pas souvent pfx1-saoul P.lui
'Il est ivre la plupart du temps.' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:I)


Cette construction est relevée à Tregunc et Névez par Desseigne (2015).


le cas de Saint-Yvi

A Saint-Yvi, le système a basculé. Il ne s'agit plus de la résomption du sujet classique, et il semble que le composé présositionnel soit en passe de devenir le vrai sujet de la phrase. En (1), tournure innovative restreinte à certaines expressions et à certains locuteurs en breton de Saint-Yvi, toutes les personnes du paradigme semblent possibles.


(1) oar ket 'hanon. oar ket 'hanout. oar ket naoñ. oar ket nei. oar ket 'hanom.
sait pas P.moi sait pas P.toi sait pas P.lui sait pas P.elle sait pas P.nous
'Je /tu / il / elle / on ne sait pas.' Saint-Yvi, German (2007:175)


Le dialecte de Saint-Yvi développe indépendamment des pronoms faibles délivrés de l'obligation d'incorporation, et ce même en dehors des structures de résomption du sujet dite 'à la cornouaillaise'.


(2) vi ahanom 'hond da Sant Ivi. Saint-Yvi, German (2007:177)
quand était P.nous à4 aller à Saint-Yvi
'Quand nous avions l'habitude d'aller à Saint-Yvi.'


La réinterprétation progressive du composé prépositionnel en sujet de la phrase est évident lorsqu'ils peuvent déclencher l'accord gelé. German (2007:176) note que ce choix de l'accord est optionnel, mais que l'accord riche obtient un effet d'emphase sur le sujet.


(3) Hè lare oa ket 'kas kaout an dra-se ‘nè. Saint-Yvi, German (2007:176)
eux disait était pas à4 envoyer avoir le chose-ci P.eux
'Ils disaient qu'ils ne cherchaient pas cela.'


(4) An dud teue ket da vakañs ‘nè giz ra hè brem’. Saint-Yvi, German (2007:176)
le 1gens venait pas pour1 vacancer P.eux comme fait eux maintenant
'Les gens ne venaient pas en vacances comme maintenant.'


L'étendue dialectale de ce phénomène est plausiblement très restreinte. Le traducteur de Cosey utilise des structures de résomption du sujet en négatives sans restriction sur la personne comme illustré en (5). Cependant, si la préposition semble bien sémantiquement vide, elle semble disloquée à droite alors que les résomptifs du sujet sont intégrés à la proposition.


(5) N'em eus kavet riboull all ebet, ac'hanon.
ne'R.1SG a trouvé chemin autre aucun P.moi
'Je n'ai trouvé aucun autre chemin.' traducteur Cosey, Kavell ar Bodhisattva, Jonathan 4, p.33

Bas-vannetais

Cette construction est prototypique de la Cornouaille, mais existe aussi en bas-vannetais (v. aussi Nicolas 2005:33).


(2) N'eo ket forzh fin anezh.
ne est pas très fin P.lui
'Il n'est pas très fin.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:52)


(3) [ brøma sεlant ʃəvras dən trəwsə anε mε nøzεn wεn sevεr ]
bremañ 'sellant ket vras d'an traoù-se anezhe met neuze 'oant sever.
maintenant ne1 regardent pas 1grand à'le choses-ci P.eux mais alors R étaient sévère
'Maintenant ils ne sont pas regardants sur ces choses-là, mais à l'époque, ils étaient sévères.'
Bas-vannetais, Nicolas (2005:22).


En bas-vannetais, on trouve aussi des résomptifs du sujet avec des verbes transitifs, et avec l'auxiliaire kaout, 'avoir' (4).


(4) [ nø laburaʃəd øni ] / [nø laburaʃət hønõ ]
ne laboura ket anezhi ne laboura ket anezh
ne1 travaille pas P.elle ne1 travaille pas P.lui
'Elle/Il ne travaille pas.'
Bas-vannetais, Nicolas (2005:33)


Le résomptif du sujet y semble optionnel, peut-être utilisé pour marquer le focus si l'on en juge par l'équivalence avec un pronom préverbal marquée par Nicolas (2005:33).


(5) [ Ɉi labur tʃǝt / nø laburaɲ tʃǝt anehɛ ]
gi ne labourint ket ne labourint ket anezhe
eux ne1 travaillent pas ne1 travaillent pas P.eux
'Eux, ils ne travaillent pas.' Bas-vannetais, Nicolas (2005:33)


Vannetais

Les exemples semblent plus sporadiques dans le reste du vannetais.


(2) N'eo ket forzh kaer anezhi...
ne'est pas très beau P.elle
'Elle n'est pas très belle...' Vannetais, Herrieu (1994:84)


(3) Ar beroù-se 'daent ket en-dro anezhe, nann.
le "beroù"-ci (ne1) venaient pas de.retour P.elles non
'Ces "beroù" ne réapparaissaient pas, non.' Haut-vannetais (Jo Sergent), Louis (2015:153)


(4) Ar pemoc'h, nag e rae un toull en douar, 'rae ket droug ebet anezhoñ.
le cochon bien.que R4 faisait un trou dans.le terre ne1 faisait pas mal aucun P.lui
'Le cochon, même s'il faisait des trous dans le sol, il ne faisait aucun mal.'
Haut-vannetais (Jo Sergent), Louis (2015:214)


Groix

On retrouve la résomption du sujet en contexte négatif à Groix.


(4) /we:ruče naj /
sauront pas P.elles
'Elles ne sauront pas. Groix, Ternes (1970:285)


(5) /nəšed afaer əni /
a pas besoin P.elle
'Elle n'a pas besoin. Groix, Ternes (1970:285)


Ouessant

On ne trouve pas de résomption du sujet "à la cornouaillaise' à Ouessant (l'exemple en 6 est trompeur car noñ en périphérie droite pourrait réaliser un résomptif de troisième personne dans d'autres dialectes, mais à Ouessant ce pronom résomptif serait réalisé aneuzeu).


