Kaout, 'avoir'
Traits exceptionnels du verbe 'kaout'
Mutations
Humpheys (1995:337) remarque avec justesse que ce verbe ne subit pas de mutations consonnantiques à son initiale. L'initiale du verbe ne varie pas selon le rannig, et donc le contexte syntaxique précédant ce rannig comme les autres verbes. Fait exceptionnel en Breton, l'initiale du verbe kaout varie selon la personne du sujet.
(1) | [ | p,ǝs | kǝ hw'ent | / | m,a pǝs | hw'ent] | |||
p-eus | ket c'hoant | ma p-eus | c'hoant | ||||||
(NEG) | 2SG-a | NEG envie | si 2SG-a | envie | |||||
'Tu ne veux pas.' / 'Si tu veux.'.' | breton central, | Humphreys (1995:337) |
Morphologie
infinitif
L'infinitif du verbe 'avoir' est différent de dialectes en dialectes.
Hemon (2000:§140,(10),br.) note qu'en KLT moderne comme en moyen breton, il n'existe pas de morphologie infinitive propre au verbe 'avoir', qui emprunte celui du verbe trouver (caffout, ka(v)out), ou le verbe bezañ, 'être'.
(2) | Red eo | beza greet anezhi | evit her | gouzoud. | |||
obligé est | être fait P.3SGF | pour 3SG.IN | savoir | ||||
‘Il faut l'avoir fait pour le savoir.’ | léonard (Kleder), Seite (1998:41) |
Rostrenen (1738:68) relève des formes telles que endevout dans le vannetais. Pour Hemon (2000:§140,(10),br.), cette forme endevout n'existe pas ailleurs dans les dialectes.
racine
La racine verbale du verbe kaout, 'avoir' est visiblement le verbe bezañ, 'être'.
La forme d'habitude du verbe bezañ émerge d'ailleurs parfois visiblement dans la morphologie:
Trépos (2001:§598): "Les formes [...] peuvent être "allongées": e-neveus, he-deveus, o-deveus, e-nevoa, he-devoa...
conjugaison
La variation de la morphologie de l'accord du verbe kaout, 'avoir', est documentée dans l'ALBB: - au présent: j'ai, nous avons, tu as, vous avez, il a, elle a, ils ont - au futur : j'aurai, tu avais, j'avais - au conditionnel passé et présent: (si) j'avais eu, (si) j'avais - au passé et présent d'habitude (quand) j'avais, (quand) j'ai, (quand) tu as
Un trait exceptionnel du verbe kaout est le marquage des traits du sujet sur la gauche du composé dans les variétés anciennes et standard.
Cette exceptionnelle inflexion verbale marquée sur la gauche du composé est déjà remarquée par Le Gonidec (1838:87). Il note que l'ensemble suit la règle de placement du verbe fléchi en seconde place se refuse en conséquence à considérer le préfixe comme un pronom sujet qui serait libre du verbe.
Dans la zone centrale, la morphologie verbale glisse vers la droite du composé (type neusomp), dans une régularisation sur le modèle des autres verbes de la langue.
Le basculement vers un marquage de suffixation est déjà remarqué par Leclerc (1986:75) comme un trait qui contraste le trégorrois de Tréguier avec la langue littéraire:
"Remarques sur les formes irrégulières de am eus, II. Parfois, dans le parler populaire de Tréguier, on trouve des formes propres à la conjugaison personnelle, comme am eump', 'nous avons', o deint, 'ils ont', o doaint, 'ils auront' kollet am eump, 'nous avons perdu' - Mais ces formes doivent être soigneusement évitées dans la langue littéraire.
Dans les parlers où ce glissement n'est pas entièrement achevé, on peut voir les marques de personnes sur la gauche du composé, alors que les marques de nombre y sont à droite du composé (Ploneis 1983:162-3 pour Berrien, Le Roux 1957:202 pour le Poher).
- voir aussi Ernault (1888:258-65), (1890:472-4), RC 9 et 11.
Syntaxe
- Une base sur bezañ, 'être'
- Le verbe 'avoir' en breton est formé sur la base du verbe bezañ, 'être'.
- Il lui emprunte son infinitif dans certains dialectes, et son participe passé dans tous.
- La forme eus du verbe bezañ apparaît dans le composé verbal, et les formes d'habitude du verbe 'être' émergent parfois.
- Le verbe kaout n'a pas d'impératif (Wmffre 1998:42).
