Différences entre les versions de « Les pronoms écho »

De Arbres
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| (2) || ɟəñ̃̃ɛɲ||> ||ɟənɔ'''m̃̃ɛɲ''' ||; || ɛjd˜ɛɲ||> ||ɛjdɔ˜'''m̃̃ɛɲ'''
| (2) || ɟənɛ̃ɲ||> ||ɟənɔ'''mɛ̃ɲ''' ||; || ɛjdɛ̃ɲ||> ||ɛjdɔ'''mɛ̃ɲ'''
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| ||ganin ||  || ganin-me || || evidon || || evidon-me
| ||ganin ||  || ganin-me || || evidon || || evidon-me

Version du 18 janvier 2010 à 15:49

Cette fiche documente les pronoms écho, comme illustré en (1).


(1) Penaos ' rin-me evit mont e kêr ...
comment R ferai.1SG-1SG pour aller P ville
'Comment vais-je faire, moi, pour aller en ville?' standard, Al Lotuz Glas (2002:30)


Une étude descriptive et une analyse solide de ces pronoms reste à faire (voir Favereau 1997 :§247 pour quelques pistes).

Il est important de distinguer un pronom écho d'un pronoms sujet fort indépendant. Il est aussi important de distinguer un pronom écho des différents pronoms objet qui ont eux-même plusieurs paradigmes distincts:

objet postverbal d'un impératif, objet postverbal d'un infinitif, objet postverbal après le verbe ‘avoir’..


Morphologie, accentuation

paradigme morphologique distinct

Les pronoms écho ont un paradigme partiellement distinct des pronoms forts indépendants.

Guillome (1836:32) note par exemple que si le pronom fort 2PL est toujours réalisé comme hui, le pronom postverbal écho 2PL est lui ou bien réalisé comme hui ou bien comme hu. Ainsi, le trégorrois Le Bozec (1933) note c'houi le pronom fort 2PL, mais -hu le pronom écho 2PL (p.46).


On voit en (1) que le breton standard garde vivante cette distinction sur la personne 3PL:


(1) E savanenn Afrika ez eus laboused ampart hag Int-i gwiaderien.
Dans savane Africaine R est oiseaux habiles & 3PL.fort- 3PL echo tisserands
'Il existe dans la savane africaine des oiseaux habiles qui sont tisserands.' Al Liamm (346:115)


Pour le bas-vannetais, Cheveau (2007: 133) note plusieurs différences entre les paradigmes des pronoms forts et des pronoms 'suffixés emphatiques': la 1SG est toujours /m̃̃ɛɲ/, et que les personnes 2 et 3 marquent un /h/ initial.

(2) ɟənɛ̃ɲ > ɟənɔmɛ̃ɲ ; ɛjdɛ̃ɲ > ɛjdɔmɛ̃ɲ
ganin ganin-me evidon evidon-me
'avec moi' > 'avec MOI.'; 'pour moi' > 'pour MOI' Cheveau (2007:133)

Accentuation

La question de l'accentuation des pronoms écho, et donc de leur statut plus ou moins affixal, reste ouverte.

Trépos (2001 [1968] :124) pose que les pronoms écho bretons sont non-accentués. Il distingue par exemple les formes post-verbales pré-négation et post-négation ci-dessus en considérant que la forme post-négation est forcément accentuée (donc plutôt une forme de dislocation à droite). Cependant, Trépos (2001 [1968]:125) note aussi que la forme de troisième personne est accentuée dans ... a lavar-eñ. (/rannig dit-il/, '...dit-il...'), ce qui semble contredire sa propre généralisation.

Analyse

Effet sémantique

Les pronoms dits ‘écho’ sont utilisés pour un effet d'emphase, dit de 'focus' ( br. lavarenn greizennus, ang. focus in linguistics).

Il existe différentes alternatives pour focaliser un élément en breton (obtenir un effet d'emphase): soit on met cet élément devant le verbe, soit on double l'élément focalisé en utilisant un pronom écho.

Lorsque deux éléments doivent être focalisés dans une même phrase, l'une ET l'autre alternative doivent être utilisés (comme en (1)), car aucune des deux alternative ne peut être utilisée deux fois dans la même phrase.

Le pronom écho est optionnel: toute systématicité mettrait en doute l'effet sémantique d'emphase. Favereau (1997:108) signale pour le vannetais qu'après un possessif, le pronom écho est systématique. L'effet d'emphase est donc à vérifier.

