Ellipses

De Arbres

Il existe différents types d'ellipses en breton.

Dans les gloses ci-dessous, elles sont signalées par le signe '_[ø]_'.


Ellipse de la copule

La copule eo, utilisée dans les clivées et dans les structures équatives, peut, au temps présent, ne pas être réalisée phonologiquement (Le Bayon 1878:26§IV).


(2) hinɛrh _[ø]_ əɟɥɛlã tut me tawɛjt
hennezh eo ar gwellañ-tout 'meus tañvaet.
celui.là est le mieux-tout 1SG.ai goûté
'C'est le meilleur que j'aie goûté.' vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:14)


(3) [WH Piou an diaoul ] _[ø]_ [DP al lakepod-man ] [...] ?
qui le diable est le énergumène-ci
'Qui diable est cet énergumène?' léonard Kerrien (2000:12)


Pour mettre en évidence une structure copulative, il suffit de mettre la proposition au temps passé. La copule est alors forcée d'apparaître et porte les traits morphologiques du passé (oa). Cette stratégie n'est cependant pas possible lorsque l'ellipse est opérée sous identité avec une copule plus haute dans la structure.


(4) C’hwek eo ar garantez e-giz ar mel, ha taer _[ø]_ e-giz an tan-flamm.
délicieux est le amour comme le miel et violent comme le feu
'L'amour est délicieux comme le miel et violent comme le feu.' standard, Drezen (1990:61)


Ellipse de modal

Le Gléau (1973:42) signale des structures particulières, où des infinitives apparaissent après l'emploi de la copule tensée eo. Il note que "ces tours traduisent une évidence, puis une nécessité". Il pourrait s'agir de cas d'ellipse du modal dav.


(2) Diouzh an oberoù eo barn an dud.
selon le actes est juger le gens
KAV. (1909:10), cité dans Le Gléau (1973:42)


(3) Neket er goañv eo mont da glask bleuñv.
ne.est.pas en.le hiver est aller à chercher fleurs
BAL. (1860:172), cité dans Le Gléau (1973:42)

Ellipse du nom

Les adjectifs numéraux cardinaux, lorsque non suivis d'un nom, réfèrent par défaut au nombre correspondant des personnes humaines (Gros 1984:182).


(1) En deiz-se e oa daou _[ø]_ amañ o leinañ.
en jour- R était 2 ici à déjeuner
'Ce jour-là, il y avait deux hommes ici en train de déjeuner.' trégorrois, Gros (1984:182)


Le quantifieur kalz fonctionne aussi comme s'il comprenait une ellipse conventionnalisée de tud ('gens'). Chalm (2008:§R1.2.3) note que le quantifieur kalz peut apparaître seul, et que dans cet usage, il est associé au rannig a, signe des éléments préverbaux nominaux, et il déclenche l'accord pluriel sur le verbe kaout, 'avoir'.


(1) Kalz _[ø]_ 'zo deuet gant o c'harr-tan.
beaucoup gens? R COP venu avec leur voiture
'Beauocup sont venu.e.s en voiture.' Cap Sizun, Chalm (2008:R.1.2.3)


(2) Kalz _[ø]_ o deus kriet diwar o aon.
beaucoup gens? ont crié de leur peur
'Beaucoup ont crié de peur.' Cap Sizun, Chalm (2008:R.1.2.3)


Il existe aussi des ellipses du nom associées à des structures gelées. En (2), seul le DP indéfini un amzer, 'un temps' peut être restitué.


(2) [bødepət a mə yɛ bɛmdø a: mam belo dər labur]
bout eh eus bet _[ø]_ ha me 'yae bemdez àr ma belo d'ar labour.
être R est été un temps que 1SG allait chaque.jour sur mon vélo à le travail
'Il fut un temps où j'allais tous les jours au travail à vélo.'
bas-vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:51)


Ellipse de l'objet

(1) Setu an dud zo bet komañset da daoler _[ø]_ war ar gwinizh [...].
donc le gens est été commencé de mettre sur le blé
'Donc les gens ont commencé à mettre (ø = de l'engrais) sur le blé .' Léon, Mellouet & Pennec (2004:92).


(2) Piou e-nevoa greet _[ø]_  ?
qui 3SG-avait fait
'Qui l'a fait?' trégorrois, Gros (1970:33)


(3) wèh h,ón l'a:r _[ø]_ tén
'oac'h o vont da lavar din
étiez à1 aller à dire à.1SG
'Vous alliez me (le) dire.'
breton central, Humphreys (1995:393)

Ellipse d'argument indirect du verbe

(2) Bet out _[ø]_  ?
allé as
'Tu y es allé.e?' trégorrois, Gros (1970:33)


(1) A: - Ret eo pellgomz da Youzh Tomm
B: - OK, h'an _[da bellgomz]_ diouzhtu.
Appollo XIII vs. Gwagenn TV, 12.2008 : >1min25


Ellipse de l'adjectif

Pour insister sur le degré d'un prédicat, il peut être suivi de l'adverbe ken puis du prédicat réitéré (2). La partie non-tensée de ce prédicat réitéré peut être élidée (3).


