Ma

De Arbres

Le complémenteur ma est utilisé pour introduire différents types de propositions, matrices ou subordonnées.


(1) Ma oa brao dezo e-leh ma oant e oa dezo beza chomet eno.
si4 était beau à.eux dans-lieu que étaient R était à.eux être resté
'S’ils se trouvaient bien où ils étaient, c’était à eux d’y être restés.'
'… il leur appartenait d’y rester.' Trégorrois, Gros (1970:154)


Morphologie

Press (1986:209) considère que la forme ma 'z prévocalique pourrait être le signe de la présence du rannig e4.


mag, mah, mar, mand, mard, marg, ma 'z

On trouve aussi devant voyelle les formes mag, mah, mand, mard, marg ou ma 'z.


(1) Ken mezv mah a an daou du ag an hent gante.
tellement saoul que4, +C va le deux côté de le route avec.eux
'Tellement saouls qu'ils occupent les deux côtés de la route.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:17)


(2) Ar feson mand eo arru an traoù.
le façon que4, +C est arrivé le choses
'la façon dont les choses sont arrivées.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:24)


(3) Keuz am eus mand eo ret da ma mab monet.
regret 1SG a que4, +C est nécessaire à mon fils aller
'J’ai du regret que mon fils doive partir.' Haut-vannetais, Louis (2015:110)


(4)a. Mar don harluet amañ, keit all, gant kalzig eus ma c'henvroiz...
si4, +C suis exilé ici si.loin autre avec beaucoup.DIM de mon com.patri.otes Standard, Drezen (1990:30)
'Si je suis exilé ici, si loin, avec beaucoup de mes compatriotes...'


(4)b. Mar dan ...
si4, +C vais
'Si je vais...' Merser 1963:§383)


(5) Mag e Julian a glasket
si4, +C est Julien R1 cherchez
'Si c'est Julien que vous cherchez.' Chanson Pérennès (1938:232-3)


(6) ma'g eo posubl !
si+C est possible
'si c'est possible!' Douarnenez, Favereau (1997:§639)


(7) Marg edot é ober tan, en on oaled, e eallez tenna ar c'hoad e-kuit evit gouzia an tan.
si4, +C es à4 faire feu dans un foyer R peux tirer le5 bois parti pour baisser le feu
'Si tu fais du feu, dans un foyer, tu peux tirer le bois pour baisser le feu.' Sein, Kersulec (2016:29)


On relève aussi mar devant zo.


(8) Ur masoner dornet mar zo unan.
un maçon doué si4, +C est un
'Un maçon doué s'il en est un.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:11)

différenciation du complémenteur dans les dialectes

Il y a étymologiquement plusieurs sources de complémenteurs différents. La forme mar introduisant les conditionnelles est la grammaticalisation transparente du nom mar 'doute, incertitude', apparenté au cornique mar et au gallois mor, remontant au celtique * mar-o-s. C'est ce ma que l'on trouve dans marteze 'peut-être', martezeadenn 'hypothèse', divar 'indubitable' ou arvar 'doute, indécision, danger'.


(1) Gwel eo din beza sur evit beza war var.
mieux est à.moi être sur que être sur1 doute
'Il vaut mieux pour moi être sûr qu'être dans le doute.' Trégorrois, Gros (1970b:'mar')


Le complémenteur ma 'où, que' est issu du vieux breton ma et s'apparente au ma en gaélique d'Irlande ou d'Ecosse (Deshayes 2003). Finalement, une autre source de grammaticalisation, au moins pour le complémenteur de lieu, pourrait être le nom ma 'lieu' (labourva 'laboratoire').

Dans certains dialectes modernes, la différenciation des formes a des corrélats syntaxiques et on peut dégager plusieurs complémenteurs différents. En standard moderne cependant, les deux formes sont difficilement distinguables et la question de leur distinction se pose.


ma vs. mar

avec ou sans rannig ?

