Différences entre les versions de « Pronom impersonnel »

De Arbres
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Gros, en trégorrois, l'utilise sous la forme DP ''eun den'', homophone du syntagme [[indéfini]] 'un homme'.  
Gros, en trégorrois, l'utilise sous la forme ''eun den'', homophone du syntagme [[indéfini]] 'un homme'.  




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| ||colspan="4" | 'Quand on recommence à dormir (après être resté longtemps réveillé),
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Version du 18 septembre 2013 à 10:39

Il existe en breton au moins deux pronoms impersonnels distincts. Il s'agit pour le premier d'un pronom vide déclenchant une marque particulière de l'accord verbal (-er au présent). Le second est un pronom impersonnel, créé à partir d'une grammaticalisation du groupe nominal [un homme]: an nen ou an den. Ces formes sont toutes deux concurrentielles avec les formes passives.

Les deux pronoms peuvent exister tous deux dans la grammaire d'un même locuteur, et même co-référer. Dans sa traduction de Soljenitsyn, Ti Vatriona, Ernest ar Barzhig utilise les deux marqueurs consécutivement dans la bouche de Matriona (1).


(1) Pa ne oar ket an nen, pa ne reer tamm kegin ebet,
quand ne sait.3SG pas le homme quand ne fait.IMP morceau cuisine aucun
penaos e c'hellfed degemer unan bennak?
comment R pourrait.IMP accueillir un quelconque?
'Quand on ne sait pas, quand on ne cuisine pas du tout, comment accueillir quelqu'un?.'
Standard, ar Barzhig (1976:23)


Mona Bouzeg, de Riec, a un usage très restreint de la forme verbale en -er. Elle peut utiliser la même co-référence.


(2) Ben 'glever soniñ kreizteiz ma poent d'an nen mont d'ar gêr.
quand R entend.IMP sonner midi est temps pour IMP aller à le maison
'Quand on entend sonner midi, il est temps de rentrer à la maison.'
Mona Bouzeg, Riec, c.p. (02/2012)


Accord

Les deux pronoms doivent être différenciés: ils n'ont pas la même syntaxe. Par exemple, ils ne déclenchent pas le même accord: le pronom an nen ne peut pas déclencher le même accord verbal que le pronom vide.


(2) An nen ne oar / * ouzer ket bepred.
un homme ne sait / *savons pas toujours
'On ne sait pas toujours.' Riec, Mona Bouzeg, c.p. (01/2009)


Avec le verbe kaout bloqué à l'accord riche, on voit que l'impersonnel eun den chez Gros à des traits de troisième personne masculin singulier.


(3) O! Bet e-neus eun den buheziou!
Oh! eu R-a un homme vies
'Oh! On a eu de ces vies (difficiles, pénibles, terribles).' Trégorrois, Gros (1984:180)

Le pronom vide impersonnel

Le pronom vide impersonnel déclenche typiquement la marque de conjugaison -er sur le verbe au présent.


(2) Lavaret e vije ez eur bet Ø o c'hoari got dre aman.
dit R serait R est.IMP été IMP P jouer billes par ici
‘On dirait qu'on a joué aux billes, par ici.’ léonard, Kerrien (2000:6)


 Les formes impersonnelles en -er et -ed, typiques des langues
 celtiques, constituent une septième forme dans les paradigmes de conjugaison.
 Elles réfèrent à un être humain potentiel dont l'identité n'est pas spécifiable, 
 ou dont le locuteur ne veut pas spécifier l'identité. 
 Le sens est donc très proche du français on. (Hewitt 2002:30)


distribution

paradigmes verbaux

Ce pronom impersonnel existe dans les paradigmes verbaux à tous les temps et tous les modes (pour un paradigme complet, se reporter pour le trégorrois à Leclerc 1986:68,4°, pour le Goélo à Koadig 2010:30).

Les verbes à la forme impersonnelle peuvent être aussi bien transitifs, inergatifs ou inaccusatifs. Le seul verbe qui n'aie pas la possibilité d'apparaître avec la marque de l'impersonnel est le verbe kaout, 'avoir' (Leclerc 1986:75).

