Différences entre les versions de « Ma »

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Version du 27 janvier 2023 à 01:49

La forme ma réalise un complémenteur qui introduit différents types de propositions, matrices ou subordonnées. Dans tous les dialectes contemporains, il existe en fait plusieurs sortes de complémenteurs ma, mais ces formes y sont confondues à des degrés divers. Toutes les formes de ma sont pour l'instant traitées ensemble sur cette page.

En (1), on voit nettement deux variétés de ma. D'abord le ma 'si' de la protase des conditionnelles, qui pourrait être prononcé mar dans certaines variétés. Le second ma 'où, que' est la tête de la complétive d'un nom de lieu. Il ne pourrait pas être prononcé mar.


(1) Ma oa brao dezo e-leh ma oant e oa dezo beza chomet eno.
si4 était beau à.eux en-lieu que étaient R était à.eux être rest.é
'S'ils se trouvaient bien où ils étaient, il leur appartenait d'y rester.'
Trégorrois, Gros (1970:154)


Morphologie

La forme ma est en breton moderne, surtout en standard, assez uniforme devant les consonnes. Devant une voyelle, la consonne qui apparaît peut être nettement différente, révélant différents complémenteurs.

un complémenteur

L'élément ma n'a pas de valeur interrogative et ne se trouve jamais dans le champ du milieu (Stephens 1982:49, Deuit da welout pehini ! 'Venez voir lequel!', mais pas * Deuit da welout ma).

C'est un complémenteur, une tête de projection CP du haut du domaine propositionnel.

conflation diachronique de plusieurs complémenteurs

Il y a étymologiquement plusieurs sources de complémenteurs différents. Pour la diachronie de la confusion entre les formes ma et mar, se reporter à Hemon (1975:§198).

Dans certains dialectes modernes, la différenciation des formes a des corrélats syntaxiques et on peut y dégager plusieurs complémenteurs différents. En breton standard moderne, les différentes formes sont parfois difficilement distinguables et la question de leur distinction se pose.


ma, mah, mand, me, 'que'

Le complémenteur ma 'où, que' est issu du vieux breton ma et s'apparente à ma en gaélique d'Irlande ou d'Ecosse (Deshayes 2003).


(1) ar feson mand eo arru an traoù.
le façon que+C,4 est arriv.é le choses
'la façon dont les choses sont arrivées'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:24)


(2) Keuz am eus mand eo ret da ma mab monet.
regret 1SG a que4, +C est nécessaire à1 mon2 fils aller
'J'ai du regret que mon fils doive partir.'
Haut-vannetais, Louis (2015:110)


La forme mah donnée par Ar Borgn (2011:17) est plus plausiblement le résultat de la consonne épenthétique à l'initiale du verbe mont 'aller' quand il est conjugué (cf. ma ha an daou du… ).


(3) ken mezv mah a an daou du ag an hent gante.
tant saoul que +Cva le deux1 côté de le route avec.eux
'tellement saouls qu'ils occupent les deux côtés de la route'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:17)


me à Groix

À Groix, Ternes distingue le complémenteur 'si' qui prend les formes mar ou me, et le complémenteur qui se trouve "devant les indicatives" réalisé en /mə/. L'exemple qu'il donne est une complétive sujet.


(4) /red-o -fo ka:r y-seXed əndijat
Ret eo ma vo kaer evit sec'hiñ an dilhad. Équivalent standardisé
obligé-est que-sera beau pour-sécher le habits
'Il faut qu'il fasse beau pour sécher le linge.'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:322)


(5) /čen -Xa:ryjimp, fo rmour izeil /
Ken m'arruimp ' vo ar mor izel.
d'ici que arriverons R sera le mer haut
'D'ici à ce que nous arrivions la mer sera basse.'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:323)
élision de la voyelle

Le complémenteur ma des complétives autorise l'élision de sa voyelle /a/ de ma (N'ouzon ket m'eo gwir, vs. ??Ma 'z eo gwir e yin war droad 'Si c'est vrai j'irai à pieds').

ma, mand, men 'où'

Press (1986:206) considère que le complémenteur ma et le suffixe -va de lieu comme gweledva 'paysage, panorama' ont une origine commune. On peut rajouter la forme vannetaise -men qu'on retrouve aussi dans les interrogatives de lieu emen 'où?', qui pointe vers une origine commune de ce complémenteur avec un complémenteur de lieu.


(1) en ti men d- on ganet
le maison suis n.é
'la maison où je suis né'
Vannetais standard, Cheveau (2017:§329)


(2) an ti mand on ganet
le maison suis n.é
'la maison où je suis né'
Vannetais standard, Cheveau (2017:§329)


Par extension, le complémenteur des complétives de noms de lieux aurait été assigné aussi aux complétives des noms de temps, comme le français (le lieu je suis née, à l'époque je suis née). Alternativement, on peut imaginer une grammaticalisation séparée à partir du nom mare 'temps, période' à partir d'une appositive (an amzer ma oan yaounak < an amzer, mare oan yaouank 'le temps de ma jeunesse').


ma, mar 'si'

étymologie de mar

Une première hypothèse est que la forme mar introduisant les conditionnelles est la grammaticalisation transparente du nom mar 'doute, incertitude', apparenté au cornique mar et au gallois mor, remontant au celtique * mar-o-s.