Kervella (1947:§144, 797) distingue deux formes du complémenteur ma: mar 'si' qui ne provoque pas de mutation et peut n'être pas suivi par le rannig (mar (e) kar, 's'il veut'), et ma, mac'h, ma'z qui est toujours suivi du rannig e4 provoquant la mutation mixte.

Certains locuteurs ne tolèrent pas de faire suivre ma par un rannig (Stephens 1982:35). Cependant, quelques dialectes montrent ma avec un rannig: on peut trouver le groupe mag a V en breton de Douarnenez (Denez 1977), et on trouve plusieurs exemples de mi en bas-vannetais que Nicolas (2005:24, 26, 32) analyse comme ma + e.


(1) Mag e zeo Délik a glasket
si+C R+C est Délik R1 cherchez
'Si c'est Délik que vous cherchez.' Chanson Pérennès (1938:248-9)


Les pronoms proclitiques objets qui recouvrent d'habitude le rannig peuvent apparaître entre ma et son verbe.


(2) mar am c'harit...
si+C me2 aimez
'si vous m'aimez...' Favereau (1997:§639)


(3) mar en em gavit...
si+C se1 trouvez
'si vous vous trouvez...' Favereau (1997:§639)


trois complémenteurs à Groix selon Ternes

A Groix, Ternes signale trois complémenteurs aux distributions contrastées. Le complémenteur mar devant une conditionnelle réelle positive et le complémenteur me devant une proposition conditionnelle réelle négative.


(2) /me-nəzemanče ben-miz maj məje də-vu mateX/
Ma ne zimezan ket a-benn miz mae, me ya da vout matezh. Equivalent standardisé
si-ne1marie.pas d'ici-mois mai moi.va pour1-être servante
'Si je ne me marie pas d'ici mai, j'irai devenir servante.' Groix, Ternes (1970:322)


Devant les indicatives, le complémenteur est /mə/.


(3) /red-o -fo ka:r y-seXed əndijat
Ret eo ma vo kaer evit sec'hiñ an dilhad. Equivalent standardisé
obligé-est que-sera beau pour- sécher le habits
'Il faut qu'il fasse beau pour sécher le linge.' Groix, Ternes (1970:322)


réfutation de l'hypothèse de Merser

Selon Merser (2011:55), la forme ma est usitée au conditionnel comme à l'indicatif, dans les phrases positives comme négatives. La forme mar, elle, serait restreinte d'emploi devant un verbe à l'indicatif et uniquement à la forme affirmative, ce qui est contredit par les exemples ci-dessous.


(1) Va selaouit; mar n'am selaouet ket, me ho tihuno. Standard, Le Bozec (1933:130)
me écoutez si ne1'me écoutez pas moi vous3 réveillerai
'Ecoutez-moi; ou sinon je vais vous réveiller.'


(2) Ari on da glask mar na zo ket, Ha mar zo na c'houlan ket.
arrivé suis pour1 chercher si ne1 est pas et si est ne1 demande pas
'Je viens chercher s'il n'y a pas, Et, s'il y a, je ne demande pas.'
'devinette collectée par E. Ernault en Tréguier et Goëlo', citée par Sauvé (1880)

m'eo vs. ma 'z eo

Tous les contextes n'autorisent pas l'élision de la voyelle /a/.


(1) /čen mə-Xa:ryjimp, fo rmour izeil /
Ken m'arruimp 'vo ar mor izel.
d'ici que'arriverons sera le mer haut
'D'ici à ce que nous arrivions la mer sera basse.' Groix, Ternes (1970:323)


mutation provoquée

mutation mixte

En standard, la conjonction mar provoque une mutation mixte.

(1) ... mar teu hemañ diwar dour bervet, emañ pell ahann.
... si4, +C vient celui.ci de eau bouillante se.trouve loin de.là
'S'il provient d'une eau bouillante, elle se trouve loin d'ici (il est froid).' Trégorrois, Gros (1996:118)


lénition

A Plozévet, ma provoque une lénition sur le verbe qui le suit (Goyat 2012:136,7). C'est particulièrement frappant dans le cas de [k, t, p], les occlusives non-voisées.