Ernault (1888:202) relève une forme en ameur en moyen-breton, cependant l'exemple est isolé et étrange, car la marque impersonnelle apparaîtrait deux fois. Ernault met cette donnée en rapport avec une forme en ameur cruciffiet, "archaïsme" pour le moyen-breton, dont il ne donne pas de source précise.

  • Me en heny ameur cruciffiat..., moyen-breton, (J.:178)
'C'est moi qui ai été crucifié...


Le pronom impersonnel n'existe pas au mode impératif (Kervella 1947:§190).

paradigmes pronominaux

Les occurrences de formes impersonnelles dans les paradigmes pronominaux sont plus rares que dans les paradigmes verbaux.

Selon Favereau (1997:§767), l'impersonnel:

 "...peut s'utiliser après une préposition, selon certains écrivains (tels Yeun ar Gow) 
 ou grammairiens (Trépos, Falc'hun, Favé), qui relèvent son emploi en Léon 
 (V. Favé -or) comme en Cornouaille centrale ou méridionale (-er PT 198).
[la référence PT est à un ouvrage de Trépos que Favereau (1997:14) dit avoir été publié en 1962 et 1994, ouvrage qui n'existe à aucune de ces dates en bibliographie].

prépositions

Ledunois (2002:136) considère que la marque impersonnelle est restreinte aux paradigmes verbaux. Il cite cependant lui-même des prépositions qui l'incorporent, comme warnor:


(3) warnor, /sur.IMP/, 'sur soi'

emezor, /dit.IMP/, 'dit-on' (Ledunois 2002:190)

(4) dirazer, /devant.IMP/, 'devant soi' (Trépos 1980:§343,224)

warner, /sur.IMP/, 'sur soi' (Trépos 1980:§343)

(5) ahanor, /de.IMP/, 'de soi'

deor (an-unan), /de.IMP réfléchi/, 'à soi(-même)'
evidor, /pour.IMP/, 'pour soi'
diragor, dirazer, /devant.IMP/, 'devant soi' (Favereau (1997:§767)


Selon Trépos (1980:§343), la terminaison -or de l'impersonnel est une variante léonarde. Favereau (1997:§767) identifie la marque -er avec la Cornouaille centre et Sud.


On trouve aussi parfois la marque impersonnelle comme pronom incorporé dans des structures réflexives comme en (5). C'est alors un article défini qui apparaît en lieu et place des déterminants possessifs qui forment autrement ce paradigme de réfléchis.


(5) Goulenn a reer ouzor an-unan ha n'eo ket an anv-ze eun distresadur [...]
demande R fait.IMP à.IMP le-un si ne est pas le nom-ci un transformation
‘On se demande si ce nom n'est pas une transformation.’ Léonard (Cléder), Seite (1998:88)


Le liage par un impersonnel sujet ne déclenche pas toujours la forme 'article' du déterminant. En (6), l'impersonnel sujet coréfère avec le possessif e.


(6) Emeer1 o sevel e1 di.
est.IMP à monter son maison
'On est en train de bâtir sa maison.' Trépos (1980:§343)

PRO dans les infinitives

Le pronom impersonnel vide pourrait être présent aussi dans les infinitives (7). C'est cependant délicat à prouver car l'évidence morphologique y est nulle, et la lecture impersonnelle est assez similaire à un pronom de choix arbitraire.


(7)a. Hennez a zo eur gramenn loustoni e-touez e vleo war e vruched da PRO raskañ gant ar forh.
celui.ci R y.a un couche crasse parmi son chevelure sur son poitrine à IMP râcler avec la fourche
‘Il y a parmi les poils sur sa poitrine une couche de crasse à racler à la fourche.’ trégorrois, Gros


(7)b. Ar pehed a lez [ PRO hen ober ].
le péché R laisse IMP 3SG faire
'Le péché se laisse faire.' trégorrois, Gros (1984:207)
('le péché laisse quelqu'un.e le faire')

sémantique

Ledunois (2002:195) considère que l'impersonnel "n'a pas de référent". C'est faux: un référent sujet est clairement sémantiquement calculé. Il est délicat mais possible d'établir des tests syntaxiques qui permettent d'étudier les différentes lectures de cet impersonnel.

