Particule o

De Arbres


morphologie

La particule o précède toujours un verbe infinitif, et déclenche sur lui une léni-provection. Ce déclencheur de mutation est représenté ici par le chiffre 4 en exposant.


variation dialectale

On trouve cette particule préverbale sous les formes o, oc'h ou ouzh en KLT, et é en vannetais, i ou d'oc'h en bas-vannetais.


sans proclitiques

La variation dialectale de cette particule et celle de ses mutation consonnantiques lorsqu'elle est directement devant un verbe sans proclitiques est documentée dans la carte 474 de l'ALBB, traduction de 'il est en train d'aller...'

On trouve les formes o, oc'h en KLT, et é en vannetais, i en bas-vannetais.


(5) Ne vin ket me mui amañ é [INF kennig dour deoc'h ].
NEG serai.1SG NEG 1SG plus ici P proposer eau P.2PL
'Moi, je ne serai plus là à vous offrir de l'eau.'
vannetais, Ar Meliner (2009:107)


(2) [hɛ zo (i) [VP fɔ̃ n tǝn dɔ̃ :n] .
int 'zo o vont d'an traoñ
3PL est P4 aller P DET bas
‘Ils [les jours] vont en diminuant.’ Bas-vannetais, Cheveau (2007:212)


Les formes ouzh en KLT et d'oc'h en bas-vannetais ne sont pas à proprement parler des variations dialectales, ce sont les formes sous lesquelles apparait cette particule lorsqu'elle est suivie d'un proclitique.


devant proclitiques

A travers les dialectes, la particule o change de morphologie devant un pronom proclitique. Elle prend alors une forme qui ressemble de façon plus transparente à une préposition. En KLT, sa forme devant un proclitique est ouzh.


La forme de la particule est d'oc'h lorsqu'un proclitique objet apparaît devant le verbe (3).


(3) jɔ̃ dɔʁ [VP mǝ hʁogɛ̃ɲ ] .
oa o me c'hregiñ
3SGM était P 1SG mordre
‘Il était en train de me mordre.’ Bas-vannetais, Cheveau (2007:207)

distribution

La particule o4 est toujours la tête d'un domaine non-tensé. Elle précède toujours directement un verbe infinitif.


  • emañ o4 [VP vrevi e gorv.], 'Il est en train de se briser le corps.', Trépos (2001:§86)


Le fait qu'elle précède toujours le verbe la fait parfois analyser comme un rannig (cf. Cheveau 2007). Cette analyse s'appuie sans doute sur le fait que les rannigs a et e n'apparaissent jamais devant les verbes infinitifs. Cependant, la morphologie prépositionnelle de o/ouzh et l'impact sémantique qu'elle obtient dans la plupart de ses constructions distinguent nettement la particule o des rannigs.


petites propositions

Le domaine non-tensé sélectionné par la particule o peut être une petite proposition. En (2), cette petite proposition est l'objet du verbe klevout, 'entendre'.


(2) A-raog pellaad diouz Penmarh e karfen kleved [ SC ahanout o4 kana Gwerz Penmarh ].
avant éloigner P Penmarc'h R aimerais entendre P.2SG P chanter chanson Penmarc'h
'Avant de quitter Penmarc'h, j'aimerai t'entendre chanter la chanson de Penmarc'h.'
Leon, (Kleder), Seite (1998:93)

propositions infinitives

Le domaine non-tensé sélectionné par la particule o peut être assez large pour contenir un sujet vide (PRO). Cette propriété permet de construire des structures où le sujet non-réalisé du verbe infinitif n'est pas coréférent avec celui de la principale.

Trépos (2001:§350) note justement qu'en (10), la particule o permet d'avoir la lecture J'ai vu votre mère qui allait à Quimper. En contraste, la particule en ur aurait été grammaticale, mais aurait bloqué la phrase à son interprétation (b.) où le sujet du verbe infinitif coréfère avec celui de la principale.


(10) [DP Ho mamm ]x am-eusz gwelet o4 [VP PROx/z vont da Gemper].
votre mère R.1SG-ai vu ptc aller P Quimper
a. 'J'ai vu votre mère qui allait à Quimper.'
b. 'J'ai vu votre mère en allant à Quimper.', Trépos (2001:§350)


matrices infinitives

La particule o apparaît aussi dans les matrices infinitives.


(3) Hag eñ o redek d'an druilh drast.
& 3SGM P courir P.DET N Adj
'Et lui de courir à toute vitesse.'
Cap-Sizhun, Chalm 2008:D4)

sélection

La particule o semble parfois sélectionnée comme faisant partie de la grille argumentale d'un verbe ou d'une construction en particulier.