Cette hypothèse a l'avantage d'expliquer la dimension épistémique du complémenteur mar par son sens de 'doute'. Ernault (1888:'mar') se demande d'abord si le complémenteur ne serait pas une co-influence du complémenteur ma et du nom mar. Henry (1900) note que mar existe en breton comme en cornique, et que sans l'hypothèse d'un rapprochement avec le nom mar, le -r final est inexpliqué. Spitzer (1923:248-250) avait lui aussi remarqué la similitude entre le nom et la particule. Il proposait que le nom dérivait de la particule fonctionnelle, mais cela va dans le sens inverse du sens classique des grammaticalisations, du moins au plus fonctionnel. Une grammaticalisation partirait du nom mar et obtiendrait une particule fonctionnelle. Rezac (c.p. 2019) s'oppose à cette hypothèse, car il considère que l'hypothèse de grammaticalisation du nom mar prédirait la présence d'un rannig dès les formes les plus anciennes, puisqu'il n'existe pas de nom modifié par un verbe tensé sans la médiation d'un rannig.

Hemon (1975:§198,n1) a manifestement lu Henry (1900) quand il note que l'origine de mar, nom qui est aussi relevé en cornique, est "obscure". Il ne discute cependant pas de l'hypothèse d'une source nominale. Il propose, même si c'est sans grande conviction, qu'il s'agirait de ma suivi d'une forme réduite de la particule ra venant du vieux breton ro, de sens incertain. Hemon se sert de cette hypothèse de décomposition ma+ra pour expliquer la voyelle a dans la forme mar a-z vez pec'het ('si tu as pêché', M. 842), qui serait donc redécoupée en ma ra-z vez pec'het. En synchronie en breton KLT contemporain, la forme ne peut pas être comprise comme comprenant ra - on ne note pas de voyelle a apparaissant après mar. En vannetais, la forme du ra KLT est re (Hemon 1975:§178,note). On ne relève pas de formes en ma+re+rannig.


ma vs. mar 'si'
contrainte phonologique sur la consonne -r finale

Ce complémenteur est réalisé en ma devant la plupart des consonnes, et en mar devant les voyelles. On relève aussi mar devant zo.


(3) Ur masoner dornet mar zo unan.
un maçon main.é si4, +C est un
'Un maçon doué s'il en est un.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:11)


En (4), la forme mar se trouve devant la consonne f qui n'est même pas voisée.


(4) mar fôt t'iac'h dorneiñ men gunaic'h arhoac'h
si faut à.vous battre mon blé demain
'si vous voulez bien battre mon blé, demain.'
Vannetais (Sarzeau), Ernault (1876-1878:233)


répartition dialectale

La répartition entre mar et ma 'si' est aussi dialectale. La carte 261 de l'ALBB montre les traductions de Si je fais (cela, il sera content). Toutes les formes en mar sont réparties sur les îles et les zones côtières. C'est la distribution géographique typique des archaïsmes; le signe que ma gagne du terrain sur mar même dans les dialectes traditionnels.

mar d

Hemon (1975:§198,n2) remarque que déjà en moyen breton, les formes conjuguées du verbe 'être' bezañ/bout et du verbe 'aller' mont qui commencent par une voyelle provoquent une consonne dentale épenthétique.


(1) Mar deo hemañ treut e vrezhoneg...
si+C est celui-ci maigre son1 breton
'Si celui-ci ne comprend pas bien le breton… '
Léonard, Abeozen (1942:365)


(2) Mar 'd eo gwir kement-se, eo red d'an holl anzao ...
si+C est vrai autant-ça est obligé à le tous avouer
'Si cela est vrai, on doit avouer que… '
Kazetenn Ar vro (1904:n° mai)


(2) Mar don harluet amañ, keit all, gant kalzig eus ma c'henvroiz...
si+C suis exil.é ici si.loin autre avec beaucoup.DIM de mon2 com1patri.otes
'Si je suis exilé ici, si loin, avec beaucoup de mes compatriotes… '
Standard, Drezen (1990:30)


(4) Mar dan ...
si+C vais
'Si je vais… '
Merser (1963:§383)


(5) Ha mard afemp d'ar preti ?
et si allions à1 le restaurant
'Et si nous allions au restaurant ?'
Breton standard, Denez & al. (2009:78)


(4) Ata ! Mard emañ kont evel-se e vo lakaet amañ...
Eh bien ! si est conte comme- R sera m.is ici
'Eh bien ! Dans ce cas, si on le mettait ici ?'
Standard, Kervella (2001:18)


En trégorrois de Perros-Guirec (Konan 1954), les formes mar deus et mar geus sont notées équivaloir à la forme ma 'z eus en standard.

La consonne épenthétique est /g/ dans mar gu 'imitit ('si vous imitez', Breton de 1722, RP. 176, cité dans Hemon 1975:§198,n2), ou dans mar g-ary guenomp 'si cela nous arrive' BD. 2664, cité dans Hemon 1975:§198,n2). Il peut s'agir, comme le propose Ernault (1888b:254), d'une généralisation sur l'initiale de verbes courants comme 'faire' ober (mar gran 'si je fais') ou 'pouvoir' gallout (mar gallan 'si je peux'), ou de la voyelle épenthétique /g/ que l'on trouve dans les réponses de type geo, geus. Il peut aussi s'agir de la conflation ma+hag qui existe encore en cornouaillais du Sud-Ouest.

mag, marg en bas cornouaillais; ma+ha(g)

Le complémenteur mag est restreint au pays glazig, au pays de Douarnenez, au Cap Sizun et au pays bigouden. On relève la forme mar g à Sein (Fagon & Riou (2015:'ma'). Il s'agit d'une assimilation des deux complémenteurs ma, mar et ha(g), ou plus anciennement du complexe mar hag 'doute que' qui a ensuite grammaticalisé en un complémenteur.

