Différences entre les versions de « Pronoms objet proclitiques »

De Arbres
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=== ''(h)en'' vs. ''(h)el'' vs. ''(h)er'' ===
=== ''(h)en'' vs. ''(h)el'' vs. ''(h)er'' ===


Comme dans le système phonologique des [[articles]], la consonne finale de ''hen'' peut varier selon la consonne initiale du mot qui suit. L'[[Académie bretonne (1922)|Académie bretonne (1922]]:150) considère que l'alternance ''n'', ''l'', ''r'' n'est pas faite en trégorrois mais est obligatoire en Léon.   
Comme dans le système phonologique des [[articles]], la consonne finale de ''hen'' peut varier selon la consonne initiale du mot qui suit selon l'[[alternance phonologique -n, -r, -l]]. L'[[Académie bretonne (1922)|Académie bretonne (1922]]:150) considère que l'alternance ''n'', ''l'', ''r'' n'est pas faite en trégorrois mais est obligatoire en Léon.   


La forme ''(h)en'', la plus ancienne, est toujours possible quelle que soit l'initiale du verbe qui suit, sur laquelle elle ne provoque pas de mutation (''d'hen kerc'hat'', 'pour le chercher', [[Kervella (1995)|Kervella 1995]]:§149). La forme ''(h)en'' apparaît encore toujours devant les initiales en <font color=green>/n, d, t, h /</font color=green> ou voyelle ([[Kervella (1995)|Kervella 1995]]:§423).  
La forme ''(h)en'', la plus ancienne, est toujours possible quelle que soit l'initiale du verbe qui suit, sur laquelle elle ne provoque pas de mutation (''d'hen kerc'hat'', 'pour le chercher', [[Kervella (1995)|Kervella 1995]]:§149). La forme ''(h)en'' apparaît encore toujours devant les initiales en <font color=green>/n, d, t, h /</font color=green> ou voyelle ([[Kervella (1995)|Kervella 1995]]:§423).  

Version du 24 juin 2017 à 15:15

Un pronom de fonction objet ne peut pas se trouver n'importe où dans la phrase. Il ne peut par exemple pas rester isolé dans le champ du milieu, après un verbe tensé:

- ou bien le pronom objet est intégré dans une préposition support: a (ac'hanon, anezhi, etc.)
- ou bien il apparaît comme un proclitique sur le verbe lexical, comme en (1). C'est ce qu'on appelle un pronom objet proclitique.


(1) Ret-holl eo din e gavout.
obligé-tout est à.moi le1 trouver
'Il faut absolument que je le trouve.' Standard, Kervella (2001:21)


Le pronom objet proclitique est une forme ancienne prototypique des variétés modernes conservatrices du breton, comme le standard, le léonard et le vannetais actuels. Cette forme est aussi connue des autres dialectes puisqu'elle est présente dans les proverbes et chansons. Les dialectes et les locuteurs varient dans leur utilisation de l'une ou l'autre stratégie.


Morphologie

variation dialectale morphologique

Certaines formes n'apparaissent aussi que dans un dialecte particulier, comme man, mam en vannetais (cette nasalisation du pronom 1SG s'y retrouve dans le paradigme des déterminants possessifs).


(1) Ma ferson a lâre din tuchantik, a pa oa doc'h man deveriñ...
mon2 recteur R disait à.moi tout.à.l'heure.DIM quand était à4 me V
'Mon recteur me disait tout à l'heure, quand il me donnait l'extrême onction...'
Vannetais, Ar Meliner (2009:178)


objets proclitiques vs. possessifs

Les pronoms objets proclitiques et les déterminants possessifs sont souvent dits semblables (cf. Kervella 1995:§430, Le Roux 1957:44, Guillevic & Le Goff 1986:154, Favereau 1997:§251-257, Jouitteau 2005/2010:chap4). Leurs paradigmes sont en effet étonnamment ressemblants.


(2) Hag e komz d'in deus ar gêr, eus an aotrou person en deus va lakaet da ober va faskou.
et R parle à'moi de le foyer de le monsieur recteur R.3SG a me mis à faire mon2 Pâques
'Et il me parle de chez moi, du recteur qui m'a fait faire mes Pâques.'
Cornouaille (Pleyben), Ar Floc'h (1950:78)


Cependant, même s'il est vrai qu'ils empruntent massivement à la même morphologie, il existe en fait des différences syntaxiques et morphologiques entre les deux paradigmes.

aucun possessifs en (h)en, (h)el, (h)er

Le paradigme des proclitiques verbaux contient les formes (h)en, (h)el, (h)er, qui sont, dans tous les dialectes, absentes des paradigmes des possessifs (Ternes 1970:302 rapproche er de l'article défini, même s'il pointe pourtant une différence de finale devant un mot commençant par un l).


