Différences entre les versions de « Ken, ker, kel »

De Arbres
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C'est ce ''ken'', 'tant, autant', que l'on trouve [[grammaticalisé]] dans '''''ken'''koulz'', 'autant'.
C'est ce ''ken'', ou ''ker'', ''kel'', 'tant, autant', que l'on trouve [[grammaticalisé]] dans '''''ken'''koulz'', 'autant'.


A ne pas confondre avec les autres formes de ''[[ken]]'', 'ne... plus, seulement', ou 'jusqu'à', qui sont invariables.
A ne pas confondre avec les autres formes de ''[[ken]]'', 'ne... plus, seulement', ou 'jusqu'à', qui sont invariables.
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== Morphologie ==
== Morphologie ==


La voyelle est ouverte, et non-nasale. [[Favereau (1997)|Favereau (1997]]:§311) donne les formes <font color=green>/kɛn/</font color=green> et <font color=green>/cɛn/</font color=green>.
La voyelle est ouverte, et non-nasale. [[favereau (1997)]] donne les formes <font color=green>/kɛn/</font color=green> et <font color=green>/cɛn/</font color=green> ([[Favereau (1997)|§311]]) et les formes <font color=green>/kèn/</font color=green> et <font color=green>/cèn/</font color=green> ([[Favereau (1997)|§200]]).
 
[[Le Dû (2012)|Le Dû (2012]]:'ken') donne cependant une voyelle fermée (orthographiée ''kénn'', en contraste avec ''kin'', 'ne... plus').  
[[Le Dû (2012)|Le Dû (2012]]:'ken') donne cependant une voyelle fermée (orthographiée ''kénn'', en contraste avec ''kin'', 'ne... plus').  


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L'[[Académie bretonne (1922)|Académie bretonne (1922]]:150) considère que l'usage le plus ancien est à forme unique ''ken'', et que l'alternance vocalique s'est développée en contagion avec l'[[article]] ''an, al, ar''. Cette hypothèse est étonnante étant donné que l'alternance est relevée dans les deux dialectes les plus conservateurs et les plus éloignés l'un de l'autre: le léonard et le vannetais. Elle est cependant concordante avec les relevés du [[possessif]] ''hon'', ''hol'', ''hor'' et du [[proclitique objet]] ''hen'', ''hel'', ''her''.
L'[[Académie bretonne (1922)|Académie bretonne (1922]]:150) considère que l'usage le plus ancien est à forme unique ''ken'', et que l'alternance vocalique s'est développée en contagion avec l'[[article]] ''an, al, ar''. Cette hypothèse est étonnante étant donné que l'alternance est relevée dans les deux dialectes les plus conservateurs et les plus éloignés l'un de l'autre: le léonard et le vannetais. Elle est cependant concordante avec les relevés du [[possessif]] ''hon'', ''hol'', ''hor'' et du [[proclitique objet]] ''hen'', ''hel'', ''her''.


=== accentuation ===
=== accentuation ===
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||| 'aussi doux' || ''Plozévet'', [[Goyat (2012)|Goyat (2012]]:127)
||| 'aussi doux' || ''Plozévet'', [[Goyat (2012)|Goyat (2012]]:127)
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=== composition ===
On trouve ''ken, ker, kel'' en composé dans ''[[kenkoulz]]'', ''[[kerkoulz]]'', ''[[kement]]'', ''[[kerkent]]'', ''[[keit]]'', ''[[kentizh]]''...


== Adverbe comparatif, 'autant' ==
== Adverbe comparatif, 'autant' ==

Version du 23 décembre 2016 à 12:44

C'est ce ken, ou ker, kel, 'tant, autant', que l'on trouve grammaticalisé dans kenkoulz, 'autant'.

A ne pas confondre avec les autres formes de ken, 'ne... plus, seulement', ou 'jusqu'à', qui sont invariables.


Morphologie

La voyelle est ouverte, et non-nasale. favereau (1997) donne les formes /kɛn/ et /cɛn/ (§311) et les formes /kèn/ et /cèn/ (§200).

