Kaout, 'avoir'

De Arbres

Traits exceptionnels du verbe 'kaout'

Mutations

Humphreys (1995:337) remarque avec justesse que ce verbe ne subit pas de mutations consonnantiques à son initiale. L'initiale du verbe ne varie pas selon le rannig, et donc le contexte syntaxique précédant ce rannig comme les autres verbes. Fait exceptionnel en Breton, l'initiale du verbe kaout varie selon la personne du sujet.


(1) [ p,ǝs kǝ hw'ent / m,a pǝs hw'ent]
p-eus ket c'hoant si p-eus c'hoant
(ne) 2SG-a pas envie si 2SG-a envie
'Tu ne veux pas.' / 'Si tu veux.'.' breton central, Humphreys (1995:337)

Morphologie

infinitif

L'infinitif du verbe 'avoir' est différent de dialectes en dialectes.

Hemon (2000:§140,(10),br.) note qu'en KLT moderne comme en moyen breton, il n'existe pas de morphologie infinitive propre au verbe 'avoir', qui emprunte celui du verbe trouver (caffout, ka(v)out), ou le verbe bezañ, 'être'.


(2) Red eo beza greet anezhi evit her gouzoud.
obligé est être fait P.3SGF pour 3SG.IN savoir
‘Il faut l'avoir fait pour le savoir.’ léonard (Kleder), Seite (1998:41)


Rostrenen (1738:68) relève des formes telles que endevout dans le vannetais. Pour Hemon (2000:§140,(10),br.), cette forme endevout n'existe pas ailleurs dans les dialectes.

racine

La racine verbale du verbe kaout, 'avoir' est visiblement le verbe bezañ, 'être'.

La forme d'habitude du verbe bezañ (bez/vez) émerge d'ailleurs parfois visiblement dans la morphologie:


(z) An hini a chomo amañ a lakay dour da virviñ er gaoter evit poazhañ ar pesked [...] hor bezo paket.
le N R restera ici R mettra eau P bouillir dans.le plat pour cuire le poissons 1PL aura attrappé
'Celui qui restera ici mettra de l'eau à bouillir pour uire les poissons que nous aurons attrappé.'
Kerne (Pleyben), ar Gow (1999:33)


 Trépos (2001:§598):
 "Les formes [...] peuvent être "allongées":
 e-neveus, he-deveus, o-deveus, e-nevoa, he-devoa...

conjugaison

 La variation de la morphologie de l'accord du verbe kaout, 'avoir', est documentée dans l'ALBB:
 
  - au présent: j'ai, nous avons, tu as, vous avez, il a, elle a, ils ont
 
 - au futur : j'aurai, tu avais, j'avais
 
 - au conditionnel passé et présent: (si) j'avais eu, (si) j'avais
 
 - au passé et présent d'habitude (quand) j'avais, (quand) j'ai, (quand) tu as
 

Un trait exceptionnel du verbe kaout est le marquage des traits du sujet sur la gauche du composé dans les variétés anciennes et standard.

Cette exceptionnelle inflexion verbale marquée sur la gauche du composé est déjà remarquée par Le Gonidec (1838:87). Il note que l'ensemble suit la règle de placement du verbe fléchi en seconde place se refuse en conséquence à considérer le préfixe comme un pronom sujet qui serait libre du verbe.

Dans la zone centrale, la morphologie verbale glisse vers la droite du composé (type neusomp), dans une régularisation sur le modèle des autres verbes de la langue.

Le basculement vers un marquage de suffixation est déjà remarqué par Leclerc (1986:75) comme un trait qui contraste le trégorrois de Tréguier avec la langue littéraire:

 "Remarques sur les formes irrégulières de am eus, II.
 Parfois, dans le parler populaire de Tréguier, on trouve des formes propres à la conjugaison personnelle, comme 
     
     am eump', 'nous avons', 
     o deint, 'ils ont',  
     o doaint, 'ils auront'
     kollet am eump, 'nous avons perdu'
 
 - Mais ces formes doivent être soigneusement évitées dans la langue littéraire.
 

Dans les parlers où ce glissement n'est pas entièrement achevé, on peut voir les marques de personnes sur la gauche du composé, alors que les marques de nombre y sont à droite du composé (Ploneis 1983:162-3 pour Berrien, Le Roux 1957:202 pour le Poher).


voir aussi Ernault (1888:258-65), (1890:472-4), RC 9 et 11.

