Différences entre les versions de « Kan-, ken-, kem-, kef-, kev-, kiv-, kom-, kon- »

De Arbres
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Le [[morphème]] ''ken-'' apparaît aussi sous les formes ''ke-'', ''kev-'', ''kef-'', ''ki-'', ''kiv-'', ainsi qu'avec les nasales ''kem-'', ''kom-''. Les formes ''kan-'' et ''kon-'' sont aussi apparentées.
Le [[morphème]] ''ken-'' apparaît aussi sous les formes ''ke-'', ''kev-'', ''kef-'', ''ki-'', ''kiv-'', ainsi qu'avec les nasales ''kem-'', ''kom-''. Les formes ''kan-'' et ''kon-'' sont aussi apparentées. Ce [[préfixe]] est très productif. Sur les [[noms]] ou les [[verbes]], il dénote une notion de groupe, de collectif, de réciprocité ou de parallélisme .  
 
Ce [[préfixe]] est très productif. Sur les [[noms]] ou les [[verbes]], il dénote une notion de groupe, de collectif ou un parallélisme .  




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(2) '''''ken'''vreuriañ'', 's'affilier'  
(2) '''''ken'''vreuriañ'' 's'affilier'  
: '''''ken'''vroad'', 'compatriote'
: '''''ken'''vroad'' 'compatriote'
: '''''ken'''werzh'', 'commerce'; '''''ken'''werzhañ'', 'commercer'; '''''ken'''werzhour'', 'commerçant', [[Deshayes (2003)|Deshayes (2003]]:37)
: '''''ken'''werzh'' 'commerce', '''''ken'''werzhañ'' 'commercer', '''''ken'''werzhour'' 'commerçant', [[Deshayes (2003)|Deshayes (2003]]:37)
 
 
(3) '''''ke'''vrenn'', 'part, portion' ([[Trépos (2001)|Trépos 2001]]:§121), 'section' ([[Favereau (1997) |Favereau 1997]]:§194)




[[Trépos (2001)|Trépos (2001]]:§121) cite '''''ken'''garantez'', 'affection mutuelle', '''''ken'''vreur'', 'confrère'  
(3) '''''ke'''vrenn'' 'part, portion' ([[Trépos (2001)|Trépos 2001]]:§121), 'section' ([[Favereau (1997) |Favereau 1997]]:§194)


[[Gros (1984)|Gros (1984]]:369) donne '''''ke'''vannus'', 'fréquenté'.


[[Favereau (1997)|Favereau (1997]]:§229) donne '''''kev'''leue'' / '''''kef'''leue'', 'avec veau'.
[[Trépos (2001)|Trépos (2001]]:§121) donne '''''ken'''vreur'' 'confrère'. [[Gros (1984)|Gros (1984]]:369) donne '''''ke'''vannus'' 'fréquenté'.




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[[Le Bayon (1878)|Le Bayon (1878]]:15) donne quelques dérivations avec des racines en /a/, dont la voyelle peut se centraliser.
[[Le Bayon (1878)|Le Bayon (1878]]:15) donne quelques dérivations avec des racines en /a/, dont la voyelle peut se centraliser.
* ''kan-'' + ''dereu'', 'souche' > '''''kan̄'''derw'', 'de même souche, cousin'
* ''kan-'' + ''dereu'', 'souche' > '''''kan̄'''derw'' 'de même souche, cousin'
* ''kam-'' + ''pouis'', poids > '''''kam'''pouis, kempouez'', 'de même poids'
* ''kam-'' + ''pouis'', poids > '''''kam'''pouis, kempouez'' 'de même poids'




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==== variation ====
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La morphologie du préfixe hésite parfois: ''keveil'' = ''keneil''.
La morphologie du préfixe hésite parfois pour la même racine comme dans ''keveil, keneil'' 'camarade'. [[Favereau (1997)|Favereau (1997]]:§229) donne l'alternance '''''kev'''leue'' / '''''kef'''leue'' 'avec veau'.




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=== mutations ===
=== mutation ===


Selon [[Helias (1986)|Helias (1986]]:15), ce préfixe provoque uniformément une [[lénition]].
Selon [[Helias (1986)|Helias (1986]]:15), ce préfixe provoque uniformément une [[lénition]].
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== Sémantique ==
== Sémantique ==


''Ken-'' implique une pluralité sémantique des entités dénotées par sa racine.
=== pluralité ===
 
''Ken-'' implique une pluralité sémantique des entités dénotées par son hôte.