Par ailleurs, l'usage précis du pronom écho reste à déterminer avec précision. Un effet de focus peut par exemple être contrastif ou non.

Distribution

Les pronoms écho doublent typiquement une forme pronominale incorporée dans un verbe sujet (1) ou l’objet d’une préposition (3).


(1)a. Levrioù a lennit-hu
livres R lisez.2PL-2PL
'VOUS, vous lisez DES LIVRES.'


(1)b. - clévet oc'h eus-hu ar c'hloc'h?
entendu 2PL a-2PL la cloche
-'Avez-vous entendu la cloche?' vannetais, Grégoire de Rostrenen (1795:180)


(1)c. Met ne selle ket- war ar re-se.
mais NEG regardait NEG-3SGM P DET ceux-là.
'Mais lui ne les regardait pas.' vannetais, ar Meliner (2009:16)


(3) ganeoc'h-hu
avec.2PL-2PL
'avec VOUS'


Les pronoms écho peuvent doubler un pronom incorporé, mais aussi un pronom possessif (4), ou plus intéressant encore, un syntagme nominal préverbal sujet qui n'est pas reflété dans l'accord verbal (5) ou un syntagme préverbal qui n’est pas thématiquement le sujet (6).


(4)a ho ti-hu
poss.2.PL maison-2PL
'votre maison à VOUS'


(4)b ... da lennerion a zo ar brezhoneg o lavar pemdeziek, èl m'ema hon hani-ni
P lecteurs R est DET breton POSS.3PL langue quotidienne comme C est POSS.1PL N-1PL
'... aux lecteurs dont la langue quotidienne est le breton comme c'est le cas chez nous.' vannetais, ar Meliner (2009:11)


(5) Ha neuze, ni a vrunelle-ni rac'h àr-un-dro: "'D eo ket gwir, 'd eo ket gwir!"
& alors 1PL R protestait.3SG-1PL tous P-1-tour NEG est NEG vrai NEG est NEG vrai
'Et nous de protester, tous en chœur: "C'est pas vrai, c'est pas vrai!".' vannetais, introduction ar Meliner (2009:18)


(6) C'hwi 'zo -hu brav ho ti.
vous R est -2PL belle votre maison
'VOUS, votre maison est belle.'


En trégorrois tout du moins, les pronoms écho peuvent eux-même être doublés (Gros 1984:62,63).

din-me-me (/avec.1SG-1SG-1SG/; 'à moi')
Da biou out-te-te, mabig? (/à qui es.2SG-2SG-2SG, fils.petit/; 'le fils de qui es-tu mon petit garçon?')
deom-ni-ni (/à.1PL-1PL-1PL/; 'à nous')...


(6) Piv oh -hu -hu? ... Petra a hoari deoh -hu -hu?
Qui êtes -2PL -2PL ... Quoi joue à.vous -2PL -2PL
'Qui êtes vous, vous? Qu'est-ce qui vous prend?'


Hewitt (2001) note une asymétrie 1/2 vs. 3 personne en trégorrois sur un objet focal préverbal. cette asymétrie est cependant réductible à la possibilité, indépendante, d'antéposer un objet pronominal indirect dans ce dialecte.

paradigme

Il est possible que toutes les personnes du paradigme ne se comportent pas de la même façon.

Dans l'ALBB, on trouve une belle répartition dialectale du pronom écho à la première personne dans la carte 208, alors qu'on en trouve peu ou aucun à la troisième personne avec la même préposition avec dans la carte 214.

Trépos (1980:98) note une restriction des pronoms écho aux personnes 1 et 2. Pour lui, le pronom écho à la troisième personne est un trait du dialecte trégorrois.

Visibilité syntaxique

L'accord verbal ne voit pas les pronoms écho.


(5). * Levrioù a lenn-hu
livres R lis.3SG-2PL
'VOUS, vous lisez des LIVRES.'


Ils n'ont pas non plus besoin d'être autorisés casuellement par une tête fonctionnelle. Leurs paradigmes ressemblent plus à celui des pronoms aux cas direct qu'à celui des pronoms au cas oblique.

Site d'apparition mouvant

Les pronoms écho peuvent apparaître cliticisés sur le verbe tensé (1) ou plus bas, par exemple sous la négation (cf. Stump 1989b:435, discutant les données de Borsley et Stephens 1989). De tels exemples sont attestés en vannetais du XIX° (6b), ou en bas-vannetais actuel Cheveau (2007).


