Les pronoms écho

De Arbres

Cette fiche documente les pronoms écho, comme illustrés en (1).


(1)a. M'eus ket soñj pegement a dud oant ind.
moi a pas souvenir combien de gens étaient eux
'Je ne me rappelle pas combien ils étaient' Vannetais (Arradon), Audic (2011:17)


(1)b. C'hwi 'zo c'hwi un c'hwil.
vous est-vous un loustic
'Toi, tu es un loustic.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:76)


(1)c. Va mab-me a zo aet gantañ.
mon fils-moi R est allé avec.lui
'Mon fils à moi est parti avec lui.' Cornouaille (Pleyben), Ar Floc'h (1950:157)


Une étude descriptive et une analyse solide de ces pronoms restent à faire (voir Favereau 1997:§247 pour quelques pistes).

Il est important de distinguer un pronom écho d'un pronom sujet fort indépendant. Il est aussi important de distinguer un pronom écho des différents pronoms objets qui ont eux-mêmes plusieurs paradigmes distincts:

objet postverbal d'un impératif, objet postverbal d'un infinitif, objet postverbal après le verbe ‘avoir’..


Morphologie, accentuation

paradigme morphologique distinct

Les pronoms écho ont un paradigme partiellement distinct des pronoms forts indépendants (contra de Rostrenen 1738:66).

Guillome (1836:32) note par exemple que si le pronom fort 2PL est toujours réalisé comme hui, le pronom postverbal écho 2PL est lui ou bien réalisé comme hui ou bien comme hu. Le trégorrois Le Bozec (1933) note c'houi le pronom fort 2PL, mais -hu le pronom écho 2PL (p.46).

On voit en (1) que le breton standard garde vivante cette distinction sur la personne 3PL:

(1) E savanenn Afrika ez eus laboused ampart hag int-i gwiaderien.
dans savane Afrique R est oiseaux habiles et eux- 3PL écho tisserands
'Il existe dans la savane africaine des oiseaux habiles qui sont tisserands.' Al Liamm (346:115)


Pour le bas-vannetais, Cheveau (2007:133) note plusieurs différences entre les paradigmes des pronoms forts et des pronoms 'suffixés emphatiques': la 1SG est toujours [mɛ̃ɲ], et les personnes 2 et 3 marquent un [h] initial.

(2) ɟənɛ̃ɲ > ɟənɔmɛ̃ɲ ; ɛjdɛ̃ɲ > ɛjdɔmɛ̃ɲ
ganin ganin-me evidon evidon-me
'avec moi' > 'avec MOI.'; 'pour moi' > 'pour MOI' Cheveau (2007:133)


A Plozévet, dans une partie de Cornouaille qui a perdu la distinction entre tutoiement et vouvoiement, le pronom écho a une morphologie particulière: il apparaît avec une combinaison de singulier et de pluriel (Trépos 1980:94). Cette combinaison est propre aux pronoms écho. Le pronom fort indépendant correspondant étant /fi/ (Goyat (2012:244).

(3) ho puoc'h -t -hu
votre vache ('te' = 2SG) 2PL Cornouaillais, (Trépos 1980:94)


(4) /'pe:a ˌres tu/
Petra a rez-t-hu ?
quoi R fais-2SG.2PL
'Que fais-tu / Que faites-vous ?', Plozévet, Goyat (2012:244)

accentuation

En KLT, l'accent tombe régulièrement sur la pénultième syllabe. En (1), on voit que le pronom écho d'un possessif, lui-même non-accentué, est visible pour le système accentuel.


(1) [ma 'hwi me] ma hini-me 'le mien'
[ ma 're me] ma re-me 'les miens ou les miennes' Plozévet, Goyat (2012:127)


La question de l'accentuation des pronoms écho, et donc de leur statut plus ou moins affixal, reste ouverte.

Trépos (2001 [1968] :124) pose que les pronoms écho bretons sont non-accentués, mais lorsqu'il distingue les formes post-verbales pré-négation et post-négation, il considère que la forme post-négation est forcément accentuée (donc plutôt une forme de dislocation à droite). Trépos (2001 [1968]:125) note aussi que la forme de troisième personne est accentuée dans ... a lavar-eñ. (/rannig dit-il/, '...dit-il...').