Syntaxe

  • Une base sur bezañ, 'être'
Le verbe 'avoir' en breton est formé sur la base du verbe bezañ, 'être'.
Il lui emprunte son infinitif dans certains dialectes, et son participe passé dans tous.
La forme eus du verbe bezañ apparaît dans le composé verbal, et les formes d'habitude du verbe 'être' émergent parfois.
  • Le verbe kaout n'a pas d'impératif (Wmffre 1998:42).
  • Le verbe 'avoir', comme le verbe 'être', ne peut pas être conjugué avec l'auxiliaire 'faire'
(*kaout a ran, *bezan a ran).
  • Fave (1998:59) restreint l'usage de kaout lexical aux sujets indéfinis. Il note cependant que cette restriction disparait dans les phrases négatives (Fave 1998:60).

Sémantique

Le verbe kaout lexical semble signifier la possession au sens strict, ou la relation partie-tout (3).


(3) Eur feunteun, a gredan, a zo ive evel m'he deus péb chapel e Breizh-Izel.
un fontaine, R crois, R est aussi comme C 3SGF a chaque chapelle en Bretagne-Basse
'Il y a aussi, je crois, une fontaine comme chaque chapelle en a en Basse-Bretagne.'
Léon, (Kleder), Seite (1998:23)


Les formules importées du français telles que avoir bon goût, avoir une maladie, avoir mal, avoir dix ans, avoir hâte, avoir peur, etc. ne se traduisent pas en breton par l'usage du verbe kaout (Fave 1998:60).


(2) Blaz vat 'zo gant ar zoubenn.
goût bon est avec le soupe
'La soupe a bon goût.' Léon, (Kleder), Fave (1998:60)


(3) * ar ruzell e-neus vs. ar ruzell 'zo gantañ.
le rougeole 3SGM-a le rougeole R est avec.3SGM
'Il a la rougeole.' Léon, (Kleder), Fave (1998:60)


cas d'alternance avec 'être'

Le verbe kaout, contrairement au verbe 'avoir' en français, est compatible avec un verbe réfléchi:


(1) Ar vandenn a-bez he deus en em serret en eun torkad.
le bande entière 3SGF a se rangé en un troupeau , Le Bozec (1933:82)
'Tout le troupeau s'est rassemblé.' (*... s'a rassemblé)


Dans les cas d'alternance entre les verbes 'être' et 'avoir', 'avoir' contraste par la présence d'un agent dans la structure thématique du verbe. Cette alternance est notée en Breton central (Wmffre 1998:47) et en vannetais (Guillevic & Le Goff 1986:47). Selon ces derniers, la variation tient au fait que les verbes "expriment un état ou une action".


(2) a. za.əd õn vs. b. za.əd møs on ti.
levé suis élevé ai une maison
'Je me suis levé(e).' vs. 'J'ai construit une maison.' breton central, Wmffre (1998:47)


(3) a. ʒɛɣəd e vs. b. ʒɛɣəd nøs an n˜õ:ɣ.
fermé est fermé a.3SG la porte
'C'est fermé.' vs. 'Il a fermé la porte.' breton central, Wmffre (1998:47)


(4) Je suis allé : oeit on / em es oeit
Je suis venu : deit on / em es deit
Je suis arrivé : arriù on / em es arriùet
Il est mort : marù é / en des marùet
Ils sont restés : chomet ind / ou des chomet
Je suis tombé : koéhet on / em es koéhet vannetais, Guillevic & Le Goff (1986:47)

Accord

En règle générale, le système d'accord du breton montre un "effet de complémentarité": les traits du sujet sont réalisés morphologiquement soit sur le sujet lui-même, soit sur l'accord verbal, mais pas sur les deux.

Or, le verbe 'avoir', en langue standard et dans ses variétés les plus anciennes, est bloqué à l'accord riche (cf. Le Gonidec 1838:92, Hendrick 1994:173). Ce verbe porte toujours une marque des traits du sujet (genre, personne nombre).

Variation dialectale

Le trait le plus exceptionnel du verbe kaout/endevout, 'avoir, est qu'il il suit des règles de conjugaison différentes de dialecte en dialecte.

