Différences entre les versions de « Particule o »

De Arbres
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Version du 26 novembre 2020 à 09:40

La particule o préverbale est une particule aspectuelle.


(1) Soñj 'm-eus kleved ma zud o lared...
pensée R.1SG-a entendre mon2 parents à4 dire
'Je me rappelle entendre mes parents dire....' Uhelgoat, Skragn (2002:56)


Morphologie

réalisation de la mutation

La particule o4 précède un verbe qui est toujours infinitif. La particule déclenche sur lui une mutation mixte, appelée aussi léni-provection. Ce déclencheur de mutation est représenté ici par le chiffre 4 en exposant. Cette mutation est persistente à travers tous les dialectes, et ne montre pas de signe de faiblissement. Sa réalisation est sujette à une petite variation de dialecte en dialecte.

Parfois, la particule n'est pas elle-même prononcée et sa présence est uniquement signalée par la mutation consonantique qu'elle provoque sur le verbe comme en Goëlo en (3) ou en bas-vannetais (/(i) fɔ̃ n/, Cheveau 2007:212).


(1) ' falé, ' foñnt, ' freynañ Goëlo
o vale, o vont, o vreinañ Standard
en train de marcher en train d'aller en train de pourrir
'en train de marcher, aller, pourrir.' Koadig (2010:83)


La léni-provection touche un grand nombre de consonnes, cependant, certaines ne sont jamais rapportées en standard.


(2) Kracherc'h zo nhijal diboa mintin-m'. Cornouaillais de l'est maritime (Bannalec)
Krakerc'h zo o nijal dibaoe mintin-mañ Équivalent standardisé
semi.neige est à4 voler depuis matin-ci
'Il vole de rares flocons depuis ce matin.' Bouzec & al. (2017:62)


A Ouessant, le verbe mont ne donne pas la forme mutée standard o vont, mais o hont.


(3) ... pa veze ruz an heol o hond da guzad...
quand1 était rouge le soleil à aller pour1 cacher
'... lorsque le couchant était rouge...' Ouessant, Gouedig (1982)


réalisation de la particule

Parfois, la particule n'est pas prononcée du tout. Si le verbe ne commence pas par une consonne mutable et il n'y a alors plus du tout d'évidence morphologique pour celle-ci.


(4) [ pe vɛɤ l̥abuˑɤǝ ] Breton central
pa vezer o labourat Standard
quand1 est.IMP à4 travailler
'Quand on travaille.' Breton central, Wmffre (1998:36)


sans proclitiques

Lorsque la particule apparaît directement devant le verbe, on trouve les formes o ou oc'h en KLT.


forme e

A Sein, en Léon, à Plougrescant ou à Groix, la particule est prononcée /e/.


(1) Ma fri 'zo e vera.
mon2 nez est à4 couler
'Mon nez coule.' Sein, Fagon & Riou (2015:'berañ')


(2) /xizo bed eferniča /
elle.est été à4 patelles.chercher
'Elle a été ramasser des patelles.' Groix, Ternes (1970:252)


Le Dû (2012:97) signale la forme e4 en trégorrois. On retrouve aussi une forme orthographiée e en Léon.


(3) N'eus ket aet den ebet da baour e trempañ e zouar.
ne est pas allé personne aucun à1 pauvre à fumer son1 terre
'Personne n'est tombé dans la pauvreté en fumant sa terre.'
Léon, Mellouet & Pennec (2004:93)


forme i

Ailleurs en vannetais, cette particule est orthographiée é mais prononcée /i/.


(2) Ne vin ket me mui amañ é [INF kennig dour deoc'h ].
ne1 serai.1SG pas moi plus ici à4 proposer eau à.vous
'Moi, je ne serai plus là à vous offrir de l'eau.'
Vannetais, Ar Meliner (2009:107)


(3) [hɛ zo (i) [VP fɔ̃ n tǝn dɔ̃ :n] .
Int 'zo o vont d'an traoñ
eux est à4 aller à le bas
‘Ils [les jours] vont en diminuant.’ Bas-vannetais, Cheveau (2007:212)


François Louis (c.p.) précise que dans une bonne partie du bas-vannetais, on n'entend pas la particule [i], mais on entend distinctement devant les voyelles le [h] qui y est associé (cf. graphies en éh ou éc'h). Devant L, N, R, J, ce éc'h provoque un dévoisement de ces consonnes (cf. en gallois).