(1) P' er gwelit o tiboukiñ.
quand'le voyez à déboucher
'Quand vous le voyez déboucher.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:32)


Ces formes étaient à l'origine réservées aux verbes tensés. Les formes en hen, hel, her ont été ensuite généralisées progressivement sur les verbes infinitifs (2) ou participes.


(2) Ya, señorita, her gouzout a ran.
oui señorita le savoir R fais
'Oui, señorita, je le sais.' Standard, Drezen (1990:63)


Il reste des traces de distinction entre les pronoms objets proclitiques sur les verbes tensés et sur les verbes infinitifs. Le Gléau (1973:21) mentionne ainsi des usages indifférenciés de e et hen dans Buhez ar Zent (1869). On trouve aussi ces traces dans l'exemple de Perrot (3).


(3) E dud, elec'h e gas d'ar skol, her c'hasas da zerviji da di Yan Vergas, eun dijentil pinvidik eus a Vadrid.

'Ses parents, au lieu de l'envoyer à l'école, l'envoyèrent au service de Yann Vergas, un riche gentilhomme de Madrid.'
Trégorrois, Perrot (1912:402).


En breton moderne standard, le pronom objet proclitique, dans la mesure où il est utilisé en place de ac'hanon, anezhi..., apparaît indifféremment sur tous les verbes lexicaux. Certaines variétés ont gardé les traces de ces distinctions : selon Merser (2009:'hen') par exemple, les formes "hén, hél, hér" ne se trouvent jamais devant les verbes infinitifs ou participes.

(h)en vs. (h)el vs. (h)er

Comme dans le système phonologique des articles, la consonne finale de hen peut varier selon la consonne initiale du mot qui suit selon l'alternance phonologique -n, -r, -l. L'Académie bretonne (1922:150) considère que l'alternance n, l, r n'est pas faite en trégorrois mais est obligatoire en Léon.

La forme (h)en, la plus ancienne, est toujours possible quelle que soit l'initiale du verbe qui suit, sur laquelle elle ne provoque pas de mutation (d'hen kerc'hat, 'pour le chercher', Kervella 1995:§149). La forme (h)en apparaît encore toujours devant les initiales en /n, d, t, h / ou voyelle (Kervella 1995:§423).

La forme (h)el peut apparaître devant les initiales en /l/.

La forme (h)er peut apparaître devant toutes les autres initiales. Pennaod (1969:35) date l'apparition de la forme er à la fin du moyen breton sur le modèle phonologique de l'article an, al, ar. La forme her provoque la mutation consonantique réduite K > C'H (d'her c'has, 'pour le/la envoyer', Kervella 1995:§149). Kervella ajoute que la mutation atteint aussi les initiales /X, s, f / (il cite d'her sevel, 'pour le/la construire'). Le Bayon (1878:9) donne Ni er hlask, 'Nous le cherchons' et Ni er hâr, 'Nous l'aimons'.

(H)en, (h)el et (h)er sont des formes pronominales neutres, c'est à dire non-marquées pour le genre. Dans certains dialectes KLT, et pour Le Gléau (1973:21), ce sont même des pronoms inanimés, en opposition aux pronoms humains.


la graphie en -h-

Les personnes proclitiques objet, même lorsqu'ils ont une graphie en h, peuvent provoquer l'élision d'une voyelle (comme pourrait le faire une voyelle seule).


(3) M' er c'hlev.
moi le entend
'Je l'entends.' Standard, Ménard (2012:'le')


(4) Bleunviñ 'ra ma c'halon p' he gwelan é tonet en-dro.
fleurir fait mon2 cœur quand 'la vois à4 venir de.retour
'Mon cœur fleurit d'émotion quand je la vois revenir.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:43)


Il semble que la graphie en h- ne soit aucunement justifiée par sa nature linguistique. Pennaod (1969:36) suppose que cette graphie viendrait d'une confusion avec la forme henn, qui pourtant se prononce différemment ([ẽn] vs. [(h)ɛn]).