Le Dû (2012:'ken') donne cependant une voyelle fermée (orthographiée kénn, en contraste avec kin, 'ne... plus').


alternance ken / ker / kel

Comme dans le système phonologique des articles, la consonne finale de ken peut varier selon la consonne initiale du mot qui suit.

L'Académie bretonne (1922:150) considère que l'alternance n, l, r n'est pas faite en trégorrois mais est obligatoire en Léon.


(1) An dud ne oant ket ker sot an eil gant egile.
le1 gens ne étaient pas tant sot le second avec autre
'Les gens n'étaient pas aussi sots les uns avec les autres.' Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:11)


Ken peut aussi se trouver sous la forme ker ou kel en vannetais.


(1) un tachad kel lous ha ken diharak. / ker blot
un lieu si sale et si affreux si boueux/mou
'un lieu si affreux et si sale./ si boueux' Vannetais, Herrieu (1994:213,216)


(2) (...) ‘vehe ket bet ker pell genin, an traoù-sen.
'serait pas été tant long avec.moi le choses-ci
'Je n'aurai pas eu (cet egzéma) pendant aussi longtemps.' Haut-vannetais, Louis (2015:144)


(3) Ne vez ket gwall lies ker yen e Breizh.,

'Il ne fait pas souvent aussi froid en Bretagne.', Vannetais, Herrieu (1994:235)


(4) Ker mezv eo an eil ofiserion èl o zud.

'Les sous-officiers sont aussi saouls que leurs hommes.', Vannetais, Herrieu (1994:229)


(5) Ker klous é d'emb monnet kuit.
tant autant est à'nous aller parti
'Autant vaut que nous nous en allions.' Vannetais, Le Bayon (1878:59)


En Cornouaille, seule la zone proche du Léon montre cette alternance.


(7) Hag eñ, ker buan, mont ha sankañ e gontell...
et lui si vite aller ha planter son1 couteau
'Et lui, aussi vite, de planter son couteau.'
Standard (Dirinon), Kervella (1995:§276)


(8) Ken buan vé bet maro haoñ.
si vite serait été mort il
'Aussi vite, il serait mort. (à peu de chose près)' Cornouaille (Saint-Yvi), German (2007:174)


hypothèse

L'Académie bretonne (1922:150) considère que l'usage le plus ancien est à forme unique ken, et que l'alternance vocalique s'est développée en contagion avec l'article an, al, ar. Cette hypothèse est étonnante étant donné que l'alternance est relevée dans les deux dialectes les plus conservateurs et les plus éloignés l'un de l'autre: le léonard et le vannetais. Elle est cependant concordante avec les relevés du possessif hon, hol, hor et du proclitique objet hen, hel, her.


accentuation

Ken forme un groupe accentuel avec le mot qui le suit. C'est visible en KLT où l'accent de mot, régulier sur la pénultième, tombe sur ken suivi d'un monosyllabique (Goyat 2012:195).


(2) ['ken dus]
ken dous
'aussi doux' Plozévet, Goyat (2012:127)


composition

On trouve ken, ker, kel en composé dans kenkoulz, kerkoulz, kement, kerkent, keit, kentizh...


Adverbe comparatif, 'autant'

Ken est un adverbe comparatif de quantité. Il s'utilise dans les constructions comparatives.

Le second terme de la comparaison ne peut pas être introduit par eget (ken du hag huzil, 'aussi noir que la suie', mais pas * ken du eget huzil, Gourmelon 2014:27).


ken ... ha...

