Glas

De Arbres

L'adjectif glas 'bleu, vert naturel' et parfois 'brillant' est un adjectif de couleur typique des langues celtiques.


(1) Hezh zo glas c'hoazh.
celui.ci est vert encore
'Il est encore vert.' Cornouaillais de l'intérieur, Lozac'h (2014:'ablamour')


Morphologie

dérivation

Avec le préfixe ar-, Gros (1984:369) donne arhlaz 'presque vert', Helias (1986:14) arhlas 'bleuâtre'.

Le préfixe ez- obtient ez-c'hlas '(encore) vert (pour du bois)'.

Le suffixe -ard obtient /'ɡla:zard/, ['ɡla:zər], glazard, 'lézard' (Goyat 2012:321).


mots composés

Lozac'h (2014:'boued-glas') comme équivalent à bouetaj '(du) fourrage' le dérivé glasenn et le mot composé boued-glas.


(2) atrejou mein-glas tammig 'e
débris pierres-bleu morceau.petit aussi
'des débris d'ardoises aussi quelque peu' Cornouaillais (Laz), Lozac'h (2014:'atrejou')


(3) Rar é ar beïsanted lar lakègn o saout war 'r melchen-glas.
rare est le 1paysans que mettaient leur2 vaches sur le trèfle-vert
'Rares sont les paysans qui mettaient leurs vaches sur du trèfle des prés.' Cornouaillais (Cleden), Lozac'h (2014:'dañjer')


variation dialectale

(4) [ c̈En gla:s a nêw ]
ken glas ha 'n neñv
aussi bleu que le ciel
'aussi bleu que le ciel.'
Cornouaillais de l'Est (Lanvénégen), Evenou (1987:595)

Diachronie et horizons comparatifs

Falileyev (2000) relève l'adjectif glas sous cette forme en vieil irlandais, en vieux et moyen gallois, en moyen cornique, en vieux breton glosé iacinctinum, et en latin de Gaule glastum 'guède (matière colorante bleue)'.

Matasović (2009) propose une racine proto-celtique *glasto- qui couvrirait déjà le spectre de couleur 'vert, bleu'. Falileyev (2000) relève plusieurs gloses latines pour le vieux gallois glas dans des manuscrits du IX° et X°. Dans le Juvencus, glas est glosé caerula J30, viridis J72, glauci J75, et yalina dans le De Nuptiis Philologiae et Mereurii 5 b.b. Matasović (2009) rajoute le vieux cornique glesin glosé sandix, et le gaulois glastum 'Isatis tinctoria' (Pliny).

Matasović (2009) suit Pokorny (1959:429-) qui propose une racine proto-indo-européenne en *ǵhelh3- 'jaune, vert', ce qui en fait une racine commune avec le proto-celtique *gel(w)o- qui, lui, a donné le breton gell 'brun', le moyen gallois gell 'jaune' et le vieil iralndais gel 'blanc, brillant'. Cette racine a aussi donné dans la branche germanique l'anglais yellow et l'allemand gell 'jaune'.

Asmus et Ó Fionnáin notent qu'à l'appararition des illiminures de métal et de livres, du VI° au VIII° siècles et jusqu'au XII°, la réalisation et le commerce des pigments nécessaires rendaient indispensables une terminologie des couleurs de référence. Ils considèrent que les termes celtiques antérieurs sont signifiants surtout sur l'axe sémantique de la brillance.


Sémantique

cerner les spectre de glas

Le vert n'est pas forcément marin, ni éclatant.


(1) Loa(r)iet é un aldouarenn deut glas ga'r loar.
lune est un patate venu vert avec le lune
'« Loariet », c'est une pomme-de-terre qui est devenue verte à cause de la lune.'
Cornouaillais (Laz), Lozac'h (2014:'avalou-douar')


Lozac'h (2014:'boulenn') relève, à Poullaouen, ur voulenn bleu-glas 'une boule de bleu à linge'. Si le locuteur s'était servi de l'adjectif français pour préciser un spectre de l'adjectif breton trop large, on se serait attendu à la formation inverse, l'inattesté glas-bleu.

Il y a une variation dialectale dans la compétition sémantique de différents termes. Ernault (1879-1880) considère qu'à Audierne et à Pleudaniel, l'emprunt au français bleu a restreint le sens de glas à 'vert', quand "à Lohuec, glaz s'emploie presque toujours pour 'bleu', 'vert' se dit gwér (cf. Le Gon.)". Ernault donne aussi à Lanrodec eur glazard den 'un homme au teint brun (signe de vigueur)'.

horizons comparatifs

Le breton n'est pas exceptionnel dans ce terme glas qui couvre un large spectre de couleur. Au delà des langues celtiques, Asmus & Ó Fionnáin citent le proto-turque * kōk 'bleu, vert, gris', le persan sabz 'vert, verdoyant, frais, noir, sombre (yeux) bleus)', et "peut-être même" le latin caerulus, caeruleus '(eau) bleu claire', '(nuages) gris, sombres', '(plantes) vertes', 'noir (monde sous-terrain)'. Ce dernier a donné le français bleu céruléen.

Expressions

'bois vert'

(1) Setu aze balan glaz hag a zev ar re-ze, klev, a zo briz sec'h. Trégorrois, Gros (1970b: 'briz')
voici ici genêt vert que1 brûle le ceux-ci écoute R est moitié-sec
'Voilà du genêt vert qui brûle. Celui-là, sais-tu, est à moitié sec.'


ar c'hlas en em gar, 'des fourmis dans les jambes'

(2) 'Man 'r c'hlas 'n em gar. Trégorrois, Ernault (1879-1880)
se.trouve le 5vert dans.le mon2 jambe
'J'ai des fourmis (engourdissement et picotements) aux jambes.'

Bibliographie

  • Asmus, Sabine. xxx. 'Grüne Abgründe - Kurzanmerkungen zu Fehlannahmen über walisische Farbterminologie'.
  • Asmus, Sabine & Mark Ó Fionnáin. ???. 'The early concept of the Celtic colour term glas and its subsequent semantic diversification in Welsh and Irish', presentation Lublin.