(h)en vs. henn

Plusieurs auteurs relèvent une différence de prononciation entre le pronom clitique -henn et le proclitique objet hen, dans la consonne initiale et dans la qualité de la voyelle. Une différence de voyelle est notée en trégorrois par Gros, et par Pennaod (1969:36) qui note [ẽn] vs. [(h)ɛn] en se référant à Kervella [sic].

 Gros (1984:207)
 Hen (prononcé "én"), à ne pas confondre avec , 'il', 'lui', dont l' n ne se prononce pas (c'est un "e" nasalisé).
 Hen, pronom personnel troisième personne est un complément d'objet direct, 'le'. Il doit s'écrire avec un seul 'n'. 
 Dans ce mot, la voyelle /é/ est fermée (é). De ce fait, hen est absolument différent de henn ('ceci'), pronom démonstratif neutre, qui s'écrit avec deux 'n' et qui se prononce avec un /è/ moyen bref comme dans penn. Ce henn se trouve dans evel-henn ('comme ceci') et betek-henn ('jusqu'ici').

Kergoat (c.p.) note dans betek-henn, 'jusqu'ici', une voyelle courte sous accentuation avec un sandhi /k > X/, ou alternativement bete-henn avec un /h/ initial net. En contraste, les formes proclitiques, au moins sur les verbes tensés, ne comportent pas pour lui de /h/ initial et ont une voyelle plus fermée [e], [i], ou [I]. Merser (2009) utilise aussi des graphies différenciées pour la voyelle concernant la forme de l'objet proclitique "hén, hél, hér" et le pronom neutre enclitique -henn.

Reste que la qualité de la voyelle pourrait dériver de l'effet de l'accentuation sur la syllabe finale de betek-henn et de son absence sur la forme proclitique. Le fait que Merser (2009:'hén') donne les graphies hén-mañ-hén et hén-ha-hén, 'untel' plaide pour cette hypothèse.


Kervella (1995:§423) et Hemon (2000:§76) posent l'hypothèse d'une origine commune pour la forme hen proclitique et le pronom neutre enclitique -henn dans evel-henn, evel se, 'comme ça'. Cette hypothèse est consistante avec une prononciation courte de la voyelle par Kervella (1995:§41). Certaines graphies anciennes ou modernes locales sont parfois aussi consistantes avec cette hypothèse.


(1) M' henn anzava.
moi'pronom avoue
'J'en conviens, je l'avoue.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:27)


(2) M' henn talvo deoc'h salopri!
moi'pronom vaudrai à.vous saloperie
'Je te le revaudrai, saloperie!.' ou 'J'aurai ma vengeance.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:147)


Il existe dans des états anciens de la langue une forme henn qui est un pronom démonstratif comme le sont le masculin hennezh et le féminin hounnezh. Cette forme a une variante enclilitique sur le verbe tensé, -henn.


(3) credet henn, Moyen breton 1530 J.:32-b.


Selon Pennaod (1969:41), ce démonstratif non-clitique peut apparaître devant le verbe tensé s'il s'agit de favoriser une rime interne.


(4) ha huy henn na lennas?, Moyen breton XVI°, G.:530.


mutation

Il existe quelque variation dans la réalisation des mutations déclenchées par les pronoms objet proclitiques (d'am c'herc'hat, 'pour me chercher', d'am c'houlenn, 'pour me demander').


(1) Ne deu ket eun unan d'am goulenn !
ne1 vient pas un un pour'me demander
'Pas la moindre personne ne me demande (je n'ai pas le moindre prétendant).' Léon (Bodilis), Ar Floc'h (1922:347)

Distribution

verbes tensés

(2) [ jɔ͂ ɟɥela]
me wel.
lui me voit
'Il me voit.' Bas-vannetais, Cheveau (2007:207)


(4) 'Dait Marivonn, dait du-mañ, pandeogwir n'am doug ket mui man divhar betagoc'h-c'hwi.'
venez Maryvonne, venez chez-moi, puisque ne me porte pas plus mon2 2.jambe jusqu'à.vous-vous
'Viens Maryvonne, viens ici puisque mes jambes ne me portent plus jusqu'à toi.'
Vannetais, Ar Meliner (2009:113)


(5) Bremañ n'he c'hemerin ket genoc'h.
maintenant ne la prendrai pas avec.toi
'Maintenant je ne te la prendrai pas.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:110)

participes passés

Lorsque le pronom clitique apparaît avec un temps composé, il procliticise sur le verbe lexical et non sur l'auxiliaire.