- Le verbe 'avoir', comme le verbe 'être', ne peut pas être conjugué avec l'auxiliaire 'faire'
- (*kaout a ran, *bezan a ran).
- Comme noté par Leclerc (1986:75), le verbe 'avoir' ne possède pas de forme impersonnelle.
- Fave (1998:59) restreint l'usage de kaout lexical aux sujets indéfinis. Il note cependant que cette restriction disparait dans les phrases négatives (Fave 1998:60).
- le verbe kaout est le seul à avoir un paradigme d'objets directs postverbaux restreints à la personne 3.
Sémantique
Le verbe kaout lexical semble signifier la possession au sens strict, ou la relation partie-tout (3).
(3) | Eur feunteun, a gredan, | a zo ive | evel m'he deus | péb chapel | e Breizh-Izel. | |
DET fontaine, R crois, | R est aussi | comme C 3SGF a | chaque chapelle | en Bretagne-Basse | ||
'Il y a aussi, je crois, une fontaine comme chaque chapelle en a en Basse-Bretagne.' | ||||||
Léon, (Kleder), Seite (1998:23) |
Les formules importées du français telles que avoir bon goût, avoir une maladie, avoir mal, avoir dix ans, avoir hâte, avoir peur, etc. ne se traduisent pas en breton par l'usage du verbe kaout (Fave 1998:60).
(2) | Blaz vat 'zo gant ar zoubenn. | ||||||||||
goût bon est avec DET soupe | |||||||||||
'La soupe a bon goût.' | Léon, (Kleder), | Fave (1998:60) |
(3) | * | ar ruzell e-neus | vs. | √ | ar ruzell 'zo gantañ. | ||||||
DET rougeole 3SGM-a | DET rougeole R est avec.3SGM | ||||||||||
'Il a la rougeole.' | Léon, (Kleder), | Fave (1998:60) |
cas d'alternance avec 'être'
Le verbe kaout, contrairement au verbe 'avoir' en français, est compatible avec un verbe réfléchi:
(1) | Ar vandenn a-bez | he deus | en em | serret | en eun torkad. | |
DET bande entière | 3SGF a | se | rangé | dans DET troupeau | , Le Bozec (1933:82) | |
'Tout le troupeau s'est rassemblé.' (*... s'a rassemblé) |
Dans les cas d'alternance entre les verbes 'être' et 'avoir', 'avoir' contraste par la présence d'un agent dans la structure thématique du verbe. Cette alternance est notée en Breton central (Wmffre 1998:47) et en vannetais (Guillevic & Le Goff 1986:47). Selon ces derniers, la variation tient au fait que les verbes "expriment un état ou une action".
(2) | a. | za.əd õn | vs. | b. | za.əd | møs on ti. | |||||
levé suis | élevé | ai une maison | |||||||||
'Je me suis levé(e).' vs. 'J'ai construit une maison.' | breton central, | Wmffre (1998:47) |
(3) | a. | ʒɛɣəd e | vs. | b. | ʒɛɣəd nøs an n˜õ:ɣ. | ||||||
fermé est | fermé a.3SG la porte | ||||||||||
'C'est fermé.' vs. 'Il a fermé la porte.' | breton central, | Wmffre (1998:47) |
(4) | Je suis allé | : | oeit on | / | em es oeit | |||||||||
Je suis venu | : | deit on | / | em es deit | ||||||||||
Je suis arrivé | : | arriù on | / | em es arriùet | ||||||||||
Il est mort | : | marù é | / | en des marùet | ||||||||||
Ils sont restés | : | chomet ind | / | ou des chomet | ||||||||||
Je suis tombé | : | koéhet on | / | em es koéhet | vannetais, | Guillevic & Le Goff (1986:47) |
Accord
En règle générale, le système d'accord du breton montre un "effet de complémentarité": les traits du sujet sont réalisés morphologiquement soit sur le sujet lui-même, soit sur l'accord verbal, mais pas sur les deux.
Or, le verbe 'avoir', en langue standard et dans ses variétés les plus anciennes, est bloqué à l'accord riche (cf. Le Gonidec 1838:92, Hendrick 1994:173). Ce verbe porte toujours une marque des traits du sujet (genre, personne nombre).
Variation dialectale
Le trait le plus exceptionnel du verbe kaout/endevout, 'avoir, est qu'il il suit des règles de conjugaison différentes de dialecte en dialecte.
