L'auxiliaire ober en moyen breton

De Arbres

Le Roux (1957:412) note que "parfois, en moyen breton l'infinitif ne commence pas la phrase et est précédé d'un complément: pronom personnel régime, complément indirect ou circonstanciel". Cependant, avant de conclure que la distribution de l'auxiliation avec ober est globalement plus restreinte en breton moderne qu'elle ne l'était en moyen breton, il faut se pencher précisément sur les données.


Infinitif post-auxiliaire

En moyen breton, l'auxiliaire ober peut précéder l'infinitif, tout du moins à l'impératif comme en (1a).


(1)a. Ouz da map quer groa ma erbet.
à ton fils cher fais [VP me recommander ]
'Recommande-moi à [ton] cher fils.'
Moyen breton, P. § 222
cité en Le Roux (1957:412)


Reste à savoir si cela est généralisé en dehors de l'impératif.

Antépositions devant l'infinitif préverbal

Certains éléments syntaxiques peuvent apparemment précéder l'infinitif devant l'auxiliaire. Les exemples donnés par Leroux sont concluants pour les adverbes de manière et les compléments prépositionnels, ainsi que pour la marque de coordination.


ADV/PP - INF - Ober

L'infinitif peut lui-même être précédé par un complément indirect (1b) ou un adverbe de manière (1c, 1d). Pour montrer que cela dessine un contraste avec le breton moderne, il faudrait établir que cela est actuellement impossible à travers les dialectes du breton. À un niveau d'analyse plus abstrait, il faudrait montrer qu'en moyen breton, l'ordre postverbal n'est jamais /...Aux-PP-V/ ou /...Aux-Adv-V°/. L'exemple en (1d) montre clairement que l'antéposition de l'adverbe et de l'infinitif a laissé l'objet dans le champ postverbal.


(1)b. Deoc'h e ministraf a graf 'Je vous l'administre.' N. 1264, cité en Le Roux (1957:412)
c. Peur striz ho millizien a ray 'Il les maudira très sévèrement' M. 1467, cité en Le Roux (1957:412)
d. Eno a hast dastum a ray lingnez humen 'Là en hâte, il réunira la race humaine.' M. 1357, cité en Le Roux (1957:412)


?S? INF - Ober

Le Roux (1957:412) cite aussi un cas de sujet nominal devant l'infinitif, mais l'insertion des deux vers manquants entre le sujet et l'infinitif préverbal pourrait fausser la donnée. Notons d'ailleurs que c'est ce que la traduction de Leroux induit en français: cf. 'Dieu...il'. La donnée n'est donc pas concluante.

(1)e. Er Doe [suivent deux vers] contaff a ra … hon oll pasaou 'Car Dieu… il compte tous nos pas.' M. 1121


& INF - Ober

Le Roux (1957:412) note aussi un cas de coordination de phrase avec la seconde débutant par une auxiliation en ober. L'exemple (2) montre que la présence d'une coordination préverbale n'empêche pas l'antéposition de l'infinitif. On peut voir aussi que le verbe infinitif est antéposé ici avec un adverbe court.


(2) An bugale … a laesas ho chatal Ha monet pront a gresont y.

'Les enfants laissèrent leur troupeau et y allèrent promptement.'
Nl.


Négation avec l'auxiliaire

(3)a. He dimiziff … ne riff quet 'Je ne l'épouserai pas.'
B. 37, cité en Le Roux (1957:412)
b. Hoguen hoaz ez douigaff na fiziaff ne graff re 'mais pourtant je crains et ne me fie pas trop'
M. 1289, cité en Le Roux (1957:412)
c. Hoguen tan an poanyou … Goastaff quet ne gra eff… 'Mais le feu des peines, il ne consume point.'
M. 2028, cité en Le Roux (1957:412)