Frontière linguistique

De Arbres

La frontière linguistique du breton est une notion géographique qui sépare les domaines où au moins une variété dialectale de breton est parlée, des aires géographiques où aucune variété de breton n'est parlée.

La ligne Est du domaine brittophone est originalement appelée la ligne Sébillot (1878). Cette ligne trace globalement la limite Est de l'aire de pratique de la langue bretonne, et les aires géographique de contact linguistique entre les locuteurs du breton et du gallo. Elle est auscultée un siècle après par Timm (1983), qui considère qu'elle est alors largement illusoire.

Etant donné l'état nettement minorisé de la langue bretonne en Bretagne, cette frontière est plus facile à tracer de l'extérieur, en considérant les endroits où, avec certitude, la langue n'est parlée à une date donnée que comme langue d'immigration. La frontière entre le français et le breton, beaucoup plus que la ligne Sébillot, traverse les locuteurs bilingues et leurs pratiques (diglossie), et cisèle de longue date les espaces touristiques et urbains ainsi que les classes sociales, et dessine des îlots monolingues francophones dans les domaines brittophones.


Introduction

langues vs. identité

Il est important de distinguer les langues réellement pratiquées des constructions identitaires des locuteurs (sur la construction identitaire autour de l'opposition breton/gallo en Bretagne, se reporter à Diaz 2018).


la frontière traverse les locuteurs

Etudier la frontière linguistique avec le breton nécessite de penser les locuteurs comme potentiellement bilingues, ce qui se traduit rarement dans les visualisations cartographiques aux beaux à-plats de couleurs distinctes. La géographie scientifique des langues commence dans le cerveau de chaque locuteur. La diglossie des brittophones dessine des espaces sociaux auxquels le breton est associé, et surtout des espaces sosciaux d'où il est absent ou banni.

Le monolinguisme français a tellement progressé sur l'aire de pratique du breton au XX° siècle que la pratique monolingue du français ne trouve plus aucun type d'obstacles. Ne pas savoir, ne pas comprendre, ne pas pratiquer le breton est communément assumé par les citoyen.ne.s du lieu et leurs élu.e.s. En conséquence, la pratique du breton entre dans un statut de semi-clandestinité, où toute visibilité est le fruit d'une négotiation personnelle ou collective. Les locuteurs sont tous natifs du français et passent pour "parfaitement" monolingues quand ils s'expriment dans cette langue.

diachronie linéaire et saisonnalité

La frontière linguistique change de localisation avec le temps, et on peut dessiner un recul net vers l'Ouest depuis plusieurs siècles. Cependant, quand on regarde l'histoire de la pénétration du français qui ouvre à sa pratique monolingue, le temps de progression n'est pas partout linéaire. Il est parfois cyclique. Il y a en particulier une saisonnalité associée aux reculs d'usage du breton, et pas seulement à sa frontière Est. Au XXI°, des locuteurs natifs de plus de 70 ans rapportent souvent avoir eu leur premier contact avec le français non pas à l'école vers 7-8 ans, mais l'été avec des enfants qui passaient seulement les vacances en Bretagne.

 Le Roux (1957:12-13)
 "Les campagnes bretonnes ne sont plus isolées comme elles l'ont été longtemps. Les nouveaux moyens de transport ont rapproché des centres les contrées les plus reculées, et amènent chaque année sur toute la côte bretonne et sur bien des points de l'intérieur des étrangers qui imposent plusieurs mois à la population l'usage du français."

Ausculter la ligne Sébillot

La ligne Sébillot trace la frontière Est de l'aire de pratique du breton, indépendamment de si cette pratique est minoritaire ou majoritaire sur une commune donnée.


le XX°

L'ALBB, l' Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne de Le Roux (1924-1953), fournit une visualisation géographique de l'aire géographique où la langue bretonne est parlée, et de la frontière Est de cette aire (cf. carte des communes de points d'enquête).


 Le Roux (1957:12-13)
 "Il y a [...] un recul net du breton au point de vue territorial. Belle-Isle-en-Mer, la presqu'île de Rhuys, celle de Quiberon, le golfe du Morbihan, les environs des villes importantes, divers points de la frontière franco-bretonne sont perdus, ou presque, pour le breton." 


Le NALBB, le Nouvel Atlas Linguistique de Basse-Bretagne de Le Dû (2001), montre un recul vers l'Ouest des points d'enquête.

Bibliographie

  • Broudic, Fañch. 2016. 'La limite linguistique entre le breton et le gallo', Bécédia, texte.
  • Broudic, Fañch. 1995. À la recherche de la frontière. La limite linguistique entre Haute et Basse-Bretagne aux XIXe et XXe siècles, Brest, Emgleo Breiz.
  • Buckley, Thomas. 1987. 'La frontière linguistique breton-gallo, dans les environs de Plouha', La Bretagne Linguistique 3, CRBC, 169-175.
  • Le Dû, Jean. 2001. Nouvel Atlas Linguistique de Basse-Bretagne, vol. I et II, Centre de Recherche Bretonne et Celtique, Université de Bretagne Occidentale, Brest.
  • Dubuisson-Aubenay. 1898. Itinéraire de Bretagne en 1636 d'après le manuscrit original, avec notes et éclaircissements par Léon Maître et Paul de Berthou, tome 1, Baudot, François-Nicolas (éd.), Société des Bibliophiles Bretons, Nantes. texte.
  • Sébillot, Paul. 1878. 'Sur les limites du breton et du français, et les limites des dialectes bretons', Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris 1-2, 236-247, texte.
  • Timm, L. 1983. 'The shifting linguistic frontier in Brittany', F.B. Agard, G. Kelly, A. Makkai, V.B. Makkai (éds.), Essays in Honor of Charles F. Hockett, Brill, Leiden, 443-457.