Comme ha(g), ma(g) est suivi d'un rannig. Le groupe mag a V est relevé en breton de Douarnenez (Denez 1977)


(1) mag e zeo Délik a glasket
si+C R+C est Délik R1 cherchez
'si c'est Délik que vous cherchez'
Chanson Pérennès (1938:248-9)


Les formes mag + rannig sont relevées précisément en pays bigouden et en Cap Sizun, comme on le voit au début du XX° dans la carte 261 de l'ALBB, qui donne la variation dialectale pour la traduction de si je fais (cela, il sera content). La forme mag se trouve à Plouhinec (près d'Audierne), à Pluguffan, à Sein et à Plomeur (au Nord de Penmarc'h). Dans la carte 288, pour Si je la voyais (, je lui dirais...), on relève mag é vèlfèn à Pluguffan et à Douarnenez, où la particule préverbale peut être le rannig, le proclitique objet ou une fusion des deux. Dans le carte 249 Si je savais… , on relève ma g é wilfèn à Douarnenez.

L'hypothèse d'une assimilation avec ha(g) 'si' est renforcée par l'existence de formes imbriquées de ma et ha(g) dans le dialecte cornouaillais bigouden. Comme ha(g), ma(g) peut tolérer les ordres à temps second.


(2) m'hag ar re goz zo bet fur

'si les anciens ont été sages'
Cornouaillais bigouden (Lesconil), Divanac'h (1974:198) cité dans Menard & Bihan (2016-)


(3) mag e Julian a glasket
si+C,4 est Julien R1 cherchez
'si c'est Julien que vous cherchez'
Chanson Pérennès (1938:232-3)


(4) ma'g eo posubl !
si+C est possible
'si c'est possible !'
Cornouaillais (Douarnenez), Favereau (1997:§639)


(5) Marg edot é ober tan, en on oaled, e eallez tenna ar c'hoad e-kuit evit gouzia an tan.
si4, +C es à4 faire feu en un foyer R peux tirer le 5bois parti pour baisser le feu
'Si tu fais du feu, dans un foyer, tu peux tirer le bois pour baisser le feu.'
Cornouaillais (Sein), Kersulec (2016:29)


(6) Sañset mag ve brañchet nehon endro...
censément si4 est branch.é P.lui de.retour
'Normalement, si je le branche… '
Cornouaillais (Locronan), A-M. Louboutin (02/2022)


Les autres dialectes contemporains n'ont pas mag ou marg.

avec ou sans rannig ?

Certains locuteurs ne tolèrent jamais de faire suivre ma par un rannig (Stephens 1982:35). Cependant, quelques dialectes et structures montrent, depuis le moyen breton au moins, les différents complémenteurs ma avec un rannig.


(1) Seul gwezh m'e ta ema ur sort.
chaque fois que4 R4 vient est pareil
'À chaque fois qu'il vient, c'est pareil.'
Vannetais (Languidic), Crahe (2013:332)


Les textes en moyen breton ne marquent pas les mutations consonnantiques, mais on décèle le rannig dans les formes en ma'z ou mac'h, car le z ou X épenthétiques lui sont associés. La mutation mixte associée à ma est compatible avec l'hypothèse de la présence syntaxique du rannig e, qui lui-même est compatible avec l'antécédence d'un complémenteur. Press (1986:209) considère ainsi que la forme ma 'z prévocalique pourrait être le signe de la présence du rannig e4. On trouve des formes ma + rannig de façon très précoce en moyen breton, ici avec des locutions complexes de cause, de but ou une complétive.


  • dyouz maz vezy tyzet
'selon que tu seras atteint'
original de 1519, M. 606, cité dans Le Roux (1957:437)
  • dre maz ouch vaillant ha santel…
'parce que vous êtes courageux et saint… '
Breton fin du XV°, N. 1676, cité dans Le Roux (1957:436)
  • Mir oz sourcy ma mab bihan, Maz vizin cuit…
'garde de tout chagrin mon petit enfant, pour que je sois tranquille'
Breton fin du XV°, N. 473, cité dans Le Roux (1957:436)
  • muy ouz muy seul maz studiaf
'de plus en plus à mesure que j'étudie'
Breton 1530, J. 197b, cité dans Le Roux (1957:436)
  • An peder goulen quentafu à disc maz dleomp…
'Les quatre premières demandes enseignent que nous devons… '
Breton 1576, Gk. 7, cité dans Le Roux (1957:436)


Kervella (1947:§144, 797) distingue deux formes du complémenteur ma: ma, mac'h 'si' qui est toujours suivi du rannig e4 provoquant la mutation mixte, et mar 'si' qui ne provoque pas de mutation et qui peut être, ou pas, suivi par le rannig (mar (e) kar, 's'il veut'). Cela marque une innovation par rapport au moyen breton où la forme mar n'est pas suivie par le rannig.

On trouve plusieurs exemples de mi en vannetais de Quistinic que Nicolas (2005:24, 26, 32) analyse comme ma + e.


Le site de cliticisation des pronoms proclitiques objets qui est d'habitude celui du rannig, est bien situé entre ma(r) et son verbe. Les dialectes qui n'ont plus de proclitiques objets n'ont plus cette évidence positive pour un site entre le complémenteur et le verbe tensé.


(2) mar am c'harit...
si+C R.me2 aimez
'si vous m'aimez… '
Favereau (1997:§639)


(3) mar en em gavit...
si+C se1 trouvez
'si vous vous trouvez… '
Favereau (1997:§639)

avec une négation

À Groix, Ternes distingue deux complémenteurs devant les conditionnelles: le complémenteur mar devant une conditionnelle réelle positive et le complémenteur me devant une proposition conditionnelle réelle négative.


(1) /me-nəzeman če ben-miz maj məje də-vu mateX/
Ma ne zimezan ket a-benn miz mae, me ya da vout matez. Équivalent standardisé
si-ne1marie pas d'ici-mois mai moi.va pour1-être servante
'Si je ne me marie pas d'ici mai, j'irai devenir servante.'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:322)


Selon Merser (2011:55), la forme ma est usitée au conditionnel comme à l'indicatif, dans les phrases positives comme négatives, mais la forme mar, elle, serait restreinte d'emploi devant un verbe à l'indicatif et uniquement à la forme affirmative, ce qui est contredit au moins par les exemples ci-dessous.


