Les articles

De Arbres

Morphologie

La morphologie de l'article peut être de deux types: sur base vocalique [ ɑ̃ , ɑ ] (an, al, ar), vs. [ ə / y ] (un, ul, ur).

Traditionnellement, cette alternance duale est considérée comme un marqueur de la définitude du nom qui les suit:


an ti, un ti
'la maison', 'une maison'

Les articles ne portent jamais eux-même morphologiquement de marque de genre, ni de nombre. Par contre, leurs spécifications abstraites de genre et de nombre sont décelables dans le type de mutation consonantique qu'ils peuvent provoquer sur le nom qui les suit.

La distribution de la consonne associée (-n, -l, -r) dépend des règles phonologiques d'un dialecte donné.

variation dialectale

  • En standard, cette consonne est [ n ] devant [ n, d, t, h ] ou une voyelle; [ l ] avant [ l ] ; et [ r ] partout ailleurs.
  • En Goëlo, Koadig (2010:25) note que pour certains locuteurs, il n'existe qu'un seul paradigme d'articles, dont la consonne fluctue.
 "Tud 'zo ne lakaont kemm ebet etre ar gerioù-mell strizh hag ar re amstrizh 
 hag ober a reont koulz gant ër pe eur, ën pe eun, ë pe eu.
 
 Darn all a laka kemm evel m'eo merket e-barzh en Atlas Yezhoniel 
 met hep na vehe reizhiadek."
 

Dans certains de ses exemples, l'article semble même absent.


(4) Mè zèll dë gê _ poñnt.
moi regarde P P ø pont
'Je regarde le pont.' Goëlo, Koadig (2010:48)


  • En trégorrois de Plougrescant, la forme terminée par une nasale ([ n ]) apparaît devant les noms commençant par t, d ou une voyelle.

"Devant les noms commençant par une consonne autre que t- ou d-, l'article disparaît après finale vocalique [...] dans les autres positions il se réalise e" (Le Dû 2012:42).


(5) Mẽ wié (e) tœjé mœdœsin.
moi savais R4 viendrait médecin
'Moi, je savais que le médecin viendrait.'
Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:107)


(6) e bèrn labour-zé, 'ar bern labour-se'

le tas travail-ci
'ce tas de travail', Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:41)


La forme de l'article en -r "n'est utilisée que dans un style solennel [...] elle n'apparaît presque jamais dans le langage courant." (Le Dû 2012:43).

L'opposition défini/indéfini ne s'observe que pour certains noms monosyllabiques (Le Dû 2012:43).


  • En haut-cornouaillais (Riec, Bouzeg 2012, c.p.), cette consonne est :
[ m ] devant [ b, m, p ] ,
'm bloaz, 'm mare, 'm pôt
'l'année, le temps, le garçon'
et [ n ] devant [ d, g, h, t, v ] et les voyelles.
'n deiz, 'n gwez, 'n heol, 'n tad, 'n arat, 'n oad, 'n ui
'le jour, l'arbre, le soleil, le père, le labourage, l'âge, l’œuf'
Selon Bouzeg (1986:25), on entend un [ r ] "atténué" devant [ l ]
'r loar, 'r levr


On trouve aussi [ n ] devant [ g ] à Saint-Yvi.


(5) N’oun ket hann ema chomet haoñ ba'n ger.
ne'sais pas si est resté lui à le maison
'Je ne sais pas s'il est resté à la maison.'
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (2007:174)


  • Dans la vallée du Scorff, on trouve des exemples de ar devant une voyelle.


(1) Tec'het 'neus kuit dirak ar eontroù-kordenn.
enfui a parti devant le oncles-corde
'Il s'est échappé devant les gendarmes (les tontons à corde).'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:38)


On trouve aussi une finale en n devant [X], que Ar Borgn (2011:76) relève comme un trait du bas-vannetais, et devant un [w].


(2) C'hwi 'zo c'hwi un c'hwil. / An wiz a zozva.
vous est-vous un loustic le truie R pond
'Toi, tu es un loustic.'/ 'La truie pond.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:76, 108)


  • On trouve [r] devant une liquide ([l]) à Kistinid:


(5) [ bødepət a mə yɛ bɛmdø a: mam belo dər labur ]
bout eh eus bet ha me 'yae bemdez àr ma belo d'ar labour.
être R est été que moi allait chaque.jour sur mon vélo à le travail
'Il fut un temps où j'allais tous les jours au travail à vélo.'
Bas-vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:51)

accentuation

L'article indéfini est souvent traité comme la première syllabe du groupe nominal pour le système accentuel (Hemon 1995:§281, Gros 1984:178, 141).