(4) Ema ec'h ober e damm marmouz!
est à4 faire son1 morceau singe
'Il est à faire son bout de singe, il fait des grimaces.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:57)


(5) Atav 'vez-heñv é rekinal.
toujours est-lui à4 rechigner
'Il fait le grincheux en permanence.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:57)


La forme [i] est aussi signalée en pays bigouden (Goyat 2012:274).

ouzh devant proclitiques

Les formes ouzh en KLT et doc'h en vannetais et bord vannetais ne sont pas à proprement parler des variations dialectales, ce sont les formes sous lesquelles apparaît cette particule lorsqu'elle est suivie d'un proclitique objet. De façon consistante à travers les dialectes, la particule o change de morphologie devant un pronom proclitique. Elle prend alors une forme qui ressemble de façon plus transparente à une préposition. En KLT, cette forme devant un proclitique est ouzh.


La forme de la particule lorsqu'un proclitique objet apparaît devant le verbe est doc'h en vannetais et bord-vannetais.


(3) jɔ̃ dɔʁ [VP mǝ hʁogɛ̃ɲ ] .
oa o me c'hregiñ.
lui était à4 me2 mordre
'Il était en train de me mordre.' Bas-vannetais, Cheveau (2007:207)


(4) Ma ferson a lâre din tuchantik, a pa oa doc'h man deveriñ...
mon2 recteur R1 disait à.moi tout.à.l'heure.DIM quand était à me2, +C V
'Mon recteur me disait tout à l'heure, quand il me donnait l'extrême onction...'
Vannetais, Ar Meliner (2009:178)


(5) Emaont doc'h en em lesaat.
sont à se courtiser
'Ils se font la cour.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:29)


Ternes (1970:304) rapporte qu'à Groix, cette construction progressive en o n'est pas compatible avec un pronom proclitique objet (une alternative avec la préposition / ̌jet/, gant, est alors utilisée).

Il existe de rares example de l'allomorphe ouzh sans le proclitique objet.


(6) Ouzh komz pe kanañ ne harz ket an den da labourat. Morlaix, Herri (1982:112)
à4 parler ou chanter ne1 stoppe pas IMP à1 travailler
'On ne s'arrête pas de travailler parce qu'on parle ou chante.'


Syntaxe

une particule aspectuelle

La particule o est la tête d'une projection aspectuelle AspP. Le sujet est dons son spécifieur. Son complément est le groupe verbal constitué du verbe et de son objet le cas échéant.


(1) [AspP Sujet Asp° [VP verbe infinitif objet ]]


pas un rannig

Le fait que la particule o précède toujours le verbe la fait parfois analyser comme un rannig (cf. Cheveau 2007). Cette analyse s'appuie sans doute sur le fait que les rannigs a1 et e4 n'apparaissent jamais devant les verbes infinitifs. La particule serait une sorte de rannig réservé aux infinitifs.

Cependant, plusieurs propriétés distinguent o des rannigs.

  • les verbes infinitifs peuvent apparaître sans particule aucune (_ Debriñ a ran kakao, 'Je mange du cacao').
  • un proclitique objet prend la place d'un rannig, mais pas de la particule aspectuelle (e welout 'le voir', ouzh e welout 'en train de le voir').
  • la morphologie de o/ouzh est prépositionnelle
  • l'impact sémantique que o obtient est de type aspectuel (par exemple le progressif). L'impact sémantique des rannigs est temporel tout au plus (c'est même douteux puisqu'ils accompagnent des verbes tensés).


l'infinitif suit directement

La particule o4 est la tête d'un domaine non-tensé. Elle précède toujours directement un verbe infinitif. Il s'agit d'une particule aspectuelle qui prend la structure verbale infinitive comme son argument direct.


(1) Emañ o [VP vrevi e gorv ]. Cornouaillais, Trépos (2001:§86)
est à4 briser son1 corps
'Il est en train de se briser le corps.'


le sujet précède directement

Le domaine non-tensé dont la particule o est la tête est une petite proposition, avec un sujet réalisé ou non (PRO) et parfois un objet. Lorsque le sujet est réalisé, on voit qu'il est devant la particule o, probablement dans le spécifieur de sa projection.


(2) Aze ema Kaou Penngloan o chom. Léon, Seite & Stéphan (1957:71)
ici est Kaou Penngloan à4 rester
'C'est ici qu'habite Kaou Penngloan.'


Lorsque le sujet apparaît à droite, il apparaît à droite de tout le groupe verbal, avec tous les signes de la dislocation à droite (Aze emañ o chom, Kaou Penngloan.).


distribution

matrices infinitives

La particule o apparaît aussi dans les matrices infinitives.