La lecture de l'impersonnel glisse parfois vers la première personne. En (1), l'impersonnel co-réfère avec le pronom antécédent 1PL.


(1) Ar pezh a zo dimpz, honz lod eus madoù ar bobl, n'hellerz ket asantiñ koll anezhañ.
le ce.que R est à.nous notre part de biens le peuple ne peut.IMP pas consentir perdre P.lui.
'Ce qui nous appartient, notre part des biens du peuple, on ne peut pas consentir à le perdre.'
Trégorrois (Kaouenneg)/Standard, ar Barzhig (1976:72)


Cependant, la première personne peut être entièrement exclue de la lecture de l'impersonnel, par exemple par le contexte.


(2) Selaou, selaou krenn, En tu all emer o lazhañ c'hwenn.
écoute, écoute complètement dans.le côté autre est.IMP à tuer puces
'Écoute, écoute bien, à côté on tue des puces.' Riec, comptine, Bouzeg (1986:I)


On trouve aussi des contextes où la lecture est celle où l'impersonnel co-réfère avec l'interlocuteur.

 Gros (1984:159):
 Te, 'tu' et c'hwi, 'vous', sont quelquefois remplacés par l'impersonnel 
 dans une intention de courtoisie à l'égard de l'interlocuteur. Cette forme le met moins 
 directement en cause, en donnant à l'énoncé une portée plus générale, donc moins 
 agressive. On l'emploie surtout dans les salutations."


(3) Poaniañ a reer ! Hastañ a reer!
peiner R fait.IMP dépêcher R fait.IMP
'Comme on peine (vous peinez).' , 'On se dépêche (vous vous dépêchez)!'
Trégorrois, Gros (1984:159)

analyse

Selon Even (1978:104), la marque -er est la marque du passif dès le vieux breton. Selon Guillevic & Le Goff (1986:47), il s'agit toujours en breton moderne d'un pronom personnel spécifique à la voix passive.

 Anciennement, la langue bretonne avait des formes personnelles spéciales pour le passif. 
 De ces formes il ne reste que celle de la troisième personne du singulier de chaque temps,
 la forme impersonnelle passive.
 On l'emploie pour rendre l'idée du pronom français on.


Cependant, au contraire des passifs, les verbes à la forme impersonnelle peuvent être aussi bien transitifs, inergatifs ou inaccusatifs (Belvins 2003).

variations dialectales

L'impersonnel est globalement présent dans la plupart des dialectes, vannetais (Guillevic & Le Goff 1986:47) et KLT.


(1) N'heller ket dastum rac'h parlant un den ha nebeutoc'h c'hoazh ur boblañsad tud.
ne peut.IMP pas rassembler tout parlé un homme et moins.plus encore un population gens
'On ne peut pas collecter tout le parlé de quelqu'un, et encore moins celui d'une population.'
vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:7)


Cependant, certaines variétés de breton n'utilisent jamais le pronom vide impersonnel. Plourin (1982:664) signale ainsi qu'à Langonnet, la conjugaison impersonnelle est inconnue.

Selon Wmffre (1998:36), l'impersonnel est restreint dans le paradigme verbal aux formes monosyllabiques du temps habituatif de certains verbes, comme 'être' ou l'auxiliaire 'faire'.


(2) [ pe vɛɤ l̥abuˑɤǝ ] / [ pe ɤɛɤ laˑbǝɤ ] breton central
pa vezer o labourat pa reer labour standard
quand est.IMP à travailler quand fait.IMP travail
'Quand on travaille. / Quand on fait du travail.'
breton central, Wmffre (1998:36)


Les cartes de l'ALBB qui concernent des impersonnels montrent une tendance à user de stratégies alternatives (surtout le passif) dans une une aire Est/Sud-Est. Une même aire géographique peut avoir l'impersonnel au présent mais pas au futur, ou sur un verbe mais pas sur les autres.

 traduction de est en train, carte 076 076 et on était en train, carte 077
 traduction de on sera, carte 078 
 traduction de si on était (potentiel), carte 079 
 traduction de on ne sait pas, carte 250 et on ne saura pas, carte 251
 traduction de on fait, carte 269; et de on fera, carte 270 
 traduction de quand on chante, carte 353; de (quand) on chantait, carte 354; de (quand) on chantera, carte 355 