(2) Va selaouit; mar n'am selaouet ket, me ho tihuno.
me écoutez si ne1 me écoutez pas moi vous3 réveillerai
'Écoutez-moi; ou sinon je vais vous réveiller.'
Standard, Le Bozec (1933:130)


(3) Ari on da glask mar na zo ket, Ha mar zo na c'houlan ket.
arrivé suis pour1 chercher si ne1 est pas et si est ne1 demande pas
'Je viens chercher s'il n'y a pas, Et, s'il y a, je ne demande pas.'
Devinette, collectée par E. Ernault en Tréguier et Goëlo
citée par Sauvé (1880)

mutation provoquée

mar, sans mutation ou mutation mixte

Le complémenteur mar peut ne pas provoquer de mutation (mar plij). Pour Le Roux (1957:439), c'est même la règle. La carte 261 de l'ALBB montre les traductions de Si je fais (cela, il sera content). Toutes les formes en mar donnent des variantes de mar gran. C'est moins net avec le verbe 'être'. Dans la carte 79 pour 'Si on était (potentiel)', on trouve un peu partout des formes de mar avec un verbe de forme vijed, ver, vijer qui est forcément muté. A comparer avec (1).


(1) mar bez red
si est obligé
's'il le faut'
Cornouaillais / Léon, Croq (1908:37)


En breton trégorrois, la forme mar peut provoquer une mutation mixte (au moins sur le verbe dont, irrégulier par ailleurs).


(2) … mar teu hemañ diwar dour bervet, emañ pell ahann.
si4, +C vient celui.ci de eau bouillie se.trouve loin de.là
'S'il provient d'une eau bouillante, elle se trouve loin d'ici.' (il est froid)
Trégorrois, Gros (1996:118)


ma, mutation mixte ou lénition

En breton standard, le complémenteur ma provoque une mutation mixte.

À Plozévet, ma provoque une lénition sur le verbe qui le suit (Goyat 2012:136,7). C'est particulièrement frappant dans le cas de [k, t, p], les occlusives non-voisées.


  • /'paka/, pakañ, /ma baɡ 'ɛ :n/, ma bak unan, 'si elle en attrape un'
  • /'tɛna/, tennañ, /ma 'dɛn/, ma denn, 's'il tire'


À Douarnenez, on trouve après ma des exemples de lénition (trapout > ma drapfes) ou de non-mutation (dont > ma deufen).


(1) / ma 'drapfɛz a'nẽ: /
ma drapfes an'hañ
si1 attrapais P.lui
'si tu l'attrapais'
Cornouaillais (Douarnenez), Denis (1972:150)


(2) / ma 'døf:ɛn da 'vea pɛn'vidik /
ma deufen da vezañ pinvidik
si venais à1 être riche
'si je devenais riche'
Cornouaillais (Douarnenez), Denis (1972:150)


La lénition après ma se trouve aussi en vannetais, et dans le breton local de Kervella (Dirinon).

  • Ma gouezhan en droug (…)
'si j'ai la maladie (…)'
Haut-vannetais, Louis (2015:232)
  • Kement ha ma gomprenan e kavit-c'hwi diazez ar brezhoneg war ar skridoù hepken.
'à ce que je comprends, vous trouvez les fondamentaux du breton dans les écrits uniquement'
lettre de Kervella à Roparzh Hemon, citée dans Denez (1993:27)

Syntaxe

Syntaxe en propositions matrices

protase des conditionnelles, 'si'

Le complémenteur ma qui introduit la protase d'une conditionnelle est utilisé dans tous les dialectes (carte 67 de l'ALBB, traduisant 'si je suis actuellement malade').


(1) Kontant ' vefen ma teufe Yann d'ar fest.
content (R) serais si4 viendrait Yann à le fête
'Je serais contente que Yann vienne à la fête.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


ordre des mots après ma dans la protase

verbe initial; ma + V

Canoniquement, le verbe tensé semble strictement devoir suivre le complémenteur ma. En (1), l'ordre est C-VSO.


(1) Me garfe mat ma nefe tout a brozioù chakodoù.
moi R1 aimerait bien si 3.aurait tout le jupe.s poche.s
'J'aimerais bien si toutes nos jupes avaient des poches.'
Cornouaillais (Locronan), A-M. Louboutin (10/2021)


C'est le cas dans la plupart des dialectes. En standard ou en bord vannetais (Scaër/Bannalec), il n'est pas possible de faire intervenir entre ma et le verbe tensé: un sujet, un syntagme prépositionnel de destination, un infinitif de conjugaison analytique ou un objet (* ma glav a ra, Kerrain 2001).


(2) Ma houefen e veche avel Nort, e sarfen ar bouliji.
si4 savais R4 serait vent Nord R4 fermerais le volet.s
'Si je savais qu'il y aurait du vent du Nord, je fermerais les volets.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2016)


(3) * Ma malerusamant e houefen e veche avel Nort, e sarfen ar bouliji.

* Ma me houefe e veche avel Nort, e sarfen ar bouliji.
* Ma gouzout a raen e veche avel Nort, e sarfen ar bouliji.
* Ma gouzout a houezan e veche avel Nort, e sarfen ar bouliji.
* Ma bez e houefen e veche avel Nort, e sarfen ar bouliji., Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2016)


Que la protase du conditionnel précède ou suive la matrice ne semble pas jouer, et c'est massivement le cas dans la plupart des dialectes.