(3) Hag eñ o redek d'an druilh drast.
et lui à4 courir de'le N Adj
'Et lui de courir à toute vitesse.' Standard, Chalm (2008:D4)


propositions infinitives enchâssées

Le domaine non-tensé sélectionné par la particule o est assez large pour contenir un sujet, réalisé ou vide (PRO). Cette propriété permet de construire des structures où le sujet non-réalisé du verbe infinitif n'est pas co-référent avec celui de la principale.

Trépos (2001:§350) note justement qu'en (4), la particule o permet d'avoir la lecture J'ai vu votre mère qui allait à Quimper. En contraste, la particule en ur aurait été grammaticale, mais aurait bloqué la phrase à son interprétation (b.) où le sujet du verbe infinitif co-réfère avec celui de la principale.


(4) [DP Ho mamm ]x am-eusz gwelet o [VP PROx/z vont da Gemper ].
votre3 mère R.1SG-kaout vu à4 aller à1 Quimper
a. 'J'ai vu votre mère qui allait à Quimper.'
b. 'J'ai vu votre mère en allant à Quimper.', Trépos (2001:§350)


Structures ECM

En (5), cette petite proposition est elle-même l'objet du verbe klevout 'entendre'.


(5) A-raog pellaad diouz Penmarh e karfen kleved [ SC ahanout o kana Gwerz Penmarh ].
avant éloign.er de Penmarc'h R4 aimerais entendre P.toi à4 chanter chanson Penmarc'h
'Avant de quitter Penmarc'h, j'aimerais t'entendre chanter la complainte de Penmarc'h.'
Léon, (Cléder), Seite (1998:93)


circonstancielle de cause

Une petite proposition en o peut marquer la cause.

Gourmelon (2014:115) remarque que lorsque ces circonstancielles de cause sont antéposées dans la phrase, elle ne sont alors licites qu'avec un ensemble restreint de verbes de perception comme gwelout, klevout, santout, c'hwesha.


(6) [ SC o klevet an dra-se ] 'm boa graet ul lamm war ma c'hador.
à4 entendre le 1chose-ci 1SG avait fait un saut sur mon2 chaise
'A entendre ça, j'avais fait un bond sur ma chaise.'
Gourmelon (2014:115)



ce qui sélectionne o

La particule o semble parfois sélectionnée comme faisant partie de la grille argumentale d'un verbe ou d'une construction en particulier.

Chalm (2008:§D4) cite:

 le verbe skuizhañ, '(se) fatiguer (de)', 'se lasser (de)', ainsi que les constructions verbales avec:
 
 koll 'perdre': 
 koll amzer 'perdre du temps', koll arc'hant 'perdre de l'argent', 
 koll pasianted 'perdre patience'
 
 tremen 'passer': tremen amzer 'passer son [du,le] temps'
 
 kaout 'avoir': 
 kaout mezh 'avoir honte', kaout plijadur 'avoir (du) plaisir', kaout poan 'avoir du mal'...
 
 bezañ 'être': 
 bezañ nec'het 'être inquiet', bezañ laouen 'être content'
   
 et avec bet, participe passé du verbe bezañ, 'être' dans le sens de 'aller' (et 'revenu')


(1) Laouen on o vezañ amañ, asambles ganeoc’h, evit sinadur ofisiel Ya d’ar brezhoneg (...).
content suis à4 être ici ensemble avec.vous pour signature officielle oui à1' le breton
'Je suis heureuse d’être parmi vous pour la signature officielle de Ya d’ar brezhoneg.'
Standard, Lena Louarn, Présidente de l'Office de la Langue Bretonne, 22 avril 2009


(2) Poan am-eus o kredi e vefen pare mad.
peine R.1SG-ai à4 croire R serais guéri bien
'J'ai peine à croire que je serais vraiment guéri.' Léon,Fave (1998:132)


(3) Koll a raen ma amzer o klask.
perdre R faisais mon temps à4 chercher
'Je perdais mon temps à chercher.' Standard, Chalm (2008:D4)


(4) Skuizhañ a ran o touzañ ar geot.
fatigu.er R fais à4 tondre le herbe
'Je suis fatigué.e de tondre l'herbe.' Standard, Chalm (2008:D4)


(5) Bet eo o kerc'hat he sac'h.
été est à4 prendre son2 sac
'Elle est allée prendre son sac.' Standard, Chalm (2008:D4)


[ o + Verbe ] à l'initiale

dialectes sans antépositions

En cornouaillais de l'Est maritime, il semble y avoir un évitement des structures à antéposition de [o + Verbe]. Kennard (2013:179, 203) montre que parmi trois générations de locuteurs interviewées autour de Quimper, les phrases progressives commençant par o + verbe infinitif en tête, de type O tebriñ avaloù emañ ar paotr, 'Le garçon est en train de manger des pommes', sont produits par les jeunes générations mais elle n'en relève pas chez les locuteurs traditionnels. Ceci est confirmé ici par différentes élicitations.


