Le passé composé

De Arbres
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Le passé composé est un temps composé formé d'un auxiliaire au présent et d'un participe passé.


(1) Ar vandenn a-bez he deus en em serret en eun torkad.
le 1bande entière 3SGF 3.a se rang.é en un troupeau
'Tout le troupeau s'est rassemblé.'
Trégorrois standardisé, Le Bozec (1933:82)


Syntaxe

clitique objet sur le participe

En breton, un pronom objet se cliticise sur le participe d'un temps composé. C'est un contraste avec le français où le pronom objet se cliticise sur l'auxiliaire.


(1) N'ec'h eus ket he anavezet ?
ne1 R.2SG a pas la2 reconn.u
'Tu ne l'as pas reconnue ?'
Standard, Riou (1923:7)

sélection de l'auxiliaire

Comme en français, le passé composé s'auxilie avec soit l'équivalent du verbe 'être' (bezañ), soit celui du verbe 'avoir' (kaout). Cependant, ce n'est pas toujours le même auxiliaire qu'en français qui sera sélectionné (voir l'article sur la sélection de l'auxiliaire).

Les auxiliaires ne sont pas non plus toujours prononcés : l'auxiliaire 'être' au présent, sous sa forme eo, peut être morphologiquement élidé.


(2) Aet _ al lost hag an divesker war o hed en dour.
all.é est le queue et le deux.jambe sur leur2 long en.le eau
'La queue et les pattes arrière avaient disparu dans l'eau.'
Standard, Ar Barzhig (1988:132)
cité dans Ledunois (2002:320)


passé composé vs. plus-que-parfait

Le passé composé est moins utilisé en breton qu'il ne l'est en français, au profit du plus-que-parfait.

 Gros (1966:27):
 Le passé composé s'emploie "lorsque la chose a lieu dans la période de temps qui est actuellement en cours. Mais c'est le plus-que-parfait qui est de rigueur lorsque l'action s'est déroulée dans un temps qui est entièrement passé […]. On note toutefois chez les jeunes une légère tendance, dans ce cas, à imiter le français. Mais les gens d'un certain âge ne diront jamais:
 me zo bet eno deh 'J'y ai été hier', ou 
 er sizun all em-eus gwelet anezañ 'la semaine dernière je l'ai vu', mais
 me oa bet eno deh 'J'y ai été hier', ou 
 er sizun all em-oa gwelet anezañ 'la semaine dernière je l'ai vu'.


(3) bremañ p'am-eus diskuizet
maintenant quand1 R1.1SG a .fatigu.é
'maintenant que je me suis reposé'
Trégorrois, Gros (1970:27)


adverbes

Kerrain (2001) propose la règle que le passé composé "ne peut être utilisé que dans un contexte présent, avec hiziv, er mintin-mañ, er sizhun-mañ, er bloaz-mañ".


(4) Baleet em eus ma aligator hiziv.
promen.é R4.1SG a/avait mon2 alligator aujourd'hui
'J'ai promené mon alligator aujourd'hui.'
Standard, Kerrain (2001)


(5) Baleet em boa ma aligator dec'h.
promen.é R4.1SG a/avait mon2 alligator hier
'J'ai promené mon alligator hier.'
Standard, Kerrain (2001)


Il est exact que des adverbes du présent imposent la morphologie du présent sur l'auxiliaire. L'inverse n'est cependant pas vrai, et le passé composé peut être utilisé sans adverbes, même pour des temps lointains.


(6) A ya, ni beus bet an hini gentañ hag a starde diouzhtu.
Ah oui nous 1.a eu le celui 1première.F que R1 pressait de.suite
'Ah oui, nous on a eu la première qui pressait tout de suite.'
Léonard, Mellouet & Pennec (2004:43)


passé composé vs. passé simple

variation dialectale

Dans la plupart des dialectes modernes, le passé simple a disparu, au profit du passé composé. Ernault (1902) notait une alternance passé simple/passé composé entre Sarzeau et Batz.

 "les traducteurs s'y servent naturellement des formes préférées dans leur village, mais cela ne veut pas dire qu'à l'ombre de leur clocher d'autres expressions plus communes ne soient pas comprises aussi, et même employées l'occasion. Tel est le cas de en tad a laras, 'le père dit', à Sarzeau; en tad a boue lareit (pour en doe 'laret) dans le sous-dialecte de Batz, etc."

Sémantique

perfectivité, borne de fin et résultat

En (2), la 'longueur du nez' est manifestement toujours actuelle au moment de l'énoncé, puisqu'il s'agit d'un état. La particule bet n'y est donc pas sémantiquement perfective.


(2) Te a zo bet re hir da fri, dalc'hmat.
toi R1 est été trop long ton1 nez toujours
'Tu as toujours été trop curieux.'
Standard, Drezen (1990:75)


L'usage du passé composé est compatible avec la perfectivité. En (3), le locuteur a terminé de venir lors du temps de l'énoncé. C'est le résultat de l'action de venir ('être là') qui perdure dans le temps de l'énonciateur.


(3) Gant kalzig a garantez on deut hirio amañ.
avec beaucoup.DIM de1 amour suis ven.u aujourd'hui ici
'Je suis venu aujourd'hui ici avec pas mal d'amour.'
Son fest miz even, 'Chanson de juin'


Le résultat de l'action peut perdurer dans le temps de l'énonciateur avec un auxiliaire au passé.


(4) Me am-oa kollet warlene ma broz toskan.
moi R.1SG avait perd.u année.dernière mon2 jupe toscane
'J'ai perdu l'année dernière ma jupe de couleur.' (perte définitive)
Trégorrois, Gros (1966:28)


(5) Me am-oa bet kollet warlene ma broz toskan.
moi R.1SG avait eu perd.u année.dernière mon2 jupe toscane
'J'avais perdu l'année dernière ma jupe de couleur.' (retrouvée entretemps)
Trégorrois, Gros (1966:28)


usage pour le futur proche

(6) Ma, Aet on.
Bon ! all.é suis
'Bon, j'y vais.'
Standard, Kerrain (2015b:136)

Horizons comparatifs

En gallo, comme en breton, le passé composé n'est utilisé "que pour désigner une action passée qui a lien avec le présent". Cependant, le passé simple y est utilisé à l'oral comme à l'écrit (Auffray 2007:intro).

La sur-utilisation du plus-que-parfait en français de Basse-Bretagne est un bretonnisme connu.

(6) Hier, j'avais écrit une lettre, Lossec (2010:94)

J'avais été malade toute la semaine dernière, Lossec (2010:94)


Terminologie

Kervella (1947) utilise le terme breton amzer-dremenet-amstrizh.

Press (1986:228) traduit amzer-dremenet-amstrizh par 'perfect tense', et donne un exemple de passé composé.

Kervella (1947:§186) nomme anv-verb tremenet les formes bezañ kanet et bezañ bet kanet. Il s'agit respectivement d'un passé composé et d'un passé surcomposé.