Différences entre les versions de « Egile, eben »

De Arbres
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Il s'agit au masculin d'une [[grammaticalisation]] de ''e gile'', littéralement 'son compagnon' ([[Favereau (1997)|Favereau 1997]]:137).
Il s'agit au masculin d'une [[grammaticalisation]] de ''e gile'', littéralement 'son compagnon' ([[Favereau (1997)|Favereau 1997]]:137).


[[Matasovic (2009)]] propose une racine proto-celtique en [[*]]''kēlyo-'', ''kilio-'' 'compagnon', ayant donné le vieil irlandais ''céile'' [io m], le moyen gallois ''cilit, ''kilid'' 'compagnon, autre', le moyen breton ''e-gile'', le cornique ''y-gyla'', ''e-gele''.
[[Matasovic (2009)]] propose une racine proto-celtique en [[*]]''kēlyo-'', ''kilio-'' 'compagnon', ayant donné le vieil irlandais ''céile'' [io m], le moyen gallois ''cilit, ''kilid'' 'compagnon, autre', le [[moyen breton]] ''e-gile'', le cornique ''y-gyla'', ''e-gele''.
 


=== ''eben'' ===
=== ''eben'' ===

Version du 15 janvier 2017 à 13:06

Les pronoms indéfinis eil, egile, eben correspondent au couple de pronoms 'un(e)/autre' en français ('l'une et l'autre', 'les uns pour les autres', 'l'une pour l'autre', etc.).


(1) An eil nebeud a font en egile.
le second peu R fond dans autre.M
litt. 'Chaque petit peu se fond dans l'autre.'
'Les petits ruisseaux font les grandes rivières.' Trégorrois, Gros (1984:262)


(2) Mé am euz gwéled ann eil hag ébén.
moi R ai vu le second et autre.F
'J'ai vu l'une et l'autre.' Trégorrois, (Hingant 1868:§72).


Morphologie

La carte 178 de l'ALBB documente la variation dialectale de egile, pour la traduction de 'L'un rit, l'autre pleure'.

La carte 179 de l'ALBB documente la variation dialectale de eben, pour la traduction de 'L'une rit, l'autre pleure'.


genre

L'alternance egile / eben est genrée:

au masculin an eil ... egile (litt. 'le second ... l'un') et
au féminin an eil ... eben (litt. 'le second ... l'une')


variation dialectale

La carte 179 de l'ALBB, confirmée par Favereau (1997:137), montre en vannetais une perte de la distinction genrée au profit de la forme du masculin egile, ou an arall.


accentuation

Eben est accentué sur la dernière syllabe.

(3) /i'be:n/ , Plozévet, Goyat (2012:124)


nombre

(4) maouezed peuzziwiskoc’h an eil re eget ar re all.
femmes presque.dés.habillé.plus le second ceux que le ceux autre
'des femmes presque plus dénudées les unes que les autres.'
Standard, Drezen (1990:12)


Syntaxe

Les pronoms indéfinis eil, egile, eben peuvent être utilisés seuls. Ils peuvent être modifiés par l'adjectif indéfini all, 'autre'.

 Trépos (2001:§317) cite:
 an eil: 'l'un, l'une' (à l'origine 'l'autre' comme an all)
 egile, egile all: 'l'autre (masc.) 
 eben, eben all: 'l'autre (fém.)


Eil, egile, eben sont utilisés en duo dans les tournures réciproques, d'une façon similaire à 'l'un l'autre', 'l'une à l'autre' en français.


Finalement, ils apparaissent en duo autour des conjonctions comme ha(g), 'et'; na... na, 'ni... ni', et pe:

 Trépos (2001:§317) cite:
 an eil hag egile: 'l'un et l'autre'; an eil hag eben: 'l'une et l'autre'
 an eil hag ar re all: 'les uns (les unes) et les autres'
 nag an eil nag egile: 'ni l'un ni l'autre'
 an eil pe egile, an eil pe eben: 'l'un (l'une) ou l'autre', etc.


Dans les structures de comparaison, le groupe an eil hag egile peut apparaître de façon redondante.


(3) ['kɛjd ɛ ãn 'dow ˌen ãn 'ɛil aɡi'ɡi:le ]
Keid eo an daou hent an eil hag egile.
autant.long est le deux route le second et autre.M
'Les deux routes ont la même longueur.' Plozévet, Goyat (2012:196)


(4) [ 'kemɛn nøz ˌbed ãn tɛ'jɛr xwar ãn ˌɛjl aɡ i'be:n ]
Kement ’neus bet an teir c’hoar an eil hag eben.
autant a eu le trois sœur le second et autre.F
'Les trois sœurs ont reçu autant l’une que l’autre.' Plozévet, Goyat (2012:197)


Étymologie

egile

Il s'agit au masculin d'une grammaticalisation de e gile, littéralement 'son compagnon' (Favereau 1997:137).

Matasovic (2009) propose une racine proto-celtique en *kēlyo-, kilio- 'compagnon', ayant donné le vieil irlandais céile [io m], le moyen gallois cilit, kilid 'compagnon, autre', le moyen breton e-gile, le cornique y-gyla, e-gele.


eben

Matasovic (2009) propose pour le moyen breton e-ben, 'autre', litt. 'sa femme' une racine protoindo-européenne en *gwenh2, 'femme', et proto-celtique en *benā, bena, 'femme', ayant donné le vieil irlandais [n], ben [f], mná [Gén s], le vieux gallois ben [f], le gaulois bnanom [Gén pl]. En breton moderne, on reconnaît benel, adj., 'féminin'.

Les mots apparentés sont le sanskrit jáni, gnā́, le grec gynḗ, le vieil anglais cwen, O.Pr genno, Tocharien B śana, slave ancien žena.


structure réciproque

La structure réciproque semble attestée assez tôt. Fleuriot (1997:39-41) discute de la traduction de l'expression mab i kiled, map eguile, "filius alterius", "fils de son compagnon, fils de l'autre", dans le Cartulaire de Quimperlé daté entre 1081 et 1114.


Bibliographie

  • Fleuriot, L. 1997. 'Notes lexicographiques et philologiques (langues celtiques), rééd. d'articles parus dans les Études Celtiques avec un index général établi par Gwennole Le Menn', Skol:39-41.