  • /'paka/, pakañ, /ma baɡ 'ɛ :n/, Ma bak unan, 'S’il/elle en attrape un'.
  • /'tɛna/, tennañ, /ma 'dɛn/, Ma denn, 'S’il/elle tire.'


La lénition après ma se trouve aussi en vannetais, et dans le breton de Kervella.

  • Ma gouezhan en droug (…)
'si j’ai la maladie (…)', Haut-vannetais, Louis (2015:232)
  • Kement ha ma gomprenan e kavit-c'hwi diazez ar brezhoneg war ar skridoù hepken.
'à ce que je comprends, vous trouvez les fondamentaux du breton dans les écrits uniquement'
lettre de Kervella à Roparzh Hemon, cité dans Denez (1993:27)


aucune mutation

(2) mar bez red Cornouaillais / Léon, Croq (1908:37)
si est obligé
's'il le faut'

Syntaxe

en propositions matrices

protase des conditionnelles, 'si'

Le complémenteur ma qui introduit la protase d'une conditionnelle est utilisé dans tous les dialectes (carte 67 de l'ALBB, traduisant 'si je suis actuellement malade').


(1) Kontant ' vefen ma teufe Yann d'ar fest.
contente (R) serais si4 viendrait Yann à'le fête
'Je serais contente que Yann vienne à la fête.' Scaër/Bannalec, H. Gaudart (04/2016b)


ordre des mots après ma dans la protase

verbe initial; ma + V

Canoniquement, le verbe tensé semble strictement devoir suivre le complémenteur ma. C'est le cas dans la plupart des dialectes, en standard ou en bord vannetais (Scaër/Bannalec); il n'est pas possible de faire intervenir entre ma et le verbe tensé: un sujet, un syntagme prépositionnel de destination, un infinitif de conjugaison analytique ou un objet (* ma glav a ra, Kerrain 2001).


(1) Ma houefen e veche avel Nort, e sarfen ar bouliji.
si4 savais R4 serait vent Nord R4 fermerais le volets
'Si je savais qu'il y aurait du vent du Nord, je fermerais les volets.' Léon (Plougerneau), M-L. B. (05/2016)


(2) * Ma malerusamant e houefen e veche avel Nort, e sarfen ar bouliji.

* Ma me houefe e veche avel Nort, e sarfen ar bouliji.
* Ma gouzout a raen e veche avel Nort, e sarfen ar bouliji.
* Ma gouzout a houezan e veche avel Nort, e sarfen ar bouliji.
* Ma bez e houefen e veche avel Nort, e sarfen ar bouliji., Léon (Plougerneau), M-L. B. (05/2016)


Que la protase du conditionnel précède ou suive la matrice ne semble pas jouer, et c'est massivement le cas dans la plupart des dialectes.


(3) * Kontant ' vefen ma Yann teufe d'ar fest.

* Kontant ' vefen ma dont a rafe Yann d'ar fest., Scaër/Bannalec, H. Gaudart (04/2016b)

(4) * Kontant e vichen ma Yann teufe d'ar gouel., Léon (Lesneven/kerlouan), A. M. (02/2016)

(5) * Kontant e vichen ma Yann teufe d'ar gouel.

* Kontant e vichen ma dont a rafe Yann d'ar gouel., Léon (Plougerneau), M-L. B. (02/2016)
variation dialectale

L'ordre des mots peut cependant varier selon les dialectes, et on relève des cas d'ordres T2 en enchâssées après ma.

Favereau (1997:§600) associe l'usage usuel d'antéposition du sujet au breton bigouden, et ce depuis au moins la première guerre mondiale. Il évoque l'idée que ces ordres de mots sont utilisés dans des formes "relâchées", et restreintes au bigouden.


(1) ma'g ar paotr a oar.
si+C le gars R1 sait
'Si le gars le sait...' Bigouden, Favereau (1997:§600)


Le phénomène dépasse cependant le breton bigouden. En (2), un syntagme prépositionnel peut intervenir à Plougerneau, difficilement à Lesneven et absolument pas en cornouaillais de l'Est.