(1) * O tont emañ ar goañv.
à4 venir est le hiver
'L'hiver arrive.' Plogoneg, Renée Ribeyre, kontañ kaoz (12/2017)


La locutrice H.G. ci-dessous est bilingue en breton standard et en parler de Scaër/Bannalec. Elle peut utiliser le standard o kouezhañ ou le dialectal 'kouezho, mais pas prononcer la particule pour donner o kouezho. De façon révélatrice, la petite proposition standard est antéposable, mais pas la version dialectale.


(2) Ma loeroù zo o kouezhañ / 'kouezho / * o kouezho!
mon2 chaussettes est à4 tomber
'J’ai les chaussettes qui descendent.' Scaër/Bannalec, H. Gaudart (03/2017)


(3) O kouezhañ / * 'Kouezho ema ma loeroù !
à4 tomber / 'tomber est mon2 chaussettes
'J’ai les chaussettes qui descendent.' Scaër/Bannalec, H. Gaudart (03/2017)


dialectes avec antéposition

L'impossibilité du groupe [o + Verbe] à l'initiale n'est pas partagée par tous les dialectes, car on trouve une telle antéposition à Sein, à Plogonnec, à Duault, à Plouzane, Plougerneau, à Saint-Pol-de-Léon ou à Carhaix. Kervella (1947:§743) en donne des exemples, et ne mentionne aucune restriction.


(1) E choujal 'don va binoklou 'dint ket ganeoñ aneu.
à4 penser suis mon2 binocles sont pas avec.moi P.eux
'Je suis en train de penser: j'ai pas mes binocles.' Sein, Kersulec (2016:27)


(2) [peɛr 'kribɛt vi a 'merjet pɛr'vi:ɛ ] F., Cornouaillais (Plogonnec), Kergoat (1976:98)
peogwir o kribat e veze ar merc'hed peurvuiañ.
puisque à4 peigner R était le femme.s plus.souvent
'Parce que c’est peigner (le foin) que les femmes faisaient, le plus souvent.'


(3) o vɔ̃ n da zʁebi ema Saint-Pol-de-Léon, Avezard-Roger (2004a:217)
O vont da zrebi ema.
à4 aller pour1 manger est
'Il va manger.'


(4) Ouzh komz pe kanañ ne harz ket an den da labourat. Morlaix, Herri (1982:112)
à4 parler ou chanter ne1 stoppe pas IMP à1 travailler
'On ne s'arrête pas de travailler parce qu'on parle ou chante.'


(5) [ tibi ema Duault, Avezard-Roger (2004a:281)
(O) tebri ema.
(à)4 manger est
'Il est en train de manger.'


(6) O labourat emaint en traoñ.
à4 travailler sont dans bas
'Il y a les travaux en bas / on travaille en bas.' Plougerneau, M-L. B. (04/2016)


(7) Oc'h hunvreal gant va c'hi bihan oun bet.
à4 rêver avec mon2 chien petit suis été
'J'ai rêvé de mon petit chien.' Léon, Kervella (2009:221)


(8) O chom edont e Kerber. Plouzane, Briant-Cadiou (1998:189)
à1 rester étaient dans Kerber
'Ils habitaient à Kerber.'


(9) /'skXivo 'lizɛR mun/ Poher (Carhaix), Timm (1987a:269)
' skrivo ul lizher emaon.
à4 écrire un lettre suis
'J'écris une lettre.'


(10) Ober para out ahe, ma flah bihan? Trédrez, Gros (1966:9)
4) faire quoi es ici mon2 fille petit
'Que fais-tu ici, ma petite?'


Sémantique

progressif

La particule o4 ou sa variante vannetaise é4 est prototypiquement la particule du progressif du groupe verbal qu'elle introduit. Sémantiquement, l'aspect progressif marque l'inclusion du temps de la phrase dans le temps du prédicat.