(1) ken aliez ha bemdez
souvent que chaque.jour
'aussi souvent que chaque jour.' Le Berre & Le Dû (1999:26)


(2) Gwelet a ran ez out ken yac'h ha biskoazh.
voir R fais R es tant sain que jamais
'Je vois que tu es en meilleure santé que jamais.' Standard, Menard & Kadored (2001:§'biskoazh')


(3) Ar pesked zo deuet da veza ken ker hag ar hig.
le poissons est venu pour1 être aussi cher que le5 viande
'Le poisson est maintenant aussi cher que la viande.'
Plozévet, Goyat (2012:196)


La particule ha(g) n'apparaît pas dans ken... se, ken ... all (Kervella (1947:§563). En (4), Gourmelon (2014:27) précise que l'accentuation tombe sur bras, 'grand'.


(4) un iliz ken bras (* ha) ze
un église tant grand ça
'une église si grande' Gourmelon (2014:27)


La particule ha(g) n'apparaît pas non plus si le terme de comparaison est réalisé par une proposition tensée.


(5) ur wezenn [...] ken bras { ma/ken e/ * hag e } vezer bamet o sellet outi.
un1 arbre tant grand que / tant R4 /ha(g) R4 est.IMP stupéfait à regarder à.elle
'un arbre [...] si grand qu'on est stupéfait à sa vue' Gourmelon (2014:28)


ken ... evel...

(2) [ jεm ja kεn li:jεs εldɔχ ]
'ya ken lies èldoc'h.
lui va aussi/autant souvent comme.vous
'Il y va aussi souvent que vous.' Bas-vannetais, Nicolas (2005:16)


(3) Ken tomm èl ma oa 'vit e vro, setu heñv yenaet da vat.
si chaud comme que était pour son pays voici lui (re)froidi pour1 bon
'Lui qui était si ardent pour son pays, le voilà refroidi pour de bon.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:11)


ken ... ne, ken ... na

On trouve parfois un ne explétif après ken.


(4) E taoler houarnaj ken nend eo ur spont.
R jette.IMP fer.N tant ne est un effroi
'On jette du fer que c'en est effrayant.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:14)


(5) N'on ket bet d'ar skol ken na oan nav vlez.
ne suis pas été à le école tant ne étais neuf2 an
'Je ne suis pas allé à l'école jusqu'à ce que j'aie neuf ans.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:39)


(6) Lous int ken na vlazont,

'Ils sont tellement sales qu'ils sentent mauvais.', Vannetais, Herrieu (1994:84)


un préfixe ?

Ken est parfois en concurrence avec des formes synthétiques du comparatif d'égalité, comme dans kenkoulz ou kentizh, ce qui suggère qu'il existe sous forme de préfixe.


 Leclerc (1986:131)
 "Les adjectifs mat, 'bon', hir, 'long', bras, 'grand', ont, outre la forme ordinaire, une forme spéciale pour le comparatif d'égalité:
 ken mat se dit aussi kenkouls
 ken hir = keit
 ken bras = kement
 
 ma brec'h a zo kenkouls ha da hini, 'mon bras est aussi long que le tien'
 
 Les mots kenkouls, keit et kement s'emploient aussi adverbialement pour signifier 'aussi bien', 'aussi loin', 'autant'."


Les formes où ken est intégré au composé ont des formes analytiques concurrentes, au moins dans certaines variétés. Selon Goyat (2012:196), ces formes expriment "une nuance légèrement plus forte" (ken mad, ken hir, ken fall).

Autre argument en faveur d'une analyse en terme de préfixe, ken peut apparaître devant son adjectif lorsque celui-ci est déplacé devant le nom. L'adverbe de quantité ken peut modifier des adjectifs de quantité comme en (4). Tout le groupe adjectival peut alors apparaître devant le nom (les adjectifs de quantité et de mesure sont prénominaux).


(4) Biskoazh n'he doa Naig gwelet ken bras bag.
jamais ne 3SGF avait Naig vu autant grand bateau
'Naig n'avait jamais vu d'aussi grand bateau.'
Bijer (2007:392), cité dans Rezac (2009)

Complémenteur superlatif, 'tellement que'

Ken peut aussi être la tête d'une enchâssée superlative de quantité.