 Gros (1984:178):
 
 En Trégor, eun, eur, eul ne forme qu'un seul mot avec le nom qui le suit et, 
 lorsque ce dernier n'a qu'une syllabe, l'accent tonique tombe sur l'article indéfini.
 
 eun ti, accentué: eun ti; 'une maison'
 eur harr, accentué: eur harr; 'une charrette'
 
 Cet accent tonique est encore plus fort lorsque l'article indéfini est employé 
 emphatiquement, avec un sens exclamatif, comme il l'est fréquemment en trégorrois parlé.
 
 Hennezh zo eur gwaz, me lavar dit!; 'C'en est un homme fort, celui-là, je t'assure!'
 [...]
 
 Avec les substantifs de plusieurs syllabes, c'est le substantif qui porte l'accent tonique.


On observe une variation dialectale dans cette accentuation. Tout d'abord, dans les dialectes comme le vannetais où l'accentuation n'est pas sur la pénultième mais en fin de groupe, on ne peut pas voir si l'article indéfini est ou non considéré comme faisant partie du groupe pour l'accent.

Dans la carte 202 de l'ALBB, on voit que l'accentuation de l'article devant le monosyllabique had/gad, 'lièvre' est très répandue hors de l'aire vannetaise, mais cependant pas systématique.

L'article défini n'est généralement pas accentué (Hemon 1995:§282).

Distribution

noms propres

Les noms propres de fonction sont précédés de l'article, sauf lorsqu'ils sont au vocatif ("en apostrophe", Hingant 1868:132).

'monsieur le recteur', ann aotrou person
'monseigneur l'évèque', ann otro 'n eskop
'madame', ann itron
Hingant (1868:132)


modification

Hingant (1868:132) note que les relatives restrictives complément du nom ne provoquent pas la disparition de l'article. La présence d'un adjectif modificateur n'a pas non plus d'impact.

ann tog plouz hoc'h euz gret d'in (*ø tog plouz hoc'h euz gret d'in)
'le chapeau de paille que vous m'avez fait'

doublement d'article

L'article défini est parfois doublé devant un adjectif superlatif. Il est possible qu'il s'agisse, dans les cas de doublement de l'article, d'une substantivisation de l'adjectif superlatif qui est ensuite placé en apposition du nom (cf. la maison, la plus grande du bourg).

Le trégorrois Leclerc (1986:130) signale et désapprouve cette forme de doublement ("on dit moins bien en répétant").


(4) an ti (ar) brasañ er vourc'h
le maison le grand.le.plus dans.le bourg
'la maison la plus grande du bourg' Bas-vannetais, Nicolas (2005:22).


(5) an hini (ar) goshañ
le N1 le vieux.le.plus
'la plus vieille' Bas-vannetais, Nicolas (2005:22).


Ces doublements existent en français (la maison la plus vieille), et sont comme en breton restreints aux superlatifs.

En contraste, des doublements du déterminant devant tout adjectif sont aussi documentés en hébreu, en arabe (Ouhalla 2009) ou en grec moderne.

Absence d'article

Certains noms apparaissent sans aucun déterminant dans des environnements syntaxiques particuliers.

indéfinis pluriels

Les indéfinis pluriels ne prennent pas d'article.

(2) Staga ø boutonou
attacher boutons
'litt. attacher des boutons.'
> 'faire traîner le travail (comme le tailleur est supposé faire)'
Le Berre & Le Dû (1999:41)

dépendant possesseur

L'article n'apparait jamais lorsque le nom a un dépendant possesseur direct (état construit).

(3) Roi ø fest ar vaz
donner fête le bâton
'litt. donner la fête du bâton.' > 'frapper', Le Berre & Le Dû (1999:35)


(4)a. ø penn ma biz (*ar penn ma biz)
extrémité mon doigt
'l'extrémité de mon doigt'
(4)b. ø moger al liorz (*ar voger al liorz)
mur le jardin
'le mur du jardin'
(4)c. ø tog Iann (*ann tog Iann)
chapeau Yann
'le chapeau de Iann' Hingant (1868:132)


avec démonstratif

Les démonstratifs sont analytiques en breton et débutent par un article défini. Un dépendant possesseur, complément direct du nom, implique la disparition de cet article défini.