Gros (1974:139) note avant une liste d'exemples de pronoms écho que "le pronom emphatique est fortement accentué, quelle que soit sa place dans la phrase".

modification

Un pronom écho peut être modifié par le focalisateur ivez, 'aussi'.


(x) Goût a ra hi-ivez petra eo poan ur vamm...
savoir R fait elle-aussi quoi est peine un1 mère
'Elle sait, elle aussi, la peine que ressent une mère...'
Vannetais, Ar Meliner (2009:165)


pronoms écho doublés

En trégorrois tout du moins, les pronoms écho peuvent eux-même être doublés (Gros 1984:62,63).

  • din-me-me (/à.1SG-1SG-1SG/; 'à moi')
Da biou out-te-te, mabig? (/à1 qui es.2SG-2SG-2SG, fils.petit/; 'le fils de qui es-tu mon petit garçon?')
deom-ni-ni (/à.1PL-1PL-1PL/; 'à nous')...


(6) Piv oh -hu -hu? ... Petra a hoari deoh -hu -hu?
qui êtes -2PL -2PL ... quoi R joue à.vous -2PL -2PL
'Qui êtes vous, vous? Qu'est-ce qui vous prend?'

Effet sémantique

Les pronoms dits ‘écho’ sont utilisés pour un effet d'emphase (de Rostrenen 1738:66), dit de 'focus'.

Il existe différentes alternatives pour focaliser un élément en breton (obtenir un effet d'emphase): soit on met cet élément devant l'élément tensé, soit on double l'élément focalisé en utilisant un pronom écho.

Lorsque deux éléments doivent être focalisés dans une même phrase, l'une ET l'autre alternative doivent être utilisées, car aucune des deux alternatives ne peut être utilisée deux fois dans la même phrase.

Le pronom écho est optionnel: toute systématicité mettrait en doute l'effet sémantique d'emphase.

Favereau (1997:108) signale pour le vannetais qu'après un possessif, le pronom écho est systématique. L'effet d'emphase est donc à vérifier.

Par ailleurs, l'usage précis du pronom écho reste à déterminer avec précision. Un effet de focus peut par exemple être contrastif ou non.

Pour le parler de Tréguier, Le Dû (2012:47) signale un effet 'adversatif' (= focus contrastif) sur les pronoms écho.

Distribution

Les pronoms écho peuvent doubler:

une forme pronominale incorporée dans un verbe sujet
une forme pronominale ou DP sujet
un faux sujet
un objet
l’objet d’une préposition
un déterminant possessif


sujet

Le pronom écho peut doubler un sujet pronominal incorporé.


(1) Levrioù a lennit-hu
livres R lisez.2PL-2PL
'VOUS, vous lisez DES LIVRES.'


(2) - clévet oc'h eus-hu ar c'hloc'h?
entendu 2PL a-2PL le cloche
-'Avez-vous entendu la cloche?' Vannetais, de Rostrenen (1738:180)


(3) Met ne selle ket- doc'h ar re-se.
mais ne regardait pas-3SGM à le ceux-
'Mais lui ne les regardait pas.' Vannetais, ar Meliner (2009:16)


  • Bezent-i digass ha lezirek!, 'Qu'ils soient négligents et paresseux!', Vallée (1926:18)


Le pronom écho peut aussi doubler un pronom sujet préverbal.


(4) Ha neuze, ni a vrunelle-ni rac'h àr-un-dro: "'D eo ket gwir, 'd eo ket gwir!"
et alors nous R protestait.3SG-nous tous sur-le-tour ne est pas vrai ne est pas vrai
'Et nous de protester, tous en chœur: "C'est pas vrai, c'est pas vrai!".'
Vannetais, introduction ar Meliner (2009:18)


(5) c'hwi zo-c'hwi, morwalc'h, èl ar re 'rall ivez.
vous est-vous sans.doute comme le ceux autre aussi
'Et tu es sans doute comme les autres, toi aussi.'
Vannetais, Ar Meliner (2009:178)


(6) Daoust hag alïes [...] n'hon deus-ni ket e zouget war hent an ifern?
est-ce que souvent ne 1PL a-nous pas le porté sur route le enfer
'Ne l'avons-nous pas souvent porté sur la route de l'enfer?' Léon, Perrot (1912:842)


Le pronom écho peut enfin doubler un pronom silencieux d'infinitive.