Breton standard

En breton standard, le verbe kaout / endevout, 'avoir', covarie avec les traits du sujet. Il est en cela unique dans la langue, puisqu'il échappe à l'effet de complémentarité. Ar Barzhig, originaire du Trégor (Kaouenneg, au sud de Lannion), utilise un breton très standard pour sa traduction La maison de Matriona de Soljenitsyn. Il marque régulièrement l'accord riche en nombre et en genre avec le sujet du vebre kaout, 'avoir'. La morphologie de l'accord apparaît sur la gauche du composé verbal.


(3) An holl1 draoù o doa ur plas en he fenn.
DET tout choses 3PL avait DET place dans POSS.3SGF tête
'Chaque chose avait une place pour elle.', standard, Ar Barzhig (1976:29)


(4) Komzet puilh o deus _ ar c'hazetennoù eus Solzenitsyn.
parler abondamment 3PL a le journaux de Soljenisyn
'Les journaux ont abondamment parlé de Soljenisyn.' Treger (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:7)


En standard, l'accord riche sur le verbe kaout est automatique, que le DP sujet soit devant (5) ou après (6) l'élément tensé.


(5) Hor mistri o deus en em ziskouezet dreist (...)
Nos maîtres 3PL a reflexive montré super
'Nos maitres se sont montrés très efficaces.'
standard, Kervella (1933:76)


(6) Gwir eo o deus klasket renerien ar vro gwelaat tra pe dra.
vrai est 3PL a cherché dirigeants DET pays améliorer chose ou chose
'Il est vrai que les dirigeants du pays ont cherché à améliorer quelques choses.'
standard, Kervella (1933:79)


Cependant, même des auteurs qui pensent suivre la règle du standard, comme le très normatif Le Bozec (1933), laissent transparaître des exceptions.

L'étude du verbe kaout, 'avoir' dans le paradigme de Le Bozec (1933) montre qu'il suit parfaitement la règle écrite du breton standard. Les occurrences fléchies du verbe 'avoir' marquent toujours les traits de genre, de nombre et de personne de leur sujet. Cependant, dans le cas des DPs sujet postverbaux, ils apparaissent avec la marque 3SG.


(x) Pet ponsin en deus ar yar?
combien poussin 3SG a DET poule
'Combien de poussins a la poule?' Le Bozec (1933:48)


(y) Pet vloaz en deus ho chas?
combien année 3SF a POSS.2PL chiens
'Quel âge ont vos chiens?' Le Bozec (1933:76)

Leonard

Le léonard est assez proche du standard, pour lequel il a servi de modèle pendant longtemps. On y voit le verbe kaout covarier avec les traits du sujet. Le premier morphème du standard peut avoir tendance à sauter (cf. standard ni hor beus).


(x) A ya, ni beus bet an hini gentañ hag a starde diouzhtu.
Ah oui 1PL a eu le N première.F C R pressait de.suite
'Ah oui, nous on a eu la première qui pressait tout de suite.'
Leon, Mellouet & Pennec (2004:43), (voir aussi p.186)


Dans Seite (1998), le verbe kaout dans les temps composés n'autorise pas casuellement un pronom objet. En (1), la mutation spirante sur le participe passé montre que le pronom lui est proclitique.


(1) Me ive am-eus he hanet dindan eñvor ...
1SG aussi R-1SG-a OBL.3SG2 chanté P mémoire
'Moi aussi, je l'ai chantée de mémoire...' Leon, (Kleder) Seite (1998:21)

Breton central

Le breton central marque un système en pleine évolution.

Le paradigme de cette variété est illustré par Wmffre (1998:37,40). Morphologiquement, l'accord en personne est marqué par le préfixe, comme dans les variétés plus anciennes, mais l'accord en nombre bascule vers les suffixes. A la deuxième personne le nombre est marqué sur le préfixe, mais il apparaît en suffixe pour la première personne. Il n'y a pas d'accord en genre.

Le fonctionnement de l'accord est aussi en voie de régularisation.

A la première et seconde personne, le verbe s'accorde avec les traits du sujet, mais le système de complémentarité émerge à la 3PL.