Breton standard
En breton standard, le verbe kaout / endevout, 'avoir', covarie avec les traits du sujet. Il est en cela unique dans la langue, puisqu'il échappe à l'effet de complémentarité. Ar Barzhig, originaire du Trégor (Kaouenneg, au sud de Lannion), utilise un breton très standard pour sa traduction La maison de Matriona de Soljenitsyn. Il marque régulièrement l'accord riche en nombre et en genre avec le sujet du vebre kaout, 'avoir'. La morphologie de l'accord apparaît sur la gauche du composé verbal.
(3) | An holl1 draoù | o doa | ur plas | en he fenn. | ||
DET tout choses | 3PL avait | DET place | dans POSS.3SGF tête | |||
'Chaque chose avait une place pour elle.', | standard, Ar Barzhig (1976:29) |
(4) | Komzet puilh | o deus | _ | ar c'hazetennoù | eus Solzenitsyn. | |||||
parler abondamment | 3PL a | DET journaux | de Soljenisyn | |||||||
'Les journaux ont abondamment parlé de Soljenisyn.' | Treger (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:7) |
En standard, l'accord riche sur le verbe kaout est automatique, que le DP sujet soit devant (5) ou après (6) l'élément tensé.
(5) | Hor mistri | o deus | en em | ziskouezet dreist (...) | ||
Nos maîtres | 3PL a | reflexive | montré super | |||
'Nos maitres se sont montrés très efficaces.' | ||||||
standard, Kervella (1933:76) |
(6) | Gwir eo | o deus | klasket | renerien ar vro | gwelaat | tra pe dra. |
vrai est | 3PL a | cherché | dirigeants DET pays | améliorer | chose ou chose | |
'Il est vrai que les dirigeants du pays ont cherché à améliorer quelques choses.' | ||||||
standard, Kervella (1933:79) |
Cependant, même des auteurs qui pensent suivre la règle du standard, comme le très normatif Le Bozec (1933), laissent transparaître des exceptions.
L'étude du verbe kaout, 'avoir' dans le paradigme de Le Bozec (1933) montre qu'il suit parfaitement la règle écrite du breton standard. Les occurrences fléchies du verbe 'avoir' marquent toujours les traits de genre, de nombre et de personne de leur sujet. Cependant, dans le cas des DPs sujet postverbaux, ils apparaissent avec la marque 3SG.
(x) | Pet ponsin | en deus | ar yar? | |||||
combien poussin | 3SG a | DET poule | ||||||
'Combien de poussins a la poule?' | Le Bozec (1933:48) |
(y) | Pet vloaz | en deus | ho | chas? | ||||
combien année | 3SF a | POSS.2PL | chiens | |||||
'Quel âge ont vos chiens?' | Le Bozec (1933:76) |
Leonard
Le léonard est assez proche du standard, pour lequel il a servi de modèle pendant longtemps. On y voit le verbe kaout covarier avec les traits du sujet. Le premier morphème du standard peut avoir tendance à sauter (cf. standard ni hor beus).
(x) | A ya, | ni beus | bet | an hini gentañ | hag | a starde diouzhtu. | ||
Ah oui | 1PL a | eu | DET N première.F | C | R pressait de.suite | |||
'Ah oui, nous on a eu la première qui pressait tout de suite.' | Leon, Mellouet & Pennec (2004:43), (voir aussi p.186) |
Dans Seite (1998), le verbe kaout dans les temps composés n'autorise pas casuellement un pronom objet. En (1), la mutation spirante sur le participe passé montre que le pronom lui est proclitique.
(1) | Me ive | am-eus | he2 | hanet | dindan eñvor ... | |||||
1SG aussi | R-1SG-a | OBL.3SG | chanté | sous mémoire | ||||||
'Moi aussi, je l'ai chantée de mémoire...' | Leon, (Kleder) | Seite (1998:21) |
Breton central
Le breton central marque un système en pleine évolution.
Le paradigme de cette variété est illustré par Wmffre (1998:37,40). Morphologiquement, l'accord en personne est marqué par le préfixe, comme dans les variétés plus anciennes, mais l'accord en nombre bascule vers les suffixes. A la deuxième personne le nombre est marqué sur le préfixe, mais il apparaît en suffixe pour la première personne. Il n'y a pas d'accord en genre.
Le fonctionnement de l'accord est aussi en voie de régularisation.
A la première et seconde personne, le verbe s'accorde avec les traits du sujet, mais le système de complémentarité émerge à la 3PL.
Ce n'est pas décelable au singulier puisque l'accord riche et l'accord pauvre y sont réalisés de la même manière, mais au pluriel, on voit que les sujets réalisés, pronominaux ou nominaux, déclenchent l'accord pauvre (j).