(4) * Kontant ' vefen ma Yann teufe d'ar fest.

* Kontant ' vefen ma dont a rafe Yann d'ar fest.
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)

(5) * Kontant e vichen ma Yann teufe d'ar gouel.

Léonard (Lesneven/kerlouan), A. M. (02/2016)

(6) * Kontant e vichen ma Yann teufe d'ar gouel.

* Kontant e vichen ma dont a rafe Yann d'ar gouel.
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (02/2016)


variation dialectale

L'ordre des mots peut cependant varier selon les dialectes, et on relève des cas d'ordres T2 en enchâssées après ma.

Favereau (1997:§600) associe l'usage usuel d'antéposition du sujet au breton bigouden, et ce depuis au moins la première guerre mondiale. Il évoque l'idée que ces ordres de mots sont utilisés dans des formes "relâchées". On a vu plus haut que la forme mag, relevée dans le Cap, à Sein et en pays Penn-sardin et bigouden se trouve occasionnellement avec une rannig réalisé. Mag permet effectivement des ordres T2, probablement à cause du complémenteur hag qu'il contient. Les ordres T2 enchâssés sous ma se trouvent cependant dans une zone qui excède largement l'ouest de la Cornouaille et le complémenteur mag.


(1) ma'g ar paotr a oar.
si+C le gars R1 sait
'Si le gars le sait… '
Bigouden, Favereau (1997:§600)


Toutes les formes de ma 'si' relevées dans l'ALBB en guérandais étaient suivies du sujet (ma+sujet+rannig+verbe muté, comme ma zobér 'si je fais (cela)' dans la carte 261).

A l'Île d'Arz, en vannetais, on trouve mar gobir e an 'si je fais (cela)' (carte 261).

On retrouve la variation dans la possibilité des ordres T2 enchâssés sous ma en élicitation un siècle plus tard. En (3), un syntagme prépositionnel peut intervenir à Plougerneau, difficilement à Lesneven et absolument pas en cornouaillais de l'Est.


(3) Kontant e vichen ma d'ar gouel e teufe Yann. Léonard (Plougerneau), M-L. B. (02/2016)
* /? Kontant e vichen ma d'ar gouel e teufe Yann. Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (02/2016)
* Kontant ' vefen ma d'ar fest e teufe Yann. Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)
'Je serais contente que Yann vienne à la fête.'


À Plougerneau, il semble être possible d'antéposer le prédicat (si on en croit ici le rannig e) d'une copule existentielle, ici avel Nort. Ce n'est pas possible à longue distance (* Ma avel Nort houefen e veche _ , e sarfen ar bouliji).


(4) Ma avel Nort e veche, e sarfen ar bouliji.
si4 vent Nord R4 serait R4 fermerai le volet.s
'S'il y avait du vent du Nord, je fermerais les volets.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2016)


L'antéposition d'un objet après ma est aussi grammatical pour cette locutrice, même si elle préfère l'objet in-situ.


(5) Petra nin gav ma (leazh tarzhet) a evomp (leazh tarzhet)  ?
quoi se passe si4 lait tourn.é R buvons lait tourn.é
'Qu'est-ce qui se passe si l'on boit du lait tourné ?'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2018)


Certains ordres T2 sont même de type explétif, au moins en vannetais.


(6) Ma 'm bout a ran (me) ...
si 1SG être R1 fais moi
'Si j'en ai (moi)… '
Vannetais, Favereau (1997:§418)

matrices optatives 'que !'

Le complémenteur ma, en Poher et en Haute-Cornouaille, est utilisé en particule optative, là où le standard ou le léonard utilise le complémenteur ra (Favereau 1997:§485). Favereau (1993:'ma') en relève une occurrence chez Le Clerc.


(1) Ma vin lahet!

'Que je sois tué !'
Favereau (1993:'ma')

(2) Ma vo peuc'h, ma teuio ma mab en-dro !

'Que la paix arrive, que mon fils revienne !'
Le Clerc, cité dans Favereau (1993:'ma')


circonstancielles de but evit ma, '(pour) que'

La préposition evit 'pour' peut marquer le but. Lorsque ce but est exprimé par une proposition tensée, elle est introduite par evit ma ..., ou evit e ....


(3) Kavet ez eus un tu evit e teufe Yann e-barzh.
trouv.it R+C est un moyen pour R4 viendrait Yann dedans
'On trouva une solution pour que Yann rentre.'
Trégorrois, Stephens (1990:155)


circonstancielles de but ma, '(pour) que'

L'usage des matrices optatives est à rapprocher de ma dans les circonstancielles de but. Comme en français le complémenteur que, ma peut être la tête d'une structure exprimant le but de la matrice. Le degré d'intégration de cette structure dans la matrice pose question, car il semble devoir être prononcé après tout autre argument (périphérie droite de la phrase, ou indépendante apposée ?).


(4) Gortoz un tamm, ma weli !
attends un morceau que4 verras
'Attends un peu pour voir !'
Léonard, Seite & Stéphan (1957:107)


(5) Sach, ma taint er-maes!

'Tire, qu 'ils sortent !'
Favereau (1993:'ma')

(6) Pelec'h emañ ma c'hi, m 'el lakain warno.

'Où est mon chien, que je leur lance dessus.'
Standard, Menard & Kadored (2001:'ma')

(7) Youc'h warno ma teuint betek an ti.

'Ils sont hélés pour venir jusqu'à la maison.'
Standard, Menard & Kadored (2001:'ma')

Syntaxe en propositions enchâssées

complétive sujet

Le complémenteur ma peut être la tête d'un argument sujet. En (1), la complétive ma vez reverdioù bras kement est le sujet de la copule vide dont le prédicat est ral.


