Différences entre les versions de « Incorporation »

De Arbres
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Version du 19 avril 2022 à 14:39

Un élément linguistique peut être morphologiquement incorporé dans un autre.

Les pronoms incorporés sont des pronoms faibles, c'est-à-dire des morphèmes apparaissant uniquement dans des composés morphologiques plus larges. Par exemple, un pronom sujet qui n'est pas focalisé s'incorpore aux morphèmes de l'accord verbal. Il apparaît donc comme "fondu" dans la morphologie de l'accord. De même, le pronom objet d'une préposition s'incorpore. Il donne alors l'impression que les prépositions sont fléchies, comme le serait un verbe.


(1) Evidon e kanan.
pour.moi R4 chante
'C'est pour moi que je chante', ou 'Selon moi, je chante.'


On distingue les pronoms incorporés des pronoms forts indépendants que l'on peut trouver en isolation et qui peuvent porter l'accent de focus.


(2) Me a gan.
moi R1 chante
'C'est moi qui chante', 'Moi je chante', 'Je chante.'


Contrairement aux pronoms objet proclitiques qui apparaissent à gauche du complexe morphologique, les pronoms incorporés apparaissent toujours à sa droite. L'opération inverse de l'incorporation est l'excorporation.

Morphologie

accentuation

Les pronoms faibles incorporés peuvent être accentués en breton, mais pas avec tous les accents.


accent de mot

Les pronoms faibles incorporés peuvent porter l'accent de mot. Ceci est assez facile à observer dans les paradigmes prépositionnels. Par exemple, la carte 208 de l'ALBB, traduction de 'avec moi', donne quasiment sur tout le territoire parlant une accentuation sur le pronom incorporé (ganIN, ou avec le pronom écho; ganIN-me).

Les paradigmes verbaux montrent moins facilement des accentuations sur le pronom incorporé: en KLT, l'accentuation tombe généralement sur l'avant-dernière syllabe et les désinences verbales, en finales, ne sont donc généralement pas accentuées. On peut cependant forcer des contextes où l'accentuation de mot va tomber sur le morphème d'accord. Par exemple, en dialecte de Tréguier, la négation postverbale ket compte pour l'accentuation comme faisant partie intégrante du verbe. Dans ce système où l'avant-dernière syllabe est accentuée, c'est la désinence verbale qui porte l'accentuation Le Dû (2012:73).

On voit aussi les pronoms faibles porter l'accent dans le cas de verbes monosyllabiques.

Sur le plan théorique, il est important de voir que les pronoms faibles peuvent être accentués, car on voit alors que la règle qui les oblige à s'incorporer dans un complexe morphologique plus large n'est pas motivée par des raisons accentuelles. Ce n'est pas parce que les pronoms faibles ne pourraient pas morpho-phonologiquement porter l'accent qu'il sont incorporés.


pas d'accent de focus

Les pronoms faibles, même s'ils peuvent porter l'accent de mot, ne peuvent pas porter l'accent de focus, qui doit être porté par des pronoms forts indépendants (me, te, eñ... ), des pronoms post-verbaux de désambiguïsation genrée (... a lare-eñ... ), ou des pronoms écho (ganin-me).

Syntaxe

Puisque les pronoms faibles sujets s'incorporent obligatoirement au complexe verbal en breton, l'incorporation est une dimension clef du système d'accord en breton.

La non-incorporation d'un pronom faible n'est jamais possible en breton, où tout pronom qui déclenche un accord verbal sur le verbe est un pronom incorporé. En breton, lorsque le sujet pronominal est exprimé, l'accord verbal est gelé à la personne 3SG.


horizons comparatifs

En gallois, les pronoms sujets postverbaux peuvent ne pas s'incorporer. On voit alors le verbe s'accorder avec son pronom sujet, ce qui n'est pas possible dans la plupart des dialectes en breton.


(1) Gwelodd e/hi ddraig. vs. Gwelon nhw ddraig.
voir.PASSE.3SG il/elle dragon voir.PASSE.3PL ils/elles dragon
'Il/Elle a vu un dragon.', 'Ils/Elles ont vu un dragon.'
Gallois, Borsley (2009:227)

variation dialectale

création de pronoms dépendants en breton central

En breton central, le paradigme de la préposition eus 'de' avec ses pronoms objets incorporés a été réanalysé comme un paradigme pronominal. Ces nouveaux pronoms sont des pronoms faibles, et commencent à apparaître à leur tour comme incorporés à d'autres prépositions.

Comparez ces objets postverbaux (Wmffre 1998:26) aux pronoms incorporés à la préposition war 'sur' (Wmffre 1998:30):


(2) 1SG hɑ͂w 1PL hɑ͂m
2SG hɑ͂nəs 2PL hɑ͂ħ
3SGM nɑ͂w 3PL nœ͂
3SGF nɛj
Wmffre (1998:30), [fig.12]


(3) 1SG waɣ hɑ͂w 1PL waɣ hɑ͂m
2SG waɣ hɑ͂nəs 2PL waɣ hɑ͂ħ
3SGM waɣ nɑ͂w 3PL waɣ nœ͂
3SGF waɣ nɛj
Wmffre (1998:30), [fig.16]


Ce nouveau paradigme de pronoms incorporables ne supplante cependant pas les autres paradigmes de pronoms incorporés, et les prépositions de 'à', gɑ͂n 'avec' ne peuvent pas recevoir les pronoms incorporés ci-dessus. Wmffre (1998) analyse ces pronoms comme des pronoms "dépendants". Ils n'apparaissent qu'en position postverbale comme objet (55) ou comme résomptif du sujet (56).


(55) [ me vɛlo hɑ͂nəs ] [ hiɲ vɛlo nɛj ] [ gɥɛləd møs nɑ͂w ]
moi verra celui.ci eux verra P.elle v.u ai P.lui
'Je te verrai.', 'Ils la verront.', 'Je l'ai vu.'
Wmffre (1998:26)


(56) [ hε͂mə n e ke bɣa:z nɑ͂w ]
celui.ci ne1 est pas grand P.lui
'Il n'est pas grand.'
Wmffre (1998:26)

Alternative théorique

Weisser (2019) propose que dans le cas du sujet pronominal postverbal, l'opération n'est pas d'incorporation, mais d'effacement directement dans la structure syntaxique. Les traits interprétables sont ensuite récupérés par le verbe.


Terminologie

Le Gléau (1973:17) appelle ces pronoms les 'pronoms composés atones'.

En breton on utilise pour pronom incorporé le terme raganv touezet, ou raganv lakaet e-barzh.


Bibliographie

littérature descriptive

  • Gourmelon, Yvon. 2012. 'Displegañ an araogennoù pe chom hep ober ?', Notennoù yezhadur, Al Liamm (éd.), 59-62.
  • Wmffre, I. 1998. Central Breton, [= Languages of the World Materials 152] Unterschleißheim: Lincom Europa.


analyse pour le breton

  • Weisser, Philipp. 2019. 'A Remove-based theory of the Complementarity Effect in Breton', Andrew Murphy (éd.), Structure Removal, Linguistische Arbeits Berichte 94, Universität Leipzig, 1–28.


horizons comparatifs

  • Borsley, R.D. 2009. 'On the superficiality of Welsh agreement', Natural Language and Linguistic Theory 27, 225–265.