(2) Kontant e vichen ma d'ar gouel e teufe Yann. Léon (Plougerneau), M-L. B. (02/2016)
* /? Kontant e vichen ma d'ar gouel e teufe Yann. Léon (Lesneven/Kerlouan), A. M. (02/2016)
* Kontant ' vefen ma d'ar fest e teufe Yann. Scaër/Bannalec, H. Gaudart (04/2016b)
'Je serais contente que Yann vienne à la fête.'


A Plougerneau, il semble être possible d'antéposer le prédicat (si on en croit ici le rannig e) d'une copule existentielle, ici avel Nort. Ce n'est pas possible à longue distance (* Ma avel Nort houefen e veche _ , e sarfen ar bouliji).


(3) Ma avel Nort e veche, e sarfen ar bouliji.
si4 vent Nord R4 serait R4 fermerai le volets
'S'il y avait du vent du Nord, je fermerais les volets.'
Léon (Plougerneau), M-L. B. (05/2016)


L'antéposition d'un objet après ma est aussi grammatical pour cette locutrice, même si elle préfère l'objet in-situ.


(4) Petra nin gav ma (leazh tarzhet) a evomp (leazh tarzhet)  ?
quoi se1 passe si4 lait tourné R buvons lait tourné
'? Qu'est-ce qui se passe si l'on boit du lait tourné?' Plougerneau, M-L. B. (05/2018)


Lorsque les ordres à verbe second après ma apparaissent dans la protase du conditionnel placée après la matrice, c'est peut-être par assimilation avec ha(g) 'si'. Cette hypothèse est renforcée par l'existence de formes imbriquées de ma et ha(g) dans le dialecte cornouaillais.


(5) M'hag ar re goz zo bet fur.

'Si les anciens ont été sages'
Cornouaillais bigouden (Lesconil), Divanac'h (1974:198) cité dans Menard (2016)


Certains ordres T2 sont même de type explétif, au moins en vannetais.


(6) Ma 'm bout a ran (me) ...
si 1SGM être R1 fais moi
'Si j'en ai (moi)...' Vannetais, Favereau (1997:§418)


matrices optatives, 'que!'

Le complémenteur ma, en Poher et en Haute-Cornouaille, est utilisé en particule optative, là où le standard ou le léonard utilise le complémenteur ra (Favereau 1997:§485). Favereau (1993:'ma') en relève une occurrence chez Leclerc.


(1) Ma vin lahet!, Favereau (1993:'ma')

'Que je sois tué!'

(2) Ma vo peuc'h, ma teuio ma mab en-dro!, Favereau (1993:'ma'), citant Leclerc

'Que la paix arrive, que mon fils revienne!'


Cet usage est à rapprocher de ma comme en (3):


(3) Gortoz un tamm, ma weli! Léon, Seite & Stéphan (1957:107)
attends un morceau que4 verras
'Attends un peu pour voir!'


en propositions enchâssées

argument sujet

Le complémenteur ma peut être la tête d'un argument sujet. En (1), ma vez reverdioù bras kement est le sujet de la copule vide dont le prédicat est l'adjectif ral.


(1) Miz mae ha miz Even, ral ma vez reverdioù bras kement.
mois mai et mois juin rare si/que est marées grand autant
'En mai et juin, il n'y a pas souvent (tant que ça) de grandes marées.'
Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:23)


(2) Youc'h warno ma teuint betek an ti.', Standard, Menard & Kadored (2001:'ma')


argument objet: complétives

Le complémenteur ma peut être la tête d'un argument objet, auquel cas c'est une complétive.

Le complémenteur ma introduit une proposition complétive après les verbes déclaratifs exprimant une volonté, une demande (goulenn, 'demander'; gourc'henmenn, '(re)commander') ou dans les structures causatives (positives).


