Gou-, gour-
Le préfixe gou-, parfois gour-, est un atténuateur de sens de type 'court, petit, bas', comme les préfixes français sous-, sub-.
(1) | o | c'hourzigeri | an | nor | ||||||||||||||
à4 | sous1.ouvrir | le | porte | |||||||||||||||
'en entrouvrant la porte' | ||||||||||||||||||
Cornouaillais / Léon, Croq (1908:16) |
Kervella (1947:§883) donne goudomm 'tiède' sur tomm 'chaud'.
Press (2010:452) donne gouraouet 'un peu enroué' sur raouañ 'enrouer'.
Cornillet (2020) donne gouyen 'tiède'.
Morphologie
allomorphes gou-, gour- et répartition dialectale
Selon Deshayes (2003:37), la différence est dialectale et c'est le vannetais qui prononce gour-. Les deux allomorphes existent cependant partout. Il est plausible que la productivité de ce préfixe soit inégale selon les dialectes.
Le vannetais Le Bayon (1878:15) utilise effectivement les deux allomorphes gou- et gour-. Il donne gourdrest (< trest) 'poutrelle', et gourhoat 'sarcelle, petit canard', mais il donne aussi goubik (< pik) 'vanneau, petite pie'.
On relève des formes minoratives en gour- hors vannetais, à Plozevet (gournijal, 'voleter') et chez Trépos (2001:§121) qui ajoute gourvab 'petit fils', gourgleze 'poignard' et gourzen 'avorton, petit homme'. Croq (1908:16) donne gourzigeri 'entrouvrir' et Favereau (1997:§230) gourzigor 'entrouvert'.
Favereau (1997:§230) donne gouraouet 'un peu enroué', goudoemm 'tiédasse'. Favereau (1997:§194) donne gouhere. Il considère que gou- est rare et d'une usage plutôt littéraire, "parfois revivifié par Vallée notamment". Vallée (1980) donne à 'clôture': gourgleuz "pour gougleuz". Helias (1986:15) donne goulakaad 'supposer' sur lakaad 'mettre'.
Kervella (1947:§883) donne goudomm, gouyen, gouere, gouzizañ (vs. azezañ, 'asseoir'), gouraden, gouroc'hell, gouzraen, gouer (gouver), goulosket, gouzouret, gouvlazet, goulazh, goubenner, goulerc'hiñ (vs. dilerc'hiañ), goulenn, gouzer.
mutations
Kervella (1947:§883) note que ce préfixe déclenche une mutation mixte, mais que la lénition a tendance à s'y substituer de façon nouvelle.
La lénition n'est pas une innovation moderne. Menard & Bihan (2016-) relève la forme goudoer 'petit lit, couchette' dans un manuscrit du Catholicon de 1464. Il pourrait s'agir d'un cas de lénition sur le nom to 'toit, abri', dont le composé a donné goudor 'abri' en breton moderne. C'est la lénition que note Chalm (2008:w-217) et que l'on relève dans goubenner 'oreiller', goudomm 'tiède'… On la trouve aussi dans gougelenn 'houx fragon'.
Selon Helias (1986:15), ce préfixe ne déclenche pas de mutation du tout.
productivité
Ce préfixe est productif, et mobilisé communément dans les néologismes comme goulakadenn digablusted 'présomption d'innocence'.
Sémantique
Favereau (1997:§194) compare sémantiquement gou- au préfixe du français sous- (aussi traduit en breton par is-).
gou- vs. mous-
Les préfixes gou- et mous- peuvent être en concurrence: gougomz et mouskomz 'parler à voix basse' sont donnés comme synonymes dans Menard & Kadored (2001).
gou- vs. tor-
Vallée (1980) pour 'clôture' donne gou(r)gleuz et torgleuz.
Diachronie
Le préfixe gou-, gour- était productif en breton dans des états anciens de la langue. Selon Deshayes (2003:37), le diminutif gou- est issu du vieux breton guo-. Il correspond au gallois go-.
- brittonique * guo-cled, Deshayes (2003:'gwalez')
- > breton 1716, gwalez, m. 'vent du Nord'
- > gallois gogledd
Le sens 'presqu'île' est sémantiquement 'moins une île' qu'une 'île'. Le préfixe gallois a les deux formes gorynys et goynys 'presqu'île' (Ernault 1894b:41), ce qui implique des allomorphes gallois go-, gor- pour ce préfixe minoratif. En breton, De Rostrenen (1738) donne gour-enès 'presqu'île'. L'Armerye (1744) donne gour-inisênn, gour-iniss 'péninsule'.
Ernault (1894b:42): "Un autre mot employé par les Gallois comme préfixe à sens diminutif a pu avoir aussi une certaine influence sur le sort de gour; c'est le mot cor 'nain'. Au gallois corhwyad 'sarcelle' (de hwyad 'canard'), répond le vannetais gourhoatt [ L'Armerye 1744 ], qui peut bien être une transformation de * corhouat. Le même rapport se montre entre le gallois coriar 'perdrix' et le nom propre breton An Gouryar en 1568, Gouryar en 1609, 1611, Gouriar en 1591 (registres de Pédernec, cf. Ernault 1895-6)."
Kergoat (2012:1) présente la dérivation guparol 'abstrait' avec -par- 'parcelle, partie', et le suffixe adjectival -ol, obtenant 'à l'écart de la partie, abstrait'. La forme en moyen breton aurait été, avec une lénition, la forme inattestée * goubarel. Cette forme est proposée pour le breton moderne par Preder (KIS-434 – 'abstrait, concret').
Deshayes (2003) postule un ancien composé en gou- + kev 'cave' qui aurait donné, avec des modifications de l'initiale du préfixe, mougev bougev, attesté comme mougueau en 1666 'grotte, caverne', ou encore dans les noms de lieu Kerougueau relevé en 1603 à Ergué-Gabéric. C'est cette même 'petite caverne' qu'on trouve dans le nom de lieu Mougau-Bihan, connu pour son allée couverte.
Horizons comparatifs
En gallo, Auffray (2007:intro) donne les préfixes distincts gao- et gour- de sens 'à moitié' comme des atténuateurs. Il donne gao-pllumer 'perdre ses plumes, muer', gao-pâiller 'faucher sommairement', gao-pllat ' en biais', et gourfouler 'tasser', gourfoulure 'traumatisme'. Châtelier (2012) relève aussi en gallo du pays nantais à Guémené-Penfao gawdormi 'mal dormi', gawpréche 'mauvaise parole', préfixe qu'il met en relation avec gou-.
Le moyen français et le français moderne ont aussi un adjectif gourd de sens péjoratif ('lourd, lent, engourdi', CNRTL), voir aussi l'adjectif dégourdi.
À ne pas confondre
Il existe deux préfixes homophones qui peuvent tous deux prendre les formes gour- et gou-. Ils sont de sens contraires et d'origines différentes (Loth 1894:100).
Le préfixe minoratif gou-, gour- est homophone avec un préfixe de sens contraire (augmentatif) gour- 'sur-, super-, archi-', qui a influencé sa forme. Ce morphème gour- augmentatif peut aussi se rencontrer sous la forme gor-, ou gou-.
Il existe aussi en breton un nom gour 'homme, personne'.