Da

De Arbres

La préposition da est largement utilisée en breton. Il faut distinguer la préposition da qui a un contenu sémantique de la préposition da, assignatrice de cas, qui n'en a pas.

Ci-dessous, quelques notes (à étoffer largement) à propos de son usage.

Morphologie

Suivi d'une voyelle, la préposition da s'élide communément (d'ar marc'had, /P le marché/, 'au marché').


La préposition da peut apparaître avec son objet pronominal incorporé.


(2) 1SG d'eign 1PL d'emb
2SG d'id 2PL d'oh
3SGM de-hou 3PL de-hai
3SGF de-hi vannetais, XIX°
Collection de quelques prépositions ordinaires devant certains pronoms
Guillome (1836:90-91): 'à', de, d'en, d'er.

Da sémantiquement requis

destination, attribution

Trépos (2001:§594) note que da, comme la préposition evit, est un marqueur de l'attribution, l'intérêt, la destination ou le but pour le syntagme nominal qu'il prend comme objet.


(x) Ur marh koad en-oa fardet da bep hini.
DET cheval bois avait fabriqué P chaque N
'Il avait fabriqué un cheval de bois pour chacun.' Cornouailles, Trépos (2001:§594)


Kervella (1969:IX) précise le notion de destination en notant que l'usage de da est restreint aux verbes de mouvement comme

mont, 'aller', kas, 'envoyer', kerzhout, 'marcher', redek, 'courir', dougen, 'porter'...

et dans l'autre sens dont, 'venir', degas, 'apporter', deredek, 'accourir'.

Les verbes statiques comme:

arruout et degouezhout, 'arriver', bezañ, 'être' ou en em gavout, 'se trouver'...

appellent l'emploi de la préposition e."

Da déontique

La préposition da déontique sélectionne un verbe comme argument interne.

(x) Neuze e soñjas he-doa da walc'hiñ warhoaz.
alors R pensa 3SGF avait da laver demain
'Elle pensa alors qu'il lui fallait laver le lendemain.' Léon, Fave (1998:140)


Da, marque de l'expérienceur

(1) Gwellaad a ra dezañ.
améliorer R fait da.3SGM
'Il va mieux.' Léon, Fave (1998:140)


(2) Deuit tostoc'h d'an tan hag e tommo deoc'h.
venez près.plus da DET feu et R chauffera da.2PL
'Venez plus près du feu et il vous réchauffera.' Léon, Fave (1998:136)


(3) Amañ e plij d'al labourerien-douar boueta ar c'hezeg.
ici R plait P DET travailleurs-terre nourrir DET chevaux
'Ici, les paysans aiment (à) nourrir les chevaux.' Treger (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:35)

Da en grille argumentale

La préposition da peut être requise pour amener l'argument d'un adjectif, comme tost en (7). La préposition da fait alors partie de la grille argumentale de cet adjectif (tost da X).


(7) Deuit tostoc'h d'an tan hag e tommo deoc'h.
venez près.plus da DET feu et R chauffera da.2PL
'Il va mieux.' Léon, Fave (1998:136)


Da, sémantiquement vide

Dans de nombreux cas, la préposition da n'a visiblement pas de contenu sémantique en elle-même. Ces cas sont (non-exhaustivement) illustrés ci-dessous.


Da assigne un cas au sujet de son infinitive

Stump (1989), Stephens (1990), Borsley & Roberts (1996), et Jouitteau (2005/2010:chap4) considèrent que la préposition da est assignatrice de cas pour les sujets des propositions infinitives.


Fave (1998:141) note un contraste entre (1) avec da, et (2) sans la préposition. Ces faits sont prédits sous l'hypothèse que da assigne un cas au sujet d'une infinitive.


