Les pronoms écho

De Arbres

Les pronoms echoiques

Les pronoms dits ‘échoiques’ sont utilisés pour un effet d'emphase.

Ils doublent typiquement une forme pronominale incorporée dans un verbe, un pronom possessif ou l’objet d’une préposition.

Les pronoms échoiques peuvent également doubler un syntagme nominal sujet, ou plus intéressant encore, qui n’est pas thématiquement le sujet (Jouitteau & Rezac 2006).

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(1) a. Levrioù a lennit -hu
livres rannig lisez.2PL vous.2PL
'Vous lisez'

1) Levrioù a lennit﷓hu/*lenn﷓hu. books ® read﷓2.PL﷓you/*read﷓2.PL﷓you You read books.

2) C'hwi zo﷓hu/*oc'h﷓hu brav ho ti. You be﷓3.SG﷓you/be﷓2.PL﷓you beautiful your house Your house is beautiful.

3)a. Ganeoc'h﷓hu/*gant﷓hu. b. ho ti﷓hu with﷓2.PL﷓you/*with﷓you your house﷓you With you. Your house.

Les pronoms échoiques peuvent flotter plus bas que le verbe tensé, par exemple sous la négation (cf. Stump 1989b:435, discutant les données de Borsley et Stephens 1989).

4) Ne lennit(﷓hu) ket(﷓hu). NEG read﷓2.PL(﷓you) NEG(﷓you) You do not read.

Une étude descriptive de ces pronoms reste à faire.

Ils ont un paradigme partiellement distinct des pronoms sujets forts, mais dont la variation n’est cependant pas documentée de manière consistante (voir Favereau 1997 :§247 pour quelques pistes). La question de leur accentuation, et donc de leur statut plus ou moins affixal, reste ouverte.

Accentuation

Trépos (2001 [1968] :124) pose que les pronoms échoiques bretons sont non-accentués.

Il contraste par exemple les formes post-verbales pré-négation et post-négation ci-dessus en considérant que la forme post-négation est forcément accentuée (donc plutôt une forme de dislocation à droite).

Cependant, Trépos (2001 [1968]:125) note aussi que la forme de troisième personne est accentuée dans ... a lavar-eñ. (/rannig dit-il/, '...dit-il...'), ce qui semble contredire sa propre généralisation.

asymétrie 1/2 personne pour l'objet préverbal

Hewitt (2001) signale qu’en breton du Trégor, l’emphase sur un objet initial est obtenu avec un pronom échoique pour les deux premières personnes.

En contraste, l’emphase (contrastive dans son exemple) sur un objet préposé de troisième personne requiert l’usage d’un pronom démonstratif.

6) a. Anout-te meus gweled. b. Heñv meus gweled, pas hiņt. P-2SG.2SG [j’ai] vu dem.2SGM [j’ai] vu pas eux Je t’ai vu, toi. C’est lui que j’ai vu, pas eux.

Ces faits du trégorois sont d’autant plus surprenants qu’un pronom objet n’est pas censé apparaître dans une préposition en position préverbale de focus (Jouitteau 2005).

Objet postverbal d’emphase après le verbe ‘avoir’

Les pronoms échoiques sont parfois confondus, parfois contrastés avec le pronom objet postverbal d’emphase après le verbe ‘avoir’.

En vannetais tout du moins, les pronoms échoiques et les pronoms d’insistance sur l’objet du verbe ‘avoir’ doivent être contrastés : dans l’exemple ci-dessous tiré d’un texte de Loeiz Herrieu (Kammdro an ankou p. 54), ils co-occurrent, le pronom objet apparaissant plus proche du cœur du complexe que le pronom échoique sujet.

7) Ret eo bout graet [ar vicher-se]i e-pad pevar blez bennak forcé est être fait le métier-là dans.durée quatre année quelconque èl m’emj eus-hii -mej graet evit kompren pegen divourrus eo. comme C [ j’ai ]-3.SGF-1SG fait pour comprendre combien déplaisant est ‘Il faut avoir fait ce métier pendant quatre ans comme je l’ai fait (moi) pour comprendre combien c’est déplaisant.’