(1) Gwall drist e oa gwelet [ SC an traoù-se holl é kouezhel tamm àr-lec'h tamm ]
très1 triste R était voir le choses- tout à4 tomber morceau après morceau
'C'était triste de voir tout cela tomber peu à peu en ruines.' Vannetais, ar Meliner (2009:16)


L'usage de la particule o avec le verbe de situation emañ fixe sa lecture au progressif. Elle est alors traduisible en français par en train de (cf.C'était triste de voir tout cela en train de tomber peu à peu en ruines). Comme la structure française, la structure bretonne ne supporte pas que le temps du prédicat, même réitéré régulièrement à l'intérieur du temps de la phrase, soit non-uniforme (Où es-tu en train de dormir ces temps-ci?).


(2) Pelec'h e kouskez ? Standard
Pelec'h e vezez o kousket ?
Pelec'h e kustumez kousket ? Léon
* Pelec'h emaout o kousket ? inadapté
'Où dors-tu (ces temps-ci) ?' Madeg (2013:7)


L'expression gelée bezañ o chom, litt. 'être à rester', pour 'habiter' est une exception (cf. * Où es-tu en train d'habiter?).


(3) Pelec'h emaout o chom ?
es à4 rester
Où habites-tu (#ces temps-ci)?'


L'emploi de la particule o est plus large que celui du progressif français en train de, comme illustré en (4).


(4) Ni vie o redek kuit en tu all dre an nor.
nous étions à4 courir parti dans.le côté autre par le porte
'Nous, on courait de l'autre côté par la porte.'
Bas-Cornouaillais (Le Juch), Hor Yezh (1983:5)


(5) Ne gavan ket ahanoh o kosaad tamm ebed. L'Hôpital-Camfrout, Le Gall (1957:'kôsedi')
ne1 trouve pas P.vous à4 vieil.l.ir morceau aucun
'Je ne trouve pas que vous vieillissiez.'


emplois non-progressifs

La particule o4 n'est pas réductible à l'usage du progressif.


coïncidence temporelle et causalité

La particule o est parfois sélectionnée par des adjectifs prédicatifs (bezañ pell o kanañ, bezañ laouen o kemenn...). En (1), la particule o ordonne une coïncidence temporelle entre une phrase copulative marquant un état et une infinitive. La coïncidence temporelle semble impliquer la causalité.


(1) Ul lastez lorc'h oa ennon o vont da c'hoari soudardig. Léon (Bodilis), Ar Floc'h (1985:51)
un sapré fierté était dans.moi à4 aller pour1 jouer soldat.DIM
'J'étais sacrément fier d'aller jouer au petit soldat.'


Chalm (2008:D4,n1) a distingué ces structures du o du progressif, et noté qu'elles peuvent même être incompatibles avec le progressif. Par exemple en (2), il s'agit de la construction bezañ laouen 'être heureux (de)'. La forme du verbe 'être' qui apparaît avec la particule o est la forme d'actualité int. La forme de situation correspondante, qui serait la marque du progressif, serait emaint.


(2) Laouen int o klevet o bugale o komz e brezhoneg.
heureux sont à4 entendre leur2 enfant.s à4 parler en breton
'Ils sont heureux d'entendre leurs enfants parler breton.'
Standard, A. Cousin, 'Ken eürus e galleg hag e brezhoneg'
Finistère, Revue d’Information du Conseil Général du Finistère p.22.


En (3), la forme emañ de la copule typique du progressif serait agrammaticale dans ce dialecte (An ebeulez n'emañ ket pell o skeiñ...).


(3) An ebeulez na oa ket bet pell o skei ar harr en e hourvez.
le poul.iche ne.R était pas été long à cogner le 5voiture dans son1 couché
'La pouliche ne fut pas longue à renverser la charrette .'
Trégorrois, Gros (1989:'gourvez')


En (4), l'action d'être tué, action ponctuelle s'il en est, montre que la structure aspectuelle du verbe n'est pas au mode progressif.


(4) "Pupille de la Nation" e oa bet Kongar, e dad o vezañ bet marvet er brezel.
R était été Kongar son1 père à4 être été mourru dans.le guerre
'Kongar avait été "Pupille de la Nation", son père ayant été tué à la guerre.'
Standard, Denez (1993:23)


négation

Certaines lectures de la particule o re révèlent dans les phrases négatives qui montrent une grammaticalisation en modal. En (1), une lecture strictement progressive signifierait 'quand il avait une femme, cela ne lui faisait pas de peine'.