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|(5)|| Em gavet a ran ||get '''ken'''seurted, || amezeion.
|(1)|| Em gavet a ran ||get '''ken'''seurted, || amezeion.
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Selon [[Deshayes (2003)| Deshayes (2003]]:37), ''ken-'' rend l’idée de "mutualité, de réciprocité, ou implique l’idée de conjonction, de regroupement, d’accession". Selon [[Trépos (2001)|Trépos (2001]]:§121), ce préfixe exprime une idée de communauté.  
Selon [[Deshayes (2003)| Deshayes (2003]]:37), ''ken-'' rend l’idée de "mutualité, de réciprocité, ou implique l’idée de conjonction, de regroupement, d’accession". Selon [[Trépos (2001)|Trépos (2001]]:§121), ce préfixe exprime une idée de communauté.  
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|(2)|| daou zevezh|| '''ken'''stag ||||||''Morlaix'', [[Herri (1982)|Herri (1982]]:17)
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| ||  [[cardinaux|deux]]<sup>[[1]]</sup> jour || ensemble.lié
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|||colspan="4" | 'deux jours (fériés) de suite'
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=== réciprocité ===
Le nom ''karantez'' 'amour' n'implique pas forcément de réciprocité, mais '''''ken'''garantez'', oui ('affection mutuelle', [[Trépos (2001)|Trépos 2001]]:§121). La réciprocité ne découle pas de la pluralité car il pourrait s'agir d'un amour partagé pour une autre entité.




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En gallo, [[Auffray (2007)|Auffray (2007]]:intro) donne, correspondant au français ''col-, com-, con-'', le préfixe ''com-, con-, qem-, qen-'' de ''consort, qemander'.
En gallo, [[Auffray (2007)|Auffray (2007]]:intro) donne, correspondant au français ''col-, com-, con-'', le préfixe ''com-, con-, qem-, qen-'' de ''consort, qemander'.


== Bibliographie ==
== Bibliographie ==

Version du 6 décembre 2018 à 17:29

Le morphème ken- apparaît aussi sous les formes ke-, kev-, kef-, ki-, kiv-, ainsi qu'avec les nasales kem-, kom-. Les formes kan- et kon- sont aussi apparentées. Ce préfixe est très productif. Sur les noms ou les verbes, il dénote une notion de groupe, de collectif, de réciprocité ou de parallélisme .


(1) Ha, dezhañ _ bevañ e kumuniezh, n’en doa ket d’he c’henlodañ gant den.
et, de.lui vivre en commun.auté ne’3SGM avait pas àla com-partager avec personne
'Et, bien qu’il vive en communauté, il n’avait pas à la partager avec quiconque.
Standard, Drezen (1990:64)


(2) kenvreuriañ 's'affilier'

kenvroad 'compatriote'
kenwerzh 'commerce', kenwerzhañ 'commercer', kenwerzhour 'commerçant', Deshayes (2003:37)


(3) kevrenn 'part, portion' (Trépos 2001:§121), 'section' (Favereau 1997:§194)


Trépos (2001:§121) donne kenvreur 'confrère'. Gros (1984:369) donne kevannus 'fréquenté'.


Morphologie

allomorphes

Kervella (1947:§878) donne :

  • kenson, kengarantez, kenganañ, kenober, kenoad, kenouenn,
kenstrollañ, kenderc'hel, kenep, kenliv
  • kenforn mais keflusk, keferata, kefrifi, kefrisa
  • kenvroad mais kevleue, kevilin, kevezer, keveler,
  • kevenderv, kevrenn, kevre, kevred, kevnid, kevrin, kevatal, kewez
  • kivioul, kivni

Le Bayon (1878:15) donne quelques dérivations avec des racines en /a/, dont la voyelle peut se centraliser.

  • kan- + dereu, 'souche' > kan̄derw 'de même souche, cousin'
  • kam- + pouis, poids > kampouis, kempouez 'de même poids'


Ce sont les racines en /m, p, b/ qui déclenchent l'allomorphe de finale nasale et labiale /-m/ du préfixe comme dans kemmesk, kombod, kemenn...

  • ken- + ment, 'taille' > kement, 'autant, de même mesure'
  • kam- + pouis, poids > kampouis, kempouez, 'de même poids', Le Bayon (1878:15)


variation

La morphologie du préfixe hésite parfois pour la même racine comme dans keveil, keneil 'camarade'. Favereau (1997:§229) donne l'alternance kevleue / kefleue 'avec veau'.


exocentricité

Le préfixe kef-, kev-, kiv- est exocentrique: il crée un adjectif à partir d'une catégorie nominale, comme dans kivioul, 'opiniâtre'. En ce sens, il est similaire au privatif di- dans dic'hoarzh, 'maussade'.


mutation

Selon Helias (1986:15), ce préfixe provoque uniformément une lénition.