(1) Miz mae ha miz Even, ral ma vez reverdioù bras kement.
mois mai et mois juin rare si4 est marée.s grand autant
'En mai et juin, il n'y a pas souvent (tant que ça) de grandes marées.'
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:23)

complétive objet

Le complémenteur ma peut être la tête d'un argument objet, auquel cas c'est une complétive.

Le complémenteur ma introduit une proposition complétive après les verbes déclaratifs exprimant une volonté, une demande (goulenn, 'demander'; gourc'henmenn, '(re)commander') ou dans les structures causatives (positives).


(1) Goulennit ma teuio.
demandez que4 viendra
'Demandez qu'il vienne.'
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:203)


(2) Gra ma tisko e gentel.
fais que4 apprendra son1 leçon
'Fais en sorte qu'il apprenne sa leçon.'
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:203)


incompatible avec mouvement -wh interne

La complétive objet en ma ne tolère pas de mouvement interrogatif interne.


(3) * Mont a reomp da selaou ma petra lavar an aotrou maer.
aller R faisons de1 écouter si quoi dit le monsieur maire
'Nous allons voir si le maire dit quoi ?'
Trégorrois, Stephens (1982:48)

ma vs. e

En vannetais de Quistinic, on trouve aussi ma après le verbe déclaratif krediñ 'croire'. Le complémenteur ma introduisant une complétive peut aussi ne pas apparaître (v. Nicolas 2005:55 pour ces données en vannetais de Quistinic).


(4) grǝdusort [CP mi hɛlè do:nɛt ]
me 'gred ur sort m'e c'hellehe donet
moi R pense quand.même que pourrait venir
'Je pense quand même qu'il pourrait venir.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:32)


Pennaod (1964:§108) signale qu'en moyen breton, ma n'apparaît qu'exceptionnellement dans les complétives qui ont plutôt le rannig e comme premier élément réalisé. Il cite une complétive objet:

  • An peder goulenn kentañ a zisk ma'z tleomp aman goulenn pevar mad.
Gk. 242.


complétive d'un nom

Ma peut introduire la complétive d'un nom. Il peut être optionnel. Le breton standard privilégie ici un complémenteur vide et le rannig e.


(5) war zigarez ma oa bet devet an diou wreg fall.
sur1 excuse que était été brûl.é le deux1 femme mauvais
'puisque les deux mauvaises femmes avaient été brulées.'
Léonard (Saint Pol de Léon), Milin (1922:403)


(6) en dén ma konzan anehon / en dén e gonzan anehon
le personne que4 parle de.lui le personne C R1 parle de.lui
'l'homme dont je parle'
Vannetais standard, Cheveau (2017:§326)


(7) huei a zou kaust ma em ës lakeit men ghunaic'h ar äl lair...
vous R est cause que 1SG a m.is mon blé sur le aire
'Vous êtes cause que j'ai mis mon blé sur l'aire… '
Vannetais (Sarzeau), Ernault (1876-1878:233)


(8) Asa ! Ar West n'eo ket ken pezh ma oa !
Eh ben ! le West ne est pas plus ce.que que était
'Eh ben ! Le Far-West n'est plus ce qu'il était !'
Standard, Skol an Emsav (1977:28)


questions polaires enchâssées

Lorsque le verbe de la matrice est un verbe comme gouzout 'savoir', au négatif, la particule ma peut devenir une particule de question oui/non. Cet usage de ma contraste avec la situation en français concernant que (par exemple, Je ne sais pas qu 'ils avaient aimé les trois truites ne réalise pas une questions oui/non).


(1) N'uion ket ma (* lennet) neus (lennet) al levr.
ne sais ket si l.u a l.u le livre
'Je ne sais pas si il a lu le livre.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


(2) Kit da wel ma (* chiou) 'ma digouet ho preur.
allez pour1 voir si4 aujourd'hui est arriv.é votre3 frère
'Allez voir si votre frère est venu (aujourd'hui).'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


Cet usage de ma en questions polaires est en extension à travers les dialectes, en concurrence avec ha(g). Au début du XX°, l'Académie bretonne (1922:153) recommande de distinguer ma, mar 'si' de la protase du conditionnel, comme dans mar bez brao an amzer, 'si le temps est beau', de ha(g) 'si' "dubitatif": n'ouzon ket ha brao e vezo an amzer, 'Je ne sais si le temps sera beau'. Par cette recommandation prescriptiviste, elle signale donc déjà l'existence d'une variation. Selon Bihan & Press (2003:187), l'utilisation de mar(d) en questions polaires est un trait des plus jeunes locuteurs, qui reprennent un usage autrefois typique du breton central. A travers les dialectes, ma est dans les polaires enchâssées en compétition avec ha(g), mais aussi avec hag-eñ (plus plus de précision sur la répartition dialectale, se reporter à l'article sur hag-eñ).

Selon Merser (2011:57), le 'si' interrogatif se rend de plus en plus par le complémenteur ma en Haute-Cornouaille. En fait, la forme ha(g) ou hag-eñ peut même y être agrammaticale.


(3) N'uion ket {ma /* hag(-eñ) } neus lennet al levr.
ne sais ket si a l.u le livre
'Je ne sais pas si il a lu le livre.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


Ma est y compatible avec le complémenteur déclaratif la(r).


(4) N'uion ket (la) ma teuio.
ne sais ket (que) si4 viendra
'Je ne sais pas s'il viendra.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


On ne voit pas de rannig a/e après ma, mais il en apparaît un après hag eñ (e).


(5) N'ouzon ket { ma / hag-eñ e } teuio.
ne sais pas si4/si-3SGM R4 viendra
'Je ne sais pas s'il viendra.'
Merser (2011:57)

relatives

Selon Kervella (1947:§809), Cheveau (2007:212), la particule ma introduit un rapport oblique entre l'antécédent et la subordonnée car l'antécédent n'est ni sujet, ni objet du verbe de la matrice.


