Possession

De Arbres

La possession est une relation sémantique entre deux entités. On distingue deux rôles thématiques dans la relation de possession, le possesseur qui est celui qui possède une entité, et le possédé qui est l'entité possédée. Ces entités peuvent être animées ou non, comme le frère de Mona ou le pied de la table.

La grammaire bretonne distingue différentes stratégies pour exprimer la possession, avec des nuances sémantiques attachées à chacune. On distingue la possession en droit, comme une somme à la banque, et qui est exprimée par le verbe kaout 'avoir, posséder' de l'attribution qui peut être une possession plus transitoire (da1 Vona 'à Mona'). Enfin, l'appartenance est nettement distincte de l'accompagnement (gant Mona 'avec Mona'). En (1), Les filles possèdent chacune un vélo, mais jouent avec un seul autre qui leur a été prêté. Le verbe kaout 'avoir' marque l'appartenance, en contraste avec l'accompagnement marqué par gant 'avec'. La préposition da marque l'appartenance sans insistance, l'attribution. La grammaire va aussi distinguer parfois la possession inaliénable (dorn Mona 'la main de Mona') et la possession aliénable (belo Mona 'la bicyclette de Mona').


(1) Daou vilo ' neus ar plac'hed met ar bilo a zo gante aze, hennezh zo di-me.
deux1 vélo R 3.a le fille.s mais le vélo R1 est avec.eux ici celui.là R1 est à.moi-moi
'Les filles possèdent deux bicyclettes, mais celle qu'elles ont là, elle est à moi.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (08/2022)


Cet article concerne les différentes expressions de la possession. Des articles différents traitent de l'attribution et de l'accompagnement.


Inventaire

En breton, les éléments grammaticaux qui peuvent endosser le rôle de possesseur sont:

  • tout pronom, dont les pronoms écho, dans la mesure où ils co-réfèrent avec l'un des éléments ci-dessus.


Verbes de possession

kaout, endevout, piaouiñ, perc'hennañ

Les dialectes varient dans leurs stratégies pour réaliser le verbe infinitif de sens 'posséder, avoir'. La plupart des dialectes utilisent le verbe kaout/endevout, mais dans la partie Sud-Est de l'aire parlante, on trouve aussi le verbe piaouiñ ou biaouiñ. Ternes (1970:300) relève à Groix la forme / bijew /.


(1) bijeẃ əndra:-zaj
moi R1 possède le 1chose.ci
'Je possède cela.'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:300)


En standard, on trouve aussi le verbe perc'hennañ 'posséder', sur lequel est formé le nom perc'henn 'propriétaire', et ar perc'hennañ 'la possession'.

Pour une description détaillée des usages sémantiques de kaout/endevout, se reporter à cet article. Pour une description de la défectivité de piaouiñ et sa variation dialectale et diachronique en vannetais, se reporter à Châtelier (2016:180-194).


alternatives lorsque le possédé est défini

A part avec certains noms abstraits, le sujet du verbe kaout ne peut pas être défini (Kervella 1947:§611, Fave 1998:59, Gourmelon 2014:15). Lorsque l'argument possédé est défini, apparaîssent des stratégies alternatives.


bezañ da

La possession d'un groupe nominal défini est typiquement exprimée par la préposition da. Le sens est attributif.


(2) Ar gontell-mañ zo din.
le 1couteau.ci est à.moi
'Ce couteau m'appartient.'
Gourmelon (2014:15)


bezañ diouzh

Diouzh peut aussi traduire l'attribution d'un groupe nominal défini.


(3) / né dox nèy / vs. /ma dãõ/
N'eo ket doc'h anezhi. (N'e)mañ ket dezhañ.
ne1 est pas à P.elle ne1 est pas à.lui
'Cela n'est pas à elle.' vs. 'Ce n'est pas à lui.'
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (1984:129,30)

La possession inaliénable

sémantique

Ortman (2018) propose que la possession inaliénable est la seule possession d'ordre sémantique car le référent du possédé ne peut être établi sans spécification du référent du possesseur. La possession aliénable, elle, est de l'ordre de la pragmatique car c'est le contexte qui établit la relation de possession, et non la sémantique lexicale.