(1) Me ive am-eus he2 hanet dindan eñvor ...
moi aussi R.1SG-a la2 chanté sous mémoire
'Moi aussi, je l'ai chantée de mémoire...' Léonard, (Cléder) Seite (1998:21)


(2) En tachad-mañ em boa ho kortozet arlene.
dans endroit-ci 1SG avait vous3 attendu année.dernière
'C'est ici que je t'ai attendue l'an dernier. Vannetais, Ar Meliner (2009:104)


Le proclitique et le verbe lexical forment un constituant qui peut être antéposé sans l'auxiliaire.


(3) [ E welet ] em eus _ evel m'ho kwelan.
le vu R.1SG a comme que vous3 vois
'Je l'ai vu comme je vous vois.' Standard, Kervella (2002:28)

infinitifs

(2) N'on ket evit en andur.
ne suis pas pour le supporter
'Je ne peux pas l'endurer, je l'ai dans le nez.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:31)


impératif

En breton moderne, le pronom objet d'un verbe impératif est postverbal, au cas direct (Selaouit-he, 'Écoutez-la'). La forme proclitique peut cependant apparaître sur un verbe impératif avec la négation.


(1) [ nǝ hasǝ cǝt ]
Na ma c'hasit ket.
ne me envoyez pas
‘Ne m'emmenez pas.’ Bas-vannetais, Cheveau (2007:207)


Kervella (1995:§429) utilise des pronoms objets proclitiques sur des verbes impératifs sans la négation (Va selaouit!, 'Écoutez-moi!'). Il traite comme équivalentes les formes d'objet d'un impératif Selouit se, Selaouit- et Her selaouit, 'Écoutez ça/le', même si il note que la dernière est nettement plus rare. Cette raréfication ne tient cependant pas au pronom hen lui-même, car elle touche uniformément dans le paradigme toutes les formes de troisième personne, singulier comme pluriel.

Kervella (1995:§429) note aussi que les formes de troisième personne (3SG masculin e, féminin he et neutre hen, ainsi que 3PL o) y sont nettement plus rares.

Selon Hemon (2000:§54,(3)), dans tous les dialectes du breton pré-moderne sauf en vannetais, le pronom proclitique hen, hel, her pouvait être utilisé avec un impératif.

(2) her c'hredit (FVR.:34, daté de 1847)

(3) hen ententit mat (SAG.:108, daté de 1869)


verbe 'avoir'

La forme proclitique peut apparaître à l'intérieur du complexe morphologique du verbe kaout, 'avoir' (voir aussi les pronoms objets postverbaux avec kaout).


On trouve une forme proclitique sur l'auxiliaire kaout, 'avoir' dans Trépos (2001:§382). Ces ordres de mots sont très rares.


(1) Re hir eo bremañ, en abeg m' hen hoc'h eus astennet.
trop long est maintenant dans raison que le avez étiré
'Il est trop long maintenant, puisque vous l'avez étiré.' Trépos (2001:§363)

restriction sur les pronoms cliticisables

objets coordonnés

Comme noté dans Cheveau (2007:207), lorsque l'objet est un groupe nominal coordonné, il n'est pas proclitique sur le verbe.

Cette propriété est caractéristique des pronoms clitiques.

sujet de causatives

C'est ce paradigme des objets proclitiques qui est utilisé pour les sujets des infinitives cliticisés sur un verbe causatif. Le paradigme des objets proclitiques comprend donc les sujets des infinitives des causatives.

Dans la structure causative ECM en (3), le verbe causatif lakaat accueille un proclitique. Cependant, ce pronom est originaire de la position sujet de l'infinitive. On voit une préposition da apparaître en tête d'infinitive.