(1) N’en-doa ket a boan o kaoud eur vaouez... Léon (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:41)
ne1avait pas de1 peine à4 avoir un1 femme
'Il n’avait pas de peine à trouver une femme... '


On observe le même phénomène en français avec 'avoir de la peine à V'. Si je dis J’ai de la peine à manger du kouign-amann, la lecture progressive est disponible car je dis que je ressens de la difficulté lorsque je suis dans l’action de 'manger du kouign-amann'. Dans l'équivalent négatif correspondant Je n’ai pas de peine à manger du kouign-amann, on voit que la lecture n’est pas strictement progressive ('Ce n'est pas le cas que je ressens pas de difficulté lorsque je suis dans l’action de manger du kouign-amann'), mais réalise un modal de possibilité ('Je peux manger du kouign-amann').


circonstancielle de moyen

La particule o4 peut introduire une circonstancielle de moyen.


(1) Tout e vezont krevet oc'h ober bourjinerezh, o klask gwelet piv eo ar c'hapaplañ.
tous R sont crevé à4 faire bêtise à4 chercher voir qui est le 5capable.plus
'Tous se crèvent en faisant des bêtises à essayer de voir qui est le meilleur.'
Léon, Mellouet & Pennec (2004:160)


Lorsque o introduit une circonstancielle de moyen, ce qui est traduit en français par le gérondif (en faisant...), on peut en breton utiliser la forme en ur à la place de o si le sujet de l'infinitive coïncide avec le sujet de la matrice.


(2) Amañ em eus klasket strollañ ar pezh a zo bet skrivet gantañ diwar-benn ar politikerezh,
ici R.1SG a cherché grouper ce que R est été écrit par.lui sur le politique
[ o4 tastum e destennoù diwar-benn Breiz Atao, ha diwar-benn an Istor ].
à4 collecter son1 textes sur Breiz Atao et sur le Histoire
'J'ai cherché ici à rassembler ses écrits sur la politique, en collectant ses écrits sur Breiz Atao et sur l'Histoire.'
Standard, Denez (1993:33)


(3) [ O4 selaou an dud ] en doa desket ur bern traoù.
à4 écouter le 1gens R.3SGM avait appris un tas choses
'Il avait appris un tas de choses en écoutant les gens.'
Standard, Chalm (2008:D4)


o vezañ ma

La construction gelée commençant par o vezañ ma V peut introduire les infinitives de moyen.


(4) [ O4 vezañ ma oa rust ar mor ] e oa chomet ar bigi er porzh.
à être que était rude le mer R était resté le bateau.x dans.le port
'Étant donné que la mer était mauvaise, les bateaux étaient restés au port.'
Standard, Chalm (2008:D4)


Diachronie

Ernault (1888b:246) signale que cette forme est relevée (au moins) depuis le moyen breton.


Horizons comparatifs

Cette construction est très similaire en moyen breton et en cornique.


(1) my a grys bos Tom ow palas y'n lowarth. Cornique
Me a gred bout Tom o palad el luorz. Moyen breton
Me a gred ema Tom o palad el liorz. Breton
moi R4 crois est Tom à bêcher dans.le jardin
'Je crois que Tom est en train de bêcher dans le courtil.' cité par Trépos (2001:§363)


Le gallois, lui, a maintenant un usage différent de cette particule, qu'on retrouverait ici, dans la même phrase, aussi dans la proposition principale:


(2) yr wyf yn credu bod Tom yn palu yn yr ardd. Gallois
_ est prt/en croire être Tom prt bêcher dans le jardin
'Je crois que Tom est en train de bêcher dans le courtil.' cité par Trépos (2001:§363)


L'usage de prépositions spatiales pour former un progressif n'est pas rare à travers les langues (Elle est à bêcher dans le jardin, comme en français de Basse-Bretagne, ou en moyen français).

A ne pas confondre

Puisqu'elle sert à l'expression du moyen, la particule o4 recouvre partiellement celle de l'équivalent du gérondif français, en ur1. Les deux particules o4 et en ur1 ne doivent cependant pas être prises comme équivalentes.

Terminologie

Kervella (1947), considérant que o n'apparaît que devant les verbes, appelle en breton la particule o araogenn rannig-verb.


Bibliographie

breton

  • Yann Gerven. 2014. ' oc'h ober? en ur ober? traoù all? ', Yezhadur!, Alioù fur evit ar vrezhonegerien diasur, Keit Vimp Bev, 113-114.
  • Stephens, J. 1983b. 'Talvoudegezh “o” hag “en ur”', Hor Yezh 152, 23-31.

gallois