Chalm (2008§D4) cite:

 le verbe skuizhañ, '(se) fatiguer (de)', 'se lasser (de)', ainsi que les constructions verbales avec:
 
 koll, 'perdre': koll amzer, 'perdre du temps', koll arc'hant, 'perdre de l'argent', koll pasianted, 'perdre patience'
 tremen, 'passer': tremen amzer, 'passer son [du,le] temps'
 kaout, 'avoir': kaout mezh, 'avoir honte'; kaout plijadur, 'avoir plasir'; kaout poan, 'avoir du mal'...
 bezañ, 'être': bezañ nec'het, 'être inquiet', bezañ laouen, 'être content'
   
 et avec bet, participe passé du verbe bezañ, 'être' dans le sens de 'aller' (et 'revenu')


(1) Laouen on o vezañ amañ, asambles ganeoc’h, evit sinadur ofisiel Ya d’ar brezhoneg (...).
content suis.1SG P être ici ensemble avec.2PL pour signature officielle oui P DET breton
'Je suis heureuse d’être parmi vous pour la signature officielle de Ya d’ar brezhoneg.'
standard, Lena Louarn, Présidente de l'Office de la Langue Bretonne, 22 avril 2009


(2) Poan am-eus o kredi e vefen pare mad.
peine 1SG ai P croire R serais.1SG guéri bien
'J'ai peine à croire que je serais vraiment guéri.'
Léon, Fave (1998:132)


(3) Koll a raen ma amzer o klask.
perdre R faisais.1SG mon temps P chercher
'Je perdais mon temps à chercher.'
Cap-Sizhun, Chalm 2008:D4)


(4) Skuizhañ a ran o touzañ ar geot.
fatiguer R fais.1SG P tondre DET herbe
'Je suis fatigué.e de tondre l'herbe.'
Cap-Sizhun, Chalm 2008:D4)


(5) Bet eo o kerc'hat he sac'h.
été est P prendre son sac
'Elle est allée prendre son sac.'
Cap-Sizhun, Chalm 2008:D4)

sémantique

La particule o4, en préface d'un VP, est prototypiquement la particule du progressif. En (1), on voit déjà que son emploi est plus large que celui du progressif français en train de.


(1) ni vie o redek kuit en tu all dre an nor.
2PL étions ptc courir ptc P.DET côté autre P DET porte
'Nous, on courait de l'autre côté par la porte.'
Bas-Cornouaillais (Le Juch), Hor Yezh (1983:5)


La particule o4 n'est pas réductible à l'usage du progressif et peut excéder largement la sémantique d'une particule aspectuelle du progressif de type en train de. En (2), l'action d'être tué, action ponctuelle s'il en est, ne porte aucune trace aspectuelle du progressif.


(2) "Pupille de la Nation" e oa bet Kongar, e dad o4 vezañ bet marvet er brezel.
R était été Kongar son père ptc être été tué P.DET guerre
'Kongar avait été "Pupille de la Nation", son père ayant été tué à la guerre.'
standard, Denez (1993:23)


En (3), la particule o4 introduit une circonstancielle de moyen.


(3) Amañ em eus klasket strollañ ar pezh a zo bet skrivet gantañ diwar-benn ar politikerezh,
ici R.1SG ai cherché grouper DET morceau R est été écrit P.3SGM P DET politique
[ o tastum e destennoù diwar-benn Breiz Atao, ha diwar-benn an Istor ].
ptc4 collecter POSS.3SGM textes P Breiz Atao & P DET Histoire
'J'ai cherché ici à rassembler ses écrits sur la politique, en collectant ses écrits sur Breiz Atao et sur l'Histoire.'
standard, Denez (1993:33)


(4) [ O selaou an dud ] en doa desket ur bern traoù.
P écouter DET gens R.3SGm avait appris un tas choses
'Il avait appris un tas de choses en écoutant les gens.'
Cap-Sizhun, Chalm 2008:D4)


Lorsque o introduit une circonstancielle de moyen, ce qui est traduit en français par le gérondif (en faisant...), on peut en breton utiliser la forme en ur à la place de o si le sujet de l'infinitive coïncide avec le sujet de la matrice.

à ne pas confondre

Puisqu'elle sert à l'expression du moyen, la particule o4 recouvre partiellement celle de l'équivalent du gérondif français en ur1. Les deux particules ne doivent cependant pas être prises comme équivalentes.