(j) | [hiɲ nøs] | / | [an dyd nøs] | vs. | forme avec sujet vide: | [n˜œɲ] (/œ/ nasal) | ||
int neus | an dud neus | neugn | ||||||
3PL a.3SG | DET gens a.3SG | a.3PL (=ont) | ||||||
‘Ils ont, les gens ont...’ | breton central, Wmffre (1998:37,40) |
C'est un trait de régularisation du verbe 'avoir' vers le système de tous les autres verbes de la langue.
Trégorrois
La variété de breton documentée à Tréguier par Leclerc en 1906 correspond parfaitement à la caractérisation du breton central ci-dessus. Le manque d'accord en genre (x) et la régularisation du système d'accord vers le système de complémentarité (y) s'y vérifient.
(x) | Setu petra | an neus laret | hoc'h mamm. | ||
voici quoi | R.3SG a dit | POSS.2PL mère | |||
‘Voici ce qu'a dit votre mère.’ | Tréguier, Leclerc (1986:76) |
(y) | ar re-man | an neus gwelet | ar re-ze n'o deus ket. | ||
DET ceux-ci | R.3SG a vu | DET ceux-là NEG 3PL 3.a NEG | |||
‘Ceux-ci ont vu, ceux-là n'ont pas vu.’ | Tréguier, Leclerc (1986:76) |
Cornouaillais
Le breton de Haute Cornouailles illustre aussi bien l'évolution du breton central. Dans la thèse de Erwan Evenou portant sur le breton parlé à Lanvenegen, un sujet DP ou pronominal pluriel déclenchent l'accord pauvre sur le verbe avoir.
(y) | [ tyd mə mam | -- pwan e tizowlo famij -- | na diw vjOx ] | |
Tud ma mamm | p'oan o t-dizoleañ ar familh, | en doa (sik) div vuoc'h. | ||
parent POSS mère | quand étais.1SG P découvrir famille | avait.3SG deux vaches | ||
'Les parents de ma mère, quand je découvris la famille, avaient deux vaches.' | ||||
Haut-Cornouaillais (Lanvenegen), Evenou (1987:576) |
(y) | [ hje | nize be | marsən | tenəd a:nun ] | ||
Int | o dije bet | marse | tennet warnon | |||
3PL | aurait.3SG ptc | peut-être | tiré sur.1SG | |||
'Eux, m'auraient peut-être tiré dessus.' | Haut-Cornouaillais (Lanvenegen), Evenou (1987:575) |
Ce système d'accord irradie jusqu'à la Basse-Cornouailles.
Dans la retranscription de conversation de Bernadette Troadec, du Juch, on peut reconstituer un paradigme entier où on voit qu'un sujet DP ou pronominal pluriel déclenchent l'accord pauvre sur le verbe avoir.
(y) | Met peogwir | an dud | neus | otoioù, | an dud | c'hall dont. |
mais puisque | DET gens | a | voitures, | DET gens | peut venir | |
'Mais puisque les gens ont des voitures, ils peuvent venir.' | Bas-Cornouaillais (Juch), Hor Yezh (1983:76) |
(y) | Hag | i | neus | tier, | tier nevez | dezho tout! |
& | 3PL | a | maisons, | Maison neuf | à.3PL tout | |
'Et eux ont des maisons, ils ont tous des nouvelles maisons!' | Bas-Cornouaillais (Juch), Hor Yezh (1983:83) |
On peut vérifier la consistance de cette généralisation en observant un contexte de négation, où les autres verbes de la langue sont forcés à l'accord riche. Le verbe kaout y donne tout de même une marque appauvrie en traits.
(y) | Ar re-se | neus | ket | labouret morse, | labouront ket, | ar re-se... |
DET ceux-là | a | NEG | travaillé jamais | travaillent NEG | DET ceux-là | |
'Ceux-là n'ont jamais travillé, ils ne travillent pas, ceux-là.' | Bas-Cornouaillais (Juch), Hor Yezh (1983:71) |
La généralisation de l'accord pauvre à la troisième personne en Bas-Cornouaillais est aussi vérifiée dans un autre corpus oral douarneniste transcrit par Herle Denez en 1984 (Griffon (verbe 'kaout')).
Vannetais
Guillevic & Le Goff (1986:90) notent qu'avec un sujet non-pronominal, l'accord est uniformément gelé à [3SG]. Ils donnent des exemples sans marque du pluriel (y), et sans marque du féminin (z).
