Palatalisation

De Arbres
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La palatalisation d'une consonne ou d'une voyelle est le changement de son lieu d'articulation vers le palais, par exemple [g] vers [dʒ], [k] vers [tʃ], ou [s] vers [ʃ].

En breton, les dialectes vannetais se distinguent par la fréquence élevée de leurs consonnes palatales par rapport aux dialectes KLT, mais le phénomène de palatalisation en lui-même est très commun.


Inventaire

/k, g/ + voyelle d'avant

Delanoy (2010:&3) relève en haut-vannetais la palatalisation des consonnes /k/ et /g/. Il la considère "très fréquente aussi bien devant /e, i/, que /u/, mais pas systématique, ainsi get /gət/. Rarissime devant /a/ et /o/ : bugale, pikol. Fréquente également en finale : -ig /ətʃ/".

Sa généralisation signifie que ce sont les voyelles d'avant, et dans une moindre mesure la voyelle labiale, qui provoque l'avancée vers le palais des consonnes d'arrière. Sans surprise, les voyelles d'arrière ne changent pas le lieu d'articulation des consonnes d'arrière. Les voyelles nasales ne sont pas mentionnées, quel que soit leur lieu d'articulation.


/s/ + voyelle : /ʃ/ + voyelle

Delanoy (2010:&4) pointe en haut-vannetais, le "chuintement" [s] vs. [ʃ] dans les initiales en s + voyelle comme chetu 'voilà'.

La forme du présentatif setu à initiale [ʃ] se trouve aussi en Léon et à Sein.


/s/ final : /ʃ/

Pour Delanoy (2010:&4), ce phénomène se produit en haut-vannetais très rarement en finale comme dans l'emprunt chach 'chasse'.

/st/, /sp/, /sk-/

Delanoy (2010:&4) considère que le phénomène d'attaque double réduit à /ʃ/ est "systématique dans le groupe st, fréquent dans le groupe sp ; sk-, devant e, i, u et entre voyelles". Il illustre par chél, chignan, peched (pesked), dechet ( 'd es ket).


Horizons comparatifs

La palatalisation par assimilation est un phénomène fréquent à travers les langues (voir McKenna 2001 pour l'irlandais).

En français argotique, l'insulte enculé•e /ãkyle/, lorsque prononcée avec emphase, est prononcée /ãtʃyle/. L'emphase articulatoire a favorisé un phénomène d'assimilation : la voyelle centrale /y/ contamine en le poussant vers le palais le lieu d'articulation de /k/, qui devient /tʃ/ (tch). On trouve aussi en argot cette articulation sans emphase particulière (J'ai la tête dans l'djwidon 'Je suis en train de travailler intensément').


À ne pas confondre

Pour qu'il y ait palatalisation, il faut qu'il y ait changement, évolution, influence ou comparaison entre les étapes d'un même processus.

Prenons en breton le contraste repérable entre les prononciations non-palatales du KLT (gwin /gwin/ 'vin' et les prononciations palatales typiques du vannetais (gwin /dʒwin/ 'vin').

  • Quand on parle uniquement du vannetais en synchronie, il n'y a pas de palatalisation. La consonne est palatale.
  • Quand on décompose les éléments articulatoires en présence, on remarque que la glide /w/ pourrait être responsable de la prononciation /dʒ/ de ce qui serait en substance un /g/ à l'initiale, alors on parle de palatalisation. Dans cette hypothèse, la forme vannetaise moderne en sous-jacence est /g-w-i-n/, non-palatal. C'est son contexte phonologique qui obtient un lieu d'articulation palatal par assimilation.
  • Si on parle uniquement du vannetais mais en considérant sa dimension diachronique, on remarque que le Glossaire du Chevalier Arnold von Harff en 1499 relevait gwin sous la forme /gwin/. C'est alors l'évolution diachronique du vannetais qui marque une palatalisation. Le constat diachronique est compatible avec l'hypothèse phonologique d'assimilation.
  • Si on compare en synchronie la prononciation moderne du KLT à la prononciation moderne vannetaise, on parle de palatalisation d'une langue (ou variété de langue) à une autre, ce qui n'est adéquat que dans le cas du passage par un même locuteur d'une langue à une autre en discours, comme dans les cas de code-switching, ou autre phénomène de contact pour les locuteurs bilingues dans deux variétés de breton.


Terminologie

Le terme de palatalisation est traduit en breton staonekadur sur staoñv 'palais'.

Bibliographie

breton


horizons comparatifs

  • McKenna, Malachy. 2001. 'Palatalization and labials in the Irish of Torr, Co. Donegal', Béalra, 146–160.