Les inanimés

De Arbres

Le trait inanimé, ou neutre, est le troisième trait du système de genre, aux côtés du masculin et du féminin.


L'inanimé est marqué en breton dans différents paradigmes:

le pronom relatif; ar pezh, 'ce que, ce qui'
le pronom interrogatif; petra, 'quoi, qu'est-ce que'
le pronom objet proclitique inanimé; hen, hel, her
le pronom fort indépendant se, ze, abréviation de an dra-se, 'cette chose là'


Le trait inanimé est absent dans différents paradigmes:

les pronoms incorporés (dans l'accord verbal, une préposition ou une préposition support comme a)
les déterminants possessifs


Les pronoms neutres, dont le pronom météorologique, qui prennent des traits grammaticaux féminins, ne sont pas des inanimés en ce sens qu'ils ne réfèrent pas à des entités inanimées (ce sont des explétifs et ils ne réfèrent pas).


Proclitique objet inanimé

(1) Red eo beza greet anezhi evit her gouzoud.
obligé est être fait P.elle pour le.IN savoir
'Il faut l'avoir fait pour le savoir.' Léonard (Cléder), Seite (1998:41)


(2) bez' ez eas Frañsez Kervella d'hen gwelout e 1938 (...)
BEZ R alla pour le.IN voir en 1938
'Frañsez Kervella alla le voir en 1938 (en contexte, un bâtiment).'
Standard, Denez (1993:20)


(3) M' henn anzava.
moi'le.IN avoue
'J'en conviens, je l'avoue.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:27)


(4) ' Gaoja ket hon parland, ' ra ket met en chakat.
(ne) parle pas notre parlé (ne) fait pas mais le.IN mâcher
'Il ne parle pas notre langue, il ne fait que la mâcher, la torturer.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:75)


variation dialectale

Le Gléau (1973:21) note que "strictement employés", le proclitique hen renvoie à un inanimé, en opposition à e, humain. Il note cependant des usages de l'un pour l'autre dans Buhez ar Zent (1869). Selon lui, la forme hen supplante le proclitique objet animé dans les contextes où l'objet est proclitique sur un verbe tensé, car alors l'emploi de hen évite la confusion possible avec un rannig e.


standard

En langue standard, le pronom proclitique inanimé apparaît souvent. Cependant, toute référence à une entité inanimée ne l'utilise pas forcément. Ar Barzhig, originaire de Kaouenneg (au sud de Lannion), parle vraisemblablement trégorrois mais écrit en langue standard. Il utilise les inanimés, mais laisse parfois échapper un pronom e en référence inanimée.


(3) ... pa zegouezhe din kouezhañ war ur vlevenn, un tamm taouarc'h pe un troad amprevan,
quand arrivait à.moi tomber sur un cheveu un morceau tourbe ou un pied insecte
hen lakaen a-gostez hep imor.
le.IN mettais de1-côté sans humeur
'Quand il m'arrivait de tomber sur un cheveu, un morceau de tourbe ou un insecte,
je le mettais de côté sans mauvaise humeur.'
Trégorrois (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:22)


(4) d'ar mare-se eo an hini ez ae ar maouezed d'e laerezh. (an taouarc'h)
à le moment-ci est le N (est) R allait le femmes à le.IN voler (lele tourbe)
'C'est à ce moment là que les femmes allaient la voler (la tourbe).', Ar Barzhig (1976:27)

dialectes en perte de proclitiques

Le pronom proclitique inanimé n'est productif que dans la mesure où les dialectes ont gardé trace d'un paradigme d'objets proclitiques. Dans les dialectes où les formes objet en anezhi sont utilisées, le proclitique inanimé reste présent dans les expressions figées.

Cornouaillais
(1) /min 'da:re / /min ˌtu:e 'ry / / min'ɛrɡɛz /
M’(h)en dare M’(h)en tou ruz M’(h)en argas.
moi le V moi le jure rouge moi le rejeter
'Je ne sais pas.', 'Je le jure tout rouge.', 'Je le rejette.', Plozévet, Goyat (2012:249)


Trégorrois
 Gros (1984:207)
 Hen ne s'entend plus guère en trégorrois parlé que dans les proverbes, ayant été supplanté par anezañ.


(2) Pep hini e-neus e benn... pa rank hen dougen.
chaque un a.3SG son tête quand doit le porter
'Chacun a sa tête (son avis, sa volonté)... puisqu'il doit la porter.'
('Chacun a son avis puisque chacun a une tête'.) Trégorrois, Gros (1984:207)


Il est possible qu'au lieu d'inanimé, ce pronom soit parfois uniquement non-humain, car il peut éventuellement référer à un animal:


(5) Pep hini a anavez doare e loen pa rank hen bevañ.
chaque un R connait façon son bête quand doit le vivre.transitif
'Chacun connait le comportement de sa bête puisqu'il doit la nourrir.'
('Chacun connait midi à sa porte') Trégorrois, Gros (1984:207)

vannetais

En vannetais, le même pronom (h)er, (h)en, (h)el est utilisé indistinctement comme 3SG animé, même devant les verbes infinitifs.


(1) m' ha punissou, té, pé n'ellein quet er gobér.
moi te punirai toi ou ne pourrai pas le faire
'Je te punirai, toi, ou je ne le pourrai pas.' Vannetais, Guillome (1836:32)


(3) hag int o-daou d'en herzel ag ar Baradoez
et eux leur-deux de le chasser de le paradis
'... et ils le chassent (Mathurin) hors du paradis.'
Vannetais, Ar Meliner (2009:175)

diachronie

Hemon (2000:§54,(3)) signale que dans les dialectes du breton pré-moderne sauf en vannetais, ce pronom proclitique pouvait être utilisé avec un impératif.

her c'hredit (FVR.:34, daté de 1847)
hen ententit mat (SAG.:108, daté de 1869)

En contraste, en breton moderne, le pronom objet d'un verbe impératif est postverbal, au cas direct.

à ne pas confondre

hen / e

Le pronom proclitique objet inanimé aide à différencier les pronoms proclitiques objets des déterminants possessifs. Le pronom proclitique objet inanimé n'a en effet pas d'équivalent dans le paradigme des déterminants possessifs, qui ne contient que des pronoms référant indistinctement aux animés et non-animés.

Hen / Hennezh

 Gros (1984:207)
 Hen (prononcé "én"), 
 à ne pas confondre avec , 'il', 'lui', dont l' n ne se prononce pas (c'est un "e" nasalisé).
 'Hen, pronom personnel troisième personne est un complément d'objet direct, 'le'. 
 Il doit s'écrire avec un seul 'n'. 
 Dans ce mot, la voyelle /é/ est fermée (é). De ce fait, hen est absolument différent de 
 henn ('ceci'), pronom démonstratif neutre, qui s'écrit avec deux 'n' et qui se prononce avec 
 un /è/ moyen bref comme dans penn. Ce henn se trouve dans 
 evel-henn ('comme ceci') et betek-henn ('jusqu'ici').