Ma

De Arbres

Le complémenteur ma est utilisé pour introduire différents types de propositions, matrices ou subordonnées.


(1) Ma oa brao dezo e-leh ma oant e oa dezo beza chomet eno.
si était beau à.eux dans-lieu que étaient R était à.eux être resté
'S’ils se trouvaient bien où ils étaient, c’était à eux d’y être restés.'
‘… il leur appartenait d’y rester.’ Trégorrois, Gros (1970:154)


Morphologie

Press (1986:209) considère que la forme ma 'z prévocalique pourrait être le signe de la présence du rannig e4.


mag, mah, mar, mand, mard

On trouve aussi devant voyelle les formes mag, mah, mand ou mard.


(1) Ken mezv mah a an daou du ag an hent gante.
tellement saoul que va le deux côté de le route avec.eux
'Tellement saouls qu'ils occupent les deux côtés de la route.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:17)


(2) Ar feson mand eo arru an traoù.
le façon que est arrivé le choses
'la façon dont les choses sont arrivées.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:24)


(3) Mar don harluet amañ, keit all, gant kalzig eus ma c'henvroiz...
si suis exilé ici si.loin autre avec beaucoup.DIM de mon com.patri.otes Standard, Drezen (1990:30)
'Si je suis exilé ici, si loin, avec beaucoup de mes compatriotes...'


(3) Ur masoner dornet mar zo unan.
un maçon doué si est un
'Un maçon doué s'il en est un.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:11)


(4) Mag e Julian a glasket
si est Julien R cherchez
'Si c'est Julien que vous cherchez.' Pérennès (1938:232-3)


différenciation du complémenteur dans les dialectes

En standard, c'est le même complémenteur ma qui se rencontre sous des formes phonologiquement contraintes par son evironnement phonologique. Dans certais dialectes, cependant, la différenciation des formes a des corrélats syntaxiques. Il s'agit alors de plusieurs compélmenteurs différents.


deux complémenteurs selon Merser

Selon Merser (2011:55), la forme ma est usitée au conditionnel comme à l'indicatif, dans les phrases positives comme négatives. La forme mar, elle, serait restreinte d'emploi devant un verbe à l'indicatif et uniquement à la forme affirmative.


trois complémenteurs à Groix selon Ternes

A Groix, Ternes signale trois complémenteurs aux distributions contrastées. Le complémenteur mar devant une conditionnelle réelle positive et le complémenteur me devant une proposition conditionnelle réelle négative.


(2) /me-nəzemanče ben-miz maj məje də-vu mateX/
Ma ne zimezan ket a-benn miz mae, me ya da vout matezh. équivalent standard
si-ne1marie.pas d'ici-mois mai moi.va pour-être servante
'Si je ne me marie pas d'ici mai, j'irai devenir servante.' Groix, Ternes (1970:322)


Devant les indicatives, le complémenteur est /mə/.


(3) /red-o -fo ka:r y-seXed əndijat
Ret eo ma vo, kaer evit sec'hiñ an dilhad. équivalent standard
obligé-est que-sera beau pour- sécher le habits
'Il faut qu'il fasse beau pour sécher le linge.' Groix, Ternes (1970:322)

mutation provoquée

En standard, la conjonction ma provoque une mutation mixte.

(1) ... mar teu hemañ diwar dour bervet, emañ pell ahann.
... si4 vient celui.ci de eau bouillante se.trouve loin de.là
'S'il provient d'une eau bouillante, elle se trouve loin d'ici (il est froid).' Trégorrois, Gros (1996:118)


A Plozévet, ma provoque une lénition sur le verbe qui le suit (Goyat 2012:136,7). C'est particulièrement frappant dans le cas de [k, t, p], les occlusives non-voisées.


(2) /di'ɛsoh ɛ ˌhwa vi ma õ:ʒɛn /
Diaesoh eo c’hoaz evid ma zoñjen
difficile.plus est encore que que pensais
'C’est encore plus difficile que je ne le pensais.', Plozévet, Goyat (2012:200)


/'paka/, pakañ, /ma baɡ 'ɛ :n/, Ma bak unan, 'S’il/elle en attrape un'.
/'tɛna/, tennañ, /ma 'dɛn/, Ma denn, 'S’il/elle tire.'


