Pronoms relatifs
Tous les dialectes du breton ont un pronom relatif inanimé: (ar) pezh (littéralement: 'le morceau', > 'ce que, ce qui').
Les choses se compliquent en ce qui concerne le pronom relatif animé.
Il existe un pronom relatif animé en bas-vannetais (an hini / an hani). Il est composé de l'article défini suivi du pronom anaphorique hini. En breton standard ou dans les autres dialectes, l'existence même du pronom relatif (animé) est une question en soi. Deux candidats existent: le pronom relatif pehini et le rannig a. Or, l'existence du premier dans les variétés parlées reste à prouver, et l'identification du second comme un pronom relatif est aujourd'hui largement abandonnée.
ar pezh, 'ce que'
Le pronom relatif (ar) pezh, est la grammaticalisation de ce qui signifie littéralement '(le) bout, morceau'. Il correspond au français ce que (Chalm 2008:§Q5).
(1) | Al lodenn | vrasañ | deus an dud | ne | gomprenont | ket | ken | ar pezhi | a | ganit | _i . |
le partie | grand.plus | de le gens | ne | comprennent | pas | plus | le morceau | R | chantez | ||
'La plupart des gens ne comprennent plus ce que vous chantez.' | |||||||||||
Interview Annie Ebrel 04/2009, Le Poher Hebdo |
(2) | Matriona | ne gomze ket | eus ar pezh | e oa tremenet | _i . | |
Matriona | ne parlait pas | de le morceau | R était passé | |||
'Matriona ne parlait pas de ce qui s'était passé.' | léonard/standard, | Ar Barzhig (1976:44) |
an hini
Il existe un pronom relatif animé en bas-vannetais (an hini / an hani). Il est composé de l'article défini suivi pronom anaphorique hini. Les subordonnées avec le pronom relatif an hini / an hani ne nécessitent pas de pronom résomptif.
sujet
L'élément relativisé peut être le sujet de l'enchâssée. La forme zo (= zi) de la copule révèle la présence d'un sujet devant elle.
(1) | [ ǝn dɛ͂n | [ ǝnani | zi:r vwatyr | ] | zi ʃom | irvɔrh ] | |
an den | an hani | 'zo er voatur | 'zo é chom | er vourc'h | |||
le homme | le hini | R est dans.le voiture | R à rester | dans.le bourg | |||
‘L'homme qui est dans la voiture habite dans le bourg.’ | |||||||
Bas-vannetais, Nicolas (2005:48) |
(2) | [ ǝn dɛ͂n | [ nɛ͂n | jɛ agawizɔχ | ] | wɛ | iʃɔminoriãt ] | |
an den | an hani | 'yae a-gaouizoc'h | 'oa | é chom en Oriant | |||
le homme | le hini | R allait a-? | était | à rester dans Lorient | |||
'L'homme qui allait à ? habitait Lorient.' | |||||||
Bas-vannetais, Nicolas (2005:48) |
(3) | [ mǝ anawa mat | ar vwes | [ | nɛ͂n | zi ʃom akosti ] | ||
me 'anava mat | ar vaouez | an hani | 'zo ' chom a-kostez. | ||||
1SG connait bien | le femme | le hini | est à rester à-côté | ||||
‘Je connais bien la femme qui habite à côté.’ | |||||||
Bas-vannetais, Nicolas (2005:48) |
relativisation d'un PP
L'élément relativisé peut être un élément oblique comme l'argument de 'parler de X', komz diwar-benn X:
(4) | [ ǝn dɛ͂n | [ nani | go͂zǝt | ] | zi ʃom | itʃǝʃtǝnit ] | |
an den | an hani | 'gomzit | 'zo é chom | e Kistinid | |||
le homme | le hini | R parlez | R est à rester | à Kistinid | |||
‘L'homme dont vous parlez habite Kistinid.’ | |||||||
Bas-vannetais, Nicolas (2005:48) |
(5) | [ ǝnti | [ nɛ͂ | go͂zɛχtaɲ | ] | zǝ ilaɲ | ǝr vɔrh | |
an ti | an hani | 'gomzec'h din | 'zo e lein | ar vourc'h | |||
le maison | le hini | R parlez à.moi | R est en haut | le bourg | |||
'La maison dont vous me parlez est en haut du bourg.' | |||||||
Bas-vannetais, Nicolas (2005:48) |
relativisation d'un oblique
En breton standard, cette structure serait typiquement réalisée comme une construction du faux sujet, avec un pronom résomptif réalisé comme le déterminant possessif de toenn, 'toit'. Ici, avec le pronom relatif an hani, aucune anaphore n'apparait dans le corps de la relative. Une analyse alternative possible consiste à postuler une ellipse à partir du groupe prépositionnel an doenn (anezhañ).
