Emichañs
Emichañs 'sans doute' est un adverbe épistémique: il marque l'attitude du locuteur vis-à-vis de la véracité de son énoncé.
(1) | Meur | a | hini | em | raok | o deveus | graet, | hag | emichañs, | me | a raio | ivez. | |||||||
moulte | de1 | N | en.mon | avant | 3PL a | fait | et | sans.doute | moi | R1 fera | aussi | ||||||||
'Plus d'un avant moi l'a fait, et je le ferai aussi sans doute.' | |||||||||||||||||||
Léon (Bodilis), Ar Floc'h (1985:112) |
Morphologie
composition
Selon Gros (1989:'chans'), il s'agit d'une contraction de nemet chañs.
accentuation
Emichañs est accentué sur la dernière syllabe.
(2) /me'ʃãs/ , Plozévet, Goyat (2012:124)
variation dialectale
Selon Martin (1929:175), à la forme léonarde emechans correspond la forme vannetaise taul chans, et la forme cornouaillaise (Scaër, Guiscriff, Gourin) taol-chans 'sans doute'.
(3) | Emichans | ne | welot | ket | anezhañ. | |||||||||
peut-être | ne1 | verrez | pas | P.lui | ||||||||||
'Peut-être ne le verrez-vous pas.' | ||||||||||||||
Léon, Troude (1886:'peut-être') |
répartition dialectale
Il existe une concurrence sémantique avec différents adverbes épistémiques, comme moarvat 'sans doute'. A Ouessant, Gouedig (1982) signale la forme concurrente enteil, de même sens.
Syntaxe
L'adverbe emichañs, comme son synonyme moarvat, a un sens différent selon qu'il a portée sur la phrase ou pas.
Sémantique
en bord droit
En bord droit de constituant, emichañs exprime la confiance du locuteur quant à la probable véracité du constituant (cf. 'sans doute').
- Dimezet e oa emichañs, daoust ma ne oa gwalenn ebet war e viz.
- 'Il était sans doute marié, bien qu'il n'y ait aucune bague à son doigt.'
- Menard & Kadored (2001:'emichañs')
- Er c'hogn e oa ur c'hoziad, an tad emichañs.
- 'Dans le coin se tenait un vieillard, le père sans doute.'
- Menard & Kadored (2001:'emichañs')
Cette lecture ne change pas lorsque l'adverbe est en incise.
- An avel a oa, emichañs, a rae d'ar vag souzañ.
- 'C'était le vent, sans doute, qui faisait reculer le bateau.'
- Menard & Kadored (2001:'emichañs')
Dans les exemples ci-dessus, l'adverbe peut être utilisé par un écrivain pour rapporter les croyances de son personnage (voire les mettre en doute).
à l'initiale
A l'initiale de phrase, lorsque emichañs a portée sur la phrase, il exprime le souhait du locuteur quant à la véracité de ce qui suit (cf. 'j'espère').
- Emichañs e vo brav hiziv
- 'J'espère qu'il fera beau aujourd'hui.'
Menard & Kadored (2001:'emichañs')
- Emichañs n’oh ket deuet d’e gerhed da vond ganeoh!
- 'J'espère que vous n'êtes pas venu pour le prendre et l'emmener avec vous!'
- Fave (1989:110)
La tournure de style où l'écrivain suggère que lui et son personnage n'ont pas le même monde de croyances n'est plus disponible.