La lénition après ma se trouve aussi dans le breton de Kervella.

  • Kement ha ma gomprenan e kavit-c'hwi diazez ar brezhoneg war ar skridoù hepken.
lettre de Kervella à Roparzh Hemon, cité dans Denez (1993:27)

Syntaxe

en propositions matrices

conditionnelles

Le complémenteur ma introduisant une conditionnelle est utilisé dans tous les dialectes (carte 67 de l'ALBB, traduisant 'si je suis actuellement malade').

matrices optatives

Le complémenteur ma, en Poher et en Haute-Cornouaille, est utilisé en particule optative, là où le standard ou le léonard utilise le complémenteur ra (Favereau 1997:§485).

en propositions enchâssées

complétives

Le complémenteur ma introduit une proposition complétive après les verbes déclaratifs exprimant une volonté, une demande (goulenn, 'demander'; gourc'henmenn, '(re)commander') ou dans les structures causatives (positives)


(1) Goulennit ma teuio.
demandez que4 viendra
'Demandez qu'il vienne.' Tréguier, Leclerc (1986:203)


(2) Gra ma tisko e gentel.
fais que4 apprendra son1 leçon
'Fais en sorte qu'il apprenne sa leçon.' Tréguier, Leclerc (1986:203)


En vannetais, on trouve aussi ma après le verbe déclaratif krediñ, 'croire'.

(3) grǝdusort [CP mi hɛlè do:nɛt ]
me 'gred ur sort m'e c'hellehe donet
moi R pense quand.même que pourrait venir
‘Je pense quand même qu'il pourrait venir.’ Bas-vannetais, Nicolas (2005:32)


Le complémenteur ma introduisant une complétive peut aussi ne pas apparaître (v. Nicolas 2005:55 pour ces données en Bas-vannetais) .


questions polaires indirectes

Lorsque le verbe de la matrice est un verbe comme gouzout, 'savoir', au négatif, la particule ma peut devenir une particule de question oui/non.

(2) N'ouzon ket { ma / hag-eñ } e teuio.
ne'sais pas si/si-3SGM R viendra
'Je ne sais pas s'il viendra.' Merser (2011:57)


hag-eñ vs. mar(d)

Selon Merser (2011:57), le 'si' interrogatif se rend de plus en plus par le complémenteur ma en Haute-Cornouaille. Merser note que cet usage est "rejeté par les puristes". Bihan & Press (2003:187) notent une tendance, venant du centre Bretagne mais irradiant dans le standard et le parler des jeunes, au remplacement de hag-eñ par ma(r).


(4) N'ouzon ket mard/hag-eñ eo aet ma gwreg d'ar gêr.
ne'sais ket si est allé mon femme à'le maison
'Je ne sais pas si ma femme est rentrée.' Standard Bihan & Press (2003:187)


On trouve en tout cas des occurrences de mar chez des locuteurs traditionnels du Léon en 2016, qui n'ont pas hag-eñ, et en vannetais.


(5) N'ouzon ket ma(n) deus lennet an urioù.
ne'sais ket si a lu le livre
'Je ne sais pas si il a lu le livre.' Léon (Plougerneau, Lesneven) M-L. B. (02/2016), A.M. (02/2016)


(6) Hañni en des gouiet a-oudé ma ou doé kavet mad en tri deloh.
N R.3SGM a su depuis si 3PL avait trouvé bon le trois truite
'Personne depuis n'a su s'ils avaient aimé les 3 truites.'
Vannetais, Guilloux (1992:94) cité par Schapansky (1996:184)


Cet usage de ma contraste avec la situation en français concernant que (par exemple, Personne depuis n'a su qu 'ils avaient aimé les 3 truites ne réalise pas une questions oui/non).

relatives

Selon Cheveau (2007:212), la particule ma "sert à introduire un rapport oblique entre l’antécédent et la subordonnée: l’antécédent n’est ni sujet, ni objet du verbe de la subordonnée".