Ce n'est pas décelable au singulier puisque l'accord riche et l'accord pauvre y sont réalisés de la même manière, mais au pluriel, on voit que les sujets réalisés, pronominaux ou nominaux, déclenchent l'accord pauvre (j).


(j) [hiɲ nøs] / [an dyd nøs] vs. forme avec sujet vide: [n˜œɲ] (/œ/ nasal)
int neus an dud neus neugn
3PL a.3SG le gens a.3SG a.3PL (=ont)
‘Ils ont, les gens ont...’
breton central, Wmffre (1998:37,40)


C'est un trait de régularisation du verbe 'avoir' vers le système de tous les autres verbes de la langue.

Trégorrois

La variété de breton documentée à Tréguier par Leclerc en 1906 correspond parfaitement à la caractérisation du breton central ci-dessus. Le manque d'accord en genre (x) et la régularisation du système d'accord vers le système de complémentarité (y) s'y vérifient.


(x) Setu petra an neus laret hoc'h mamm.
voici quoi R.3SG a dit POSS.2PL+V mère
‘Voici ce qu'a dit votre mère.’ Tréguier, Leclerc (1986:76)


(y) Ar re-man an neus gwelet ar re-ze n'o deus ket.
le ceux-ci R.3SG a vu le ceux- NEG 3PL 3.a NEG
‘Ceux-ci ont vu, ceux-là n'ont pas vu.’ Tréguier, Leclerc (1986:76)

Cornouaillais

Le breton de Haute Cornouailles illustre aussi bien l'évolution du breton central. Dans la thèse de Erwan Evenou portant sur le breton parlé à Lanvenegen, un sujet DP ou pronominal pluriel déclenchent l'accord pauvre sur le verbe avoir.


(y) [ tyd mə mam -- pwan e tizowlo famij -- na diw vjOx ]
Tud ma mamm p'oan o t-dizoleañ ar familh, en doa (sik) div vuoc'h.
parent POSS mère quand étais.1SG P découvrir famille avait.3SG deux vaches
'Les parents de ma mère, quand je découvris la famille, avaient deux vaches.'
Haut-Cornouaillais (Lanvenegen), Evenou (1987:576)


(y) [ hje nize be marsən tenəd a:nun ]
Int o dije bet marse tennet warnon.
3PL aurait.3SG eu peut-être tiré sur.1SG
'Eux, m'auraient peut-être (eu) tiré dessus.' Haut-Cornouaillais (Lanvenegen), Evenou (1987:575)


Ce système d'accord irradie jusqu'à la Basse-Cornouailles. Dans la retranscription de conversation de Bernadette Troadec, du Juch, on peut reconstituer un paradigme entier où on voit qu'un sujet DP ou pronominal pluriel déclenchent l'accord pauvre sur le verbe 'avoir'.

(y) Met peogwir an dud neus otoioù, an dud c'hall dont.
mais puisque le gens a voitures, le gens peut venir
'Mais puisque les gens ont des voitures, ils peuvent venir.' Bas-Cornouaillais (Juch), Hor Yezh (1983:76)


(y) Hag i neus tier, tier nevez dezho tout!
& 3PL a maisons, Maison neuf à.3PL tout
'Et eux ont des maisons, ils ont tous des nouvelles maisons!' Bas-Cornouaillais (Juch), Hor Yezh (1983:83)


On peut vérifier la consistance de cette généralisation en observant un contexte de négation, où les autres verbes de la langue sont forcés à l'accord riche. Le verbe kaout y donne tout de même une marque appauvrie en traits.

(y) Ar re-se neus ket labouret morse, labouront ket, ar re-se...
le ceux- a pas travaillé jamais travaillent pas le ceux-là
'Ceux-là n'ont jamais travillé, ils ne travillent pas, ceux-là.' Bas-Cornouaillais (Juch), Hor Yezh (1983:71)


La généralisation de l'accord pauvre à la troisième personne en bas-Cornouaillais est aussi vérifiée dans un autre corpus oral douarneniste transcrit par Herle Denez en 1984 (Griffon (verbe 'kaout')).


Vannetais

Guillevic & Le Goff (1986:90) notent qu'avec un sujet non-pronominal, l'accord est uniformément gelé à [3SG]. Ils donnent des exemples sans marque du pluriel (y), et sans marque du féminin (z).