(1) Kathleen n'eman-hi ket aze !!
Kathleen NEG est -3SGF NEG ici
‘Kalthleen (elle) n'est pas ici!’ traducteur de Derib (1983:8)


(6a) Ne lennit (-hu) ket (-hu).
NEG lisez -2PL NEG -2PL
'Vous ne lisez pas.'


(6b) perac ... n’ hun es chet ni sentet avel guir bugalé?
pourquoi ... neg 1PL Aux neg 1PL senti comme vrai enfants
‘Pourquoi... ne nous sommes nous pas senti comme de vrais enfants?’ Gwenedeg 1849, LLB-41, cité par Hemon (2000:124)


On trouve aussi le pronom écho plus bas que la particule bet.

(6c) un enebour dispar oa bet-eon
un ennemi sans.pareil était été 3SG
‘Il avait été un ennemi hors pair.’ Sud Cornouailles, An Orignal, p.45.


(6d) ... ma viemp bet ni degourdi...
si étions été 1PL dégourdi
'...si nous avions été dégourdis...' Bas-Cornouaillais (Treboull), Hor Yezh (1983:76)


Les pronoms écho peuvent apparaitre au dessus du clitique objet du verbe kaout, 'avoir' en (7a). Cependant, en vannetais, tout du moins, le pronom écho sujet peut flotter sous le pronom objet du verbe 'avoir', comme en (7b). De tels ordres sont aussi signalés en breton du grand Lorient (bas-vannetais, Cheveau 2007:209).


(7a) perac e h-eus-te int laset?
pourquoi R 2SG-Aux-2SG 3PL tué
‘Pourquoi les as-tu tués?’ XVIII°, BD:509 cité en Hemon (2000:124)


(7b) Ret eo bout graet ar vicher-se e-pad pevar blez bennak
Forcé est être fait le métier -là pendant quatre ans quelconque
... èl m' em-eus -hi -me great evit kompren pegen divourrus eo
... comme C [j'ai] -3SG.F-1SG fait pour comprendre combien déplaisant est
'Il faut avoir fait ce métier pendant quatre ans comme je l’ai fait (moi) pour comprendre combien c’est déplaisant.'
Vannetais, Loeiz Herrieu (Kammdro an ankou p. 54)


En Cornouaillais, des pronoms écho sont signalés flottant sous un participe (German 2007:174). Cependant, les exemples cités ne montrent que des arguments internes et il serait intéressant de savoir si un pronom écho sujet agent aurait la même distribution...


(8) N’oun ket hann ema chomet haoñ ba'n ger.
NEG-sais.1SG NEG si est resté 3SG à la maison.
'Je ne sais pas s'il est resté à la maison.'

Compatibilité avec un résomptif

Stephens (1982:254-5) montre que les pronoms écho sont possibles avec des résomptifs, mais pas à la troisième personne. xxx


Me a sonje din-me ne vije ket arruet.
te a gaso an traou-se ganit-te.
En a gav dezha(*-en) eo brav ar vro.
Int a vez roet re a labour dezho(*-int).


Gwelet em eus e dad-en.

mais pas

Yann en deus kavet e dad(*-en)

Variation dialectale

La variation dialectale des pronoms écho est, à ma connaissance, encore à explorer, tant du côté de leur description, de leur distribution que de leur analyse formelle.


Dans la partie de Cornouailles qui a perdu la distinction entre tutoiement et vouvoiement, le pronom echo apparait avec une combinaison de singulier et de pluriel.

(x) ho puoc'h -t -hu
poss vache ('te' = 2SG) 2PL cornouaillais,(Trépos 1980:94)


Enjeux théoriques

L'enjeu commence au niveau descriptif car nous avons une image très floue de la distribution des échoïques.

Sémantiquement, le contraste reste à saisir entre l’effet ‘d’insistance’ produit par les différents pronoms exemplifiés ci-dessus (pronoms écho sujets, objets de ‘avoir’ ou d’un verbe à l’impératif) et les phénomènes de résomption du sujet où, à la troisième personne et avec une négation, un pronom d’insistance apparaît en fin de phrase, incorporé dans une préposition sémantiquement vide.

Cette tournure est connue comme un signe prototypique du Sud Finisterre (Trepos 2001 [1968], Blanchard 2004 :26). La phrase ci-dessous est tirée de Trepos (2001 [1968] :125).


(11) Ne wel netra anez-i
NEG voit rien P-3SG.F
'Elle ne voit rien.'


L'utilisation des pronoms écho comme pronoms résomptifs est d'autant plus étonnante que Hendrick (1988:44) montre l'incompatibilité des pronoms écho et résomptifs en gallois.


