Différences entre les versions de « Pronom impersonnel »

De Arbres
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Version du 21 janvier 2010 à 12:22

Il existe en breton deux pronoms impersonnels distincts. Il s'agit pour le premier d'un pronom vide déclenchant une marque particulière de l'accord verbal. Le second est un pronom impersonnel, créé à partir d'une grammaticalisation du groupe nominal [un homme].

Les deux pronoms peuvent exister tous deux dans la grammaire d'un même locuteur. Dans la traduction de Derib (1983) par exemple, on note un usage consécutif de ces deux pronoms impersonnels.


(1) Jeremie: Neu'he 'ranker lavar' de'he!...
alors R doit.IMP dire à.3PL
‘On doit leur dire, alors!’
Whitecrow: N'eo ket ken aes-se ma faotrig. Dreist-holl p'eman 'n'en brizhouenn.
NEG est NEG autant facile-tout.à.fait ma gars.petit. Surtout quand est IMP métis.
‘Ce n'est pas aussi facile, mon garçon. Surtout quand on est métis.’ traducteur Derib (1982:32)


Les deux pronoms doivent être différenciés: ils n'ont pas la même syntaxe. Par exemple, ils ne déclenchent pas le même accord: le pronom 'an nen' ne peut pas déclencher le même accord verbal que le pronom vide.


(2) An nen ne oar / * ouzer ket bepred.
On NEG sait / *savons NEG toujours
‘On ne sait pas toujours.’ Rieg, Mona Bouzec, p.c. (01/2009)


Le pronom vide impersonnel

Le pronom vide impersonnel déclenche typiquement la marque de conjugaison '-er' sur le verbe au présent (2). Cet impersonnel existe à tous les temps et tous les modes (pour un paradigme complet, se reporter à Leclerc 1986:68,4°).


(2) Lavaret e vije ez eur bet Ø o c'hoari got dre aman.
dit R serait R est.IMP été IMP P jouer billes P ici
‘On dirait qu'on a joué aux billes, par ici.’ léonard, Kerrien (2000:6)


On le retrouve aussi parfois comme pronom incorporé dans des prépositions, et comme structure réflexive:


(3) Goulenn a reer ouzoc'h an-unan ha n'eo ket an anv-ze eun distresadur [...]
demande R fait.IMP P.IMP DET-1 C NEG est NEG DET nom-ci DET transformation
‘On se demande si ce nom n'est pas une transformation.’ léonard (Kleder), Seite (1998:88)


Le pronom impersonnel vide pourrait être présent aussi dans les infinitives (3). C'est cependant délicat à prouver car l'évidence morphologique y est nulle, et la lecture impersonnelle est assez similaire à un pronom de choix arbitraire.


(3) Hennez a zo eur gramenn loustoni e-touez e vleo war e vruched da raskañ gant ar forh.
celui-ci R E Det couche crasse parmi poss.3SGM cheveux sur sa poitrine à IMP râcler avec det fourche
‘Il y a parmi les poils sur sa poitrine une couche de crasse à racler à la fourche.’ (Gros)


A noter que la marque de l'impersonnel n'apparaît pas avec le verbe 'avoir' (Leclerc 1986:75), mais se trouve étonnamment dans quelques rares prépositions "conjuguées" (Trépos 1980:100).

dirazer, /devant.IMP/, 'devant soi'


Certaines variétés de breton n'utilisent jamais le pronom vide impersonnel. Plourin (1982:664) signale qu'à Langonnet, la conjugaison impersonnelle est inconnue.

La carte 250 de l'ALBB montre une aire Est/Sud-Est où les réponses données aux traductions de quand on chante et on ne sait pas usent de stratégies alternatives (surtout le passif).

L'impersonnel 'an nen'

an den ou an nen, grammaticalisation du DP défini 'l'homme', est un pronom sujet indépendant.

Gros, en trégorrois, l'utilise sous la forme eun den, grammaticalisation alternative à partir du DP indéfini 'un homme':


(3) Skornañ a ra izili eun den, hag e ra!.
geler R fait membres DET.INDEF homme & R fait
'Vos membres gèlent, et ils le font (réellement).' trégorrois, Gros (1984:64)


Ce pronom impersonnel n'a pas de forme écho, ni de forme vide.


Distribution syntaxique

On voit que le pronom impersonnel an den n'est pas le syntagme nominal an den (det. homme, 'l'homme'), car leur distribution diffère.

Dans l'exemple ci-dessous, l'impersonnel sujet de la petite proposition [IMP malade] est directement postverbal.


(1)a. Ben 'vez an nen klanv, ne vez ket gwelet ken.
Quand R est IMP malade NEG est NEG vu plus
-- b.
*Ben 'vez klanv an nen, ne vez ket gwelet ken.
Quand R est malade IMP NEG est NEG vu plus
‘Quand quelqu'un est malade, on ne le voit plus (en société).’
Mona Bouzec, Rieg, p.c. (01/2009)


C'est la distribution des autres pronoms pour cette locutrice (cf.2), en contraste avec les syntagmes nominaux qui doivent être placés obligatoirement après l'adjectif prédicatif (3).