(6) Evit bout koh.
pour être moi vieux
'Bien que je sois vieux.' vannetais, Guillevic & Le Goff (1986:99)

faux sujet

(5) C'hwi 'zo -hu brav ho ti.
vous R est -vous belle votre maison
'VOUS, votre maison est belle.'

objet

(6) /møs ke 'ɡɥɛl ˌhãxtu/
’Meus ket gwelet ahanoh-t-hu.
(ne) ai pas vu P.2-écho
'Je ne t’ai pas vu.', Plozévet, Goyat (2012:246)

objet d'une préposition

 L'ALBB documente la variation dialectale dans les réalisations de traductions de prépositions fléchies:
   carte 106, traduction de 'à moi'
   carte 107, traduction de 'à toi, à vous'
   carte 108, traduction de 'à lui, à elle' 
   carte 109, traduction de 'à nous'
   carte 110, traduction de 'à eux'
 
 On y trouve, surtout en vannetais et en Léon, quelques pronoms écho.
 


(3) ganeoc'h-hu
avec.vous-vous
'avec VOUS'


Le trégorrois permet d'antéposer un pronom objet incorporé dans une préposition pour les personnes 1 et 2. Un pronom écho est alors possible (Gros 1984:119: Ahanout-te a dapan, emezañ). L'asymétrie 1/2 vs. 3 personne sur l'objet focal préverbal est indépendant du pronom écho (contra Hewitt 2001).

possessif

Le pronom écho peut doubler un déterminant possessif de l'autre côté de la tête nominale.


(4) ho ti-hu
votre maison-vous
'votre maison à VOUS'


Selon Kervella (1995:§434), le pronom écho ne peut pas focaliser un possesseur après la tête nominale anaphorique hini / re (*e hini-eñ, *hi re-hi, *o hini-i). Le pronom écho devrait alors être incorporé dans la préposition da.


(x) e hini dezhañ, he re dezhi, o hini dezho

'le SIEN (à lui)', 'les SIENS (à elle)', 'les LEURS (à eux)'


Cependant, on trouve cette forme en corpus vannetais:


(5) ... da lennerion a zo ar brezhoneg o lavar pemdeziek, èl m'ema hon hani-ni.
à lecteurs R y.a le breton leur langue quotidien comme que est notre N-nous
'... aux lecteurs dont la langue quotidienne est le breton comme c'est le cas chez nous.'
Vannetais, ar Meliner (2009:11)

Variations dialectales

L'usage des pronoms écho, de dialecte en dialecte, peut être plus ou moins répandu. Bouzeg (1986:31) note par exemple que les prépositions conjuguées sont souvent augmentées en haut-cornouaillais.


variations dans le paradigme

Il est possible que toutes les personnes du paradigme ne se comportent pas de la même façon.

Dans l'ALBB, on trouve une belle répartition dialectale du pronom écho à la première personne dans la carte 208, alors qu'on en trouve peu ou aucun à la troisième personne avec la même préposition gant, 'avec' dans la carte 214.

Trépos (2001:§442) note que le paradigme des pronoms écho est défectif, avec une restriction aux personnes 1 et 2. On retrouve la même restriction dans Goyat (2012:227, 250), où le paradigme des échos de personne 3 est suppléé par les formes intégrées à la préposition support da.


(1) 1SG ma2 zi-me 'ma maison (à moi)'
1PL on5 ti-ni 'notre maison (à nous)'
2SG, 2PL ho3 ti-t-hu 'votre maison (à vous)'
3SGM e1 di dez 'sa maison (à lui)'
3SGF he2 zi dezi 'sa maison (à elle)'
3PL o2 zi dezo 'leur maison (à eux/elles)' Plozévet, basé sur Goyat (2012:250)


Trépos (2001:§443) précise que les pronoms post-tensés de personne 3 sont de "vrais sujets". Il ne fournit pas d'argument pour étayer cette affirmation.

