Différences entre les versions de « Explétif »
Ligne 114 : | Ligne 114 : | ||
==== tournure existencielle ==== | ==== tournure existencielle ==== | ||
En (1), l'auxiliaire ''[[ez eus]]'' signale un sujet indéfini sur sa droite, car un sujet à gauche déclencherait ''[[zo]]'', et un sujet défini | En (1), l'auxiliaire ''[[ez eus]]'' signale un sujet indéfini sur sa droite, car un sujet à gauche déclencherait ''[[zo]]'', et un sujet défini déclencherait ''[[eo]]''. Ce sujet est un explétif vide indéfini. | ||
{| class="prettytable" | {| class="prettytable" | ||
|(1)||Drouk-hirnez ||'''ez eus''' ||ennon hiziv ||d'am bro || c'hleborek ||ha glas. | |(1)|| Drouk-hirnez || '''ez eus''' || ennon || hiziv ||d'am || bro || c'hleborek || ha || glas. | ||
|- | |- | ||
| || [[drouk-|mal-]].[[hir|longu]].[[-nezh|eur]] ||[[R]] [[ez eus|est]] || [[P.e| | ||| [[drouk-|mal-]].[[hir|longu]].[[-nezh|eur]] || [[R]] [[ez eus|est]] || [[P.e|en]].[[pronom incorporé|moi]] || [[hiziv|aujourd'hui]] || [[da|à]] [[POSS|mon]]<sup>[[2]]</sup> || [[bro|pays]] || <sup>[[1]]</sup>[[gleb|humid]].[[-or, -our|ess]].[[-ek|é]]|| [[&|et]] || [[glas|vert]] | ||
|- | |- | ||
|||colspan="10" |'Je me languis aujourd'hui de mon pays humide et vert.' | |||colspan="10" |'Je me languis aujourd'hui de mon pays humide et vert.' | ||
|- | |||
|||||||colspan="10" |''Standard'', [[Drezen (1932)|Drezen (1932]]:11) | |||
|} | |} | ||
Ligne 130 : | Ligne 132 : | ||
{| class="prettytable" | {| class="prettytable" | ||
| (2)||Pelloc'h || '''ez eus''' ||goaz || anezhañ. | |(2)|| Pelloc'h || '''ez eus''' || goaz || anezhañ. | ||
|- | |||
||| [[pelloc'h|finalement]] || [[R]] [[ez eus|est]] || [[gwaz|homme]] || [[a|P]].[[pronom incorporé|lui]] | |||
|- | |- | ||
| || | ||| colspan="10" | 'Enfin, le voila homme!' | ||
|- | |- | ||
||| colspan="10" | ||||||| colspan="10" |''Léon'', [[Moal (1890)|Moal (1890]]:238) | ||
|} | |} | ||
Version du 2 octobre 2021 à 17:31
Les éléments dits explétifs sont tous ceux qui sont entièrement ignorés dans le calcul sémantique de la phrase.
Les explétifs peuvent être de toute sorte de catégories, tant qu'ils n'ont pas d'impact sémantique direct.
Certains explétifs, comme l'explétif vide, ne sont pas prononcés, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas d'impact direct sur la forme phonologique non plus. Ils ne sont donc signalés ni en sémantique ni en phonologie, et seule la syntaxe les signale (par l'accord, la sélection de l'auxiliaire...).
La négation explétive
La négation peut être entièrement invisible pour le calcul sémantique de la phrase, comme na en (1). Il s'agit d'une négation explétive. La traduction en français montre la même invisibilité sémantique du marqueur de la négation.
(1) | N'oa ket droed | da douch | ken | na vehe-heñv | marv. | |
ne'avait pas droit | de1 toucher | jusqu.à | que serait-lui | mort | ||
'Il n'avait pas le droit de toucher avant qu'il ne meure.' | Le Scorff, Ar Borgn (2011:71) |
(2) | N 'eus | nemedout, | Fanchik-fall? | Cornouaillais / Léon, Croq (1908:16) | ||
ne1'est | que.toi | Fanch.DIM-mauvais | ||||
'Il n'y a que toi, Fanchig-fall?' |
En (3), aucun des deux morphèmes de la négation, ne et ket, ne sont calculés.