En breton dans le cas des expressions de possession inaliénable, comme avec les parties du corps, le verbe kaout 'avoir' est adapté, mais il n'est pas en situation de monopole (cf. bezañ kochet e gig warnañ 'avoir des bourrelets de chair', Favereau 1993).


syntaxe

On note pour les structures dénotant la possession inaliénable des comportements grammaticaux non-canoniques. En (1), l'expression pour 'donner le sein' n'utilise pas d'article. L'expression 'fermer la bouche' pour 'se taire' prend un article indéfini bien qu'il soit peu plausible que l'enfant ait plus d'une bouche.


(1) Kaer em-oa rei bronn dezi, ne zerre ket eur genou.
beau R.1SG avait donner ø sein à.elle ne1 fermait pas un bouche.
'J'avais beau lui donner le sein, elle ne fermait pas la bouche.'
Trégorrois, Gros (1989:'bronn')


déterminant possessif vs. article

Dans les exemples suivants, on voit un contraste net entre les dialectes bretons d'une part et le français standard d'autre part. Le déterminant possessif apparaît en breton, alors que dans la même structure, le français standard autorise seulement un article défini.


(2) E ma goûg ha rac'h 'm eus bet unan.
en mon2 gorge et tout R.1SG a eu un
'J'en ai eu aussi un à la gorge.' (un furoncle)
Haut-vannetais (JMh), Louis (2015:218)


(3) Ma vije laosket o brid ganto war o moue.
si4 serait laiss.é leur2 "bride" avec.eux sur leur2 crinière
'Si on leur laissait la bride sur la crinière.' (sur le cou)
Trégorrois, Gros (1970b: 'brid')


(4) Dalc'hit dezh e veg digor !
gardez à.lui son1 gueule ouvert
'Garde-lui la gueule ouverte !'
Cornouaillais, Jacq (2002b:115)


En (5), on voit que le déterminant possessif supporte le liage (comparez le français Yann s'est coupé le doigt, et * Yann s'est coupé son doigt).


(5) Yann e-neus trohet e viz.
Yann R.3SGM a coup.é son1 doigt
'Yann s'est coupé le doigt.'
Trégorrois, Gros (1989:'biz')


(6) Ar vamm a stouas he fenn.
le 1mère R1 pencha son1 tête
'La mère pencha la tête.'
Standard, Riou (1957:14)


En (7), on voit que cet argument s'applique aussi à l'impersonnel sémantique, avec une adresse générique (vs. Tu avais de l'eau ras les/*tes fesses).


(7) ' dour 'resk hou fouessenno.
Ho poa dour a-res ho feskennoù. Équivalent standardisé
2PL avait eau à-ras votre3 fesse.s
'On avait de l'eau jusqu'aux fesses.'
Cornouaillais (Moëlan), Bouzec & al. (2017:357)

pas dans l'argument de kaout

Le déterminant possessif n'apparaît pas dans l'argument du verbe kaout de possession.


(8) Pipi e-neus eur gorzaillenn êz.
Pipi R 3SG.a un gos.ier.SG facile
'Pierre a la dalle en pente.'
Trégorrois, Gros (1989: 'êz')

Terminologie

Kervella (1947) utilise perc'hennañ. Gourmelon (2014) utilise perc'henniezh.


Horizons comparatifs

(1) Leila a de longues mains de pianiste.

Ils ont un château en Espagne.
Ma porte compte sept gonds.
Ma porte a sept gonds.
La chambre de Jeanne est jaune.


Bibliographie

breton

  • Kersulec, Pierre-Yves. 2008. 'Doare ar perc'hennañ er c'hentañ gour lies e plasoù zo e Kernev-Izel, Kernev-Uhel, Gwened-Izel ha Gwened-Uhel (klokadennoù hag evezhiadennoù war eostad an ALBB)', Hor Yezh 255.


horizons théoriques et comparatifs

  • Guéron, Jacqueline. 2005. 'Inalienable Possession', Martin Everaert And Henk Van Riemsdijk (éds.), The Blackwell companion to Syntax, Blackwell Publishing, vol II, chap.35.
  • Ortman, Albert. 2018. 'Connecting the typology and semantics of nominal possession: alienability splits and the morphology-semantics interface', Morphology 28:1, 99-144.
  • Rooryck, Johan. 2022. 'Reconsidering inalienable possession with definite determiners in French', Isogloss 8:1, DOI.