(1) ar feson mand eo arru an traoù.
le façon dont est arriv.é le choses
'la façon dont les choses sont arrivées.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:24)


Cette généralisation est vraie pour la plupart des dialectes. Elle est fausse à Sein, où Fagon & Riou (2015:'ma') relèvent des relatives du sujet en ma (an huni ma _ dol 'celui qui jette', et an huni ma gao on tamm 'celui qui trouvera un morceau').

En (2) il s'agit d'une relative du sujet : la forme zo de la copule indique que son sujet la précède.


(2) ar c'hiarreg ma zo var ar bord aze e zo tammoù eat er mor.
le 1roches que est sur le bord ici R est morceau.x all.é en.le mer
'Les roches qui sont sur la côte, là, il y a des bouts qui sont partis à l'eau.'
Cornouaillais (Sein), Fagon & Riou (2015:'bord')


En breton guérandais où Bureau (1878) relevait une relative de l'objet (er boèt ma er moc'h a zébré _, 'la nourriture que les porcs mangeaient', traduction Mathelier (2017)).


avec ou sans résomptif

L'antécédent peut lier (ou pas) un pronom résomptif dans la relative.


(3) ar c'hraou m' eo eet e doenn gant an avel
le 5crèche que est all.é son1 toit avec le vent
'la crèche dont le toit a été emporté par le vent'
Favereau (1997:§585)


(4) er peur ma rein en alézon dehon e bédo aveidomp.
le pauvre que4 donnerai le aumône à.lui R1 priera pour.nous
'Le pauvre à qui je donnerai l'aumône priera pour nous.'
Vannetais standard, Cheveau (2017:§326)


(5) Bez eo ar basket-ball ur sport ma klask ar c'hoarierien lakaat ur vell da dremen dre ur c'helc'h a-blaen.

Standard, Menard & Kadored (2001:'ma')

relatives d'un syntagme de lieu

Le complémenteur ma peut introduire la proposition relative d'un syntagme locatif. On trouve aussi la forme e-lec'h ma, 'là où'.


(1) an takadoù 'le' ma vez gwelet ar c'hi-dour.
le endroits lieu que est v.u le 5chien-eau
'les endroits (là) où on voit la loutre.'
Favereau (1997:§586)


élision de ma, ou e

Pour Kervella, ma peut être équivalent au rannig e, au moins dans cet exemple de construction du faux sujet.


(2) ar vro { e / ma } savas e di enni.
le 1pays R4/que éleva son1 maison en.elle
'Le pays où il a construit sa maison.'
Standard, Kervella (1947:§810)


L'alternance de ma avec e, conjuguée avec le fait que les prannigs ne se prononcent pas toujours, rend compte des cas rapportés d'élision de ma'. Selon Press (1986:186), lorsque le verbe de l'enchâssée est la forme locative emañ, le complémenteur ma peut n'être pas prononcé.


(3) Setu an ti (m') emaon o chom enn.
voici le maison (que) suis à4 rester en.lui
'Voici la maison où j'habite.'
Standard, Press (1986:186)


Favereau (1997:§585), qui cite Evenou (1989), note qu'à Lanvenejen ma est parfois élidé. Il donne un exemple avec la copule eo, et un autre où le rannig e apparaît en place de ma. Ce qui est élidé dans ces exemples est le résomptif dans la construction du faux sujet, avec sa préposition.


(4) an ti oa oc'h labourat
an ti ma oa oc'h labourat
le maison _[ø]_/C était à4 travailler
'la maison où il travaillait.'
Cornouaillais (Lanvenejen), Evenou (1989)
cité dans Favereau (1997:§585)


(5) an ti lec'h ec'h yaen da labourat.
le maison lieu _[ø]_ R+C,4 allais pour1 travailler
'la maison où il travaillait.'
Cornouaillais (Lanvenejen), Evenou (1989)
cité dans Favereau (1997:§585)


relatives d'un syntagme prépositionnel temporel

Les syntagmes temporels prépositionnels peuvent sélectionner comme argument une proposition finie introduite par ma.


(1) Plad Sant Alar, e poent ma veze bouchoù bihan, hennezh a veze traoù e-barzh.
plat Saint Éloi en moment que4 était poulain.s petit celui.là R était choses dedans
'À l'époque des poulains, le plat de Saint Éloi, il était bien garni.'
Léonard, Mellouet & Pennec (2004:58).


(2) e-pad ma oamp é kontiñ pemp ha pevar
pendant que4 étions à4 compter 5 et 4
'pendant que nous causions'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:22)


(3) araog ma oa deuet.
avant que4 était ven.u
'avant qu'il soit venu.'
Merser (2011:57)


élision de ma

Favereau (1997:§585) note qu'en Poher, ma est parfois élidé.


(4) an dez oa bet prenet
an dez ma oa prenet Équivalent standardisé
le jour _[ø]_/C était (été) achet.é
'le jour où il fut acheté'
Poher, Favereau (1997:§585)

relatives du prédicat

On voit le complémenteur ma apparaître dans les relativisations de prédicat comme en (2). Ces structures expriment la cause de la matrice à laquelle elles sont apposées.


(5) Ur baganez eo an hini e oa kentoc'h, stag ma oa _ ouzh brizhkredennoù...
un 1païenn.e est le celui R était plutôt attaché que4 était à mal.croy.ance.s
'C'était plutôt une païenne, attachée qu'elle était à des superstitions.'
Trégorrois (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:38)


(3) Da belec'h ez afent, er stad m 'emaint.

'Où iraient ils dans leur état ?'
Standard, Menard & Kadored (2001:'ma')


relatives réduites

Ma peut apparaître dans les relatives réduites.


