Dar-, dor-, tar-, tor-

De Arbres

Le préfixe dar-, ou dor-, tar-, tor- dénote la non-complétude.


(1) An delioù melen en em zistag diouz ar gwez hag a darnij en aer.
le feuille.s jaune se1 détache de le arbres et R1 vol.ette en.le air
'Les feuilles jaunes se détachent des arbres et voltigent dans l'air.'
Standard, Le Bozec (1933:28)


Kervella (1947:§879) donne:

darbar, darvout, dargreiz, darsod, dargud, darlavariad
daremprediñ, darbout (darbet), darc'haouiñ, darnijal, darlammat
tarlonkañ, tarvoal, tarroz, targos, tarlaskat


Morphologie

composition

Selon Kervella (1947:§879,880), dar- est un composé des morphèmes de- et ar-.

L'allomorphe en dar- est soutenu par l'autre préfixe atténuateur darn-.


mutation

Le préfixe dar- provoque une lénition sur sa racine.

  • dargud 'assoupissement', dargudiñ s'assoupir'
  • dargreiz 'taille, milieu du corps'
  • darvoud 'évènement', darvezout 'arriver, se produire', darvoudus 'fortuit'
  • darsod 'imbécile', darsodiñ 'faire le sot'


productivité

Le préfixe dar- est assez vivant dans les verbes de mouvement comme darnijal 'voleter', darneuial 'surnager'.


(2) An tamm soub-se a oa chomet da zarneiñ war ma c'halon.
le morceau soupe. R1 était rest.é à1 pfx.nager sur mon2 cœur
'Cette espèce de soupe m'était restée sur l'estomac.'
Trégorrois (Perros-Guirec), Konan (2017:64)


(3) Pa vez druz ar zoubenn e teu da zarneui war ar galon.
quand1 est gras le soupe R4 vient à1 pfx.nager sur le 1cœur
'Quand le bouillon est gras, il vient à surnager sur l'estomac (il écœure).'
Trégorrois, Gros (1989:'kalon')

dar- vs. tar-

Les deux formes dar- et tar- semblent être des allomorphes. Elles peuvent se trouver en alternance de manière indifférenciée.


(4) pod 'pot' darbod 'tesson' Merser (2009)
tàrbod 'pot cassé' Léonard (Ouessant), Malgorn (1909)


(5) darnijal, tarnijal, 'voleter', Favereau (1993)

darbarer, tarvarer, Kervella (1947:§879)


dar- vs. tour-

À Ouessant, Malgorn (1909) donne comme équivalents darnijal et tournijal.

dar- vs. darn-

Les initiales dar- et darn- provoquent toutes deux une lénition sur la racine et dénotent un atténuateur. Les deux préfixes dar- et darn-, d'étymologies différentes, se soutiennent mutuellement dans la langue moderne de par leur ressemblance et leurs coïncidences de sens. Sur ce site, les deux formes sont documentées séparément, mais il est possible que les deux préfixes n'en forment plus qu'un seul, indifférencié, dans certains dialectes.

Le Bayon (1878:16) considère que la forme dar- est, comme darn-, la grammaticalisation du quantifieur darn, et qu'il ne s'agit que d'un seul suffixe atténuateur. Il propose de dériver darbôd 'tête de pot' de darn pôd, et darvah 'tronçon' de darn bah. Le Bayon donne en synchronie darn- comme un allomorphe de dar- dans darnviwein 'vivoter'.


Syntaxe

Ce préfixe apparaît devant les noms, les verbes ou les adjectifs.


racine nominale

(1) tarlaezh 'un quart de lait et trois quart d'eau', Favereau (1993)

(2) tarvor 'petite marée', Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012)

(3) tarsec'henn 'eczéma', Favereau (1993)


racine verbale

(1) tarleñvañ 'pleurnicher', Favereau (1993)

(2) tarluchañ 'lorgner', Favereau (1993); 'regarder avec envie', Merser (2009)

tarlucher 'personne qui lorgne', Favereau (1993)

(3) tarlamm 'palpitation', Favereau (1993) & Merser (2009),

tarlammad palpiter', Favereau (1993)

(4) choual 'crier pour chasser un animal', tarchoual 'expulser', Favereau (1993)

(5) daremprediñ 'fréquenter, rencontrer', darempreder 'habitué', Merser (2009)


En (6), il obtient un nom.


(6) An darvoud… deus degaset kudennoù 'touesk an dud.
le pfx1.être a amen.é problème.s parmi le 1gens
'La catastrophe a causé des problèmes aux gens.'
Léonard (Landivisiau), Y. Simon (23/03/2013)


Sémantique

a-perfectif

Le sens a-perfectif du préfixe se retrouve toujours, même lorsqu'un verbe a différentes lectures.


(1) o tarlipat enezennoù diniverus
à4 moyen.lécher îles.SG.s in.nombreux
'en léchouillant d'innombrables îles'
Standard, Drezen (1932:9)


(2) tarlipad 'siroter, pourlécher', Merser (2009)


tor- vs. gou-

Vallée (1980) pour 'clôture' donne gou(r)gleuz et torgleuz.

Variation dialectale

Gros (1984:369) donne darempredi 'fréquenter', mais considère que ce préfixe remonte au vieux breton et n'est plus productif en breton trégorrois.


Diachronie

Selon Deshayes (2003:36), la forme en tar-, vient du brittonique *to-are- et la forme en dar-, du brittonique *do-are-. Il signale, pour un préfixe dar-, ou tar-, à "valeur intensive" (sic), une variante vannetaise en dor-, ou tor-.


À ne pas confondre

Le préfixe dar-, dor-, tar-, tor- n'est pas un intensifieur. Il existe un autre préfixe réalisé /tar/-, tar(v)-. Les intensifieurs en tar- pourraient plutôt provenir de ce préfixe, si on accepte qu'il ne provoque pas toujours la lénition.


(1) tarkaz 'matou' (Favereau 1993), targazh 'matou' (Menard & Bihan 2016-)

tarvezw 'bien éméché' (Favereau 1993), 'ivre-mort' (Menard & Bihan 2016-)
tarrevreg 'gros cul, enculé, lourdaud' (Favereau 1993)


Le dérivé tarvoal ('bien chauve' Favereau 1993, 'chauve' Menard & Bihan 2016-) peut venir d'une préfixation en tar(v)- dans sa lecture d'intensifieur ou d'une corruption d'un composé en tal 'front'.


Il existe un allomorphe du préfixe tre-, ter- en tar-

Il existe un préfixe darn- qui est indépendant, au moins étymologiquement, de dar-.

Un nom comme torfed 'méfait, forfait' pourrait sembler composé du nom fed 'fait' préfixé. Historiquement, il vient du composé ancien français tort + fait 'méfait' (torfait, 1160, Deshayes 2003) et le nom torfed a été emprunté en bloc.