(1) Ne gare ket nemeur e genvreur, abalamour d’e spered risigner.
ne1 aimait pas guère son1 confrère à.cause de'son1 esprit rican.eur
'Il n'aimait guère son confrère à cause de son esprit moqueur.'
Standard, Drezen (1990:28)


(2) Ha mui netra da brena er henwerziou.
et plus rien à1 acheter dans.le5com-1.ventes
'Et (il n'y avait) plus rien à acheter dans les commerces.'
Léon (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:163)


Kervella signale que la lénition provoquée par ken- ne s'applique pas sur une racine en /d/ (kendere).


(3) ...evit ma kavi eur gwaz eus da gendere, merc'hig ?
pour que trouveras un mari de ton1 milieu.social fille.DIM
'Pour que tu trouves un mari de ton milieu social, ma fille?' Léon (Bodilis), Ar Floc'h (1922:347)


(4) kendalc’h, ' continuation' (Favereau 1997:§194), 'maintien' (Trépos 2001:§121)


Selon Chalm (2008:w-217), ken- ne provoque pas non plus de lénition sur une initiale en /g/.


Sémantique

pluralité

Ken- implique une pluralité sémantique des entités dénotées par son hôte.


(1) Em gavet a ran get kenseurted, amezeion.
se1 trouver R fais avec con.sort.s voisins
'Je me retrouve avec mes pareils, des voisins.' Vannetais, Herrieu (1994:§13)


Selon Deshayes (2003:37), ken- rend l’idée de "mutualité, de réciprocité, ou implique l’idée de conjonction, de regroupement, d’accession". Selon Trépos (2001:§121), ce préfixe exprime une idée de communauté.


(2) daou zevezh kenstag Morlaix, Herri (1982:17)
deux1 jour ensemble.lié
'deux jours (fériés) de suite'


réciprocité

Le nom karantez 'amour' n'implique pas forcément de réciprocité, mais kengarantez, oui ('affection mutuelle', Trépos 2001:§121). La réciprocité ne découle pas de la pluralité car il pourrait s'agir d'un amour partagé pour une autre entité.


relevés sémantiquement opaques

Certaines initiales en kem- sont données comme exemple de ce préfixe sans qu'on retrouve sa sémantique habituelle.


(1) kempenn, 'ordonné', Favereau (1997:§194)


Il est possible qu'il s'agisse de préfixes différents. Gros (1984:369) considère que le préfixe en (2) remonte au vieux breton et "n'est plus productif en breton trégorrois".


(2) kembennad, 'long moment', Gros (1984:369)


Diachronie

Matasovic (2009) propose une racine protoindo-européenne et proto-celtique en *kom 'avec', ayant donné le vieil irlandais co, cu [+nasalisante, DAT], le moyen gallois cyf-, le moyen breton et cornique kev-. Le latin cum 'avec' est apparenté. Cette racine protoindo-européenne a un autre dérivé celtique, le racine protoceltique *kanti, *kmti-, qui a donné gant 'avec' en breton moderne.


Deshayes (2003:37) propose, à partir du vieux breton, la dérivation diachronique suivante :

> breton moderne ke- noté principalement devant une initiale en h.
cf. gallois cy-
> breton moderne kon-
> breton moderne ken-, qui provoque une mutation sauf sur /d, g/
variante kun- pour les mots dont le radical a une initiale contenant un u, /y/.
cf. gallois cyn-
> moyen breton queff- > breton moderne kev- devant une voyelle
cf. gallois cyf-
> breton moderne kem- par assimilation devant m ou par labialisation devant un p ou un b.


horizons comparatifs

Delamarre (2012) étudie plusieurs formations nominales du gaulois avec un préfixe similaire en co- qui dénote l'accompagnement ou le partage, sur le modèle de Cosintu 'compagnon de route, qui partage le chemin'. Delamarre compare ce préfixe au préfixe germanique ga-. Il relève pour le même sens de 'compagnon de route' le germanique *gasenþ(i)o(n) qui donne le vieil allemand gisind et l'allemand moderne Gesinde, le gotique gasinþa, et le vieil anglais gesīþ 'camarade'.

En gallo, Auffray (2007:intro) donne, correspondant au français col-, com-, con-, le préfixe com-, con-, qem-, qen- de consort, qemander'.


Bibliographie

  • Delamarre, Xavier. 2012. 'Les noms du compagnon en gaulois', Studia Celtica Fennica vol. 2, 47-52.