(3) | Pegen glac'haret, evel ouzout, na oa ket mamm hennezh! | |||||
combien affligée, comme sais, ne1 était pas mère celui.ci | ||||||
'Quelle n'était (pas) l'affliction de sa mère!' | Trégorrois, Gros (1984:95) |
Bezañ prétensé
En (4), la présence de bout, forme du verbe 'être' à l'infinitif, n'est pas calculée sémantiquement. C'est une construction transitive explétive car l'explétif est compatible avec un verbe transitif dont les deux autres arguments sont réalisés.
(4) | Tostennoù | Kistinid | ha glannoù | ar Blaouezh | ha bout | am bo | ar joa | d'ho kwelet | c'hoazh | ur wezh? | |||
buttes | Kistinid | et rives | le Blavet | Q être | R.1SG aurai | le joie | de vous3 voir | encore | un fois | ||||
'Buttes de Kistinid et rives du Blavet, est-ce que j'aurai encore une fois la joie de vous voir?' | |||||||||||||
Vannetais, Herrieu (1994:215) |
Pronoms explétifs
pronom météorologique
Le pronom météorologique est une sorte d'explétif en ce qu'il ne réfère pas à une entité en particulier (cf. 'Il pleut'). Ce pronom est souvent féminin en breton. Le pronom peut aussi être masculin, au moins en vannetais. Ce pronom peut être un pronom incorporé ou un pronom fort indépendant, et s'étend aux usages temporels (emañ-hi teir eur).
(1) | Ma'z eus | glao ganti, | n'eo két yén tamm e-bét. | Léon, Seite (1975:59) | ||||||
si y.a | pluie avec.elle | ne1 est pas froid morceau aucun | ||||||||
'S'il pleut, il ne fait pas froid du tout.' |
(2) | Skornet | en | deus. | ||||||||||
glac.é | 3SGM | a | |||||||||||
'Il a gelé.' | Vannetais, Herrieu (1994:51) |
(3) | /šə-ma | xi xẃex øyr / | ||||||||||
voilà-est | elle six heure | |||||||||||
'Voilà qu'il est six heures.' | Groix, Ternes (1970:227) |
autres expressions type bec'h dezhi
La structure verbale stagañ ganti signifie 'commencer (à faire quelque chose)'.
(4) | Kement | e oa, | ma | ne | ouien | dre | be | tu | staga | ganti. | ||
tant | R était | que4 | ne1 | savais | par1 | quel | côté | commencer | avec.explétif | |||
'Il y en avait tellement que je ne savais par quel bout commencer.' | ||||||||||||
Léon, Seite & Stéphan (1957:145), citant Drezen |
pronom vide explétif
Le pronom vide explétif existe, au moins dans certaines variétés, dans une version de pronom indéfini qui déclenche la forme ez eus du verbe. C'est le cas pour l'explétif de la tournure existentielle, ou pour le pronom sujet explétif des tournures des passifs impersonnels.
tournure existencielle
En (1), l'auxiliaire ez eus signale un sujet indéfini sur sa droite, car un sujet à gauche déclencherait zo, et un sujet défini déclencherait eo. Ce sujet est un explétif vide indéfini.
(1) | Drouk-hirnez | ez eus | ennon | hiziv | d'am | bro | c'hleborek | ha | glas. | |||
mal-.longu.eur | R est | en.moi | aujourd'hui | à mon2 | pays | 1humid.ess.é | et | vert | ||||
'Je me languis aujourd'hui de mon pays humide et vert.' | ||||||||||||
Standard, Drezen (1932:11) |
L'exemple en (2) réplique cet argument avec une structure prédicative équative.
(2) | Pelloc'h | ez eus | goaz | anezhañ. | ||||||||
finalement | R est | homme | P.lui | |||||||||
'Enfin, le voila homme!' | ||||||||||||
Léon, Moal (1890:238) |
En (3), le sujet peut être soit l'indéfini buhez ebet, soit un pronom vide explétif indéfini. Les deux hypothèses ne sont pas ici distingables avec cette seule phrase.