(y) | er ré-men | en des guélet, | er ré-zé | n' | ou des ket. | |||||
DET ceux-là | 3SG a vu, | DET ceux-ci | NEG | 3PL a NEG | ||||||
'Ceux-ci ont vu, ceux là n'ont pas vu.' | vannetais, Guillevic & Le Goff (1986:90) |
(z) | Chetu petra | en des | (*he des) | laret hou mam | ||||||
voici quoi | 3SG.M a | (*3SG.F a) | dit POSS.2PL mère | |||||||
'Voici ce qu'a dit votre mère.' | vannetais, Guillevic & Le Goff (1986:90) |
En vannetais, existe aussi un paradigme spécial de pronoms objets après le verbe 'avoir', restreint aux pronoms de troisième personne (Jouitteau & Rezac 2008).
(2) | me | mès | (ean) | douget | (me zad). | ||
NEG | ai.1SG | 3SG | craint | mon père | |||
'Je l'ai craint/ j'ai craint mon père.' | vannetais, Guillome (1836:115) |
En vannetais existe enfin une forme "conjuguée" de l'infinitif (Guillevic and Le Goff 1986:42). Ci-dessous, on voit que le pronom clitique antéposé à bout y est morphologiquement similaire au déterminant possessif.
(w) | Goude hor bout predet | e tiskouezer deomp | hor | gweleioù soudard. | ||||||
après 1PL être mangé | R montre.IMP P.1PL | POSS.1PL | lits soldat | |||||||
'Après avoir mangé, on nous montre nos lits de soldats.' | vannetais, Herrieu (1994:307) |
Infinitif vannetais 'conjugué'
Il existe une forme analytique de type vannetais, basé sur le verbe 'être'. Le Roux (1957:413) relève dans la Revue Celtique des occurrences du verbe 'avoir' analytique en vannetais conjugué avec l'auxiliaire ober. Voir aussi Hemon (2000:§140,(10)) pour quelques exemples et citations de diverses références, et le dictionnaire étymologique de Emile Ernault, p.230.
(2) | hur bout a ramb | nous avons | |||
hé dout e ré | elle avait | ||||
hag en devout e rehè m'anemisèd? | est-ce que mes ennemis auraient...? | ||||
hou poud a ra | vous avez (impersonnel) | Le Roux (1957) citant la Revue Celtique VIII:43, IX:265, XI:473. |
Cette forme analytique de l'infinitif est aussi présente dans des petites propositions infinitives chez Le Bayon (1878), qui a vécu à Auray et à Groix (3). Elle est vivante au XXI° siècle.
(3) | Kӕ | e mes | [ | em bout | hou s-offañset | ] | ||
regret | R ai.1SG | R.1SG être | OBL.2PL offensé | |||||
'Je me repens de vous avoir offensé.' | Le Bayon (1878) |
Le Roux (1957:413) note que "cette construction est donnée par l'ALBB (carte 80) dans une zone assez profonde du Trégor et de Cornouailles, entourant le Vannetais (Saint-Fiacre, Peumerit-Quintin, Corlay, Mûr, Plélauff, Roudouallec, Scaër, Le Faouët, Clohars-Carnoët), ainsi qu'à Belle-Isle et au Bourg-de-Batz".
Cependant, ladite carte 80 à laquelle il réfère aussi précisément ne concerne pas le verbe 'avoir', mais la traduction de 'il y a'. L'ALBB ne contient pas de carte de l'infinitif du verbe 'avoir'.
Pour Hemon (2000:§140,(10)), cette forme était absente du moyen breton.
objets directs postverbaux
C'est en Vannetais et en Bas-vannetais qu'existe le paradigme d'objets directs postverbaux restreints à la personne 3.
Paramètres de variation
Une étape préliminaire à la collecte sur le terrain est la vérification de la consistance des paramètres de variation. Une méthode consiste à documenter la variation à partir de corpus écrites par des locuteurs natifs qui ont un dialecte géographisé. Ces corpus sont référencés sur une carte en ligne.
Ci-dessous sont listés les paramètres de variation identifiés jusqu'à présent dans l'analyse de la variation du verbe kaout/endevout ('avoir').