Selon Trépos, le pronom écho à la troisième personne est un trait du dialecte trégorrois. En trégorrois, Le Dû (2012:47) rapporte effectivement un paradigme complet de pronoms écho après les possessifs.


(2) 1SG me2 bugalé mẽ 'mes enfants (à moi)'
1PL õm2 bugalé nim 'nos enfants (à nous)'
2SG de1 vugalé 'tes enfants (à toi)'
2PL ó3 pugalé hwi 'vos enfants (à vous)'
3SGM i1 vugalé 'ses enfants (à lui)'
3SGF i2 bugalé hi 'ses enfants (à elle)'
3PL ó2 bugalé i 'leurs enfants (à eux/elles)' Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:47)

Comportement syntaxique erratique

visibilité syntaxique

L'accord verbal ne voit pas les pronoms écho. En (1), on voit que le pronom écho n'est pas considéré comme un pronom sujet puisqu'il ne permet pas un accord pauvre.


(1) Levrioù a lenn(it)* -hu
livres R lis.3SG-vous
'VOUS, vous lisez des LIVRES.'


Dans le dialecte de Lanijen, étudié par Evenou, le verbe kaout, 'avoir' suit la même règle que les autres verbes (effet de complémentarité). Les pronoms écho apparaissent avec l'accord riche.


(2) [ nɵne s̈Omɵ pe:l dyzɵn ]
En deunt-i chomet pell du-se
R.3SGM ont-eux resté loin chez eux
'Ils sont restés longtemps chez eux/là-bas.'
Haut-cornouaillais (Lanijen), Evenou (1987:573)


Les pronoms écho n'ont pas non plus besoin d'être autorisés casuellement par une tête fonctionnelle. Leurs paradigmes ressemblent plus à celui des pronoms au cas direct qu'à celui des pronoms au cas oblique.

site d'apparition mouvant

après un pronom

Le pronom écho suit immédiatement un pronom direct indépendant comme on l'a vu en (1).


(1) E savanenn Afrika ez eus laboused ampart hag int-i gwiaderien.
dans savane Afrique R y.a oiseaux habiles et eux-eux tisserands
'Il existe dans la savane africaine des oiseaux habiles qui sont tisserands.' Al Liamm (346:115)


au-dessus de la négation

Il apparaît cependant la plupart du temps cliticisé sur le verbe tensé, au-dessus du site de la négation.


(1) Na pet gwech ne'm eus-me ket klevet tud vat o lavarout (...)
et combien fois ne 1SG ai-moi pas entendu gens bon à dire
'Combien de fois n'ais-je entendu de bonnes gens dire (...)'
Standard, Kervella (1933:62), voir aussi Kervella (1947:§242)


(2) Daoust hag alïes [...] n'hon deus-ni ket e zouget war hent an ifern?
est-ce que souvent ne 1PL a-nous pas le porté sur route le enfer
'Ne l'avons-nous pas souvent porté sur la route de l'enfer?'
Léon, Perrot (1912:842)


(3) Kathleen n'eman-hi ket aze !!
Kathleen ne est-elle pas ici
‘Kalthleen (elle) n'est pas ici!’ traducteur de Derib (1983:8)


(4) Petra, emezon-me, n'out-te ket da Varianna?
quoi dis.1SG-moi ne es-toi pas à1 Marianne
'Comment, dis-je, n'es-tu pas un fils (ou une fille) à Marianne?' Trégorrois, Gros (1970:154)


Dans des écrits plus anciens aussi, comme ceux de de Rostrenen au XVIII° siècle, le pronom écho apparaît bien au-dessus de la négation post-verbale (3).