(2) Me 'vad, emon-me, a zo nehet ken ez on nehet.
moi cependant dis-je-1SG R est inquiet autant R suis inquiet
'Moi, dis-je, je suis inquiet, je suis vraiment inquiet!' trégorrois, Gros (1984:63)


(3)a. Hennezh a zo gaouiad, ken ez eo _[ø]_
celui.là R est menteur autant R est
'Celui-là est menteur à l'extrême/ menteur comme un arracheur de dents' trégorrois, Gros (1984:50)


(3)b. A-hervez e oa droug ken e oa _[ø]_. Gros (1984:50)

'Il paraît qu'il était terriblement méchant.'


Ellipse de l'auxiliaire 'ober' + sujet

(1) Kouignal a rae ar boledoù, spiniñ _[ø]_ an divskouarn, tintal _[ø]_ ouzh an tokoù-houarn.
couiner R faisait le balles frôler le 2.oreille tinter à le chapeau-fer
'Les balles couinaient, frôlaient les oreilles, tintaient sur les casques.'
corrigé CAPES 2005. traduction de Hanotte, X. 2000. Derrière la colline, Belfond.


Dans les infinitives, on ne peut pas voir si le sujet est inclus dans l'ellipse, puisqu'il s'agirait de toute façon d'un sujet nul.


(2) trabidellañ a rae ha gweañ _[ø]_ he daouarn.
flageoler R faisait.3SG et tordre son 2]].main
'Elle flageolait et se tordait les mains.'
Treger (Kaouenneg)/standard, ar Barzhig (1976:61)


Ellipse de IP

(4) Chom a sav a rankis ober , pennglinañ _[ø]_ .
rester à debout R dus faire _ agenouiller R dus faire _
'Je dus m'arrêter, mettre un genou en terre.'
breton standard, corrigé CAPES 2005. traduction de Hanotte, X. 2000. Derrière la colline, Belfond.


'evel' + sujet

(5) N'eus netra hag a gousi an douar evel an ed _[IP ø]_ .
ne y.a rien que R souille le terre comme le blé/céréale
'Rien ne souille la terre comme la céréale (ne souille la terre).'
Dihunamb (1909:315), cité dans Le Gléau (2000:461)


Ellipse du VP

Les structures verbales peuvent ne pas être prononcées lorsqu'une structure similaire a été produite précédemment.

avec l'auxiliaire anaphorique 'ober'

Dans les cas d'ellipse du syntagme verbal, on peut remarquer que les traits de temps et de mode sont portés par l'auxiliaire ober, 'faire'. C'est alors plausiblement la forme non-tensée du verbe qui est élidée. En (1), le verbe interprété dans l'ellipse est le verbe sentiñ, 'obéir'. Son ar gument ouzh ar garreg a été évacué du syntagme verbal par mouvement focal.


(1) An hini ne sent ket ouzh ar stur, ouzh ar garreg a raio sur.
le celui ne obéit pas à le gouvernail, à le rochers R fera _[VP ø]_ sûrement
'Qui n'obéit pas à la barre obéira aux rochers.' proverbe


En (2), le sujet et sa relative sont séparés de leur verbe a ra par une proposition circonstancielle de temps. Le syntagme verbal de cette proposition circonstancielle de temps, degass un douzh o familh da labourad ba'r memes ti, est interprété comme objet élidé de l'auxiliaire ober, 'faire' de la proposition principale.


(2) Ar re 'neus ur post tu bennag,
le ceux a.3 un poste côté quelconque
pa c'hallant [ degass un douzh o familh da labourad ba'r memes ti ] , a ra _[VP ø]_
quand peuvent.3PL apporter un de leur famille à travailler dans le même maison R fait.3SG
'Ceux qui ont un emploi quelque part, lorsqu'ils peuvent faire venir quelqu'un de leur famille pour travailler dans la même maison, ils le font.'
Plourin (2000:42)


Il est intéressant de noter que le syntagme verbal élidé est alors plausiblement après l'auxiliaire tensé a ra, alors que cet ordre de mots serait illicite sans élision, car la tête verbale serait obligatoirement montée dans la tête tensée:

Ar re neus ur post tu bennak a zegas un douzh o familh da labourad ba'r memes ti.
et non pas
*Ar re neus ur post tu bennak a ra degas un douzh o familh da labourad ba'r memes ti.


Comme noté par Lasnik (2001), l'effacement phonologique d'un trait interprétable semble satisfaire à l'effacement de son trait ininterprétable correspondant.

'ken e ra'

Un cas spécial d'ellipse du VP est celui de la formule ken e ra comme en (4). La structure ken e ra est un intensifieur du prédicat, adjectif ou verbal, qu'elle modifie. Elle contient plausiblement une ellipse du prédicat qu'elle intensifie.


(4)a. Ar bugel-ze a labour ken e ra _[VP ø]_
le enfant- R travaille autant R fait
'Cet enfant travaille énormément.' trégorrois, Gros (1984:50)


(4)b. Ar paotr all a c'hoarzhe ken e(/a) ree _[VP ø]_ ; trégorrois, Gros (1984:50)

'L'autre garçon riait autant qu'il pouvait.'

Bibliographie

  • Lasnik, H. 2001. ‘A note on the EPP’, Linguistic Inquiry 32.2.