(1) Goulennit ma teuio.
demandez que4 viendra
'Demandez qu'il vienne.' Tréguier, Leclerc (1986:203)


(2) Gra ma tisko e gentel.
fais que4 apprendra son1 leçon
'Fais en sorte qu'il apprenne sa leçon.' Tréguier, Leclerc (1986:203)


En Bas-vannetais, on trouve aussi ma après le verbe déclaratif krediñ, 'croire'. Le complémenteur ma introduisant une complétive peut aussi ne pas apparaître (v. Nicolas 2005:55 pour ces données en Bas-vannetais).


(3) grǝdusort [CP mi hɛlè do:nɛt ]
me 'gred ur sort m'e c'hellehe donet
moi R pense quand.même que pourrait venir
'Je pense quand même qu'il pourrait venir.' Bas-vannetais, Nicolas (2005:32)


complétive d'un nom

Ma peut introduire la complétive d'un nom. Il est alors optionnel.


(4) war zigarez ma oa bet devet an diou wreg fall.
sur1 excuse que était été brûlé le deux1 femme mauvais
'puisque les deux mauvaises femmes avaient été brulées.' Léon (Saint Pol de Léon), Milin (1922:403)


(5) en dén ma konzan anehon / en dén e gonzan anehon
le personne que4 parle de.lui le personne C R1 parle de.lui
'l'homme dont je parle' Vannetais standard, Cheveau (2017:§326)

cause

Comme en français le complémenteur que, ma peut être la tête d'une structure exprimant la cause de la matrice.

(1) Sach, ma taint er-maes!, Favereau (1993:'ma')

'Tire, qu'ils sortent!'

(2) Pelec'h emañ ma c'hi, m 'el lakain warno., Standard, Menard & Kadored (2001:'ma')

'Où est mon chien, que je leur lance dessus.'

Le degré d'intégration de cette structure dans la matrice pose question, car il semble devoir être prononcé après tout autre argument (périphérie droite de la phrase, ou indépendante apposée?).


questions polaires enchâssées

Lorsque le verbe de la matrice est un verbe comme gouzout, 'savoir', au négatif, la particule ma peut devenir une particule de question oui/non. Cet usage de ma contraste avec la situation en français concernant que (par exemple, Je ne sais pas qu 'ils avaient aimé les trois truites ne réalise pas une questions oui/non).


(1) N'uion ket ma (* lennet) neus (lennet) al levr.
ne'sais ket si lu a lu le livre
'Je ne sais pas si il a lu le livre.' Scaër/Bannalec, H. Gaudart (04/2016b)


(2) Kit da wel ma (* chiou) 'ma digouet ho preur.
allez pour1 voir si4 aujourd'hui est arrivé votre3 frère
'Allez voir si votre frère est venu (aujourd'hui).' Scaër/Bannalec, H. Gaudart (04/2016b)


Cet usage de ma en questions polaires est en extension à travers les dialectes, en concurrence avec ha(g). Au début du XX°, l'Académie bretonne (1922:153) recommande de distinguer ma, mar, 'si' de la protase du conditionnel, comme dans mar bez brao an amzer, 'si le temps est beau', de ha(g), 'si' "dubitatif": n'ouzon ket ha brao e vezo an amzer, 'Je ne sais si le temps sera beau'. Par cette recommandation prescriptiviste, elle signale donc déjà l'existence d'une variation. Selon Bihan & Press (2003:187), l'utilisation de mar(d) en questions polaires est un trait des plus jeunes locuteurs, qui reprennent un usage autrefois typique du breton central. A travers les dialectes, ma est en compétition avec ha(g), mais aussi avec hag-eñ (plus plus de précision sur la répartition dialectale, se reporter à l'article sur hag-eñ).

Selon Merser (2011:57), le 'si' interrogatif se rend de plus en plus par le complémenteur ma en Haute-Cornouaille. En fait, la forme ha(g) ou hag-eñ peut même y être agrammaticale.


(3) N'uion ket {ma /* hag(-eñ) } neus lennet al levr.
ne'sais ket si a lu le livre
'Je ne sais pas si il a lu le livre.' Scaër/Bannalec, H. Gaudart (04/2016b)


Ma est y compatible avec le complémenteur déclaratif la(r).