(3) | N'eus | buhez | ebet | er | paludoù-holen. | |||||||||
ne y.a | vie | aucun | en.le | marai.s-sel | ||||||||||
'Il n'y a pas de vie dans les marais salants.' | ||||||||||||||
Standard, Bremañ (223:14), 'ar paludou-holen' |
passif impersonnel
Dans l'usage d'auxiliaire, la forme (a) zo de la copule marque la présence d'un sujet devant elle. Ce sujet est ici explétif et non-réalisé.
(4) | [bɛn ˈvelɔ᷉ | deˈpeta | zo ɛt, | nɛj, | mɛ᷉ zo tʁɪst] | Cornouaille (Briec), Noyer (2019:246) | ||||
Benn (e) welan | da petra | zo aet, | anezhi, | me (a) zo trist. | ||||||
quand (R)1 vois | de1 quoi | est allé | P.elle | moi (R)1 est triste | ||||||
'Quand je vois ce qu'il est advenu d'elle, je suis triste.' |
La forme ez eus de la copule marque la présence d'un sujet indéfini posverbal. Ce sujet est ici explétif et non-réalisé.
(5) | Diskouezet | ez eus | bet gant x | [CP | e vez muioc'h... | ||||||||||||
montré | R est | été par x | R est plus | ||||||||||||||
'Il a été montré par X qu'il y avait plus de...' | Léon, | Fave (1998:142) |
(6) | Kavet ez eus bet | korv daou | med unan all | n'eus ket | bet kavet. | Ouessant, Gouedig (1982) | ||||
trouvé R est été | corps deux | mais un autre | ne'est pas | été trouvé | ||||||
'Deux corps ont été retrouvés, mais un autre ne l'a pas été.' |
La forme eo de la copule marque la présence d'un sujet défini posverbal. Ce sujet est ici explétif et non-réalisé.
(7) | Lavaret eo | bet uheloc'h | eus peseurt mare | e oa kont, | ha perak. | Cornouaille (Plogonnec), Kergoat (1976:6) | ||||
dit est | été haut.plus | de quel période | R était question | et pourquoi | ||||||
'Il a été dit plus haut quelle période est concernée, et pourquoi.' |
En (8), la tête de la relative ar re n'est pas le sujet car on verrait la forme a zo de la copule. Il s'agit d'une relativisation de construction du faux sujet; ar re coréfère avec l'objet de la préposition ouzh. L'infinitive deskiñ... est l'objet du verbe nac'hañ 'refuser'. L'agent de nac'hañ n'est pas interprété car il s'agit d'une tournure passive. Son sujet est un explétif vide défini.
Cornouaille (Plogonnec), Kergoat (1976:8) | |||||||||||||
(8) | d'ar re | eo bet | nac'het | outo deskiñ | er skol | ar yezh | a veze ganto | bemdez-doue. | |||||
à'le ceux | est été | défendu | à.eux apprendre | dans.le école | le langue | R était avec.eux | chaque.jour-Dieu | ||||||
'à ceux à qui il a été défendu d'apprendre à l'école la langue qu'ils parlaient quotidiennement.' |
verbes dont c'est l'unique sujet
Les traits syntaxiques de l'explétif vide en breton sont 3SG. Les verbes qui ne peuvent prendre que lui comme sujet sont donc bloqués à ces traits. C'est le cas de faotañ 'falloir, vouloir', qui n'est licite qu'à l'infinitif ou conjugué à la personne 3.
(1) | pətra | fota | dox ? | |||||||||
quoi | faut.3SG | à.vous | ||||||||||
'Qu'est-ce que vous voulez?' | Groix, Ternes (1970:301) |
Les pronoms explétifs ne peuvent pas recevoir de rôle thématique. On les trouve donc comme sujets des verbes à montée, ou comme sujets des passifs.
Ce sont aussi les sujets des verbes détransitifs. En (2), le sujet de la phrase n'est pas l'expérienceur impersonnel un den introduit par la préposition da, mais un pronom explétif non-réalisé.
(2) | Ne zonje | ket | da | eun den | e oa | hennez | er giz-se. | ||||||
ne1 pensait | pas | à | on | R était | celui.la | dans.le guise-ci | |||||||
'On ne pensait pas que celui-là était comme cela.' | |||||||||||||
Trégorrois, Gros (1989:'den') |
En (3), la cause de kemer labour 'prendre du travail' est l'infinitive ober foenn 'faire du foin'. On voit à la préposition da qui la précède que cette infinitive n'est pas le sujet grammatical de la phrase. Le sujet grammatical est un explétif vide correspondant au ça français.