(1) Evel ___ ma vez lavaret...
comme _[ø]_ que4 est d.it
'Comme on dit.'
Standard, Press (1986:206)


comparatives, 'que'

superlatif

On trouve ma dans les structures de comparaison au superlatif.


(4) [ grwɛ funapã mi hɛlɛχ ]
Gwrait fonnaplañ m'e helloc'h.
faites vite.le.plus que R pouvez
'Faites le plus vite possible.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:24)


evel ma

On trouve le complémenteur ma dans les propositions comparatives.


(1) evel ma ouezfe
comme si4 savait
'comme s'il savait'
Merser (2011:57)


Kervella (1972:36) regrette auprès d'un éditeur des modifications de phrases de evel ma, qu'il dit correspondre au sens voulu, en evel pa, qu'il pense grammatical mais de sens différent (sens qu'il aurait exprimé en koulz ha pa).

  • Evel ma vije bet un dra divizet en a-raok…
  • hag he stardañ evel ma vije bet ivez…


kement… ma…

Ma est parfois refusé dans les comparatives, comme en (2).


(2) Kement a vall e oa warnañ da vont kuit (* m' ) en neus lesket e holl draoù war e lerc'h.
autant de1 hâte R était sur.lui à1 aller parti R.3SGM a laiss.é son1 tout1 choses sur son1 suite
'Il était tellement pressé de partir qu'il a laissé toutes ses affaires.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2016)


la(r) ma

On le trouve aussi avec le complémenteur la(r) en cornouaillais.


(3) Ken pres 'oa warnon da guitaat la ma neus leset e aferioù war e lerc'h.
tant presse était sur.lui de1 quitter que que a laiss.é son affaires sur son suite
'Il était tellement pressé de partir qu'il a laissé toutes ses affaires.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (05/2016)


en composition

Ma apparaît en composé dans beaucoup de locutions conjonctives. Favereau (1993:'ma') note que dans la langue parlée, ma a tendance à disparaître dans ces locutions (a-benn(-ma), abaoe(-ma), e-kec'hid(-ma), evit(-ma), goude(-ma)...).


rak ma, 'car (à cause que)'

(1) Gallet en doa arboellañ rak ma c'houneze mat.
pu 3SGM avait économiser car que4 gagnait bien
'Il avait pu économiser car il gagnait bien.'
Standard, Menard & Kadored (2001:'rak')


daoust ma, 'bien que'

(2) daoust ma ouie.
bien.que que4 savait
'bien qu'il sût'
Merser (2011:57)


goude ma, 'bien que'

(3) goude ma ouezfe.
après que4 saurait
'bien qu'il sût'
Merser (2011:57)


dre ma, 'parce que'

(4) dre ma ouie.
par que4 savait
'parce qu'il savait'
Merser (2011:57)


(7) Ar bank en tan ne lakaer ket Dre ma vez an alc'hwez kollet.
le coffre en.le feu ne1 met.on pas par que4 est le clef perd.u
'On ne jette pas le coffre au feu pour en avoir perdu la clef.'
Littéraire Barzaz Breiz 177-178
cité dans Menard (1995:17)


gant ma, 'pourvu que'

(6) gant ma ouezo.
avec que4 saura
'pourvu qu'il sache'
Merser (2011:57)


e-keit ma, 'pendant que'

(7) Ur wech hepken, e c'hellis pakañ anezhi e-keit ma c'hoarzhe outi hec'h-unan (...)
un 1fois seulement R4 pus attraper P.elle [ pendant que4 riait à.elle son-un ]
'Une seule fois, je pus la surprendre pendant qu'elle riait toute seule (...)'
Standard, ar Barzhig (1976:24)


ken ma, 'tant que'

Les adverbes comme ken 'tant' sont suivis de ma4.

Lorsque le complémenteur ma4 introduit seul une exclamative, on peut suspecter qu'il y a là une ellipse de ken: ken ma> 'tant que'.


(8) … ha soroc'hal a rae, ma tlee beza klevet betek Toulzac'h, moarvat.
et grogner R faisait que4 devait être entend.u jusqu'à Toulzac'h probablement
'… et il grognait, à tel point qu'on devait probablement l'entendre jusqu'à Toulzac'h.'
Kerrien (2000:86)

setu ma, 'voici que'

(9) Setu ma fiñv ar skeudenn santel.
voici que4 bouge le image saint.e
'Voici que bouge l'image sainte.'
Standard, Drezen (1990 :11)


a-vuzul ma, 'à mesure que'

(1) [ betad ǝrǝt avǝzǝl mi frasǝt ]
Betaat a rit a-vuzul m'eh vrasait.
bête.devenir R faites à-mesure que4 R+C grand.issez
'Vous devenez plus bête en grandissant.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:26)

Stylistique

Le verbe de la proposition peut être repris en périphérie droite de la phrase, précédé de ma.


(2) N'oan ket kalz ouzhpenn daouzek vloaz 'poan chomet er gêr dac'h ar skol, ma'z oan.
ne1 étais pas beaucoup au.delà douze1 an quand1 étais rest.é à.le 1foyer de le école que/si4, +C étais
'Je n'avais pas beaucoup plus de douze quand je suis restée à la maison pour aller à l'école.'
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:7)


Bibliographie

horizons comparatifs

  • Haegeman, Liliane. 2012. Adverbial Clauses, Main Clause Phenomena, and Composition of the Left Periphery, The Cartography of Syntactic Structures 8, Oxford Studies in Comparative Syntax.
  • Spitzer, Léo. 1923. 'Etymologien', Archivum Romanicum 11, 245-250. [! ref citée, mais non-accessible vu les dates, le 11 est peut-être un 2 romain].