(4) N'uion ket (la) ma teuio.
ne'sais ket (que) si4 viendra
'Je ne sais pas s'il viendra.' Scaër/Bannalec, H. Gaudart (04/2016b)


On ne voit pas de rannig a/e après ma, mais il en apparaît un après hag eñ (e).


(5) N'ouzon ket { ma / hag-eñ e } teuio.
ne'sais pas si4/si-3SGM R4 viendra
'Je ne sais pas s'il viendra.' Merser (2011:57)


relatives

Selon Kervella (1947:§809), Cheveau (2007:212), la particule ma introduit un rapport oblique entre l’antécédent et la subordonnée car l’antécédent n’est ni sujet, ni objet du verbe de la matrice.


(1) ar feson mand eo arru an traoù.
le façon dont est arrivé le choses
'la façon dont les choses sont arrivées.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:24)


avec ou sans résomptif

L'antécédent peut lier (ou pas) un pronom résomptif dans la relative.


(2) ar c'hraou m' eo eet e doenn gant an avel.
le 5crèche que est allé son1 toit avec le vent
'La crèche dont le toit a été emporté par le vent.' Favereau (1997:§585)


(3) er peur ma rein en alézon dehon e bédo aveidomp.
le pauvre que4 donnerai le aumône à.lui R1 priera pour.nous
'Le pauvre à qui je donnerai l'aumône priera pour nous.' Vannetais standard, Cheveau (2017:§326)


(4) Bez eo ar basket-ball ur sport ma klask ar c'hoarierien lakaat ur vell da dremen dre ur c'helc'h a-blaen.

Standard, Menard & Kadored (2001:'ma')

relatives d'un syntagme de lieu

Le complémenteur ma peut introduire la proposition relative d'un syntagme locatif. On trouve aussi la forme e-lec'h ma, 'là où'.


(1) an takadoù 'le' ma vez gwelet ar c'hi-dour.
le endroits lieu que est vu le 5chien-eau
'les endroits (là) où on voit la loutre.' Favereau (1997:§586)


élision de ma, ou e

Pour Kervella, ma peut être équivalent au rannig e, au moins dans cet exemple de construction du faux sujet.


(1) ar vro e/ma savas e di enni. Standard, Kervella (1947:§810)
le 1pays R4/que éleva son1 maison dans.elle
'Le pays où il a construit sa maison.'


L'alternance de ma avec e, conjuguée avec le fait que les prannigs ne se prononcent pas toujours, rend compte des cas rapportés d'élision de ma'. Selon Press (1986:186), lorsque le verbe de l'enchâssée est la forme locative emañ, le complémenteur ma peut n'être pas prononcé.


(2) Setu an ti (m') emaon o chom enn.
voici le maison (que') suis à4 rester dans.lui
'Voici la maison où j'habite.' Standard, Press (1986:186)


Favereau (1997:§585), qui cite Evenou (1989), note qu'à Lanvenejen ma est parfois élidé. Il donne un exemple avec la copule eo, et un autre où le rannig e apparaît en place de ma. Ce qui est élidé dans ces exemples est le résomptif dans la construction du faux sujet, avec sa préposition.


(3) an ti ma oa oc'h labourat.
an ti oa oc'h labourat Lanvenejen
le maison _[ø]_/C était à4 travailler
'la maison où il travaillait.' Favereau (1997:§585), citant Evenou (1989)


(4) an ti lec'h ec'h yaen da labourat.
le maison lieu _[ø]_ R4, +C allais pour1 travailler
'la maison où il travaillait.' Lanvenejen, Favereau (1997:§585), citant Evenou (1989)

relatives d'un syntagme PP temporel

Les syntagmes temporels prépositionnels peuvent sélectionner comme argument une proposition finie introduite par ma.