(y) Er ré-men en des guélet, er ré-zé n' ou des ket.
le ceux- 3SG a vu, le ceux-ci ne 3PL a pas
'Ceux-ci ont vu, ceux là n'ont pas vu.' vannetais, Guillevic & Le Goff (1986:90)


(z) Chetu petra en des (*he des) laret hou mam
voici quoi 3SG.M a (*3SG.F a) dit POSS.2PL mère
'Voici ce qu'a dit votre mère.' vannetais, Guillevic & Le Goff (1986:90)


En vannetais, existe aussi un paradigme spécial de pronoms objets après le verbe 'avoir', restreint aux pronoms de troisième personne (Jouitteau & Rezac 2008).


(2) me mès (ean) douget (me zad).
NEG ai.1SG 3SG craint mon père
'Je l'ai craint/ j'ai craint mon père.' vannetais, Guillome (1836:115)


En vannetais existe enfin une forme "conjuguée" de l'infinitif (Guillevic and Le Goff 1986:42). Ci-dessous, on voit que le pronom clitique antéposé à bout y est morphologiquement similaire au déterminant possessif.


(w) Goude hor bout predet e tiskouezer deomp hor gweleioù soudard.
après 1PL être mangé R montre.IMP P.1PL POSS.1PL lits soldat
'Après avoir mangé, on nous montre nos lits de soldats.' vannetais, Herrieu (1994:307)


Infinitif vannetais 'conjugué'

Il existe une forme analytique de type vannetais, basé sur le verbe 'être'. Le Roux (1957:413) relève dans la Revue Celtique des occurrences du verbe 'avoir' analytique en vannetais conjugué avec l'auxiliaire ober. Voir aussi Hemon (2000:§140,(10)) pour quelques exemples et citations de diverses références, et le dictionnaire étymologique de Emile Ernault, p.230.


(2) hur bout a ramb nous avons
hé dout e ré elle avait
hag en devout e rehè m'anemisèd? est-ce que mes ennemis auraient...?
hou poud a ra vous avez (impersonnel) Le Roux (1957) citant la Revue Celtique VIII:43, IX:265, XI:473.


Cette forme analytique de l'infinitif est aussi présente dans des petites propositions infinitives chez Le Bayon (1878), qui a vécu à Auray et à Groix (3). Elle est vivante au XXI° siècle.

(3) e mes [ em bout hou s-offañset ]
regret R ai.1SG R.1SG être OBL.2PL offensé
'Je me repens de vous avoir offensé.' Le Bayon (1878)


Le Roux (1957:413) note que "cette construction est donnée par l'ALBB (carte 80) dans une zone assez profonde du Trégor et de Cornouailles, entourant le Vannetais (Saint-Fiacre, Peumerit-Quintin, Corlay, Mûr, Plélauff, Roudouallec, Scaër, Le Faouët, Clohars-Carnoët), ainsi qu'à Belle-Isle et au Bourg-de-Batz". Cependant, ladite carte 80 à laquelle il réfère aussi précisément ne concerne pas le verbe 'avoir', mais la traduction de 'il y a'. L'ALBB ne contient pas de carte de l'infinitif du verbe 'avoir'.

Pour Hemon (2000:§140,(10)), cette forme était absente du moyen breton.


objets directs postverbaux

C'est en Vannetais et en Bas-vannetais qu'existe le paradigme d'objets directs postverbaux restreints à la personne 3.

Paramètres de variation

Une étape préliminaire à la collecte sur le terrain est la vérification de la consistance des paramètres de variation. Une méthode consiste à documenter la variation à partir de corpus écrites par des locuteurs natifs qui ont un dialecte géographisé. Ces corpus sont référencés sur une carte en ligne.


Ci-dessous sont listés les paramètres de variation identifiés jusqu'à présent dans l'analyse de la variation du verbe kaout/endevout ('avoir'). Dans une collecte à large échelle sur le territoire brittophone, pour chaque variété de breton, afin de pouvoir établir la structures du verbe qui est utilisée dans cette variété, il nous faudra documenter:


 - les paradigmes d'accord avec un sujet / possesseur phonologiquement nul
 
 - les paradigmes d'accord avec un sujet / possesseur pronominal réalisé
 
 - les paradigmes d'accord avec un sujet / possesseur DP préverbal
 
 - les paradigmes d'accord avec un sujet / possesseur DP postverbal 
                    (cf. contraste post/préverbal dans Le Bozec 1933)
 
 - la présence/absence d'objets directs postverbaux 
 
 - la présence/absence de paradigme covariant avec le sujet / possesseur dans les infinitives
 
 Par prudence, on peut vérifier que le verbe lexical et le verbe auxiliaire se comportent 
 toujours de la même manière.