(3)a Pe evit tra ne leveres-te qet an dra-man-dra?
que pour chose ne dis-tu pas le chose-là-chose
'Que ne dis-tu telle chose?' de Rostrenen (1738:62)


(3)b Pe rag tra ne res-te qet qemeñ-ze?
que car chose ne fais-tu pas autant-ci
'Que ne fais-tu cela?' de Rostrenen (1738:62)

au-dessous de la négation

Ce site d'apparition est cependant mouvant à travers les dialectes. Des pronoms écho peuvent apparaître plus bas, par exemple sous la négation (cf. Stump 1989b:435, discutant les données de Borsley et Stephens 1989). De tels exemples sont attestés en vannetais du XIX° (4b). Pour Cheveau (2007:209), en bas-vannetais moderne, le pronom écho est toujours placé après la négation.


(4)a. Ne lennit (-hu) ket (-hu).
ne lisez -2PL pas -2PL
'Vous ne lisez pas.'


(4)b. perac ... n’ hun es chet ni sentet avel guir bugalé?
pourquoi ... ne 1PL a pas nous obéi comme vrai enfants
‘Pourquoi... ne nous sommes nous pas obéi comme de vrais enfants?’ Vannetais 1849, LLB-41, cité par Hemon (2000:124)


(4)c ʃǝ mɛ̃ɲ ɟɥelǝt.
meus ket me gwelet
ai.1SG pas moi vu
‘Moi je n'ai pas vu.’ Bas-vannetais, Cheveau (2007:209)

au milieu de la négation

Le pronom écho monte très évidemment à partir d'un site d'insertion plus bas dans la structure. En (5)a, le pronom écho a bougé en laissant derrière lui son modificateur ho-taou. En (5)b, le pronom écho interrompt le groupe de la négation postverbale ket mui.


(5)a ma c'halon a lâr din e tahet-c'hwi c'hoazh _ ho-taou da bardona amañ.
mon coeur R dit à.moi R viendrez-vous encore votre-deux pour "pardonner" ici
'Mon cœur me dit que vous reviendrez, tous les deux, faire le pardon ici.'
Vannetais, Ar Meliner (2009:107)


(5)b Ne vin ket me mui amañ é kennig dour deoc'h.
ne serai.1SG pas moi plus ici à proposer eau à.vous
'Moi, je ne serai plus là à vous offrir de l'eau.'
Vannetais, Ar Meliner (2009:107)

clitique objet de 'kaout'

Les pronoms écho peuvent apparaître au-dessus du clitique objet du verbe kaout, 'avoir' en (6). Cependant, en vannetais, tout du moins, le pronom écho sujet peut flotter sous le pronom objet du verbe 'avoir', comme en (7) (voir aussi l'exemple d'Herrieu plus bas).


(6) perac e h-eus-te int laset?
pourquoi R 2SG-Aux-toi eux tué
'Pourquoi les as-tu tués?' XVIII°, BD:509 cité en Hemon (2000:124)


(7) mǝs hi mɛ̃ɲ kle:wǝt
ai.1SG 3SGF 1SG.écho entendu
'Moi je l'ai entendue.' Bas-vannetais, Cheveau (2007:209)

particule 'bet'

On trouve le pronom écho plus haut que la particule bet.


(8) [he wije pig̈is wa be daj c̈wiT]
Int a ouie pegiz (e)c'h oa-eñ bet deuet kuit.
eux R savait comment R était-lui ptc venu parti
'Eux savaient comment il était parti.' Haut-cornouaillais (Lanijen), Evenou (1987:575)


On trouve aussi le pronom écho plus bas que la particule bet. Fave (1998:136) semble reconnaître les deux possibilités et note même sa préférence, en breton du Léon (Cleder), pour le pronom écho situé après la particule bet.


(6c) un enebour dispar oa bet-eon
un ennemi sans.pareil était été lui
‘Il avait été un ennemi hors pair.’ Sud Cornouaille, An Orignal, p.45.