(1) Plad Sant Alar, e poent ma veze bouchoù bihan, hennezh a veze traoù e-barzh
plat Saint Eloi au moment que4 était poulains petit celui.là R était choses dedans
'A l'époque des poulains, le plat de saint Eloi, il était bien garni.'
Léon, Mellouet & Pennec (2004:58).


(2) E-pad ma oamp é kontiñ pemp ha pevar.
pendant que4 étions à4 compter 5 et 4
'Pendant que nous causions (litt. que nous comptions 5 et 4).' Le Scorff, Ar Borgn (2011:22)


(3) araog ma oa deuet.
avant que4 était venu
'avant qu'il soit venu.' Merser (2011:57)


élision de ma

Favereau (1997:§585) note qu'en Poher, ma est parfois élidé.


(3) an dez ma oa prenet.
an dez oa bet prenet Poher
le jour _[ø]_/C était (été) acheté
'Le jour où il fut acheté.' Favereau (1997:§585)


relatives du prédicat

On voit le complémenteur ma apparaître dans les relativisations de prédicat comme en (2). Ces structures expriment la cause de la matrice à laquelle elles sont apposées.


(2) Ur baganez eo an hini e oa kentoc'h, stag ma oa _ ouzh brizhkredennoù...
un païenne est le hini R était plutôt attaché que4 était à mal.croyances
'C'était plutôt une païenne, attachée qu'elle était à des superstitions.'
Trégorrois (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:38)


(3) Da belec'h ez afent, er stad m 'emaint., Standard, Menard & Kadored (2001:'ma')

'Où iraient ils dans leur état?'


relatives réduites

Ma peut apparaître dans les relatives réduites.


(1) Evel ___ ma vez lavaret...
comme _[ø]_ que1 est dit
'Comme on dit.' Standard, Press (1986:206)


comparatives, 'que'

superlatif

On trouve ma dans les structures de comparaison au superlatif.


(4) [ grwɛ funapã mi hɛlɛχ ]
Gwrait fonnaplañ m'e helloc'h.
faites vite.plus que R pouvez
'Faites le plus vite possible (que vous pouvez).’ Bas-vannetais, Nicolas (2005:24)


evel ma

On trouve le complémenteur ma dans les propositions comparatives.


(1) evel ma ouezfe
comme si4 savait
'comme s'il savait' Merser (2011:57)


Kervella (1972:36) regrette auprès d'un éditeur des modifications de phrases de evel ma, qu'il dit correspondre au sens voulu, en evel pa, qu'il pense grammatical mais de sens différent (sens qu'il aurait exprimé en koulz ha pa).

  • Evel ma vije bet un dra divizet en a-raok...
  • hag he stardañ evel ma vije bet ivez...


kement... ma...

Ma est parfois refusé dans les comparatives, comme en (2).


(2) Kement a vall e oa warnañ da vont kuit (* m' ) en neus lesket e holl draoù war e lerc'h.
autant de1 hâte R était sur.lui à1 aller parti R.3SGM a laissé son1 tout1 choses sur son suite
'Il était tellement pressé de partir qu'il a laissé toutes ses affaires.'
Léon (Plougerneau), M-L. B. (05/2016)


la(r) ma

On le trouve aussi avec le complémenteur la(r) en cornouaillais.


(2) Ken pres 'oa warnon da guitaat la ma neus leset e aferioù war e lerc'h.
tant presse était sur.lui de1 quitter que que a laissé son affaires sur son suite
'Il était tellement pressé de partir qu'il a laissé toutes ses affaires.' Scaër/Bannalec, H. Gaudart (05/2016)

en composition

Ma apparaît en composé dans beaucoup de locutions conjonctives. Favereau (1993:'ma') note que dans la langue parlée, ma a tendance à disparaître dans ces locutions (a-benn(-ma), abaoe(-ma), e-kec'hid(-ma), evit(-ma), goude(-ma)...).


rak ma, 'car (à cause que)'

(1) Gallet en doa arboellañ rak ma c'houneze mat.
pu 3SGM-avait économiser car que4 gagnait bien
'Il avait pu économiser car il gagnait bien.' Standard, Menard & Kadored (2001:'rak')


daoust ma, 'bien que'