Favereau (1997 :§247) signale des variations dialectales dans la restriction à la troisième personne de l’objet pronominal focalisé comme en (30)a. Par ailleurs, il note une variation dialectale dans l’optionalité du pronom objet d’un impératif comme en (30)b.

8) a. Torret feus-hañ. b. lennit-hañ cassé as-3SG.M lisez-3SG.M Tu l’as cassé. Lisez-le.

Enjeux théoriques

Sémantiquement, le contraste reste à saisir entre l’effet ‘d’insistance’ produit par les différents pronoms exemplifiés ci-dessus (pronoms échoiques sujets, objets de ‘avoir’ ou d’un verbe à l’impératif) et les phénomènes de résomption du sujet où, à la troisième personne et avec une négation, un pronom d’insistance apparaît en fin de phrase, incorporé dans une préposition sémantiquement vide.

Cette tournure est connue comme un signe prototypique du Sud Finisterre (Trepos 2001 [1968], Blanchard 2004 :26).

9) Ne wel netra anezi. (Trepos 2001 [1968] :125) neg voit rien P-elle ‘Elle ne voit rien.’

Horizons comparatifs

La documentation des paradigmes pronominaux est aussi un enjeux théorique important dans une perspective comparative, surtout avec les autres dialectes brittoniques (gallois, cornouaillais).

La littérature galloise distingue des ‘pronoms auxiliaires’ qui correspondent partiellement aux pronoms échoiques du breton. La comparaison est fructueuse pour deux raisons (voir Jouitteau et Rezac 2006) :

(i) le système pronominal gallois a été l’objet d’analyses fines (Rouveret 1991, Koopman 1999, Sichel 2001 entre autres)

et (ii) ces analyses contrastent aisément les deux systèmes en apportant des questions nouvelles.

Les pronoms doublés du gallois ne sont pas des formes faibles mais des pronoms indépendants. Rouveret (1991), Koopman (1999), et Sichel (2001) proposent que le pronom incorporé et son double échoique proviennent d’un même syntagme nominal, à la façon du doublage clitique dans le domaine roman.

Ceci prédit correctement pour le gallois que lorsque le pronom n’est pas incorporé, les deux formes peuvent apparaître in situ, et que le pronom échoique peut apparaître dans des positions de syntagmes nominaux pleins. Ces deux prédictions seraient fausses pour le breton. La position pré-négation n’est par exemple pas accessible pour un pronom echoique.

Bibliographie

Analyses théoriques

Borsley, R. D. & J. Stephens. 1989. ‘Agreement and the position of subjects in Breton.’, Natural Language and Linguistic Theory 7, 407-427.

Koopman, H. 1999. The internal and external distribution of pronominal DPs, Beyond Principle and Parameters, Kyle Johnson and Ian Roberts (eds.), Dordrecht, Kluwer.

Rouveret, Alain. 1991. Functional categories and Agreement. The Linguistic Review 8:. 353-387.

Stump, G. T. 1989. Further remarks on Breton agreement: A reply to Borsley and Stephens, Natural Language and Linguistic Theory, 7:429-71.

Sichel, I. 2001. Studies in the syntax or pronouns and features, with particular reference to Hebrew. PhD. ms. City University of New York.

Descriptions de la variation dialectale

Blanchard, N. 2004. ‘L’utilisation pédagogique des textes du concours ‘Ar Falz’’ La Bretagne Linguistique 13, numéro spécial Dialectologie et Géolinguistique, CRBC : UBO, Brest, 13-30.

Favereau, F. 1997. Grammaire du breton contemporain. Morlaix: Skol Vreizh.

Hewitt, Steve 2001. Notes sur le breton du Tregor.

Trépos, P. 2001 [1968, 1980, 1996], Grammaire bretonne, 1968 edition Simon, Rennes.- 1980 edition Ouest France, Rennes; 1996, 2001 edition Brud Nevez, Brest.