Les variations dans les réponses aux traductions sur ces deux phrases pourraient aussi être dues aussi à une intonation ou une structure informationnelle différente dans la phrase donnée en français.

horizons comparatifs

Les langues celtiques ont toutes des stratégies impersonnelles qui diffèrent du passif:


(1) Táthar cairdiúil anseo.
est.IMP accueillant ici
'Les gens sont accueillants ici.', 'On est accueillant ici.'
Irlandais, Noonan (1994:288)


(2) Cuirfear amárach í i reilg Chill Bhriocáin th'éis Aifreann a haon a chlog.
enterrera.FUT.AUT.IMP demain 3SGF dans cimetière Cill Bhriocáin après messe une heure
'Elle sera enterrée demain dans le cimetière de Cill Bhriocáin après la messe.'
irlandais moderne, 'The Graveyard Corpus', Bennet, Dowd, Elfner, McCloskey (2010)


Une forme de l'impersonnel dans les paradigmes verbaux existe en estonien et en finnois (Belvins 2003).


(1) (a) Poisid kaklesid õues. / (b) Õues kakeldi.
garçons battaient.3PL dehors / dehors battit.IMP
'Les garçons se battaient dehors./ Des gens se battaient dehors'
Estonian, Erelt et al. (1995:73), cité dans Belvins (2003)


(2) (a) Talo tuhottin. / (b) Suomessa ollaan niin totisia.
maison.NOM détruit.IMP / Finlande.INEssif être.IMP.PRES si sérieux.NOM.PL
'La maison a été détruite (par qq)./ En Finlande, les gens sont si sérieux.'
Finnois, Shore (1988:159), cité dans Belvins (2003)


Belvins (2003) montre qu'en estonien comme en finnois ci-dessus, il ne s'agit pas de passifs (les verbes n'ont pas de restriction sur leur structure argumentale, le pronom sujet est obligatoirement humain et peut lier un réfléchi, et aucun complément d'agent ne peut être ajouté).

L'impersonnel 'an nen'

an den ou an nen, grammaticalisation du syntagme défini 'l'homme', oscille suivant les dialectes entre un pronom fort indépendant et un syntagme nominal.

Il n'est pas restreint au rôle de sujet. Le Dû (2012:101) en signale en position d'objet. On le trouve aussi en position d'argument indirect.


(1) Red e vez d 'an den ober e zispign diouz e hounedigez.
obligé R est à le personne faire son dépense selon son gain
'Il faut régler sa dépense sur son gain'.' Trégorrois, Gros (1984:528)


variation morphologique dialectale

Il n'est pas rare de voir dans la littérature un impersonnel apparaître sous la forme sans nasalisation 'an den'.

A travers les dialectes, les formes varient entre an den, (a)n nen et n'in.

Humphreys (1995:335) signale la forme n'in en breton de Bothoa.

  [ ə n'i:n ]  on, quelqu'un
 
 wè:ra kə n'i:n        / sait.3SG pas n'i:n /               'on ne sait pas.'     
 pé vè scɥ'i:z ə n'i:n / quand est fatigué ə n'i:n / 'quand on est fatigué'
 
 Ce mot provient du mot /d'i:n/ 'personne, homme', dont il se distingue 
 par la nasalisation de l'initiale.
 

Favereau 1997:§316) note aussi cette forme avec une nasale en Est-Cornouaille:


(1) Ne oar ket 'n nen. Poher
'oera ke' 'n nin. Pélem
ne sait.3SG pas IMP
'On ne sait pas.', Favereau 1997:§316)


(2) 'n nen 'ouia ket.
IMP R sait pas
'On ne sait pas.', Haute-Cornouaille Favereau 1997:§316)


Gros, en trégorrois, l'utilise sous la forme eun den, homophone du syntagme indéfini 'un homme'.