(6) Med ar re-ze ne lavarent jamez gaou noñ.
mais le ceux-ci ne1 disaient jamais mensonge non
'Mais elles ne mentaient jamais.' Ouessant, Gouedig (1982)


(7) ar zaout a veze lazet en Eusa [...] deuent ket deuz an douar-braz _ .
le vache R1 était tué en Ouessant venaient pas de le terre-grand
'Les vaches qui étaient tuées à Ouessant [...] ne venaient pas du continent.' Ouessant, Gouedig (1982)

Sémantique

effet de focus ou non

Desseigne (2015:48) remarque qu'il n'a pas relevé d'effet de focus sur la personne dans son corpus provenant de Tregunc/Névez, contrairement à Trépos et Favereau qui signalaient un effet d'emphase sur la personne dans ces structures à résomption du sujet.


Diachronie

On trouve en 1790 des emplois de cette sorte de résomption avec le verbe lexical 'avoir'.


(1) Hor c'here n'en deus anezhañ nag erv nag ant.
notre cordonnier ne'3SGM a P.lui ni planche.de.terre ni sillon
'Notre cordonnier n'a aucun bien.' MG.:143, cité dans Le Gléau (1973:17).


A ne pas confondre

La résomption du sujet à la cornouaillaise doit être contrastée avec des constructions du faux sujet, présente dans tous les dialectes, et qui peuvent aussi accidentellement utiliser la préposition 'eus' avec une pronom incorporé de 3SG, dans une phrase qui se trouve être négative.

Ci-dessous, la phrase est négative et le syntagme nominal préverbal lie la préposition a/eus qui porte ses traits de genre et de nombre 3. Ici, ce qui montre qu'il ne s'agit pas d'une résomption du sujet à la Cornouaillaise est le fait que la préposition eus, si on rétablissait l'argument ar bannah gwin-ze à sa droite, ne disparaitrait pas (eur veskennad eus ar bannah gwin-ze).


(4) [Ar bannah gwin-ze]3SGM na oa ket eur veskennad anezañ.3SGM
le verre vin- ne-R y.avait pas un dé.à.coudre-contenu de.lui
'cette goutte de vin-là (ce verre de vin-là), il n'y en avait pas plein un dé à coudre.'
Trégorrois, Gros (1984:14)


En (5), la préposition anezhañ pourrait être remplacée par un possessif devant diabarzh (...ha du-mouar e diabarzh). Il s'agit d'une structure prédicative équative. Pour s'en convaincre, il suffit de noter que la prédication, si elle devait être transférée au temps passé, révélerait une copule (...hag 'oa du-mouar an diabarzh anezhañ).


(5) E gwirionez, d'ober hor boa gant ur gwaz gwenn a-ziavaez ha du-mouar an diabarzh anezhañ.
en vérité à1'faire 2PL avait avec un homme blanc en-dehors et noir-mûres le dedans de.lui
'En vérité, nous avions affaire à un homme blanc dehors et noir profond à l'intérieur.' (Priel 1955)


Intérêt théorique

Les premières analyses formelles de ces pronoms semblent être celles de Urien & Denez (1979), qui reprennent la description de Trépos (1968) de la restriction à la personne trois et l'association récurrente avec la négation. Ils notent l'association récurrente avec les verbes intransitifs.

Pour Borsley & Stephens (1989), le pronom de troisième personne est un sujet pronominal. En ce sens, les exemples ci-dessus représenteraient des exceptions à l'effet de complémentarité qui caractérise le système d'accord breton. Timm (1995) s'oppose à l'analyse des pronoms comme pronoms sujets. Elle montre qu'ils peuvent apparaître dans la même phrase qu'un sujet réalisé (ses autres arguments ne portent pas, car elle confond les pronoms du sujet et les pronoms écho du sujet, qui ont une distribution distincte). Stump (1989:441) note qu'à la différence des sujets, les pronoms résomptifs ne peuvent pas être antéposés. Ce ne sont donc décidément pas des arguments du verbe. Timm (1995) propose que ces pronoms ne sont pas des sujets postverbaux, mais des pronoms anaphoriques.

Les différentes restrictions de cette structure (personne 3, négation, verbes intransitifs) restent inexpliquées.


Bibliographie

  • Blanchard, N. 2004. ‘L’utilisation pédagogique des textes du concours ‘Ar Falz’’, La Bretagne Linguistique 13, numéro spécial Dialectologie et Géolinguistique, CRBC : UBO, Brest, 13-30.
  • Gros, J. 1984. Le trésor du breton parlé III. Le style populaire, Brest: Emgleo Breiz - Brud Nevez.
  • Stump, G. T. 1984. 'Agreement vs. incorporation in Breton', Natural Language and Linguistic Theory, 2:289-348.
  • Stump, G. T. 1989. 'Further remarks on Breton agreement: A reply to Borsley and Stephens', Natural Language and Linguistic Theory, 7:429-471.
  • Timm, L., 1995. 'Pronominal A-forms in Breton: A discourse-based analysis', Journal of Celtic Linguistics 4:1-34.
  • Trépos, P. 2001 [1968, 1980, 1996], Grammaire bretonne, 1968 édition Simon, Rennes.- 1980 édition Ouest France, Rennes; 1996, 2001 édition Brud Nevez, Brest.
  • Urien, J.Y. & Denez, Per, 1977-9. 'Essai d’analyse sémiologique du mot verbal et du syntagme verbal en breton contemporain', Studia Celtica, 12-13:259-90, 1977; 14-15:290-312.