(1) ar feson mand eo arru an traoù.
le façon dont est arrivé le choses
'la façon dont les choses sont arrivées.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:24)


L'antécédent peut lier (ou pas) un pronom dans la relative.


(2) ar c'hraou m' eo eet e doenn gant an avel.
le crèche que est allé son toit avec le vent
'La crèche dont le toit a été emporté par le vent.' Favereau (1997:§585)


relatives réduites

Ma peut apparaître dans les relatives réduites.


(1) Evel ma vez lavaret...
comme _[ø]_ que1 est dit
'Comme on dit.' Standard, Press (1986:206)

relatives du prédicat

On voit le complémenteur ma apparaître dans les relativisations de prédicat comme en (2).


(2) Ur baganez eo an hini e oa kentoc'h, [PredP stag ] ma oa _ ouzh brizhkredennoù...
un païenne est le hini R était plutôt attaché que était à mal.croyances
'C'était plutôt une païenne, attachée qu'elle était à des superstitions.'
Trégorrois (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:38)

relatives d'un syntagme temporel

Les syntagmes temporels peuvent sélectionner comme argument une proposition finie introduite par ma.


(1) Plad Sant Alar, e poent ma veze bouchoù bihan, hennezh a veze traoù e-barzh
plat Saint Eloi au moment que était poulains petit, celui.là R était choses dedans
'A l'époque des poulains, le plat de saint Eloi, il était bien garni.'
Léon, Mellouet & Pennec (2004:58).


(2) E-pad ma oamp é kontiñ pemp ha pevar.
pendant que étions à compter 5 et 4
'Pendant que nous causions (litt. que nous comptions 5 et 4).' Le Scorff, Ar Borgn (2011:22)


(3) araog ma oa deuet.
avant que était venu
'avant qu'il soit venu.' Merser (2011:57)


(4) Miz mae ha miz Even, ral ma vez reverdioù bras kement.
mois mai et mois juin rare si est marées grand autant
'En mai et juin, il n'y a pas souvent (tant que ça) de grandes marées.'
Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:23)


élision de ma

Favereau (1997:§585) note qu'en Poher, ma est parfois élidé.


(3) an dez ma oa prenet.
an dez oa bet prenet Poher
le jour _[ø]_/C était (été) acheté
'Le jour où il fut acheté.' Favereau (1997:§585)

relatives d'un syntagme de lieu

Le complémenteur ma peut introduire la proposition relative d'un syntagme locatif. On trouve aussi la forme e-lec'h ma, 'là où'.


(1) an takadoù 'le' ma vez gwelet ar c'hi-dour.
le endroits lieu que est vu le chien-eau
'les endroits (là) où on voit la loutre.' Favereau (1997:§586)


élisions de ma

Selon Press (1986:186), lorsque le verbe de l'enchâssée est la forme locative emañ, le complémenteur ma peut n'être pas prononcé.


(2) Setu an ti (m') emaon o chom ennañ.
voici le maison (que') suis à rester dans.lui
'Voici la maison où j'habite.' Standard, Press (1986:186)


Favereau (1997:§585), qui cite Evenou (1989), note qu'à Lanvenejen ma est parfois élidé. La présence du verbe emañ ne semble pas y jouer de rôle.


(3) an ti ma oa oc'h labourat.
an ti oa oc'h labourat Lanvenejen
le maison _[ø]_/C était à travailler
'la maison où il travaillait.' Favereau (1997:§585), citant Evenou (1989)


(4) an ti lec'h ec'h yaen da labourat.
le maison lieu _[ø]_ R allais pour travailler
'la maison où il travaillait.' Lanvenejen, Favereau (1997:§585), citant Evenou (1989)

Comparatives

On trouve ma dans les structures de comparaison au superlatif.


(4) [ grwɛ funapã mi hɛlɛχ ]
Gwrait fonnaplañ m'e helloc'h.
faites vite.plus que R pouvez
‘faites le plus vite possible (que vous pouvez).’ Bas-vannetais, Nicolas (2005:24)


On trouve le complémenteur ma dans les propositions comparatives.