(3) ...gouarnamant Pariz ne glask nemed eun dra: [...]
... gouvernement Paris ne1 cherche seulement un chose:
oi lakaat da [ _i gaout méz eus o yez hag euz o amzer-dremenet ].
3PL mettre à1 avoir honte de leur2 langue et de leur2 temps-passé
'Le gouvernement de Paris ne cherche qu'une chose: leur faire avoir honte de leur langue et de leur passé.'
Léonard, (Cléder), Seite (1998:37)


Diachronie

deux systèmes proclitiques verbaux distincts

En moyen breton, les systèmes proclitiques des verbes tensés et des verbes infinitifs étaient contrastés (Hemon 2000:§55). On distinguait d'un côté les pronoms antéposés aux verbes tensés, et de l'autre ceux antéposés aux noms ou aux verbes infinitifs (pronoms objet proclitiques et déterminants possessifs).


verbes infinitifs: e

Les proclitiques des infinitifs se réalisaient comme des déterminants possessifs, avec un 3SG orthographié e ou parfois he avec une lénition sur le nom ou le verbe infinitif le suivant.

(1) Ne gallaf quet e credif, breton du XVI°, J.:200.

Ne c'hallan ket e grediñ, cité dans Pennaod (1969:33)


verbes tensés

Les proclitiques des verbes tensés étaient réalisés de façon distincte, avec un 3SG en en, el, er ou parfois hen, hel, her, voire henn. Le Gléau (1973:21) note que devant un verbe tensé, la forme hen évite une confusion possible avec un rannig e.


en, el, er

La forme en, la plus ancienne, descend de l'accusatif indo-européen *im (Pennaod 1969:35). On le trouve depuis le vieux breton.

(1) nin arhaid, VBEG.:262, DGVB.:268, vieux breton, cité dans Pennaod (1969:35)

n'en araez, n'en tizh ket

(2) Da nep en (Doue) car, Breton 1650, Nl.:580


La forme en peut alors référer à un inanimé.

(3) Huy en goar., Breton du XVI°, J.:22b


Pennaod (1969:35) date l'apparition de la forme er à la fin du moyen breton sur le modèle phonologique de l'article.

(4) Hoguen he bleo guen er gra sorc'hennet, Am.:811, cité dans Pennaod (1969:35)

(5) Buhan er gra-hi, Am.:670, cité dans Pennaod (1969:35)


Pennaod (1969:36) rapporte pour les verbes tensés des formes e -n en brittonique cornouaillais, mais en e, y en moyen gallois.

(6) Ha-y zyscyplys a-n sewyas, PA.:52

'et ses disciples le suivirent'

(7) Minheu a'e kymeraf, PKM.:17.26

'Me avat en kemero', cité par Pennaod (1969:37)
henn

La forme henn est une forme d'origine différente.

(2) ha huy henn na lennas?, Moyen breton XVI°, G.:530.


uniformisation du système proclitique verbal objet en breton pré-moderne

En breton pré-moderne, en vannetais tout d'abord, puis dans les autres dialectes, cette différence s'est perdue, avec une homogénéisation de tous les paradigmes verbaux (Hemon 2000:§54;3). La frontière entre verbes tensés et verbes infinitifs s'amenuise: on se met à trouver des proclitiques en, el, er sur des verbes infinitifs, ou des formes en e sur des verbes tensés.


  • formes innovantes d'infinitifs avec (h)el, (h)er, (h)en:

(2) d-er crouguign (NG.:1535, daté de la fin du XVII° siècle)

d'el lauskein (TE..:245, daté de la fin du XVIII° siècle)
Doué e ordrén en odorein, hac er harein. (MG.:55, daté de 1790)
dinac'h ho gwir Eskob ha dont d'hen dilezæl. (FVR.:II, daté de 1847)
Her gouzout mad a rit, siouaz !, (EMG.,302 Léon, réédition 1902)


  • formes innovantes de verbe tensé avec (h)e:

(2) eun Itron ... he1 gasse dre an dorn., Breton 1879, BMN.:14

lod e heulie, Cornouaillais 1929, MKRN.:95


Guillevic & Le Goff (1986:154) considèrent qu'en vannetais, la généralisation des formes nominales au système verbal tensé est allée à son terme, avec une utilisation multilatérale de la forme 3SGF prototypique des possessifs (4). Ils précisent que "les auteurs bretons du XVIII° siècle écrivent constamment dans tous ces cas."

(3) m'er guél, er guélet (Guillevic & Le Goff 1986:154)

(4) m' guél, hi des (Guillevic & Le Goff 1986:154)


Vers la même période fin XVIII°/début XIX°, les proclitiques verbaux se généralisent aussi sur les participes passés. Ceux-ci n'avaient alors pas de système proclitique, puisque l'objet d'un participe apparaissait sous la forme directe après l'auxiliaire 'avoir', comme c'est encore le cas en vannetais.