(5) an dour-se

'cette eau'

(6) ø dour lous-mañ ar gêr

_ eau sale-ci la ville
'l'eau sale de la ville'


noms nus

Les noms singuliers comptables sans déterminant sont des noms nus.


incorporation dans les expressions

Dans les expressions verbales, où le nom n'est pas comptable, ce sont plausiblement des noms incorporés à la tête verbale.

(1) Rei ø bronn d'ar bal
donner sein à le pelle
'litt. donner le sein à la pelle.' > 'se la couler douce, faire une pause', Le Berre & Le Dû (1999:39)


(2) C'hoari ø troadig kamm. , c'hoari ø mouchig dall
jouer pied.DIM boiteux jouer bandeau.DIM aveugle
litt. 'jouer petit pied boiteux', 'jouer petit bandeau aveugle'
Le Berre & Le Dû (1999:105, 106)


(3) Deh em-oa bet ø lizer diganti.
hier R.1SG-avait eu lettre de.elle
'Hier j'ai reçu une lettre d'elle.' Gros (1970b:§'lizer')


(4) Kavet a ran-me ø gwele e ti mignoned vat hag ar vourc'h.

'Moi je trouve un lit chez de bons amis du bourg.', Vannetais, Herrieu (1994:14)


(5) Leun eo ø kêr a soudarded.

'La ville est pleine de soldats.', Vannetais, Herrieu (1994:84)


Cette incorporation est uniquement sémantique, et non syntaxique, car le nom sans déterminant peut être antéposé à son verbe fléchi (6).


(6) ø Bod e roas _ din ar porzhier.
abri R donna _ à.moi le portier
'Le portier m'offrit l'hospitalité.' Priel (1957:210), cité par Le Gléau (1973:17)


(7) ø Taolenn ha ø blaz braouac'hus ne vo ket tu da hani ac'hanomp ankouaat ken tre ma vevahomp!

'Un tableau et une odeur effarants qu'aucun de nous n'oubliera tant qu'il vivra.', Vannetais, Herrieu (1994:24)

X pe Y

Ci-dessous, l'article n'apparait pas devant les noms pik et bran. La lecture semble être celle d'un indéfini singulier.


(4) ø Pik pe ø vran ne hwito ked da gonta.
pie ou1 corbeau ne manquera pas de1 conter
litt. 'Pie ou corbeau ne manquera pas de raconter.' > 'Quelqu'un vendra bien la mèche.'
Le Berre & Le Dû (1999:56)

adjectif antéposé

Un adjectif comparatif de supériorité antéposé au nom provoque la disparition de l'article.

  • Lan a lavar d'e vab rei peoc'h gant aon da zigeri brasoc'h gouli e kalon an tad koz.
Cornouaille (Pleyben), Ar Floc'h (1950:71)

Sémantique

Les articles sont des quantifieurs existentiels.

Terminologie

L'article défini est désigné par le terme breton ger mell strizh (SADED 2010), ou ger-mell strizh (Chalm 2008).

L'article indéfini est désigné par le terme breton ger mell amstrizh (SADED 2010), , ou ger-mell amstrizh (Chalm 2008)

En anglais, les termes sont definite article et indefinite artcile.

Bibliographie

  • Abbott, Barbara, 2004. 'Definiteness and Indefiniteness', Laurence R. Horn & Gregory Ward (éds.), The handbook of pragmatics, Blackwell Publishing, 122-149.
  • German, G. 1986-7. 'Une description du déterminant défini an à St-Yvi en Cornouaille', La Bretagne Linguistique 3 : 157-168.
  • Hannahs, S.J. and Tallerman, M. 2006. 'At the interface: selection of the Welsh definite article'. Linguistics, 44(4), 781-816.
  • Jouitteau, M. 2010. 'A Breton dependent indefinite created by reduplication', presentation at the 6th Celtic Linguistics Conference, Dublin, 2010 sept. 11
  • Ouhalla, J. 2009. 'Variation and Change in Possessive noun Phrases: The Evolution of the Analytic Type and Loss of the Synthetic Type', In Brill’s Annual of Afroasiatic Languages and Linguistics 1, 311–337. texte
  • Williams, J.E.C. 2002. 'The article/demonstrative in Old Welsh and Modern Welsh', Hor Yezh 229: 33-40.