(3) Ar re-ze a zoñj ganto n'e-nevez sort eun den d'ober.
le ceux-ci R pense avec.eux ne'R a.HAB rien IMP à faire
'Ceux-ci se figurent qu'on n'a rien à faire.' Trégorrois, Gros (1984:331)


(4) Pa adtaol eun den da gousket e chom diwezad.
quand re.commence un homme à1 dormir R reste tard
'Quand on recommence à dormir (après être resté longtemps réveillé),
on reste tard au lit.' Gros (1970b:§'adteurel')


Il est possible que le pronom varie aussi dans son comportement plus ou moins pronominal suivant les dialectes, impliquant alors des distributions différentes. Mona Bouzeg (Riec) l'utilise comme un pronom.

L'impersonnel n'a pas de forme écho, ni de forme vide.

distribution syntaxique

On voit que le pronom impersonnel an den n'est pas le syntagme nominal an den (le homme, 'l'homme'), car leur distribution diffère.

distribution pronominale

Dans l'exemple ci-dessous, l'impersonnel sujet de la petite proposition [IMP malade] est directement postverbal.


(1)a. Ben 'vez an nen klañv, ne vez ket gwelet ken.
quand R est IMP malade ne est pas vu plus
-- b.
*Ben 'vez klañv an nen, ne vez ket gwelet ken.
quand R est malade IMP ne est pas vu plus
‘Quand quelqu'un est malade, on ne le voit plus (en société).’
Mona Bouzeg, Haut-cornouaillais, (Riec), Bouzeg c.p. (01/2009)


C'est le même ordre [IMP prédicat] qu'on observe en (2).


(2) Gav ket nen aes boût dikriet.
trouve pas IMP facile être critiqué
'On n'aime pas être critiqué.' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:30)


C'est justement la distribution des autres pronoms pour cette locutrice (cf.3), en contraste avec les syntagmes nominaux qui doivent être placés obligatoirement après l'adjectif prédicatif (4).


(3) Ben 'vez eoñ klañv, ne vez ket gwelet ken.
quand R est 3SGM malade ne est pas vu plus
‘Quand il est malade, on ne le voit plus (en société).’
Mona Bouzeg, Haut-cornouaillais, (Riec), c.p. (01/2009)


(4)a. * Ben 'vez (pep den / pep medisin / an dud / ma bugale) klañv, e vezomp trapet fall!
quand R est (chaque homme /chaque médecin /le gens /mon enfants) malade, R sommes attrapés mauvaisement
-- b.
Ben 'vez klañv (pep den / pep medisin / an dud / ma bugale), e vezomp trapet fall!
quand R est malade (chaque homme /chaque médecin /le gens /mon enfants), R sommes attrapés mauvaisement
‘Quand (chaque homme /chaque médecin /les gens /mes enfants) sont/est malade, on est salement attrapés!’
Mona Bouzeg, Haut-cornouaillais, (Riec), c.p. (01/2009)

reprise anaphorique

An den peut être repris anaphoriquement par un pronom 3SG masculin. L'adage en (4) peut cependant référer à tout humain, femmes comprises.


(4) Güell eo gad an dèn lavaret droucg a nezâ e-unan, egued ne eo tevel a grenn var e-unan.
mieux est à IMP dire méchant P lui son-un que ne est taire complètement sur son-un
'On aime mieux dire du mal de soi que de n'en point parler.' De Rostrenen (1738:64)

Fonctions syntaxiques

A travers les langues, la grammaticalisation de l'équivalent de 'homme' est prototypiquement en fonction sujet. Or, en breton, l'impersonnel an nen n'est pas restreint à la fonction sujet.


fonction sujet

(1) Laret 'rafe an nen 'neus ket gouzanvet anezhan.
dire R ferait IMP (ne) a pas souffert P.lui
‘On dirait qu'il n'a pas souffert.’ Comes (1981:27)


(2) A-wejo e c'hoarz an nen.
parfois R rit IMP
'On rit quelquefois.' tréguier, Leclerc (1986:146)


En (3), le sujet est un objet dérivé.