(6d) ... ma viemp bet ni degourdi...
si étions été nous dégourdi
'...si nous avions été dégourdis...' Bas-Cornouaillais (Tréboul), Hor Yezh (1983:76)

participe + incise + adverbe + écho

(5) Me zo bet [ouezan ket 'ta marse...] marse me teir gwezh
moi est été sais pas donc peut-être peut-être moi 3 fois
ged man den é weled er Point du jour ase...
avec mon homme à voir à.le (nom de café)
'Moi, je suis peut-être allée trois fois avec mon mari les voir au "Point du jour" ici...'
Vannetais (Arradon), Audic (2011:15)

participe

En Cornouaillais, des pronoms écho sont signalés flottant sous un participe (German 2007:174).


(1) N’oun ket hann ema chomet haoñ ba'n ger.
ne-sais.1SG pas si est resté lui à le maison
'Je ne sais pas s'il est resté à la maison.'
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (2007:174)


(2) Ha n'oe selaouet anezhañ da wel pelec'h vie bet aretet
et 3SGM avait écouté P.lui pour voir serait été arrêté
ha oa aretet deus kostez an ti du-se.
et était arrêté lui de côté le maison chez.2
'Et il avait écouté pour savoir où il s'arrêterait, et il s'était arrêté du côté de cette maison.'
Cornouaillais (Le Juch), Hor Yezh (1983:8)


(3) Benn oa deuet hi un tammig 'ba' 'n hent.
quand était avancée elle un petit.peu dans le chemin
'Quand elle fut avancée sur la route.' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:III)


Les exemples cornouaillais ci-dessus ne montrent que des arguments internes, mais on trouve des pronoms échos sujets agents en trégorrois.


(3) Lavaret e oa bet he-devoa lahet hi anezañ.
dit R était été avait tué elle P.lui
'Il avait été dit que c'est elle qui l'avait tué.' Trégorrois, Gros (1974:139)


Dans les variétés de langue où le pronom écho apparaît sous le participe, le pronom écho n'est pas distinguable d'un pronom fort indépendant.

Compatibilité avec un résomptif

Stephens (1982:254-5) montre que les pronoms écho sont possibles avec des résomptifs, mais pas à la troisième personne.


Me a sonje din-me ne vije ket arruet.
te a gaso an traou-se ganit-te.
En a gav dezha(*-en) eo brav ar vro.
Int a vez roet re a labour dezho(*-int).


Gwelet em eus e dad-en.

mais pas

Yann en deus kavet e dad(*-en)


Cependant, on trouve des pronoms résomptifs 3SG en vannetais, au moins à l'intérieur d'un adjoint comme en (1).


(1) Ret eo bout graet ar vicher-se e-pad pevar blez bennak
forcé est être fait le métier- pendant quatre an quelconque
... èl m' em-eus -hi -me great evit kompren pegen divourrus eo
... comme que [j'ai] -3SG.F-1SG fait pour comprendre combien déplaisant est
'Il faut avoir fait ce métier pendant quatre ans comme je l’ai fait (moi) pour comprendre combien c’est déplaisant.'
Vannetais, Herrieu (1974:54)

Enjeux théoriques

L'enjeu commence au niveau descriptif car nous avons une image très floue de la distribution des pronoms écho.

Sémantiquement, le contraste reste à saisir entre l’effet ‘d’insistance’ produit par les différents pronoms exemplifiés ci-dessus (pronoms écho sujets, objets de ‘avoir’ ou d’un verbe à l’impératif) et les phénomènes de résomption du sujet où, à la troisième personne et avec une négation, un pronom d’insistance apparaît en fin de phrase, incorporé dans une préposition support sémantiquement vide.

Cette tournure est connue comme un signe prototypique du Sud Finistère (Trépos 2001 [1968], Blanchard 2004 :26). La phrase ci-dessous est tirée de Trépos (2001 [1968] :125).


(11) Ne wel netra anez-i
ne voit rien P-elle
'Elle ne voit rien.'


L'utilisation des pronoms écho comme pronoms résomptifs est d'autant plus étonnante que Hendrick (1988:44) montre l'incompatibilité des pronoms écho et résomptifs en gallois.


Horizons comparatifs

La documentation des paradigmes pronominaux est aussi un enjeu théorique important dans une perspective comparative, surtout avec les autres dialectes brittoniques (gallois, cornouaillais).