Horizons comparatifs

La documentation des paradigmes pronominaux est aussi un enjeux théorique important dans une perspective comparative, surtout avec les autres dialectes brittoniques (gallois, cornouaillais).

La littérature galloise distingue des ‘pronoms auxiliaires’ qui correspondent partiellement aux pronoms écho du breton. La comparaison est fructueuse pour deux raisons (voir Jouitteau et Rezac 2006) :

(i) le système pronominal gallois a été l’objet d’analyses fines (Rouveret 1991, Koopman 1999, Sichel 2001 entre autres)

et (ii) ces analyses contrastent aisément les deux systèmes en apportant des questions nouvelles.

Les pronoms doublés du gallois ne sont pas des formes faibles mais des pronoms indépendants. Rouveret (1991), Koopman (1999), et Sichel (2001) proposent que le pronom incorporé et son double écho proviennent d’un même syntagme nominal, à la façon du doublage clitique dans le domaine roman.

Ceci prédit correctement pour le gallois que lorsque le pronom n’est pas incorporé, les deux formes peuvent apparaître in situ, et que le pronom écho peut apparaître dans des positions de syntagmes nominaux pleins. Ces deux prédictions seraient fausses pour le breton. La position pré-négation n’est par exemple pas accessible pour un pronom echo.

Bibliographie

Analyses théoriques

  • Borsley, R. D. & J. Stephens. 1989. ‘Agreement and the position of subjects in Breton.’, Natural Language and Linguistic Theory 7, 407-427.
  • Koopman, H. 1999. The internal and external distribution of pronominal DPs, Beyond Principle and Parameters, Kyle Johnson and Ian Roberts (eds.), Dordrecht, Kluwer.
  • Rezac , M. 2004. ‘The EPP in Breton: An unvalued categorial feature’, Triggers, Studies in Generative Grammar, A. Breitbarth & H. v. Riemsdijk, Mouton de Gruyter.
  • Rouveret, Alain. 1991. Functional categories and Agreement. The Linguistic Review 8:. 353-387.
  • Stump, G. T. 1989. Further remarks on Breton agreement: A reply to Borsley and Stephens, Natural Language and Linguistic Theory, 7:429-71.
  • Sichel, I. 2001. Studies in the syntax or pronouns and features, with particular reference to Hebrew. PhD. ms. City University of New York.

Descriptions de la variation dialectale

ALBB carte 208 et ALBB carte 214.

  • Blanchard, N. 2004. ‘L’utilisation pédagogique des textes du concours ‘Ar Falz’’ La Bretagne Linguistique 13, numéro spécial Dialectologie et Géolinguistique, CRBC : UBO, Brest, 13-30.
  • Cheveau, L. 2007. Approche phonologique, morphologique et syntaxique du breton du grand Lorient, PhD. Thesis. (disponible sur son site).
  • Favereau, F. 1997. Grammaire du breton contemporain. Morlaix: Skol Vreizh.
  • German, G. 2007. 'Language Shift, Diglossia and Dialectal Variation in Western Brittany:the Case of Southern Cornouaille', The Celtic languages in contact : Papers from the workshop within the framework of the XIII International Congress of Celtic Studies, Bonn, July 2007, Hildegard L. C. Tristram (ed.), Postdam. pdf.
  • McKenna, M. 1978. The Breton of Guémené-sur-Scorff, Bas Vannetais, Part II: A Morphology of the verb. ZCP 35, 199-247; ZCP 37, 249-277.
  • Grégoire de Rostrenen, 1795. Grammaire française-celtique ou française-bretonne, An III; nouvelle édition, Alain Le Fournier, Brest.
  • Ternes, E. 1970. Grammaire structurale du breton de l’Ile de Groix, Carl Winter, Heidelberg.
  • Trépos, P. 2001 [1968, 1980, 1996], Grammaire bretonne, 1968 edition Simon, Rennes.- 1980 edition Ouest France, Rennes; 1996, 2001 edition Brud Nevez, Brest.

corpus

  • Hergé. 1946. le Lotus Bleu, [traduction An Here 2002. Troioù-kaer Tintin: Al Lotuz Glas par Divi Kervella].
  • Meliner (ar), Loeiza. 2009. Ar Bont ar Velin, / Sur le pont du Moulin, Anagrammes édition.

Spécialistes référents pour cette fiche thématique de collectage

Milan Rezac, CNRS, UMR 7023 Université Paris 8