Bibliographie

Description générale

  • Ernault, E. 1888. 'Études bretonnes. VI. La conjugaison personnelle et le verbe avoir', Revue Celtique IX,245-26.
  • Fleuriot, L. 19XX. 'Skouerioù emdroadurioù e morfologiezh hag ereadur ar brezhoneg', Hor Yezh 228 [2001].
  • Le Gonidec, Jean-François, 1807. Grammaire celto-bretonne, Paris réed. 1838. ed. H. Delloye.
  • Plerger, Y. [Olier Mordrel], 1961, 'Ar meizad "habere" e brezhoneg', Hor Yezh 14, 16-26.

Ouvrages théoriques

  • Hendrick, R. 1994. 'The Brythonic copula and head raising', D. Lightfoot and Norbert Hornstein (eds.), Verb Movement, Cambridge: Cambridge University Press.
  • Jouitteau, M. et Rezac, M. 2008. ‘From mihi est to have across Breton dialects’, Paola Benincà, Federico Damonte and Nicoletta Penello (eds.), Proceedings of the 34th Incontro di Grammatica Generativa, Unipress, Padova, special issue of the Rivista di Grammatica Generativa, vol. 32., 161 - 178. texte en ligne
  • Jouitteau, M. et M. Rezac, 2009. 'Le verbe 'avoir' à travers les dialectes du breton', La Bretagne Linguistique, CRBC, Brest. texte en ligne
  • Jouitteau, M. & Rezac, M. 2006. ‘Deriving the Complementarity Effect: Relativized Minimality in Breton Agreement’. Lingua, numéro spécial sur les langues celtiques lingBuzz/000066
  • Jouitteau, M. 2005. La syntaxe comparée du Breton, PhD ms.

Description de la variation dialectale

  • Belz, J. 1974. '"En devout" e Plouharnel', Hor Yezh 96, 31-34.
  • Evenou, E. 1987. Description phonologique du breton de Lanvenegen (canton du Faouet, Cornouaille), thèse Rennes II.
  • Heusaff, A. 1959. 'Displagadur ar verb-skoazell e Sant Yvi', Hor Yezh 8 (&9).
  • Kerembelleg, Ani. 1974. 'Stummoù ar verb kaout e Trebrivan', Hor Yezh 94, 50-54.
  • Leclerc, L. 1986 [1906, 1911], Grammaire Bretonne du dialecte de Tréguier, 3ième édition, Ar Skol Vrezhoneg, Emgleo Breiz (précédentes Saint-Brieuc: Prud'homme).
  • Le Bayon, A.-M. 1986 [1878]. Grammaire bretonne du dialecte de Vannes, 1878 édition Vannes: Imprimerie Lafolye, 1986 édition Hor Yezh.
  • Le Roux, P. 1924-1953. Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne, 6 vol. grouping 100 maps each, Rennes - Paris, (reprinted, Éditions Armoricaines, Brest, 1977; last edition Brud Nevez.)
http://sbahuaud.free.fr/ALBB/
  • Ploneis, J.M. 1983. Au carrefour des dialectes bretons – Le parler de Berrien: Essai de description phonématique et morphologique, Société d’études linguistiques et anthropologiques de France (SELAF), Paris. Preview
  • de Rostrenen, G. 1738. Grammaire Françoise-Celtique ou Françoise-Bretonne qui contient tout ce qui est nécessaire pour apprendre par les Règles la langue celtique ou bretonne, Roazhon : Vatar, 1738. In-12 : XVI-192 p. ([réédition Alain Le Fournier, Brest], [réédition 2008 embannadurioù Al Lanv])
  • Wmffre, I. 1998. Central Breton. [= Languages of the World Materials 152] Unterschleißheim: Lincom Europa.

Spécialistes référents pour cette fiche de collectage

Milan Rezac, CNRS, UMR 7023 Université Paris 8