(3) Ba'n amzer oan yaouank vi ket kas 'nenn kalz d'ar skol.
dans le temps étais jeune était pas envoyé IMP beaucoup à le école
'Du temps de ma jeunesse, on n'était pas souvent envoyé à l'école.'
breton de Saint Yvi, German (2007:174)

fonction objet

L'interprétation impersonnelle n'est pas toujours disponible. En (2), on n'a pas affaire au pronom impersonnel, mais à un syntagme nominal défini classique, 'l'homme', qui doit référer à une entité mâle animée.


(2) Ar re a blij dezho al lennegezh voemus a anavez an den dre oberenn Jean Ray.
le ceux R plait à.eux le littérature fantastique R connait le homme par œuvre Jean Ray
‘Ceux qui aiment la littérature fantastique connaissent l'homme par l'œuvre de Jean Ray.’
*‘Ceux qui aiment la littérature fantastique connaissent (quelqu'un/ n'importe qui) par l'œuvre de Jean Ray.’
Jean-Baptiste Baronian, introduction Comes (1981:5)

objet indirect

(5) Ne vefent ket pell o sachañ brud fall d'an nen.
ne seraient pas long à (at)tirer réputation mauvaise à IMP
'Ils ne seraient pas longs à tisser de mauvaises réputations.', Standard, Ar Barzhig (1976:33)

expérienceur

(6) Stard eo d' an nen .
dur est à IMP
'C'est dur pour soi.' Standard, Favereau 1997:§316)


(7) Ne blij ket d' an nen .
ne plait pas à IMP
'Ça ne plait pas (en général).' Standard, Favereau 1997:§316)

DP possesseur

L'impersonnel peut être le possesseur dans un état construit. Dans ce dialecte, il n'est donc pas réanalysé comme un pronom, car l'état construit n'est pas disponible pour les pronoms (*izili int)


(8) Skornañ a ra izili eun den, hag e ra!.
geler R fait membres IMP et R fait
'Vos membres gèlent, et ils le font (réellement).' trégorrois, Gros (1984:64)


(9) poa'hañ 'ra beg 'n nen.
cuire R fait bouche IMP
'Ça vous brûle la gueule.', Poher, Favereau 1997:§316)

Unan

Unan peut être utilisé comme un impersonnel dans une structure passive ou active. Cet usage rappelle l'usage de one en anglais.


(1) Skoet e vez unan, e gwirionez, pa bign gand hent praz Douarnenez da Gastellin.
frappé R est un en vérité quand grimpe avec chemin grand Douarnenez à Chateaulin
'On/quiconque est frappé, en vérité, en montant la grand-route qui va de Douarnenez à Chateaulin.'
Léonard (Cléder), Seite (1998:38)


(2) Laret 'rafe unan eman ar gaouenn o kaozeal dezhi.
dire R ferait un est le chouette à parler à.elle
‘On dirait que la chouette lui parle.’ Comes (1981:25)


(5) /war ked 'ɛ :n/
(Ne) oar ket unan.
(ne) sait pas un
'On ne sait pas.', Plozévet, Goyat (2012:242)

an-unan, 'soi'

L'impersonnel en unan se trouve aussi précédé d'un déterminant; un possessif (e-unan, litt. /son-un/) dans le cas des pronoms réfléchis, ou encore article défini (an unan, litt. /le-un/) .

An Here (2001:§ 'an-unan') donne une forme sujet en an-unan:


(3) Ne vez ket an-unan1 sur eus e1 vuhez.
ne est pas le-un sur de son vie
'On n'est pas sur pour sa vie.' An Here (2001:§ 'an-unan')


En (4), on a une forme liée par le sujet de l'infinitive.


(4) Lod a zifenne en em lakâd an-unan da varner.
certains R défendait PRO1 se mettre le-un1 à juge
'Certains défendaient de se mettre soi-même juge.'
Kerne, 1893, (IAI.:122), cité par Hemon (2000:§58)


Favereau (1993:§'soi') cite karantez an-(h)unan, pour traduction du français 'amour de soi-même'. Il donne aussi des usages non-réflexifs de ce pronom: chom an-hunan, 'rester soi-même'; et pa vezer an-hunan, 'quand on est soi-même'.

variation dialectale

An-(h)unan est une forme assez rare et peu documentée. Il est possible que cela reflète une variation dialectale dans son utilisation. De Rostrenen (1738:64) consacre un chapitre à la traduction du pronom français 'soi', mais ne donne aucune forme en an-unan. Le Léonard Fave en donne quelques exemples.

reprise anaphorique

An unan peut servir à la reprise anaphorique à une autre marque de l'impersonnel.

