Différences entre les versions de « Possession »

De Arbres
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|||colspan="10" | 'Yann s'est coupé le doigt.'
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==== pas dans l'argument de ''kaout'' ====
==== pas dans l'argument de ''kaout'' ====

Version du 25 décembre 2021 à 21:23

La possession est une relation entre deux entités, animées ou non. Le possesseur est le rôle thématique qui marque la possession d'une entité.

La langue bretonne distingue grammaticalement les rôles sémantiques de la possession aliénable (gwetur Mona 'la voiture de Mona') et inaliénable (dorn Mona 'la main de Mona'), de l'attribution (da1 Vona) et de l'accompagnement (gant Mona).


En breton, les éléments grammaticaux qui peuvent endôsser le rôle de possesseur sont:

  • tout pronom, dont les pronoms écho, dans la mesure où ils coréfèrent avec l'un des éléments ci-dessus.


Verbes de possession

kaout, endevout, piaouiñ

Les dialectes varient dans leurs stratégies pour réaliser le verbe infinitif de sens 'posséder, avoir'. La plupart des dialectes utilisent le verbe kaout/endevout, mais dans la partie Sud-Est de l'aire parlante, on trouve aussi le verbe piaouiñ ou biaouiñ. Ternes (1970:300) relève à Groix la forme / bijew /.


(1) bijeẃ əndra:-zaj
moi possède le 1chose-ci
'Je possède cela.' Groix, Ternes (1970:300)


Pour une description détaillée des usages sémantiques de kaout/endevout, se reporter à cet article. Pour une description de la défectivité de piaouiñ et sa variation dialectale et diachronique en vannetais, se reporter à Châtelier (2016:180-194).

alternatives lorsque le possédé est défini

A part avec certains noms abstraits, le sujet du verbe kaout ne peut pas être défini (Kervella 1947:§611, Fave 1998:59, Gourmelon 2014:15). Lorsque l'argument possédé est défini, apparaîssent des stratégies alternatives.


bezañ da

La possession d'un groupe nominal défini est typiquement exprimée par la préposition da. Le sens est attributif.


(2) Ar gontell-mañ zo din.
le 1couteau-ci est à.moi
'Ce couteau m'appartient.' Gourmelon (2014:15)


bezañ diouzh

Diouzh peut aussi traduire l'attribution d'un groupe nominal défini.


(3) / né ké dox nèy / vs. /ma ké dãõ/
N’eo ket doc’h anezhi. (N’e)mañ ket dezhañ. graphie peurunvan
ne1est pas à P.elle ne1est pas à.lui
'Cela n'est pas à elle.' vs. 'Ce n'est pas à lui.' Cornouaillais (Saint-Yvi), German (1984:129,30)


Horizons comparatifs

(1) Leila a de longues mains de pianiste.

Ils ont un château en Espagne.
Ma porte compte sept gonds.
Ma porte a sept gonds.
La chambre de Jeanne est jaune.


La possession inaliénable

sémantique

Ortman (2018) propose que la possession inaliénable est la seule possession d'ordre sémantique car le référent du possédé ne peut être établi sans spécification du référent du possesseur. La possession aliénable, elle, est de l'ordre de la pragmatique car c'est le contexte qui établit la relation de possession, et non la sémantique lexicale.

Dans le cas des expressions de possession inaliénable, comme avec les parties du corps, le verbe kaout 'avoir' est adapté, mais il n'est pas en situation de monopole (cf. bezañ kochet e gig warnañ 'avoir des bourrelets de chair', Favereau 1993).


syntaxe

On note pour les structures dénotant la possession inaliénable des comportements grammaticaux non-canoniques. En (1), l'expression pour 'donner le sein' n'utilise pas d'article. L'expression 'fermer la bouche' pour 'se taire' prend un article indéfini bien qu'il soit peu plausible que l'enfant ait plus d'une bouche.


(1) Kaer em-oa rei ø bronn dezi, ne zerre ket eur genou.
beau R.1SG-avait donner sein à.elle ne1 fermait pas un bouche.
'J'avais beau lui donner le sein, elle ne fermait pas la bouche.'
Trégorrois, Gros (1989:'bronn')


déterminant possessif vs. article

Dans les exemples suivants, on voit un contraste net entre les dialectes bretons d'une part et le français standard d'autre part. Le déterminant possessif apparaît en breton, alors que dans la même structure, le français standard autorise seulement un article défini.


(2) E ma goûg ha rac’h 'm eus bet unan.
dans mon2 gorge et tout 1SG a eu un
'J'en ai eu aussi un à la gorge.' (un furoncle)
Haut-vannetais (JMh), Louis (2015:218)


(3) Ma vije laosket o brid ganto war o moue.
si4 serait laissé leur2 bride avec.eux sur leur2 crinière
'Si on leur laissait la bride sur la crinière' (sur le cou)
Trégorrois, Gros (1970b: 'brid')


En (4), on voit que le déterminant possessif supporte le liage (comparez le français Yann s'est coupé le doigt, et * Yann s'est coupé son doigt).


(4) Yann e-neus trohet e viz.
Yann R.3SGM-a coupé son1 doigt
'Yann s'est coupé le doigt.'
Trégorrois, Gros (1989:'biz')


En (5), on voit que cet argument s'applique aussi à l'impersonnel, avec une adresse générique (vs. Tu avais de l'eau ras les/*tes fesses).


(5) ' dour 'resk hou fouessenno.
Ho poa dour a-res ho feskennoù. Équivalent standardisé
2PL avait eau à-ras votre3 fesse.s
'On avait de l'eau jusqu'aux fesses.'
Cornouaillais (Moëlan), Bouzec & al. (2017:357)

pas dans l'argument de kaout

Le déterminant possessif n'apparaît pas dans l'argument du verbe kaout de possession.


(6) Pipi e-neus eur gorzaillenn êz.
Pipi R-a un gos.ier.une facile
'Pierre a la dalle en pente.'
Trégorrois, Gros (1989: 'êz’)

Terminologie

Kervella (1947) utilise perc'hennañ. Gourmelon (2014) utilise perc'henniezh.


Bibliographie

breton

  • Kersulec, P-Y. 2008. 'Doare ar perc'hennañ er c'hentañ gour lies e plasoù zo e Kernev-Izel, Kernev-Uhel, Gwened-Izel ha Gwened-Uhel (klokadennoù hag evezhiadennoù war eostad an ALBB)', Hor Yezh 255.


théorie

  • Guéron, Jacqueline. 2005. 'Inalienable Possession', Martin Everaert And Henk Van Riemsdijk (éds.), The Blackwell companion to Syntax, Blackwell Publishing, vol II, chap.35.
  • Ortman, Albert. 2018. 'Connecting the typology and semantics of nominal possession: alienability splits and the morphology-semantics interface', Morphology 28:1, 99-144.