(2) Ben 'vez eon klanv, ne vez ket gwelet ken.
Quand R est 3SGM malade NEG est NEG vu plus
‘Quand il est malade, on ne le voit plus (en société).’
Mona Bouzec, Rieg, p.c. (01/2009)


(3)a. * Ben 'vez (pep den / pep medisin / an dud / ma bugale) klanv, e vezomp trapet fall!
Quand R est (chaque homme /chaque médecin /les gens /mes enfants) malade(s), R sommes attrapés mauvaisement
-- b.
Ben 'vez klanv (pep den / pep medisin / an dud / ma bugale), e vezomp trapet fall!
Quand R est malade (chaque homme /chaque médecin /les gens /mes enfants), R sommes attrapés mauvaisement
‘Quand (chaque homme /chaque médecin /les gens /mes enfants) sont/est malade, on est salement attrapés!’
Mona Bouzec, Rieg, p.c. (01/2009)

Fonction sujet

Quand an den se trouve en position objet, son interprétation impersonnelle n'est plus disponible, comme le montre (1). On voit alors qu'on n'a pas affaire au pronom impersonnel, mais à un syntagme nominal défini classique, 'l'homme', qui doit référer à une entité mâle animée.


(1) Ar re a blij dezho al lennegezh voemus a anavez an den dre oberenn Jean Ray.
le ceux R plait à.3PL la littérature fantastique R connait le homme par oeuvre Jean Ray
‘Ceux qui aiment la littérature fantastique connaissent l'homme par l'œuvre de Jean Ray.’ Jean-Baptiste Baronian, introduction Comes (1981:5)
*‘Ceux qui aiment la littérature fantastique connaissent (quelqu'un/ n'importe qui) par l'œuvre de Jean Ray.’


Lorsqu'un objet dérivé se retrouve en position de sujet, comme dans une structure passive, l'interprétation impersonnelle redevient possible:


(2) Ba'n amzer oan yaouank vi ket kas 'nenn kalz d'ar skol.
P DET temps étais jeune était NEG envoyé beaucoup P DET école
'Du temps de ma jeunesse, on n'était pas souvent envoyé à l'école.' breton de Saint Yvi German (2007:174)

Variation morphologique dialectale

Il n'est pas rare de voir dans la littérature un impersonnel apparaitre sous la forme sans nasalisation 'an den'.

A travers les dialectes, les formes varient entre an den, (a)n nen et n'in.

Humphrey (1995:335) signale ce pronom sous le terme de 'personne indéfinie' en breton de Bothoa.

 /ə n'i:n/ on, quelqu'un
 
 wè:ra kə n'i:n        [sait.3SG NEG n'i:n]              'on ne sait pas.'     
 pé vè scɥ'i:z ə n'i:n [quand est.3SG fatigué ə n'i:n]   'quand on est fatigué'
 
 Ce mot provient du mot /d'i:n/ 'personne, homme', dont il se distingue par la nasalisation de l'initiale.
 

Favereau (1997:§316) note aussi cette forme avec une nasale en Est Cornouailles:

pa 'vez skuizh 'nin
et en Pélem
'oera ke' 'n nin


En Poher et Haute Cornouailles, la forme documentée est 'n nen.


Il est possible que le pronom varie aussi dans son comportement plus ou moins pronominal suivant les dialectes, impliquant alors des distributions différentes.


Bibliographie

  • Favereau, F. 1997. Grammaire du breton contemporain. Morlaix: Skol Vreizh.
  • Ar Gow, Y. 1963. 'Les Formes impersonnelles en breton : quelques exemples dans le parler de Pleyben', Les annales de Bretagne 70, 4, 497.
  • Humphreys, H.L. 1995. Phonologie et morphosyntaxe du parler breton de Bothoa, Brest, Emglev Breizh.
  • Leclerc, L. 1986 [1906, 1911], Grammaire Bretonne du dialecte de Tréguier, 3ième édition, Ar Skol Vrezhoneg, Emgleo Breiz (précédentes Saint-Brieuc: Prud'homme).
  • Trépos, P. 2001 [1968, 1980, 1996], Grammaire bretonne, 1968 édition Simon, Rennes.- 1980 édition Ouest France, Rennes; 1996, 2001 édition Brud Nevez, Brest.


corpus

  • Baronian, J-B. 1981. 'introduction' à Comes, skeud ar vran, Keit Vimp Beo.
  • German, G. 2007. 'Language Shift, Diglossia and Dialectal Variation in Western Brittany:the Case of Southern Cornouaille', The Celtic languages in contact : Papers from the workshop within the framework of the XIII International Congress of Celtic Studies, Bonn, July 2007, Hildegard L. C. Tristram (ed.), Postdam. pdf.
  • Kerrien 2000. Ar Roc'h Toull (La roche percée), Armorica.