Il n'y a pas de marque de l'impersonnel dans les paradigmes des déterminants possessifs. Pour co-référer avec un impersonnel, c'est la marque 3SGM ou 2PL qui est choisie (Kervella 1995:§431). Mais on trouve aussi an unan avec un article défini, à la place de e-unan avec un déterminant possessif (Kervella 1995:§436).


(1) Ne weler1 ket ar sioù an-unan1. (= Ne wel ket pep hini1 e1 sioù e-unan1.)
ne voit.IMP pas le défaut le-un
'On ne voit pas ses propres défauts.' An Here (2001:§ 'an-unan')


(2) Goulenn a reer1 ouzor1 an-unan1 ha n'eo ket an anv-ze eun distresadur [...]
demande R fait.IMP à.IMP le-un si ne est pas le nom-ci un transformation
‘On se demande si ce nom n'est pas une transformation.’ Léonard (Cléder), Seite (1998:88)

Impersonnel de deuxième personne

En breton comme en français, on utilise des formes de personne seconde, en tutoiement et en vouvoiement, pour des usages impersonnels:


(4) [ petra (ə)4 fa:lEx ga vil-sən ]
Petra e v-malec'h gant ar vilin-se?
quoi R moud.2PL avec le moulin-
'Qu'est-ce qu'on moud avec ce moulin?'
Haut-cornouaillais, (Lanvenegen), Evenou (1987:581)


Contrairement au français, l'impersonnel en -er peut coréférer avec une seconde personne impersonnelle.


(5) Ben 'zeber mat pez ket naon war-lerc'h.
quand R mange.IMP bien a.2 pas faim après
'Quand on mange bien, (*tu/*vous) on n'a pas faim après.'
(= ... n'en dez ket an nen naon war-lerc'h)
Mona Bouzeg, Riec, c.p. (02/2012)

Impersonnel de première personne

En breton comme en français, on utilise des formes de la première du pluriel pour des usages impersonnels. Cette forme d'impersonnel est reportée par Quéré (2011) pour le breton de Plaudren, avec une cataphore réalisée par un pronom sujet vide (elle est mise en évidence par l'accord gelé sur le verbe de l'enchâssée).


(2) Arlerh ma nes dornet, ni zèbé ioh ensemble.
après que a battu nous mangeait tous ensemble
'Après le battage, on mangeait tous ensemble.'
vannetais (Plaudren), Quéré (2011:119)

Le passif

L'effacement de l'agent dans les tournures passives correspond sémantiquement aux impersonnels. Une des formes concurrentes à l'emploi des impersonnels pronominaux en breton est l'emploi du passif.


(3) Alies e vez graet hemañ gant kig yar, met graet e c'hell bezañ ivez gant pesked...
souvent R est fait celui.ci avec viande poulet mais fait R peut être aussi avec poissons
'On le fait souvent avec du poulet, mais on peut aussi le faire avec du poisson.'
Kerne/bordure Léon (Dirinon), Kervella (1985:120)

Terminologie

Humphreys (1995:335) désigne le pronom impersonnel sous le terme de personne indéfinie.

Favereau (1997:§767), suivi par Ledunois (2002:136), utilisent le terme de "non-personne". Ce terme est à éviter dans la mesure où dans la tradition structuraliste, le terme de "non-personne" désigne la troisième personne (celle qui est extérieure au cadre d'énonciation). Favereau (1997:§472-3) justifie son choix terminologique en réservant le terme d'"impersonnel" à ce qui est ailleurs appelé un explétif (comme le pronom météorologique).

L'impersonnel est désigné en breton par le terme diberson, dibersonel (Chalm 2008), ou par le terme dic'hour (Kervella 1995, Chalm 2008, SADED 2010).

Ce que Denez (1983) désigne comme an dibersonel correspond à l'explétif.

Bibliographie

l'impersonnel en breton

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