(5) Biskoazh [...] n'em eus he welet, Breton vannetais 1870, MBR.:164

En KLT moderne, deux paradigmes de pronoms étaient empruntables et la forme en, el, er a été spécialisée en KLT aux pronoms inanimés. Les dialectes du vannetais n'ont pas opéré cette spécialisation.


animé

ind ou dehai el laqueid Pab pe Escob, Breton vannetais 1790, MG.:404

inanimé

sklear avoalc'h oc'h euz hen diskoezet, (SAG.:295, daté de 1869)


paradigme proclitique sur des sujets en moyen breton

En moyen breton, les sujets des propositions infinitives pouvaient apparaître avec le même paradigme que les pronoms proclitiques objets (voir Leroux 1957, Hemon 2000:§60n3 et, pour un relevé d'exemples, 1989).


  • Ha te na goar ez lauarer e uezaff eff Doe ab croeer.
'Et tu ne sais pas qu'on dit qu'il est Dieu le créateur', Breton 1557, B.:804
  • gant an Itron raeson eou hoz monet
'Il est raisonnable que tu ailles avec la maîtresse.', Breton XVI°, G.:98


  • an alusen quent hoz monet ouz bezo., B.:n138
  • ne gouuizie quet ho donet., Dag.:226
  • dre he bout parfet, Nl.:n21
  • euit ma besa ampereur, BD.:1316


Ce phénomène est absent du breton moderne. Il rappelle les tournures anglaises de type I regret my doing so, littéralement /je regrette mon faire cela/.

Variation dialectale syntaxique

La carte 287 de l'ALBB, montre la variation dialectale de la traduction de 'me voir', avec un pronom 1SG proclitique sur un infinitif.

La carte 288 de l'ALBB montre la variation dialectale de la traduction de 'si je la voyais', avec un proclitique 3SGF sur un verbe tensé.

On y voit nettement que les formes proclitiques sont associées aux dialectes du Léon et du vannetais, avec des formes sporadiques en Centre-Bretagne à Plévin (canton de Maël-Carhaix) et à Roudouallec (canton de Gourin). La stratégie concurrentielle en ac'hanon, anezhi est donnée partout ailleurs.

La comparaison des deux cartes montre par ailleurs que le proclitique sur verbe infinitif résiste mieux que sur le verbe tensé. Des locuteurs donnent en effet un proclitique me ou va sur le verbe infinitif mais la forme concurrente en anezhi sur le verbe tensé. Ce décalage est observable dans la plupart de l'aire du Léon à l'exception des périphéries comme l’île de Batz ou Landéda qui gardent uniformément les formes proclitiques. L'ALBB montre que les formes proclitiques en Centre-Bretagne n'existent que sur les verbes infinitifs. Ce décalage entre les proclitiques sur verbes infintifs ou tensés est parfaitement absent de l'aire vannetaise, où les formes proclitiques sont productives indépendamment de la flexion verbale.

A Plozevet, Goyat (2012:249) note que les pronoms objets proclitiques ont mieux résisté dans les tournures figées devant le verbe kaout, 'avoir' (/'død ɛ da ma 'howd/, Deuet eo da ma haoud, 'Il/elle est venu(e) me trouver').

Châtelier (2016:43) rapporte sans la commenter sur ce point un proclitique objet en te / tә / chez une locutrice née en 1924.


(1) / me we:l /
Me te wel.
moi toi 1 voit
'Je te vois' Haut-vannetais (Moréac), Le Tohic 2013, rapporté dans Châtelier (2016:43)


la forme en devant les objets proclitiques

On trouve aussi en vannetais une forme étrange en en, suivie de l'objet proclitique ou d'un pronom oblique dans le cas du verbe kaout.


(1) ... hag e lâr d'ar vestrez a sell doc'hti get truez, en he deus naon he mamm.
et R dit à'le 1patronne R regarde à.elle avec pitié ptc R3SGF a faim son mère
'...et elle dit à la patronne qui la regarde avec pitié que sa mère a faim.' Vannetais, Ar Meliner (2009:64)


La forme vannetaise en est plus répandue sur le verbe 'avoir' qu'avec les autres verbes, mais n'y est cependant pas restreinte. En (2), en précède le pronom o qui est sujet 3PL de l'infinitive, et est traité comme un objet par le verbe causatif lakaat. En (2), la forme en n'est clairement ni sujet ni objet du verbe lakaat.


