Néo-breton

De Arbres

Le néo-breton s'oppose aux variétés traditionelles (KLT: léonard, cornouaillais, goëlo, trégorrois, ainsi que le vannetais). Le néo-breton est influencé par le français, ce qui est un phénomène de contact dans un contexte de bilinguisme diglosse. Cette influence peut prendre la forme d'une adoption de traits du français, ou encore d'un rejet des traits du français (par exemple, évitement des ordres SVO, Avezard-Roger 2004a). C'est une variété de breton qui est aussi influencée par le breton standard pratiqué dans le système d'enseignement et dans les médias. Une autre source d'influence est le breton L2 des apprenants, locuteurs non-natifs faisant occasionnellement des fautes dans leur langue cible.

La question du néo-breton n'échappe pas à la question du niveau de langue. Un locuteur peut en effet être bilingue dans deux varités proches qui lui servent de langue familière et de langue "de société".


Morphologie

Selon Favereau (1997:§144), les noms de sens abstrait avec une finale en -adur sont la marque du néo-breton. Le contraste en (1) montre un nom abstrait que Favereau dans son dictionnaire recommande de former sur un infinitif substantivé.

(1) treutadur, an dreutadur 'l'amaigrissement', néo-breton Favereau (1997:§144)

kastizañ, ar c'hastizañ, 'l'amaigrissement', Favereau (1993)


Cette innovation existe cependant à la fin du breton pré-moderne. On trouve par exemple le nom féminin treutadur dans le sens abstrait d'amaigrissement dès 1910.

 article de AR BOBL 1910, 'Labour douar, ar c'honifled':
 "Evel al loenéd all, ar c'honifled a zo boazet da gaout beb sort klenvejou, evel ar red-korf (pa zebront re a draou gleb); ar gal; an droug-daoulagad; an dreutadur. Pa weler eur c'honifl о treutaat, eo koulz hen laza, rag ar c'hlenved ze a ia euz an eil d'egile."


La finale en -adur semble donc pouvoir former des noms masculins ou féminins. En (2), on voit dans une paire minimale les deux sens possibles de -adur sur la racine /gwask-/ de 'presser, opprimer'. Le nom concret est masculin. Le nom abstrait est lui, féminin. Le suffixe ‑adur dérive étymologiquement du latin ‑atūra, f. et ‑atōrium, n (Fleuriot 1964:357, Irslinger 2014:98), et c'est donc étymologiquement la finale masculine qui est une innovation.

(2) gwaskadur, 'jus (provenant d'une pression de fruit)', Trépos (2001:75)

ar (g)waskadur, 'étreinte (fig.)', néo-breton, Favereau (1997:§144)


L'innovation des noms abstraits en -adur vient concurrencer en breton moderne les finales en -adurezh pour la réalisation de noms abstraits.

Syntaxe

Favereau (1997:§200) considère que l'usage du complementeur eget dans un comparatif d'égalité se répand en néo-breton et dans le standard des médias, avec des formes de type *Ken brav eget ar gêr.


(2) memes priz (gant / hag / *evel/ *eget) ar fuel
même prix que le fuel
'(de) même prix que le fuel.' adapté de Favereau (1997:§200)


En contraste, eget est réservé en breton standard au comparatif de supériorité. Cette structure marquerait donc un contraste entre d'un côté le néo-breton, et de l'autre côté les bretons traditionnels contemporains qui utilisent evit, et le standard littéraire. L'évolution peut venir du français mais aussi des bretons traditionnels car dans toutes ces langues le même complémenteur est utilisé dans les comparatifs d'égalité et de supériorité (bravoc'h evit..., ken brav evit....; plus beau que... aussi beau que...).

L'usage de eget dans un comparatif d'égalité est relevé dans des états plus anciens de la langue, au moins en Cornouaille (La Villemarqué 1839:chant XXVI).

A ne pas confondre

néo-breton vs. L2

Le néo-breton, standard émergent à la fin du XX°, est souvent confondu avec des variétés de breton parlées par des locuteurs pour qui c'est une langue seconde. Des marques d'apprentissages incomplets sont alors pris comme argument que la langue est dans un état d'attrition grave, incluant alors les jeunes locuteurs natifs du standard actuels sont montrer s'ils sont touchés par ce phénomène. Ce raisonnement peut tenir sociolinguistiquement parlant puisque les locuteurs de langue seconde ont une part importante dans l'expression publique en langue bretonne. Ce raisonnement ne tient pas du tout linguistiquement parlant car les propriétés des langues premières, parlées par des locuteurs dès leur plus jeune âge quand le cerveau montre une grande plasticité, et des langues secondes apprises par des adultes qui n'ont plus cette plasticité cérébrale ne peuvent pas être confondues. Toute innovation dans la langue n'est pas un signe d'attrition ou une faute commise uniquement par des locuteurs non-natifs.


néo-breton vs. standard

Le breton standard est une sous-classe de nouveau breton dans le sens où c'est une variété qui a émergé lors du dernier siècle. Cependant, des variétés émergentes peuvent ne pas être standard, et diverger nettement en particulier du standard écrit littéraire.


Bibliographie

Avezard-­Roger, Cécile. 2004a. Description syntaxique du syntagme verbal en breton: approche dynamique, thèse, Université René Descartes.

Avezard­‐Roger, Cécile. 2004b. 'Proximité linguistique entre breton standard et breton dialectal et entre breton et français : le cas des structures verbales', Jean‐Michel Eloy (éd.) Des langues collatérales: Problèmes linguistiques, sociolinguistiques et glottopolitiques de la proximité linguistique, Paris: L'Harmattan, II:485-494.

Hewitt, Steve. 2017. 'Review of Michael Hornsby 2015, Neo-speakers of endangered languages: Theorizing failure to learn the language properly as creative post-vernacularity', Journal of Celtic Linguistics 16:127-154.

Hornsby, Michael. 2015. Revitalizing Minority Languages: New speakers of Breton, Yiddish and Lemko, Palgrave MacMillian, Basingstoke, UK.

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Horsnby, Michael & Gilles Quentel. 2013. 'Contested varieties and competing authenticities: Neologisms in revitalised Breton', International Journal of the Sociology of Language 223. 71–86.

Kennard, Holly Jane 2018b. 'Non-Negative Word Order In Breton: Maintaining Verb-Second', Transactions of the Philological Society.

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