(1) evel ma ouezfe
comme si savait
'comme s'il savait' Merser (2011:57)

Ordre des mots après ma

Canoniquement, le verbe fléchi suit directement le complémenteur ma. Ce n'est cependant pas une obligation et il y a de multiples ordres V2 en enchâssées après ma.


(1) Ma 'm bout a ran (me) ...
si 1SGM être R1 fais moi
'Si j'en ai (moi)...' Vannetais, Favereau (1997:§418)

En composition

Ma apparaît en composé dans beaucoup de locutions conjonctives.


rak ma, 'car (à cause que)'

(1) Gallet en doa arboellañ rak ma c'houneze mat.
pu 3SGM-avait économiser car que4 gagnait bien
'Il avait pu économiser car il gagnait bien.' Standard, Menard & Kadored (2001:'rak')

daoust ma, 'bien que'

(1) daoust ma ouie.
bien.que que savait
'bien qu'il sût' Merser (2011:57)


goude ma, 'bien que'

(2) goude ma ouezfe.
après que saurait
'bien qu'il sût' Merser (2011:57)


dre ma, 'parce que'

(1) dre ma ouie.
par que savait
'parce qu'il savait' Merser (2011:57)


(2) Ar bank en tan ne lakaer ket dre ma vez an alc'hwez kollet.
le coffre dans.le feu ne met.IMP pas par que est le clef perdu
'On ne jette pas le coffre au feu pour en avoir perdu la clef.'
Barzaz Breiz 177-178, cité dans Menard (1995:17)


gant ma, 'pourvu que'

(3) gant ma ouezo.
avec que saura
'pourvu qu'il sache' Merser (2011:57)


e-keit ma, 'pendant que'

(3) Ur wech hepken, e c'hellis pakañ anezhi [ e-keit ma c'hoarzhe outi hec'h-unan ] (...)
un 1fois seulement R pus attraper P.elle pendant que riait à.elle son-un
'Une seule fois, je pus la surprendre pendant qu'elle riait toute seule (...)'
Trégorrois (Kaouenneg)/Standard, ar Barzhig (1976:24)


ken ma, 'tant que'

Les adverbes comme ken, 'tant', sont suivis de ma.

Lorsque le complémenteur ma introduit seul une exclamative, on peut suspecter qu'il y a là une ellipse de ken: ken ma> 'tant que'.


(4) Grognal, gwic'hal, oc'hal, doc'hal ha soroc'hal a rae, ma tlee beza klevet betek Toulzac'h, moarvat.
grogner grogner grogner grogner et grogner R faisait que devait être entendu jusqu'à Toulzac'h, probablement
'Il grognait, il piaillait, il grognait à nouveau, il grognait encore et encore, à tel point qu'on devait probablement l'entendre jusqu'à Toulzac'h.'
Kerrien (2000:86)


setu ma, 'voici que'

(5) Setu ma fiñv ar skeudenn santel.
voici que bouge le image sainte
'Voici que bouge l'image sainte.' Standard, Drezen (1990 :11)


a-vuzul ma, 'à mesure que'

(6) [ betad ǝrǝt avǝzǝl mi frasǝt ]
Betaat a rit a-vuzul m'eh vrasait.
bête.devenir R faites à-mesure que R grandissez
‘Vous devenez plus bête en grandissant.’ Bas-vannetais, Nicolas (2005:26)

Stylistique

Le verbe de la proposition peut être repris en périphérie droite de la phrase, précédé de ma.


(3) N'oan ket kalz ouzhpenn daouzek vloaz 'poan chomet er gêr dac'h ar skol, ma'z oan.
ne1'étais pas beaucoup au.delà douze1 an quand1 étais resté à.le foyer de le école que/si étais
'Je n'avais pas beaucoup plus de douze quand je suis restée à la maison pour aller à l'école.'
Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:7)

Diachronie

Press (1986:206) note que le complémenteur ma et le suffixe -va de lieu comme gweledva, 'paysage, panorama' ont une origine commune.