(1) daoust ma ouie.
bien.que que4 savait
'bien qu'il sût' Merser (2011:57)


goude ma, 'bien que'

(2) goude ma ouezfe.
après que4 saurait
'bien qu'il sût' Merser (2011:57)


dre ma, 'parce que'

(1) dre ma ouie.
par que4 savait
'parce qu'il savait' Merser (2011:57)


(2) Ar bank en tan ne lakaer ket dre ma vez an alc'hwez kollet.
le coffre dans.le feu ne met.IMP pas par que4 est le clef perdu
'On ne jette pas le coffre au feu pour en avoir perdu la clef.'
Barzaz Breiz 177-178, cité dans Menard (1995:17)


gant ma, 'pourvu que'

(3) gant ma ouezo.
avec que4 saura
'pourvu qu'il sache' Merser (2011:57)


e-keit ma, 'pendant que'

(3) Ur wech hepken, e c'hellis pakañ anezhi [ e-keit ma c'hoarzhe outi hec'h-unan ] (...)
un 1fois seulement R4 pus attraper P.elle pendant que4 riait à.elle son-un
'Une seule fois, je pus la surprendre pendant qu'elle riait toute seule (...)'
Trégorrois (Kaouenneg)/Standard, ar Barzhig (1976:24)


ken ma, 'tant que'

Les adverbes comme ken 'tant' sont suivis de ma4.

Lorsque le complémenteur ma4 introduit seul une exclamative, on peut suspecter qu'il y a là une ellipse de ken: ken ma> 'tant que'.


(4) Grognal, gwic'hal, oc'hal, doc'hal ha soroc'hal a rae, ma tlee beza klevet betek Toulzac'h, moarvat.
grogner grogner grogner grogner et grogner R faisait que4 devait être entendu jusqu'à Toulzac'h, probablement
'Il grognait, il piaillait, il grognait à nouveau, il grognait encore et encore, à tel point qu'on devait probablement l'entendre jusqu'à Toulzac'h.'
Kerrien (2000:86)


setu ma, 'voici que'

(5) Setu ma fiñv ar skeudenn santel.
voici que4 bouge le image sainte
'Voici que bouge l'image sainte.' Standard, Drezen (1990 :11)


a-vuzul ma, 'à mesure que'

(6) [ betad ǝrǝt avǝzǝl mi frasǝt ]
Betaat a rit a-vuzul m'eh vrasait.
bête.devenir R faites à-mesure que4'R+C grand.issez
'Vous devenez plus bête en grandissant.' Bas-vannetais, Nicolas (2005:26)

Stylistique

Le verbe de la proposition peut être repris en périphérie droite de la phrase, précédé de ma.


(3) N'oan ket kalz ouzhpenn daouzek vloaz 'poan chomet er gêr dac'h ar skol, ma'z oan.
ne1'étais pas beaucoup au.delà douze1 an quand1 étais resté à.le foyer de le école que/si4, +C étais
'Je n'avais pas beaucoup plus de douze quand je suis restée à la maison pour aller à l'école.'
Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:7)


Diachronie

ma, 'lieu'

Press (1986:206) considère que le complémenteur ma et le suffixe -va de lieu comme gweledva 'paysage, panorama' ont une origine commune. On peut rajouter la forme vannetaise -men qu'on retrouve aussi dans les interrogatoves de lieu emen, qui pointe vers une origine commune de ce complémenteur avec un complémenteur de lieu.


(1) an ti mand on ganet
en ti men d- on ganet
le maison suis
'la maison où je suis né' Vannetais standard, Cheveau (2017:§329)


mar, complémenteur épistémique

Le complémenteur ma(r) des enchâssées épistémiques est à mettre en relation avec le nom mar 'doute'.


Bibliographie

  • Haegeman, Liliane. 2012. Adverbial Clauses, Main Clause Phenomena, and Composition of the Left Periphery, The Cartography of Syntactic Structures 8, Oxford Studies in Comparative Syntax.