La littérature galloise distingue des ‘pronoms auxiliaires’ qui correspondent partiellement aux pronoms écho du breton. La comparaison est fructueuse pour deux raisons (voir Jouitteau et Rezac 2006) :

(i) le système pronominal gallois a été l’objet d’analyses fines (Rouveret 1991, Koopman 1999, Sichel 2001 entre autres)

et (ii) ces analyses contrastent aisément les deux systèmes en apportant des questions nouvelles.

Les pronoms doublés du gallois ne sont pas des formes faibles mais des pronoms indépendants. Rouveret (1991), Koopman (1999), et Sichel (2001) proposent que le pronom incorporé et son double écho proviennent d’un même syntagme nominal, à la façon du doublage clitique dans le domaine roman.

Cette hypothèse prédit correctement pour le gallois que lorsque le pronom n’est pas incorporé, les deux formes peuvent apparaître in situ, et que le pronom écho peut apparaître dans des positions de syntagmes nominaux pleins. Ces deux prédictions seraient fausses pour le breton. La position pré-négation n’est par exemple pas accessible pour un pronom écho.

Bibliographie

Analyses théoriques

  • Koopman, H. 1999. The internal and external distribution of pronominal DPs, Beyond Principle and Parameters, Kyle Johnson and Ian Roberts (eds.), Dordrecht, Kluwer.
  • Rezac , M. 2004. ‘The EPP in Breton: An unvalued categorial feature’, Triggers, Studies in Generative Grammar, A. Breitbarth & H. v. Riemsdijk, Mouton de Gruyter.
  • Rouveret, Alain. 1991. Functional categories and Agreement. The Linguistic Review 8:. 353-387.
  • Stump, G. T. 1989. Further remarks on Breton agreement: A reply to Borsley and Stephens, Natural Language and Linguistic Theory, 7:429-71.
  • Sichel, I. 2001. Studies in the syntax or pronouns and features, with particular reference to Hebrew. PhD. ms. City University of New York.

Descriptions de la variation dialectale

  • Blanchard, N. 2004. ‘L’utilisation pédagogique des textes du concours ‘Ar Falz’’ La Bretagne Linguistique 13, numéro spécial Dialectologie et Géolinguistique, CRBC : UBO, Brest, 13-30.
  • Cheveau, L. 2007. Approche phonologique, morphologique et syntaxique du breton du grand Lorient, PhD. Thesis. (disponible sur son site).
  • German, G. 2007. 'Language Shift, Diglossia and Dialectal Variation in Western Brittany:the Case of Southern Cornouaille', The Celtic languages in contact : Papers from the workshop within the framework of the XIII International Congress of Celtic Studies, Bonn, July 2007, Hildegard L. C. Tristram (ed.), Postdam. pdf.
  • Guillome J. 1836. Grammaire francaise bretonne, contenant tout ce qui est nécessaire pour apprendre la langue bretonne de l’idiome de Vannes, Vannes : J.M. Galles. Preview
  • McKenna, M. 1978. The Breton of Guémené-sur-Scorff, Bas Vannetais, Part II: A Morphology of the verb. ZCP 35, 199-247; ZCP 37, 249-277.
  • de Rostrenen, G. 1738. Grammaire Françoise-Celtique ou Françoise-Bretonne qui contient tout ce qui est nécessaire pour apprendre par les Règles la langue celtique ou bretonne, Roazhon : Vatar, 1738. In-12 : XVI-192 p. ([réédition Alain Le Fournier, Brest], [réédition 2008 Al Lanv])


  • Ternes, E. 1970. Grammaire structurale du breton de l’Ile de Groix, Carl Winter, Heidelberg.
  • Trépos, P. 2001 [1968, 1980, 1996], Grammaire bretonne, 1968 édition Simon, Rennes.- 1980 édition Ouest France, Rennes; 1996, 2001 édition Brud Nevez, Brest.

Spécialistes référents pour cette fiche thématique de collectage

Milan Rezac, CNRS, UMR 7023 Université Paris 8