(6) | [ ǝnti | [ nɛ͂n | ɥe Ɉǝlǝ | ǝn dɥɛn | dyzǝ | ] zo bras ] | |
an ti | an hani | 'vez gwelet | an doenn | duze 'zo bras. | |||
le maison | le hini | R est vu | le toit | là.bas R est grand | |||
‘La maison dont on voit le toit là-bas est grande.’ | |||||||
Bas-vannetais, Nicolas (2005:48) |
(7) | [ ǝn ti | [ ǝnani | ǝ ɥelã | ǝn dwɛn | ] zɔ bras ] | ||
an ti | an hani | a welan | an doenn | zo bras. | |||
le maison | le hini | R vois.1SG | le toit | R est grand | |||
‘La maison dont je vois le toit est grande.’ | |||||||
Bas-vannetais, Nicolas (2005:48) |
Un déterminant possessif coréférant avec la tête de la relative n'est pas illicite en soi:
(8) | [ ǝn dɛ͂n | [ ǝnani | dwɛ kasǝd | i vutik dǝ ras | ] | dɛs tʃømerǝt | ur vutigaral ] |
an den | an hani | 'doa kaset | e voutik da raz | 'deus kemeret | ur voutik arall. | ||
le homme | le hini | avait envoyé | son boutique à ras | a pris | un boutique autre | ||
‘L'homme qui avait démoli sa boutique en a pris une autre.’ | |||||||
Bas-vannetais, Nicolas (2005:48) |
pehini, pere
Le pronom relatif pehini ou son pluriel pere sont avérés dans des textes écrits qui sont notoirement influencés par le français.
Stephens (1982:7) "Certain written sources, in particular some of the texts published in the latter period of Middle Breton and Early Modern Period, may not reflect the reality of the language of the day. Authors were, in most cases, strongly influenced by their knowledge of Latin and French grammmar. This is illustrated dramatically in the vocabulary, in the large number of French loan words and in the abundance of relative pronouns which, according to Hemon (1975:289) "never occur and probably never did occur in the spoken language". They are not used in Modern Literary Breton.
Favereau (1997:§590) "Cette tradition syntaxique, liée au "breton de curé" (...) a été celle de tous les grammairiens prémodernes du XVII° et du XVIII° siècles comme Maunoir, Le Pelletier ou Grégoire (cf. Lambert 1976-77 / 282), puis elle fut systématiquement rejetée part les grammairiens "modernes", sauf rares exceptions (...). On trouve des parallèles en gallois (...) et Fleuriot la considérait comme indigène en non "française", comme on le suppose généralement.
De Rostrenen (1738:175-6) considère vivante en breton la forme pehini et son pluriel pere:
De Rostrenen (1738:166-7): 2°. Lorsqu'il y a un substantif, ou un adjectif, qui peuvent se resoudre par ces façons de parler: 'celui qui est', 'celle qui est', 'ceux', ou 'celles qui sont'; au singulier on met an hiny, & au plurier ar re; ou, an hiny pe hiny, devant le substantif singulier, & ar re, ou ar re pe re, devant le plurier... exemple : an hiny dall a vell, pe an hiny pe hiny a voa dall, a vell 'l'aveugle voit.', id. ë 'celui, ou celle qui étoit aveugle, voit.' ar re dall, ou ar re pe re a voüé dall, a vell. 'les aveugles voyent', id ë 'ceux, ou celles qui étoient aveugles, voyent' an hiny qentâ a 'hoarzo, ou an hiny pe hiny a so ar c'hentâ, a 'hoarzo 'le premier rira' ar re guentâ, ou ar re pe re a so ar re guentâ, a leñvo. 'les premiers crieront.' 3°. Lorsque le pronom pe hiny, 'qui', 'lequel', laquelle' ou pe re, 'lesquels', lesquelles', sont au nominatif, ou à l'accusatif, on peut les omettre [note 41], ou, mettre à leur place, hacg... exemple: un dèn a anavezañ, a gar Douë, ou hacg a gar Douë 'je connois un homme qui aime Dieu.' cetu eno ur vertuz a zezirañ., ou hacg a zezirañ 'voilà une vertu que je désire d'avoir' cetu tud ne garañ qet 'voilà des gens que je n'aime point.' 4° Quand le pronom pe hiny se rapporte à une troisième personne, on peut mettre à sa place hacq... exemple: Cetu ur vertuz hacq a so diaez da acquysita 'voilà une vertu qui est difficile à acquérir' chetu ur sy hacq a argazañ 'voilà un vice que j'abhore.' 5°. 'Qui' interrogatif, sans substantif, & suivi immédiatement d'un verbe, s'exprime par piou, ou, par le singulier pe hiny, et son plurier pe re... exemple: 'Qui est là?' Piou so aze? 'Qui vous nourrira?' Piou oz mago-hu? pe gant piou ez vihod-hu maguet? 'Qui des trois est le plus grand?' Pe hiny a nèzeu ho zry eo ar braczâ? 'Qui de vous ira?' Pe hiny ac'hanoc'h a yello? 'Qui sont-ils? Lesquels sont-ce?' Pe re ynt-y? 'Qui de vous, lesquels de vous autres m'accompagneront?' Pe re ac'hanoc'h-hu a zeuyo guenê-me?
Ces formes sont aussi citées par Hingant (1868:§70), et restent vivantes en poésie. Favereau (1997:§590, §591) en fournit quelques exemples.
- Evit ober ganti traoù dous, Dre pehini en deus jouiset anezhi.
- (1814) (TSG.:327-329), cité dans Menard (1995:§'amourous')
le rannig
Une tradition d'analyse représentée par Le Roux (1957:52), ou Fleuriot (1984), a posé l'hypothèse que le rannig a est un pronom relatif. Cette hyptohèse est maintenant largement abandonnée. Voir à ce propos Denez (1974), Stephens (1982).
Stephens (1982:13): "In Breton [...], the particles can no longer be regarded as either a relative pronoun, in the case of a, nor a complementizer, in the case of e. Denez (1973-4) argued convincingly that the verbal particles in Breton are not used to indicate complementation of any kind.
Bibliographie
Denez, P. 1973/4. 'A structural approach to Breton grammar. The so-called relative pronoun of Breton'. Studia Celtica 8/9, Cardiff: University of Wales Press. 251-267.