Focus ou topique contrastif
Un effet contrastif est un effet qui obtient contraste sémantique entre deux entités. Un focus contrastif est un type de focus qui met en contraste deux entités.
En (1), deux expressions comparables et opposables sont mises en relation de contraste. Le constituant à l'initiale est dans la zone de la périphérie gauche de la phrase dédiée au focus contrastif.
(1) | Euz an traou koz | am-bez soñj | euz an traou nevez-dremenet | n'am-bez ket . | ||||||
de le choses vieux | R.1SG-a souvenir | de le choses nouveau1-passé | ne'R.1SG-a pas | |||||||
'J'ai souvenir des choses anciennes, je n'en ai pas des choses récentes.' | Trégorrois, Gros (1984:331) |
Focus contrastif obligatoire
constructions contrastives
(1) | Lavar | a ra, | ober | ne ra ket. | ||
dire | R1 fait | faire | ne1 fait pas | |||
litt. 'Dire il fait, faire il ne fait pas.'> 'Il dit, il ne fait pas.' | ||||||
Trépos (2001:351) |
(2) | Anduri | zo red, med | karoud | na n'eo ket. | ||||||
endurer | est obligé mais | aimer | ne.R1 ne1'est pas | |||||||
'On est obligé d'endurer le mal, mais non de l'aimer.' | Trégorrois, Gros (1984:541) |
(3) | Habaskaet en deus an amzer; | ar brezel | ne lâran ket. | ||||
clément-é R a le temps | le guerre | ne1 dis pas | |||||
'Le temps est devenu plus clément, la guerre je ne dis pas.' | Vannetais, Herrieu (1994:143) |
particules focalisatrices
Des particules focalisatrices comme nemet, ('seulement', 'sauf'...) ou ivez, ('aussi') obtiennent aussi un effet contrastif, puisqu'elles présupposent l'existence d'un ensemble de comparaison.
(1) | Ie | (da nebeutañ), | a zeu | alies. | |||
eux | à1 peu.le.plus | R1 vient | souvent | ||||
'Eux (au moins), ils viennent souvent.' | Scaër/Bannalec, H. Gaudart (04/2016b) |
pronoms
pronoms forts
Les pronoms forts indépendants peuvent porter l'effet d'emphase contrastive.
Pour une raison inconnue, ils sont illicites dans le champ du milieu.
pronoms d'incise contrastifs
Il existe un paradigme dédié de pronoms contrastifs: les pronoms d'incise contrastifs
structures clivées
Les structures clivées peuvent recevoir une lecture contrastive, surtout pour la raison qu'elles sont obligatoirement associées à une accentuation de focus.
(1) | A-hont | eo | ema | e vag. | |
là-bas | est (pro) | se.trouve | son1 bateau | ||
'C'est là-bas que se trouve son bateau.' | Trégorrois, Gros (1984:140) |
Ce focus est identificationnel. La pragmatique peut donc favoriser une lecture contrastive (par exemple, quand la phrase ne répond pas à une question).
Focus contrastif dépendant de l'accentuation
Il existe des ordres de mots qui, si on ne considère pas l'accentuation (biais écrit, par exemple), peuvent recevoir ou ne pas recevoir de lecture contrastive. Il existe une version grammaticale de ces phrases sans que l'accentuation dédiée à la lecture contrastive soit réalisée.
pronoms accentuables
Le focus contrastif peut être porté en breton par différents pronoms.
Un effet de focus contrastif sur un pronom peut être obtenu comme en (2) avec un pronom écho.
(2) | E-barzh ma botoù-me | ne gac'ho ket, | bepred! | ||||
dans mon2 chaussures-moi | ne1 chiera pas | toujours | |||||
'[Moi, ] Elle ne me commandera pas!' | Trégorrois (Louergat), Konan (2017:'e-barzh') |
On peut aussi utiliser un pronom fort indépendant, comme en (3) où (Gros 1984:139) précise que les pronoms en (3) sont fortement accentués.
(3) | Pa zavo hi, | eñ a ranko | sevel ivez. | ||
quand1 lèvera elle | lui R1 devra | lever aussi | |||
'Quand elle se lèvera elle, lui devra aussi se lever.' | Trégorrois, (Gros 1984:139) |
ordre des mots
périphérie gauche
Une lecture contrastive peut être obtenue en breton avec un ordre des mots particulier. La périphérie gauche de la phrase contient une projection de focus.
Cette zone de focus pré-tensée peut accueillir un syntagme avec une lecture de focus contrastif.
Il existe une variation dialectale dans la lecture focalisante ou non des ordres à sujet préverbal.
Le focus constrastif est la plupart du temps conditionné à un mouvement préverbal, mais il y a des contre-exemples. Il peut être postverbal dans un ordre à sujet initial. En (1), l'information nouvelle la plus frappante est gwenn 'blanc', construit en contraste avec du 'noir'. Le nom blev porte de l'information nouvelle, mais pas son possessif, qui a un référent établi en contexte.
Trégorrois (Tréguier), Ar Moal (1902:13) | |||||||
(1) | Pa welas | e skeud | en dour, | e vleo | a oa | gwenn, | |
quand1 vit | son1 image | dans.le eau | son1 cheveux | R1 était | blanc | ||
hag e oant | du | an deiz a-raog. | |||||
et R4 étaient | noir | le jour avant | |||||
'Quand il vit son image dans l'eau, ses cheveux étaient blancs, alors qu'ils étaient noirs la veille.' |
champ du milieu
Pour Chalm (2008:201), dans les temps composés, l'ordre respectif du sujet et du participe dans le champ du milieu (T-S-V vs. T-V-S) dépend de la structure informationnelle de la phrase. Pour lui, les ordres T-S-V forcent une lecture de focus contrastif:
Chalm (2008:201) Le participe passé - étant attribut - reste normalement solidaire de l'auxiliaire: N'en doa ket digoret Yann al lizher, /ne 3SGM avait pas ouvert Yann le lettre/, 'Yann n'avait pas ouvert la lettre.' Sauf dans les formes d'insistance: P'he doa Yulizh torret he brec'h, /quand 3SGF avait Yulizh cassé son bras/, 'Quand Yulizh, elle, s'était cassé le bras' à comparer avec la forme ordinaire: P'he doa torret Yulizh he brec'h, /quand 3SGF avait cassé Yulizh son bras/, 'Quand Yulizh s'était cassé le bras'
Bibliographie
- Titov, Elena. 2013. 'Do Contrastive Topics Exist?', Journal of Linguistics 49:2, 413-54.