(3) | neuze | e veze kemeret | labour | d'ober foenn, | a-sur. | Cornouaillais (Plogonnec), | Kergoat (1976:93) | |||
alors | R était pris | travail | de1’faire foin | sûr | ||||||
'* Il était pris du travail alors pour faire les foins, sur. ' | ||||||||||
'Ça prenait du travail alors, de faire les foins.' |
Diachronie
un explétif masculin disparu
Hemon (1975:§70,a) relève des exemples d'un explétif pronominal masculin utilisé en moyen breton. Cette forme a disparu en breton moderne.
(1) | ef so pell amser. | |||||
il est long temps | ||||||
'C'était il y a longtemps.' | J.:55 (Breton du XVI°), cité dans Hemon (1975:§70,a) |
(2) | enff | a voe | lauaret. | |||
il | R fut | dit | ||||
'Il fut dit.' | Nl.:n.238 (Breton, milieu du XVI°), cité dans Hemon (1975:§70,a) |
(3) | èn | so estrainch | hor be ny | quen nebeut | a bligeadur. | |
il | est étrange | 1PL avons nous | tant peu | de1 plaisir | ||
'Il est étrange que nous devions avoir si peu de plaisir.' | RS.:374 (Breton de 1710), cité dans Hemon (1975:§70,a) |
(4) | ê | so mad dimme | beza | guenec'hu. | ||
il | est bon à.moi.moi | être | avec.vous.vous | |||
'Il est bon pour moi d'être avec vous.' | IN.:423 (Breton de 1709), cité dans Hemon (1975:§70,a) |
vannetais
On trouve des exemples plus tardifs en vannetais.
(5) | nag hen | zo an den | dall ha kalet | he galoun! | JKS.:83 (Vannetais 1862), cité dans Hemon (1975:§70,a) | |
que 3SG | est le homme (IMP?) | aveugle et dur | son2 coeur | |||
'Que l'homme est aveugle et dur de coeur!' |
(6) | Añ | duem | hirif. | P.-M. Monfort, Guérandais fin XIX° | ||||
eñ a | domm | hiriv | Glose en KLT | |||||
lui (R)1 | chaud.ffe | aujourd'hui | ||||||
'Il fait chaud aujourd'hui.' | Mathelier (2017:32) |
Structure informationnelle
Selon que l'on considère ou non que la structure informationnelle de la phrase entre dans le calcul sémantique, on aura plus ou moins d'éléments explétifs dans la langue. Un bon exemple en est le pronom vocatif, qui n'est calculé que dans la structure informationnelle de la phrase.
Terminologie
Denez (1983) traite des explétifs sous le titre (trompeur) d'impersonnels (dibersonel).
A ne pas confondre
Les pronoms impersonnels que sont an den, unan ou encore le sujet pronominal des verbes conjugués en -er ne sont pas des explétifs puisqu'ils réfèrent à une personne humaine ou à un ensemble de personnes. Les impersonnels entrent clairement dans le calcul sémantique de la phrase.
Bibliographie
breton
- Denez, P. 1983. 'An dibersonel [The Impersonal]', Hor Yezh (Lesneven, 29) 151, 5-29.
horizons comparatifs
- Alexiadou, Artemis & Anagnostopoulou, Elena. 1998. 'Parametrizing AGR: Word-order, V-movement, EPP-checking', Natural Language and Linguistic Theory 16(3): 491–539.
- Fischer, Susann. 2009. 'Expletives, definiteness and word-order', M.Teresa Espinal, ManuelLeonetti & LouiseMcNally(éds.), Definiteness and DP Structure in Romance Languages [Arbeitspapiere Nr. 124 Fachbereich Sprachwissenschaft], 45–62. Konstanz: Universität Konstanz.
- Hartmann, J. M. 2008. Expletives in existentials: English there and German da, LOT dissertation series 181. Utrecht: LOT, 259-279.
- Holmberg, Anders. 2000. Scandinavian Stylistic Fronting: How any category can become an expletive. Linguistic Inquiry31(3): 445–483.
- Vikner, Sten. 1995. Verb Movement and Expletive Subjects in the Germanic Languages. Oxford: OUP.