(1) Hennez zo tost ken ne rofe ket u evit u.
celui.ci R est avare tellement.que ne donnerait pas oeuf pour oeuf
litt. 'Il est si pingre qu'il ne donnerait pas oeuf pour oeuf.' > 'Il est avare.'
Le Berre & Le Dû (1999:55)


(2) Bet neus bet ur begad, ken n'eo ket 'wid respont.
eu a eu un "becquée" tant (que) ne est pas P répondre
'Il a eu son compte, tellement qu'il ne peut pas répondre, qu'il en reste muet.'
Plourin (2000:34)


Le terme de la comparaison peut n'être pas réalisé phonologiquement.


(3) Nag a sac'hadoù poultr a zo reket evit ober un toull ker bras!
que de sacs poudre R est pour faire un trou si grand
'Que de poudre il a fallu pour faire un trou si grand!' Vannetais, Herrieu (1994:147)


ken ... ken ...

(4) Aze e-traoñ ar prad ez eus eun naer hag a zo ken koz ken ez eus savet blev warni.
en-bas le prairie R y.a un serpent C R est tellement vieux C R est poussé cheveux.(coll) sur.elle
'Là au bas de la prairie il y a une couleuvre qui est tellement vieille que les poils lui ont poussé dessus.'
Trégorrois, Gros (1984:20)


(5) Ur predeg ken hir ken ne oa fin 'bet dezhoñ.
un sermon si long que ne était fin aucun à.lui
'Un sermon si long qu'il n'en finissait pas.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:77)


reduplication autour de ken (nec'het ken ez on)

Les relatives en ken peuvent redoubler le prédicat qu'elles modifient.


(1) Me 'vad, emon-me, a zo nehet ken ez on nehet.
moi cependant dis-moi R est inquiet autant R suis inquiet
'Moi, dis-je, je suis inquiet, je suis vraiment inquiet!' trégorrois, Gros (1984:63)


La négation y apparaît parfois explétive, sans import sémantique.


(2) Tomm eo din, ken n’eo tomm!
chaud est à.moi, autant ne est chaud
'J'ai un de ces coups de chaud!' Standard, Drezen (1990 :12)


Le second prédicat, qui est redupliqué après ken, peut n'être pas prononcé.


(3) Ar bugel-ze a labour ken e ra _[ø]_.
art enfant- R travaille autant R fait
'Cet enfant travaille énormément.' Trégorrois, Gros (1984:50)


(4) Teadadoù etreze ken e oa _[ø]_.
coups.de.langues entre.eux autant R était
'Des coups de langue, entre eux, un max!' Le Scorff, Ar Borgn (2011:10)


(5) Ma sac’h, pounner ken a oa _[ø]_, e oa digempouezet ma red gantañ, ha sachet-disachet an tamm ac’hanon.
mon sac lourd autant R était R était déséquilibré mon course avec.lui et tiré--tiré le morceau P.moi
'Décidément trop lourd, mon sac déséquilibrait ma course, me tirait à hue et à dia.'
Breton standard, corrigé CAPES 2005. traduction de Hanotte, X. 2000. Derrière la colline, Belfond.


reduplication de ken (ken-ha-ken)

L'adverbe ken peut être lui-même redupliqué (ken-ha-ken, 'tant que tant', Poher, Favereau 1997:§311).


(3) Ha goude-se ar re-se ouie dont tout setu vie blag ken-ha-ken .
et après-ça le ceux-ci AUX venir tous voila était blague autant-et-autant
'Et après tous ceux-là venaient et on blaguait (parlait) tant et tant.'
Bas-Cornouaillais (Tréboul), Hor Yezh (1983:76)
(4) Oh en em ganna e oant ken-ha-ken.
à se battre étaient autant-et-autant
'Ils se battaient à qui mieux mieux.' Plozévet, Goyat (2012:204)

A ne pas confondre

Les autres formes adverbiales ou prépositionnelles de ken, 'ne... plus, seulement', ou 'jusqu'à', sont invariables.

Il aussi existe un morphème différent, le préfixe ken- qui dénote une notion de collectif.