(2) Ha kentizh arruet en o lakaer da c’houarn pontoù…
et sitôt arrivé ptc les mettre.IMP pour garder ponts
'Et sitôt arrivés on les met à garder des ponts.' Vannetais, Herrieu (1974:47)


Pour une discussion des analyses possibles de cette forme en en, se reporter à l'article dédié.

stratégies concurrentielles

objets postverbaux incorporés dans a

Certains dialectes préfèrent systématiquement les formes utilisant la préposition support a (ac'hanon, ac'hanout, comme noté à Scaër/Guiscriff par Naoned 1952:61).

Cependant, tout locuteur connaissant des chansons traditionnelles ou lisant le breton standard connait les formes proclitiques.


(1) Marijo neus (o frenet / prenet anezho).
Marijo a les acheté / acheté P.eux
'Marijo (les) a achetés.' Douarnenez, [HD 2010]


A Plozévet, selon Goyat (2012:136), les proclitiques ne se trouvent plus que dans des expressions gelées comme Aet eo d’e gaoud, 'Il/elle est allé(e) le trouver.'

Les variétés qui utilisent les pronoms objets proclitiques comme le léonard de 1900 connaissent aussi les formes postverbales concurrentes:


(2) Me ho faieo disul. / Disul e paeinn anezho.
moi les payera dimanche dimanche R payerai P.eux
'Je les payerai dimanche.' Léon, Constantius (1900:69)

ellipses de l'objet

Une stratégie alternative, qui est potentiellement soumise à variation dialectale, consiste à ne pas prononcer l'objet du tout, dans les cas d'ellipses.


(3) [ wèh h,ón tǝ l'a:r _[ø]_ tén ]
'oac'h o vont da lavar din
étiez à4 aller à dire à.moi
'Vous alliez me (le) dire.' Breton central, Humphreys (1995:393)


(4) Piou e-nevoa greet _[ø]_  ?
qui R.3SG-avait fait
'Qui l'a fait?' Trégorrois, Gros (1970:33)


cas direct

A Groix, après un infinitif, le pronom peut être au cas direct.


niveaux de langue

Dans les dialectes où les stratégies concurrentielles gagnent ou ont gagné du terrain, les objets proclitiques sont le signe d'un niveau de langue archaïsant, ou identifié comme écrit, chanté ou littéraire. Dans les dialectes où les objets proclitiques sont vivants, le passage d'un niveau de langue à un autre préserve les proclitiques.

Dans la paire minimale donnée par Louis (2015), le pronom objet apparaît proclitique sur le verbe au niveau parlé comme littéraire. C'est l'utilisation de penaos en complémenteur déclaratif et l'ordre à sujet initial qui est associé à une variété plus quotidienne.


(1) Me 'gred en ho kar Mari.
moi (R1) croit 3SGM vous aime Marie
'Je crois que Marie vous aime.' Haut-vannetais littéraire, Louis (2015:34)


(2) Me 'gred penaos Mari ho kar.
moi (R1) croit que Marie vous aime
'Je crois que Marie vous aime.' Haut-vannetais parlé, Louis (2015:34)

Terminologie

Favereau (1997:§248) utilise le terme équivalent infixe. Goyat (2012:249) les nomme les pronoms personnels dépendants antéposés.

Bibliographie

  • Botrel, A. 1989. ‘An islavarenn anv-verb e krennvrezhoneg’, Klask 1, Roazhon 2, 11-16.
  • Cheveau, L. 2007. Approche phonologique, morphologique et syntaxique du breton du grand Lorient, PhD. Thesis.
  • Cheveau, L. 2007b. 'The Direct Object Personal Pronouns in Lorient Area Breton', Studia Celtica 41, Cardiff: University of Wales Press, 91-102.
  • Hemon, R. 1952-54. 'The Breton personal pronoun as direct object of the verb', Celtica, 2:229-244.
  • Pennaod, G. 1969. 'Diwar-benn ar raganvioù-gour 3e un. gourel ha nepreizh ha raganvioù-diskouezhañ zo.', Preder Kaier 123-124.


Attention, les pronoms objet proclitiques sont traités dans Favereau (1997:§ 251-257) sous le titre des possessifs.