Dans une collecte à large échelle sur le territoire brittophone, pour chaque variété de breton, afin de pouvoir établir la structures du verbe qui est utilisée dans cette variété, il nous faudra documenter:
- les paradigmes d'accord avec un sujet / possesseur phonologiquement nul - les paradigmes d'accord avec un sujet / possesseur pronominal réalisé - les paradigmes d'accord avec un sujet / possesseur DP préverbal - les paradigmes d'accord avec un sujet / possesseur DP postverbal (cf. contraste post/préverbal dans Le Bozec 1933) - la présence/absence d'objets directs postverbaux - la présence/absence de paradigme covariant avec le sujet / possesseur dans les infinitives Par prudence, on peut vérifier que le verbe lexical et le verbe auxiliaire se comportent toujours de la même manière.
Bibliographie
Description générale
- Ernault, E. 1888. 'Études bretonnes. VI. La conjugaison personnelle et le verbe avoir', Revue Celtique IX,245-26.
- Fleuriot, L. 19XX. 'Skouerioù emdroadurioù e morfologiezh hag ereadur ar brezhoneg', Hor Yezh 228 [2001].
- Le Gonidec, Jean-François, 1807. Grammaire celto-bretonne, Paris réed. 1838. ed. H. Delloye.
- Plerger, Y. [Olier Mordrel], 1961, 'Ar meizad "habere" e brezhoneg', Hor Yezh 14, 16-26.
Ouvrages théoriques
- Jouitteau, M. et Rezac, M. 2008. ‘From mihi est to have across Breton dialects’, Paola Benincà, Federico Damonte and Nicoletta Penello (eds.), Proceedings of the 34th Incontro di Grammatica Generativa, Unipress, Padova, special issue of the Rivista di Grammatica Generativa, vol. 32., 161 - 178. texte en ligne
- Jouitteau, M. et M. Rezac, 2009. 'Le verbe 'avoir' à travers les dialectes du breton', La Bretagne Linguistique, CRBC, Brest. texte en ligne
- Jouitteau, M. & Rezac, M. 2006. ‘Deriving the Complementarity Effect: Relativized Minimality in Breton Agreement’. Lingua, numéro spécial sur les langues celtiques lingBuzz/000066
- Jouitteau, M. 2005. La syntaxe comparée du Breton, PhD ms.
Description de la variation dialectale
- Belz, J. 1974. '"En devout" e Plouharnel', Hor Yezh 96, 31-34.
- Evenou, E. 1987. Description phonologique du breton de Lanvenegen (canton du Faouet, Cornouaille), thèse Rennes II.
- Guillevic, A.; Le Goff, P. 1986 [1902 Vannes, Lafolye]. Grammaire Bretonne du Dialecte de Vannes, Brest: Ar Skol Vrezhoneg- Emgleo Breiz.
- Heusaff, A. 1959. 'Displagadur ar verb-skoazell e Sant Yvi', Hor Yezh 8 (&9).
- Humphreys, H.L. 1995. Phonologie et morphosyntaxe du parler breton de Bothoa, Brest, Emglev Breizh.
- Kerembelleg, Ani. 1974. 'Stummoù ar verb kaout e Trebrivan', Hor Yezh 94, 50-54.
- Leclerc, L. 1986 [1906, 1911], Grammaire Bretonne du dialecte de Tréguier, 3ième édition, Ar Skol Vrezhoneg, Emgleo Breiz (précédentes Saint-Brieuc: Prud'homme).
- Le Bayon, A.-M. 1986 [1878]. Grammaire bretonne du dialecte de Vannes, 1878 édition Vannes: Imprimerie Lafolye, 1986 édition Hor Yezh.
- Le Roux, P. 1924-1953. Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne, 6 vol. grouping 100 maps each, Rennes - Paris, (reprinted, Éditions Armoricaines, Brest, 1977; last edition Brud Nevez.)
- Ploneis, J.M. 1983. Au carrefour des dialectes bretons – Le parler de Berrien: Essai de description phonématique et morphologique, Société d’études linguistiques et anthropologiques de France (SELAF), Paris. Preview
- de Rostrenen, G. 1738. Grammaire Françoise-Celtique ou Françoise-Bretonne qui contient tout ce qui est nécessaire pour apprendre par les Règles la langue celtique ou bretonne, Roazhon : Vatar, 1738. In-12 : XVI-192 p. ([réédition Alain Le Fournier, Brest], [réédition 2008 embannadurioù Al Lanv])
- [[Wmffre (1998)|Wmffre, I. 1998]. Central Breton. [= Languages of the World Materials 152] Unterschleißheim: Lincom Europa.
Spécialistes référents pour cette fiche de collectage
Milan Rezac, CNRS, UMR 7023 Université Paris 8