(1) Ne welan ket petra [CP [SC da PRO ober] a zo mat _ ].
NEG vois NEG quoi P sujet faire R est bien (SC)
'Je ne sais pas quoi faire (de bien)/ce qu'il est bien de faire.' Léon, Fave (1998:141)


(2) N'ouzon ket petra [CP e teuio de veza].
NEG sais NEG R viendra P être
'Je ne sais pas ce qu'il deviendra.' Léon, Fave (1998:141)

locutions verbales

Dans les locutions verbales comme kaout c'hoant, 'avoir envie' ou kaout diegi, 'avoir la flemme', la présence d'une préposition da introduisant une infinitive semble optionnelle. Cette optionalité recouvre en fait deux structures différentes, l'une qui requiert la préposition, l'autre qui l'exclut.

Comme le note Trépos (2001:§588), la présence de da devant une infinitive dépend de si l'infinitive peut être comprise comme complément du nom ou non.


 Trépos (2001:§588):
 Lorsqu'il s'agit d'une locution verbale qui contient un nom, elle est suivie directement du substantif verbal:
 
 me 'm-eus c'hoant mond da Bariz, 'j'ai envie d'aller à Paris'
 (mond est un complément du nom c'hoant);
 
 mais une préposition peut se placer entre le nom de la locution verbale et le substantif verbal:
  'm-eus c'hoant da gousked, 'j'ai envie de dormir'
 [...]
 diegi 'm-eus da vond d'az kwelout, 'j'ai la paresse d'aller te voir'


Pour certains locuteurs, la structure sans da, c'est à dire la structure où l'infinitive est complément du nom, ne peut s'utiliser qu'avec les besoins corporels (ar c'hoant kousked, staotaat...; 'envie de dormir, de pisser'...).

prépositions complexes

En (3), la préposition da sert de support à l'incorporation du pronom 3SGM, alors que la préposition a-enep a une forme fléchie qui aurait pu servir; a-eneptañ. Le même locuteur utilise par ailleurs a-eneb sans la préposition da avec un DP (4).


(3) Evid ar votadeg ez in a-eneb dezañ.
pour DET vote R irai.1SG contre da.3SGM
'J'irai contre lui aux élections.' Léon, Fave (1998:140)


(4) [ Mond a-eneb réd an dour] n'eo ket êz _ .
aller contre cours DET eau NEG est facile
'Il est difficile d'aller contre le courant.' Léon, Fave (1998:140)

autres

(2) N'ema ked ar momed da chom da gousked barz liñseliou sant Per!
NEG est NEG DET moment P rester P dormir dans draps saint Pierre
litt. 'C'est pas le moment de rester dormir dans les draps de saint Pierre!'
> 'Il fait trop froid pour dormir à la belle étoile.' Le Berre & Le Dû (1999:38)


Ci-dessous, la motivation d'insertion de la préposition da est curieuse (il se pourrait aussi qu'il s'agisse d'une coquille consistant en un effacement du verbe kaout, ce qui donnerait kaout pesked da baka).


(x) Peskedi a heller ive da baka øi, braoged dreist-oll.
poisson R peut.IMP aussi P atrapper (poisson), bar sur-tout
'On peut aussi atrapper des poissons, des bars, surtout.' Léon (Kleder), Seite (1998:9)


On trouve des cas où le verbe rankout nécessite la préposition da.


(z) Galleg eo e rankfent da zeskiñ
français est R doivent P apprendre
'C'est le français qu'ils doivent apprendre.'
standard, Kervella (1933:62)


(y) Ar Pont, gwir eo, a rankomp da weled.
Ar Pont vrai est R devons P voir
'C'est vrai, nous devons voir Ar Pont.' Léon (Kleder), Seite (1998:63)


Bibliographie

  • Jouitteau, M. 2005/2010. La syntaxe comparée du Breton, , éditions universitaires européennes, ISBN 978-613-1-52800-2. manuscrit en pdf ici ou ici.
  • Kervella, F. 1969. 'Notennou yezh, war zigarez lenn', Al Liamm 132.